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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4346/2021

ATAS/1136/2022 du 20.12.2022 ( LCA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

N° de procédure ATAS/1136/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

 

demanderesse

 

contre

HELSANA ASSURANCES SA, sise avenue de Provence 15, LAUSANNE

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse), née le 13 avril 1966, a travaillé, dès le mois de juin 2014, en qualité de secrétaire-réceptionniste pour la fondation B______ (ci-après : l’employeur). Elle était assurée par son employeur auprès d’HELSANA ASSURANCES SA (ci-après : HELSANA ou la défenderesse) pour une assurance d’indemnité journalière en cas de maladie, soumise à la loi sur le contrat d’assurance.

b. Dès le 9 mai 2018, l’assurée a été mise en arrêt de travail (soit en incapacité de travail à 100%) pour cause de maladie par le docteur C______, médecin généraliste.

c. Le 15 mai 2018, l’employeur a annoncé le cas à HELSANA.

B. a. À la demande d’HELSANA, le Dr C______ a complété un questionnaire le 28 juin 2018. Il y a retenu les diagnostics avec effet sur la capacité de travail de burn out et de syndrome dépressif, en relation avec un conflit professionnel et un environnement de travail délétère. Il a indiqué que, dans le poste de travail actuel, l’assurée présentait une incapacité de travail de 100% depuis le 9 mai 2018 ; la reprise du travail dépendait de l’évolution. L’assurée n’était pas sous traitement, mais était suivie par le docteur D______, psychiatre.

b. L’assurée a été licenciée par son employeur le 7 août 2018, avec effet au 30 novembre 2018.

c. HELSANA a versé à l’assurée des indemnités journalières (CHF 163.79 par jour), à l’issue d’un délai de carence de 60 jours dès le début de l’incapacité de travail, le 9 mai 2018.

d. HELSANA a mandaté le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en vue de réaliser un examen psychiatrique de l’assurée. Dans son rapport du 3 septembre 2018, le Dr E______ a retenu le diagnostic de troubles de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22). S’agissant de l’historique du traitement, l’assurée avait consulté le Dr C______, son médecin généraliste, pour son incapacité de travail ; le Dr C______ avait renouvelé le certificat d’arrêt de travail à trois reprises, en dernier lieu pour une durée indéterminée, sans prescrire de traitement. L’assurée avait par ailleurs consulté à trois reprises un psychologue sous délégation du docteur F______, médecin généraliste qui semblait avoir repris les certificats médicaux. L’assurée disait avoir décidé de changer de thérapeute et avoir écrit à son ancienne psychiatre à ce sujet. S’agissant du pronostic, la probabilité d’une reprise du travail était bonne, moyennant la mise en route d’un traitement, mais il existait un risque de rechute en fonction du contexte ; une réinsertion par l’entremise de l’assurance-invalidité paraissait propre à réduire ce risque. Le Dr E______ a conclu qu’à la date de son examen, l’incapacité de travail (totale) était justifiée. Toutefois, dès le 15 septembre 2018, l’on pouvait s’attendre à une capacité de travail de 50%, puis de 100% dès le 15 octobre 2018, ce qui devait permettre une réadaptation progressive et le déploiement des effets thérapeutiques d’un éventuel traitement psychotrope thymoleptique et anxiolytique.

e. Par courrier du 10 septembre 2018, HELSANA a informé l’assurée qu’elle entendait mettre fin au versement des indemnités journalières avec effet au 1er octobre 2018. En effet, au regard notamment de l’évaluation du Dr E______, HELSANA estimait que l’intéressée serait apte à exercer à 100% son activité habituelle de secrétaire-réceptionniste dès le 1er octobre 2018. Dès cette date, il serait loisible à l’assurée de s’annoncer à l’assurance-chômage, afin d’obtenir un soutien dans la recherche d’un travail.

