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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/681/2022

ATAS/1169/2022 du 22.12.2022 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/681/2022 ATAS/1169/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2022

5ème Chambre

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à Fillinges (France), représentée par LOYCO SA

 

 

recourante

contre

 

AXA ASSURANCES SA, sise General Guisan-Strasse 40, Winterthur

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née en ______ 1978, employée par l'École Internationale de Genève en qualité d'enseignante de sport, est à ce titre assurée contre les accidents professionnels ou non auprès de AXA ASSURANCES SA (ci-après : AXA ou l’intimée).

b. Le 28 mai 2021, lors d'un match de football amateur, sur le point de courir et alors qu'elle « plantait » son pied sur le sol (déclaration de sinistre du 1er juin 2021 et questionnaire rempli par l'assurée le 5 juin 2021), elle a ressenti brutalement une vive douleur de la face antérieure du genou droit, sous la rotule, avec perception d'un craquement et d'une impotence fonctionnelle totale et immédiate (rapports de la Clinique des Grangettes des 1er et 2 juin 2021).

c. Les premiers soins ont été prodigués le jour même à la Clinique des Grangettes, où les radiographies du genou droit face/profil et l'échographie du genou ont mis en évidence une rupture subtotale du tendon patellaire à environ 1cm du bord inférieur de la patella (équivalent de rupture complète).

d. Le lendemain, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a procédé à une réinsertion trans-osseuse du tendon rotulien droit protégée par un cadre patello-tibial.

e. Dans un rapport du 16 août 2021, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de AXA, a considéré, en se référant à une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du genou droit effectuée le 18 janvier 2017 (à l'occasion d'un précédent accident) qui montrait notamment une tendinopathie fissuraire de la portion proximale du tendon rotulien, que la déchirure du tendon rotulien, qui correspondait à une lésion corporelle assimilée à un accident, était due de façon quasi exclusive (> 50%) à l'usure articulaire préexistante.

B. a. Par décision du 22 septembre 2021, AXA a refusé d'allouer des prestations à l'assurée, sur la base de l'appréciation du Dr C______, tout en spécifiant que l'événement du 28 mai 2021 ne constituait pas un accident.

b. Par courrier du 4 octobre 2021 complété le 2 novembre suivant, l'assurée, sous la plume de son mandataire, LOYCO SA, s'est opposée à cette décision, en s'appuyant sur un questionnaire signé le 1er novembre 2021 par le Dr B______, selon lequel l'assurée avait subi une avulsion traumatique complète du tendon rotulien droit, au niveau de son insertion patellaire et que la découverte fortuite d'une « lésion » dans le tendon, sur une IRM réalisée quatre ans plus tôt, ne remettait pas en cause l'origine traumatique de la rupture complète du tendon rotulien droit.

c. À l'appui de son opposition, l'assurée a également transmis à AXA un rapport du 6 décembre 2021 du docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de LOYCO SA, dans lequel celui-ci expliquait les raisons pour lesquelles il ne partageait pas l'opinion du Dr C______.

d. AXA a sollicité l'avis d'un autre médecin-conseil, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui a rendu son rapport le 17 janvier 2022 et dans lequel, en s'appuyant sur la littérature médicale, il approuvait les conclusions du Dr C______.

e. Par décision sur opposition du 1er février 2022, AXA a confirmé sa décision du 22 septembre 2021.

C. a. Par acte du 28 février 2022, l'assurée, par l'intermédiaire de son mandataire, a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre de céans, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation, à la prise en charge par l'intimée des suites de l'événement du 28 mai 2021, ainsi qu'au remboursement des frais d'instruction de CHF 250.- occasionnés par l'établissement du rapport du Dr D______ du 6 décembre 2021 (selon la note d'honoraires du 7 décembre 2021) et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimée pour mise sur pied d'une expertise indépendante auprès d'un des spécialistes qu'elle lui proposait.

b. Dans sa réponse du 27 avril 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 20 mai 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions, en produisant un rapport du Dr D______ du 8 mars 2022, et deux notes d'honoraires datées du 7 mars 2022, sous réserve que le remboursement des frais d'instruction s'élevât désormais à CHF 1'150.-.

d. Dans sa duplique du 6 juillet 2022, l'intimée a également persisté dans ses conclusions. Elle a joint un rapport du Dr C______ du 5 juillet 2022, ainsi qu'un extrait d'un article intitulé « Schadenbeurteilung am Bewegungssystem, Band 2 : Meniskus, Diskus, Bandscheiben, Labrum, Ligamente, Sehnen » par Harald HEMPFLING et Veit KRENN.