f. Dans un certificat daté du 15 octobre 2018 et contresigné par un psychologue, le docteur G______, psychiatre auprès de l’Institut médical de Champel, a attesté que l’assurée bénéficiait, depuis le 31 août 2018, d’un suivi psychothérapeutique auprès de l’établissement précité, à la suite d’importantes difficultés psychiques survenues dans le cadre professionnel. Sur la base des différentes évaluations effectuées dans cet établissement, le Dr G______ était d’avis que l’assurée « ne [pouvait] se rendre à son activité professionnelle ou quelque autre activité professionnelle ».

g. Le 16 octobre 2018, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI). Elle y a invoqué un burn out, ainsi qu’une réaction mixte anxieuse et dépressive.

h. Dans deux premiers certificats datés des 4 octobre et 2 novembre 2018, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’une capacité de travail nulle, pour une durée indéterminée.

i. Dans un troisième certificat, daté du 15 novembre 2018, le Dr H______ a indiqué que, dès le 1er décembre 2018, l’on pouvait s’attendre à une capacité de travail de 100%.

j. Le 3 décembre 2018, l’assurée s’est inscrite au chômage et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur. Selon ses décomptes d’indemnités de chômage, entre janvier et mi-février 2019, l’assurée a perçu 50 indemnités journalières et subi 22 jours d’arrêt de travail pour cause de maladie. Par la suite, entre les mois de mars 2019 et mars 2020, l’assurée a été mise au bénéfice de prestations cantonales en cas de maladie (PCM), versées par l’office cantonal de l’emploi.

k. À la demande de l’OAI, le Dr H______ a complété un questionnaire le 9 décembre 2018, dans lequel il a confirmé le diagnostic de dépression récurrente, épisode moyen avec symptôme somatique, tout en précisant que l’épisode dépressif était en « rémission partielle ». À la question de savoir quelle était la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle et depuis quand, il a répondu : « reprise à 100% dès le 1er décembre 2018 => chômage ».

l. Du 24 janvier au 13 février 2019, l’assurée a séjourné à la Clinique de Montana. Selon la lettre de sortie de cet établissement, le motif de l’hospitalisation était un « soutien psychologique », un « éloignement des facteurs de risques » et une « renutrition ». L’assurée s’est vue diagnostiquer un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (diagnostic principal), associé à diverses comorbidités, singulièrement des troubles anxio-dépressifs, une migraine, des troubles du comportement alimentaire et une maladie de Hashimoto. L’assurée déplorait avoir subi un burn out au travail, suivi d’un licenciement au bout de 90 jours d’arrêt maladie. Elle présentait actuellement un épisode dépressif majeur, associé à des troubles anxieux. Elle décrivait également une sensation d’émoussement émotionnel en lien avec la prise de paroxétine, ainsi que des céphalées et des cervicalgies. Le soutien médico-infirmier régulier, ainsi que l’écoute active de la psychologue avaient contribué à diminuer les angoisses et à améliorer la thymie. L’assurée s’était bien impliquée dans le suivi et était rentrée à domicile le 13 février 2019.

m. Dans un bref rapport adressé à l’OAI le 19 février 2019, le docteur I______, spécialiste FMH en neurologie, a indiqué que l’assurée l’avait consulté dès le 20 septembre 2018, en raison d’une céphalée bifrontale quotidienne, sans photophobie ou phonophobie. L’IRM cérébrale n’avait révélé que quelques hypersignaux d’origine possiblement vasculaire (patiente fumeuse). Au plan neurologique, le diagnostic était celui de céphalée de tension, auquel s’ajoutait celui d’état dépressif, dans le cadre d’un épuisement professionnel. L’assurée était actuellement en incapacité de travail à 100% et son pronostic était réservé. Sous l’angle strictement neurologique, la capacité de travail était nulle depuis le 13 février 2019. Toutefois, dans un environnement protecteur et bienveillant, le Dr JAUSLIN estimait que la capacité de travail « pourrait être de 50% ».

n. Par la suite, le Dr I______ a émis divers certificats prolongeant l’arrêt de travail à 100% pour « raisons médicales » jusqu’au 25 septembre 2020.

o. À la demande de l’OAI, le docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie – qui apparaît avoir été psychiatre traitant pendant un certain temps –, a complété un questionnaire, qu’il a retourné à l’OAI le 31 mai 2019. Il y a retenu les diagnostics incapacitants de dépression récurrente, avec anxiété et impulsivité latentes, et de « personnalité évitante à traits de dépendance ». L’état de santé était stationnaire depuis janvier 2019 et paraissait peu susceptible d’amélioration sans traitement médicamenteux (anxiolytiques à la demande). Par ailleurs, en réponse à une question portant sur les « ressources » de l’assurée, le Dr J______ a fait état d’un isolement, d’un soutien très réduit, d’une absence de réseau social, d’une attitude de repli et d’une faible motivation à la communication. Il a conclu à une capacité de travail nulle (0%) dans l’activité antérieure de secrétaire-téléphoniste. Dans une activité adaptée, autre que la profession de secrétaire-téléphoniste et qui serait exercée "dans un cadre apaisant et protecteur », par exemple en qualité de nutritionniste, la capacité de travail était estimée à 50% dès l’obtention éventuelle, en 2020, du diplôme de nutritionniste.

p. L’OAI a diligenté une expertise auprès du docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, professeur et ancien médecin chef de service au département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Dans son rapport du 8 décembre 2019, l’expert a retenu le diagnostic avec effet sur la capacité de travail de trouble de la personnalité dépendante depuis 2018 (F60.7). Il a également mentionné l’existence, également depuis 2018, d’un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.3), dont il a précisé qu’il était sans répercussion sur la capacité de travail. À l’issue de son appréciation, l’expert est parvenu à la conclusion que, dans la profession antérieure, la capacité de travail était nulle. En revanche, dans une activité adaptée – exercée dans un milieu bienveillant, peu stressant et mettant en exergue ses bonnes capacités relationnelles – l’assurée bénéficiait actuellement d’une capacité de travail de 50%, taux qui devait augmenter à 100%, au plus tard dans les six à huit mois. Un retour de l’assurée vers le monde du travail ne pouvait s’envisager que progressivement, compte tenu de sa vulnérabilité à la critique et de sa propension à être déstabilisée par les conflits, même lorsque ceux-ci ne la concernaient pas.

q. Dans un rapport adressé à l’OAI le 30 janvier 2020, le docteur L______, psychiatre et psychothérapeute FMH, qui suit l’assurée depuis le 25 octobre 2019, a notamment fait état d’un trouble de l’humeur récurrent, épisode actuel sévère (F33.2). L’assurée présentait un manque d’énergie, de concentration, de motivation, un « brouillard », une très importante fatigue et une tension. Il a conclu à une capacité de travail nulle, depuis le 9 mai 2018, dans la profession de secrétaire-réceptionniste. Depuis le mois de septembre 2019, l’assurée avait tenté de se former comme nutritionniste, mais pour l’heure, cette tentative de réinsertion s’avérait être un échec. Les examens finaux étaient prévus en décembre 2020. L’évolution de l’état de santé était globalement stationnaire depuis le début de sa prise en charge, le 25 octobre 2019, mais avec des « fluctuations invalidantes » de la fatigue et des angoisses.

r. Dans un rapport daté du 11 mai 2020, le docteur M______, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), s’est rallié aux conclusions de l’expertise du Dr K______ et a retenu que l’assurée présentait une capacité de travail nulle dans son activité antérieure (ou toute autre) depuis le 9 mai 2018. Dès le mois de janvier 2020, elle disposait d’une capacité de travail de 50% dans une profession adaptée, lui permettant d’éviter les travaux de nuit et l’exposition à de hauts niveaux de stress, ainsi que de répartir son travail « harmonieusement » sur les 5 jours ouvrables. Une révision était proposée en mai 2021, soit une année plus tard.

s. Par décision entrée en force du 20 août 2020, l’OAI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai 2019 au 30 mars 2020 (fondée sur un degré d’invalidité de 100%), puis un quart de rente d’invalidité dès le 1er avril 2020, basé sur un taux d’invalidité de 40% du fait d'un statut mixte, pondéré à 80 % pour l'activité professionnelle et 20 % pour les travaux habituels (ou tâches ménagères).