e. Dans son écriture du 17 août 2022, la recourante s'est prononcée sur ladite duplique. Elle a annexé un article intitulé « Patellar tendinopathy : diagnostic approach and functional assessment scales » par Ferran ABAT et al. in Rev Esp Artrosc Cir Articul. 2021 ; 28(3) : 171-9, et un second article intitulé « Patellar tendinopathy : diagnosis and treatment » par David FIGUEROA et al. in J Am Acad Orthop Surg 2016 ; 24 : e184-e192, sur lesquels s'était fondé le Dr D______ dans son rapport du 8 mars 2022.

f. Dans ses observations du 31 août 2022, l'intimée a maintenu sa position.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.1 En vertu de l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l'assuré ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l'organe d'exécution a son siège (al. 2).

1.2 L'employeur de la recourante, laquelle est domiciliée en France, est situé dans le canton de Genève.

Partant, la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d'espèce.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l'événement du 28 mai 2021 est survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que l'intimée a nié le droit de la recourante à des prestations pour les suites de l'événement du 28 mai 2021.

7.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

7.1 Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire, qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 3.1).

7.2 Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017), l'assurance-accidents alloue aussi ses prestations pour certaines lésions corporelles, parmi lesquelles les déchirures de tendons (cf. let. f), pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie.

7.3 Lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffre d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA ; en revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss ; arrêt 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).

7.4 Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202). Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il ne puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

7.4.1 Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accidents. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l'usure ou la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due, de manière prépondérante, à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire à plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

7.4.2 Le Tribunal fédéral ne donne pas d'indications concrètes sur la nature d'un événement initial reconnaissable mais souligne l’importance et la nécessité d’un point de rattachement temporel pour la prise en charge d’un cas par l’assurance-accidents (Jenny CASTELLA, Les lésions corporelles assimilées à un accident à l'aune de la première révision de la LAA, in RSAS 2020, p. 36).

Dans un arrêt du 30 octobre 2019 (8C_267/2019), il a admis l’existence d’un événement initial reconnaissable et identifiable, en tant que cause potentielle d’une lésion du ménisque, dans le cas d’une assurée qui a sauté pour attraper un ballon lors d’un entraînement sportif puis a entendu un craquement au niveau de son genou gauche en atterrissant (consid. 7.1 ; CASTELLA ibid.).

Dans un arrêt du 6 janvier 2022 (8C_593/2021), le Tribunal fédéral a considéré qu’un mouvement de « stop and go » effectué par un assuré qui jouait au badminton n’était pas un événement tout à fait secondaire ou anodin (consid. 5.2.3).

8.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

8.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

8.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4). 

8.2.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.         En l'espèce, le 28 mai 2021, lors d'un match de football amateur, la recourante, qui s'apprêtait à courir, a, au moment où elle a « planté » son pied sur le sol, éprouvé brutalement une vive douleur de la face antérieure du genou droit, sous la rotule (déclaration de sinistre du 1er juin 2021 ; rapport du 1er juin 2021 de la Clinique des Grangettes ; questionnaire rempli par la recourante le 5 juin 2021). Le mouvement corporel n'ayant pas été interrompu par un empêchement non programmé, lié à l'environnement extérieur (par ex. une glissade ou une chute ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.2), l'événement du 28 mai 2021 ne remplit pas les critères d’un accident au sens de l'art. 4 LPGA, ce qui est admis par les parties.

10.1 Il n'est pas non plus contesté que la recourante a subi ce jour une déchirure du tendon rotulien droit, qui fait partie des lésions corporelles visées par l'art. 6 al. 2 let. f LAA.

Il sied donc d'examiner si, comme le prétend l'intimée, il existe suffisamment d'indices qui plaident en faveur d'une étiologie maladive ou dégénérative de cette lésion, la libérant de son devoir d'allouer des prestations d'assurance en vertu de cette disposition.

10.1.1 À cet égard, l'intimée fait valoir que les appréciations de ses médecins-conseils, les Drs C______ et E______, sont probantes et qu'en l'absence d'éléments médicaux objectifs propres à mettre en doute la fiabilité de leurs conclusions convaincantes, un complément d'instruction médicale s'avère superflu. Elle souligne que la recourante est une femme sportive de 43 ans qui présentait déjà une rupture partielle du tendon rotulien sur microtraumatismes répétés, élément sine qua non de la rupture totale du tendon rotulien sur un mouvement à moyenne énergie, tout en ajoutant que l'événement à l'origine de la symptomatologie de celle-ci était un mouvement totalement banal (« pas vers l'avant »), lequel n'est pas susceptible de générer une énergie suffisante pour endommager un tendon rotulien sain.