t. Le 22 septembre 2020, l’assurée, alors représentée par l’ASSOCIATION SUISSE DES ASSURÉS, a requis d’HELSANA le versement des indemnités perte de gain rétroactivement dès le 1er décembre 2018. Elle a fait valoir que, selon le dossier d’HELSANA (dont elle avait récemment requis l’édition), cette assurance avait mis fin au versement des indemnités sur la seule base d’un avis médical rendu en septembre 2018 par le Dr E______. Or, elle demeurait en arrêt de travail à 100%, comme en témoignaient divers certificats annexés à son courrier. En outre, le 20 août 2020, elle s’était vue notifier une décision de l’assurance-invalidité jugeant sa capacité de travail « considérablement restreinte » depuis le 9 mai 2018 et lui reconnaissant un degré d’invalidité de 100% du 1er mai 2019 au 30 mars 2020, puis de 40% dès le 1er avril 2020. L’assurée a notamment joint copie de la décision de l’assurance-invalidité du 20 août 2020, ainsi que divers certificats d’incapacité de travail (à 100%) émanant respectivement :

-          pour la période du 9 mai au 27 juin 2018, puis dès le 27 juin 2018 (pour une durée indéterminée), du Dr C______ ;

-          pour la période du 25 juillet au 9 septembre 2018, du Dr F______ ;

-          pour la période dès le 31 août 2018, date du début d’un suivi psychothérapeutique à l’Institut médical de Champel, du Dr G______ ;

-          pour la période du 8 septembre 2018 au 30 novembre 2018, du Dr H______ ;

-          pour la période du 24 janvier 2019 (date de l’hospitalisation de l’assurée à la Clinique de Montana) au 13 février 2019 (date de son retour à domicile), des docteurs N______ et O______ ;

-          pour la période du 1er juillet au 31 août 2019, du Dr J______ ;

-          pour la période du 13 février 2019 au 25 septembre 2020, du Dr I______.

u. Invité à se déterminer sur les certificats produits par l’assurée, le médecin-conseil d’HELSANA, le docteur P______, spécialiste FMH en médecine interne, a répondu dans une (très) brève appréciation datée du 18 décembre 2020 : « maintien du refus. Impossible de réévaluer la situation deux ans après la décision ».

v. Dans un courrier adressé à l’assurée le 18 décembre 2020, HELSANA a fait savoir qu’elle maintenait sa « décision » du 10 septembre 2018 mettant fin au versement des indemnités journalières, au motif que, selon son médecin-conseil, l’assurée n’avait apporté « aucun élément nouveau et pertinent du point de vue médical pouvant avoir une influence sur [son] incapacité de travail ».

w. Par courrier du 5 février 2021, l’assurée a invité derechef HELSANA à reprendre le versement des indemnités journalières dès le 1er décembre 2018 et jusqu’au 7 juillet 2020, avec intérêts à 5%, ce qui correspondait à un solde d’indemnités de CHF 100'600.-, dont il convenait de déduire un montant (de CHF 28'271.-) correspondant aux prestations reçues d’autres assurances pendant la période correspondante (rentes de l’assurance-invalidité perçues entre mai 2019 et juillet 2020, ainsi que sommes versées par l’Hospice général et « PCM » versées par l’État de Genève).

x. Par pli du 15 février 2021, HELSANA a signifié à l’assurée qu’elle confirmait derechef le terme des prestations au 30 novembre 2018, relevant que le Dr H______, dans son certificat du 15 novembre 2018, avait attesté du recouvrement d’une pleine capacité de travail dès le 1er décembre 2018. En outre, pour la période du 1er au 31 décembre 2018, l’assurée n’avait pas produit de certificat d’arrêt de travail.

y. Par pli du 4 mars 2021, l’assurée a rétorqué qu’elle avait mis fin à son suivi avec le Dr H______ en novembre 2018, comme cela ressortait de l’expertise diligentée par l’OAI auprès du Dr K______, et que, dès le mois de décembre 2018, elle avait été suivie par Monsieur Q______, psychothérapeute auprès du centre médical de Champel, ainsi que par le docteur R______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, lequel lui avait prescrit un arrêt maladie du 1er décembre 2018 au 24 janvier 2019. C’était donc à tort qu’HELSANA affirmait qu’elle avait recouvré sa pleine capacité de travail dès le 1er décembre 2018. De surcroît, le psychiatre qu’elle consultait depuis le mois d’octobre 2019, soit le Dr L______, avait fait état, dans l’anamnèse de son rapport du 30 janvier 2020 d’un « arrêt de travail complet jusqu’à aujourd’hui ». L’assurée a joint copie d’un extrait de l’expertise mise en œuvre par l’assurance-invalidité et d’un certificat du Dr R______, attestant qu’il s’était entretenu à plusieurs reprises avec l’assurée et lui avait prescrit un arrêt maladie du 1er décembre 2018 au 24 janvier 2019, date de son admission à la Clinique de Montana.

z. Après avoir consulté le dossier de l’assurée auprès de l’OAI, HELSANA, par courrier du 2 juillet 2021, a répondu qu’à son sens, le certificat du Dr R______ n’avait pas de valeur probante. En effet, ce médecin n’apparaissait pas dans les pièces du dossier de l’OAI, ni dans l’expertise du Dr K______, où il était mentionné un suivi de décembre 2018 à janvier 2019 par M. Q______, du Centre médical de Champel. Par ailleurs, l’expertise du Dr K______ « répétait » l’entière capacité de travail retenue par le Dr H______, et la décision de l’OAI se limitait à retenir une capacité de travail « considérablement restreinte » depuis le mois de mai 2018. Étant donné qu’au 1er décembre 2018 – soit au lendemain de la fin des rapports de travail –, l’assurée était pleinement capable de travailler, selon le Dr H______ et le Dr E______, il convenait d’admettre qu’elle était sortie du cercle des personnes assurées et que toute incapacité de travail postérieure n’était pas couverte.

C. a. Par acte du 28 décembre 2021, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’une demande à l’encontre d’HELSANA. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce qu’il soit dit qu’elle avait droit à des indemnités perte de gain maladie au-delà du 30 novembre 2018 et à ce qu’HELSANA soit condamnée à lui verser la somme de CHF 100'429.-, correspondant aux indemnités journalières dues depuis le 1er décembre 2018 et majorées d’un intérêt de 5% l’an, sous déduction d’une somme de CHF 36'275.70 (correspondant aux rentes AI perçues de mars 2019 à juillet 2020, aux indemnités de chômage perçues de décembre 2018 à février 2019 et aux « sommes versées par l’Hospice général et [aux] prestations PCM de l’État de Genève »).

b. Par plis du 3 janvier 2022, la CJCAS a invité la défenderesse à déposer sa réponse. Elle a également demandé aux parties si celles-ci sollicitaient la tenue d’une audience de débats.

c. Le 6 janvier 2022, la demanderesse a répondu ne pas solliciter une audience de débats.

d. Dans sa réponse du 25 février 2022, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens, tout en précisant qu’elle ne sollicitait pas la tenue d’une audience de débats. À l’appui de sa réponse, la défenderesse a produit une « appréciation médicale spécialisée », établie sur dossier le 23 février 2022 par la doctoresse S______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

e. La demanderesse a répliqué le 2 mai 2022, persistant dans ses conclusions.

f. La défenderesse a dupliqué le 7 juillet 2022, en précisant qu’elle renonçait à formuler de nouvelles allégations de fait, qu’elle se référait pour le surplus à sa réponse, et qu’une « très éventuelle condamnation à verser des indemnités serait évidemment sous réserve de surindemnisation avec l’AI ».

g. Par écriture du 28 juillet 2022, la demanderesse a persisté dans les conclusions de sa demande.

Cette écriture a été transmise à la défenderesse, pour information, puis la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

En l’espèce, l’assurance en cause dans le litige déféré à la chambre de céans est une assurance perte de gain en cas de maladie soumise à la LCA, comme cela ressort de la police d’assurance conclue par B______.

La chambre de céans est donc compétente à raison de la matière pour statuer sur la demande.

1.2 S'agissant de la compétence à raison du lieu, l'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l'entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l'art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d'une élection de for écrite.