10.1.2 La recourante expose que les rapports des médecins-conseils de l'intimée sont peu motivés et contradictoires et qu'il est déraisonnable de considérer que la rupture complète du tendon rotulien droit était imputable à plus de 50% à l'usure ou à la maladie, alors que selon le Dr D______, la tendinopathie rotulienne (dont l'existence en 2021 n'était pas établie) ne pouvait avoir joué qu'un rôle accessoire et que, d'après le Dr E______, elle avait subi le 28 mai 2021 un traumatisme à moyenne voire haute énergie, soit un événement qui n'était ni banal ni anodin.

10.1.3 Dans son rapport du 16 août 2021, le Dr C______ a considéré que, au vu de la tendinopathie rotulienne dégénérative fissuraire qui résultait de l'IRM de 2017, la déchirure du tendon rotulien survenue le 28 mai 2021 était imputable de façon quasi exclusive à l'usure articulaire préexistante. Dans son rapport du 5 juillet 2022, il a ajouté, à l'appui de ses conclusions, qu'une rupture du tendon rotulien survenait classiquement lors d'un événement violent à haute énergie cinétique (accident de ski, shoot au football). Classiquement, elle survenait chez des sportifs autour de la quarantaine. La déchirure tendineuse de la recourante, très sportive, s'était produite alors que celle-ci commençait une course normale, sans haute énergie cinétique. Cette rupture pouvait être la conséquence d'une tendinopathie patellaire, de microtraumatismes ou d'une surutilisation. Il s'agissait donc d'un mécanisme reconnu de rupture tendineuse et probablement survenu dans le cas présent.

Dans son rapport du 17 janvier 2022, le Dr E______ a indiqué que la recourante, femme sportive de 43 ans, avait souffert d'une rupture (avulsion rotulienne proximale) à la suite d'un mouvement indirect à moyenne voire haute énergie sur une lésion chronique du tendon rotulien sur microtraumatismes répétés comme le démontrait l'IRM de 2017. Il en a conclu qu'il s'agissait d'une avulsion rotulienne proximale dont l'origine maladive était supérieure à 50%. L'événement du 28 mai 2021 n'était, selon lui, pas de nature à entraîner un tel type de lésion si le tendon n'était pas atteint par la maladie préalablement.

Force est de constater qu'aux yeux des deux médecins-conseils de l'intimée, la rupture complète du tendon rotulien droit de la recourante survenue en 2021 est due, de manière prépondérante, à une tendinopathie dégénérative fissuraire de son tendon rotulien droit qui serait mise en évidence sur l'IRM de son genou droit du 18 janvier 2017 (réalisée à la suite d'un accident chute ayant eu lieu le 10 janvier 2017). Or, il ressort expressément de ce document que le caractère aigu ou chronique de cette anomalie (i.e. tendinopathie fissuraire du tendon rotulien droit dans sa portion proximale) était à corréler à l'anamnèse. En d'autres termes, et contrairement à ce que retiennent les médecins-conseil de l’intimée, ladite IRM n'a pas révélé l'existence d'une tendinopathie chronique (dégénérative). Comme le relève le Dr D______ (rapport du 6 décembre 2021), il n'est pas non plus établi que le tendon rotulien droit de la recourante présentait un caractère dégénératif au moment de l'événement du 28 mai 2021. Les radiographies du genou droit face/profil et en particulier l'échographie de ce genou effectuées ce jour n'en font pas état.