L'art. 38 des conditions générales d’assurance (ci-après : CGA) de la défenderesse prescrit que, pour toutes les actions relatives au contrat d’assurance, sont compétents au choix les tribunaux du domicile suisse du preneur d’assurance ou de l’ayant droit.

En l'occurrence, la demanderesse (et ayant droit) étant domiciliée dans le canton de Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la demande.

1.3 Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l'art. 59 CPC, de sorte qu'elle est recevable.

2.             Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), comme c'est le cas dans le canton de Genève (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

 

3.              

3.1 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

3.2 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

La partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

3.3 La preuve de la survenance d'un sinistre et de l'étendue de la prétention incombe à son prétendu ayant droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2008 du 8 juillet 2008 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_73/2007 du 12 mars 2008 consid. 2.2 ; ATAS/325/2019 du 15 avril 2019 consid. 9).

En ce qui concerne la survenance d'un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte) (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve cependant la possibilité d'apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

Cependant, par un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2021 du 31 août 2021 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.3.1). Cette précision de jurisprudence concerne le droit matériel et est donc directement applicable (ATF 146 I 105 consid. 5.2.1 ; ATF 140 IV 154 consid. 5.2.1), y compris au présent litige.

3.4 En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a); les titres (let. b); l’inspection (let. c); l’expertise (let. d); les renseignements écrits (let. e); l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5). Les déclarations orales d'un expert privé entendu comme témoin ne sauraient conférer une valeur de preuve aux allégations contenues dans son rapport (arrêt du Tribunal fédéral 5D_59/2018 du 31 août 2018 consid. 4.2.3 et les références).

4.2 Lorsqu’une expertise administrative ou judiciaire a été réalisée dans une autre procédure, elle doit néanmoins se voir reconnaître une force probante identique à celle d’une expertise ordonnée par le juge civil au sens du CPC ; cela pour autant toutefois qu’elle ait été réalisée dans le respect des principes jurisprudentiels applicables notamment en matière de droit d’être entendu des parties (ATF 140 III 24 consid. 3.3.1.3; ATAS/700/2021 du 29 juin 2021 consid. 13 ; ATAS/540/2019 du 17 juin 2019 consid. 6b ; ATAS/334/2019 du 12 avril 2019 consid. 8).

4.3 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2). En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Par ailleurs, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2012 consid. 7.1).

5.             La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

La capacité de travail réellement exigible doit, à tout le moins en assurance-invalidité, être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Le diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49 consid. 1.2).

6.             La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2).

Dans le cas d’espèce, la police d’assurance perte de gain conclue – en 2015 – par l’employeur auprès de la défenderesse prévoit le versement d’une indemnité journalière pour le personnel en cas de maladie, à hauteur de 90 % du salaire « effectif » durant 730 jours, après un délai d’attente de 60 jours.

Selon l’édition 2014 des CGA, à laquelle renvoie la police d’assurance, on entend par maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical, ou provoque une incapacité de travail (art. 3.1 CGA).

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être raisonnablement exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 3.4 CGA).

S’agissant des personnes assurées qui, à la fin de l’assurance, sont frappées d’une incapacité de travail ou d’une incapacité de gain, le droit aux prestations pour le cas en cours est maintenu dans le cadre des dispositions contractuelles (prestation complémentaire). Le droit à la prestation complémentaire s’éteint lorsque la personne assurée recouvre sa pleine capacité de travail (art. 9.4 CGA).

L’art. 9.5 des CGA précise que la prestation complémentaire selon le ch. 9.4 n’est pas applicable : si le contrat est repris par un autre assureur qui, en vertu d’un accord de libre passage, doit poursuivre les versements au titre des indemnités journalières (let. a) ; si le contrat de travail a été résilié pendant la période d’essai (let.b) ; s’il s’agissait d’un contrat de travail de durée limitée (let. c) ; en cas de rechute selon le ch. 17.2 (let. d).

L’obligation de verser des prestations commence après écoulement du délai d’attente mentionné dans la police. Ce délai d’attente commence le premier jour de l’incapacité attestée médicalement, au plus tôt cependant 5 jours avant le début du traitement médical (art. 15.1 CGA).