En tout état de cause, même si la rupture complète du tendon rotulien droit de la recourante s'était produite sur fond de tendinopathie chronique (sinon, selon les Drs C______ et E______, l'événement du 28 mai 2021 n'aurait pas pu causer à lui seul cette rupture), il n'en demeure pas moins qu'aucun résultat médical (imagerie) ne permet de considérer que le processus dégénératif (dont on ignore le degré d'avancement) a joué un rôle causal à plus de 50% dans l'apparition de la rupture complète du tendon rotulien droit par rapport au démarrage de course, qui est l'événement initial reconnaissable à l'origine de la douleur évoquée par la recourante le 28 mai 2021. À cet égard, il y a lieu de se fonder sur le questionnaire rempli par celle-ci le 5 juin 2021 (l'invitant à décrire l'événement en détail) pour connaître le déroulement de celui-ci. Elle y indiquait avoir ressenti la douleur au moment où elle avait « planté » son pied sur le sol au début de la course (« je me suis mise à courir »). Le Dr E______ qualifie ce mouvement indirect de moyenne ou haute énergie, contrairement à son confrère, le Dr C______. Ceci étant, dans son rapport du 8 mars 2022, le Dr D______ précise (p. 3), en se référant à la littérature médicale citée par le Dr E______ (cf. appréciation du 17 janvier 2022), que constitue un traumatisme/mouvement indirect, une contraction soudaine du quadriceps avec un genou en légère flexion (impulsion soudaine, sprint), soit un mouvement qui n'est pas bénin ou anodin. En relevant que le mouvement indirect de la recourante était de moyenne ou haute énergie, le Dr E______, lui-même, admet qu'il ne s'agissait pas d'un événement bénin ou anodin. Le Dr D______ ajoute que rien ne permet de penser que le tendon rotulien de la recourante se serait rompu sans le mouvement qu'elle avait effectué le 28 mai 2021 même dans l'hypothèse très discutable où la tendinopathie aurait été active.

Autrement dit, ces trois médecins reconnaissent que le tendon rotulien droit s'est rompu lors de l'effort exercé sur le genou. Toutefois, à défaut de connaître avec précision le degré de dégénérescence éventuel dudit tendon ainsi que la traction exercée sur le genou, les Drs C______ et E______ n'ont pas établi que la rupture du tendon rotulien droit subie par la recourante était imputable à plus de 50% de tous les facteurs en cause à une tendinopathie dégénérative qui serait préexistante. Par conséquent, leur appréciation n'emporte pas la conviction.

Eu égard à ce qui précède, il ne suffit pas, comme le fait l'intimée (duplique p. 3-6), dont les représentants sont des membres de son service juridique et non des médecins, de s'appuyer sur la littérature médicale qui fournit des explications d'ordre général pour conclure que, dans le cas concret, la rupture complète du tendon droit de la recourante était due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie.

En conséquence, la chambre de céans considère que l'intimée n'est pas parvenue à apporter la preuve libératoire, prévue par l'art. 6 al. 2 LAA, pour refuser la prise en charge de l'atteinte à la santé de la recourante.

Un renvoi du dossier à l'intimée pour complément d'instruction est inutile, dès lors qu'il est impossible de déterminer actuellement le degré de dégénérescence éventuel du tendon rotulien droit de la recourante lors de l'événement du 28 mai 2021.

11.         La recourante sollicite le remboursement des factures du Dr D______, respectivement de CHF 250.- (note d'honoraires du 7 décembre 2021), de CHF 150.- et de CHF 750.- (notes d'honoraires du 7 mars 2022), soit un montant total de CHF 1'150.-.

11.1 Selon l'art. 45 al. 1 LPGA, les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas sont pris en charge par l'assureur. Tel est notamment le cas lorsque l'état de fait médical ne peut être établi de manière concluante que sur la base de documents recueillis et produits par la personne assurée, si bien que l'on peut reprocher à l'assureur de n'avoir pas établi, en méconnaissance de la maxime inquisitoire applicable, les faits déterminants pour la solution du litige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_136/2012 du 20 août 2012 consid. 5).

11.2 En l'occurrence, pour les motifs exposés au consid. 10.1.3 ci-dessus, les appréciations des Drs C______ et E______ ne sont pas probantes et les rapports du Dr D______ ont été utiles dans la résolution du litige. Partant, les frais de ce médecin doivent être imputés à l'intimée.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision du 1er février 2022 annulée, et le dossier renvoyé à l'intimée pour le calcul des prestations dues à la recourante en relation avec la rupture complète du tendon rotulien droit consécutive à l'événement du 28 mai 2021.

13.         La recourante, représentée par un mandataire, obtenant gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée à CHF 2'000.-.

14.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 1er février 2022.

4.        Dit que la recourante a droit aux prestations de l'intimée en relation avec la rupture complète de son tendon rotulien droit résultant de l'événement du 28 mai 2021.

5.        Renvoie la cause à l'intimée pour le calcul des prestations dues à la recourante.

6.        Met les honoraires du Dr D______, pour un montant total de CHF 1'150.-, à la charge de l'intimée.

7.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

8.        Dit que la procédure est gratuite.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le