L’assureur verse l’indemnités journalière par cas de prestations, mais au plus pendant la durée des prestations mentionnées dans la police d’assurance, moins le délai d’attente convenu. Les jours d’incapacité de travail partielle sont considérés comme jours entiers (art. 17.1 CGA).

La réapparition d’une maladie ou des suites d’un accident est considérée comme un nouveau cas de prestations du point de vue de la durée des prestations et du délai d’attente si la personne assurée n’a pas subi d’incapacité de travail ou fait l’objet d’un traitement médical du fait de cette maladie [ ] durant 365 jours consécutifs. En cas de rechute dans les 365 jours, le délai d’attente déjà entamé est supprimé et les indemnités journalières déjà octroyées sont prises en compte pour le calcul de la durée maximale des prestations (art. 17.2 CGA).

7.             En substance, la demanderesse conteste la valeur probante du rapport du Dr E______, médecin-conseil de la défenderesse, sur la base duquel cette dernière a mis fin à ses prestations avec effet au 30 novembre 2018, arguant que ce document s’avère contradictoire avec pratiquement tous les autres rapports versés au dossier. Elle conteste également la valeur probante de l’avis de la Dresse S______ – au titre médecin-conseil de la défenderesse –, produit par cette dernière à l’appui de sa réponse, qui repose selon elle sur une anamnèse incomplète. Elle rappelle que l’expert mandaté par l’assurance-invalidité, le Dr K______, lui a diagnostiqué un trouble de la personnalité dépendante (F60.7) et un trouble anxieux dépressif mixte (F41.3) dès le mois de mai 2018, et qu’il a conclu à une capacité de travail nulle (0%) dans l’activité professionnelle exercée jusqu’alors. Sur cette base, l’assurance-invalidité lui a reconnu une incapacité de travail durable et ininterrompue depuis le 9 mai 2018, sur la base d’un degré d'invalidité de 100% entre le 1er mai 2018 et le 31 décembre 2019, puis sur la base d'un degré d'invalidité de 50 %. Selon la demanderesse, les certificats et rapports établis par le Dr H______ les 15 novembre et 9 décembre 2018, se prononçant en faveur d’une reprise professionnelle à 100% dès le mois de décembre 2018, ne sont pas probants, car ce médecin retenait alors un diagnostic de dépression récurrente, épisode actuel moyen avec symptômes somatiques, ainsi que des limitations fonctionnelles (troubles exécutifs, faible résistance au stress) ; de surcroît, à teneur desdits rapports du Dr H______, le « chômage » est la « cause » pour laquelle ce psychiatre a préconisé une reprise professionnelle, de sorte que son appréciation ne repose sur aucun substrat médical. Les certificats et rapports précités du Dr H______ entrent de surcroît en contradiction avec l’incapacité de travail déterminée par ce même médecin dans un certificat antérieur (du 2 novembre 2018). Étant donné que, du 1er décembre 2018 au 24 janvier 2019, elle s’est vue prescrire des certificats d’arrêt de travail par un autre psychiatre, le Dr R______, c’est à tort qu’HELSANA a mis fin aux prestations avec effet au 30 novembre 2018. Par la suite, du 24 janvier au 13 février 2019 elle a séjourné à la Clinique de Montana, où il lui a été diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen.

De son côté, la défenderesse rétorque, pour l’essentiel, que le rapport rédigé par son médecin-conseil, le Dr E______, est probant et émane d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Le Dr E______ a établi un pronostic de reprise du travail dans la profession antérieure à 100% dès le 15 octobre 2018. L’ancien psychiatre traitant de la demanderesse, le Dr H______, a confirmé une reprise du travail dès le 1er décembre 2018, modifiant ainsi la date de la reprise par rapport au pronostic « trop optimiste » du Dr E______. Cette pleine capacité de travail a ensuite été confirmée par la Dresse S______, autre médecin-conseil et spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. La défenderesse ajoute qu’entre le 3 décembre 2018 et la mi-février 2019, la demanderesse s’est vue accorder 50 indemnités de chômage et s’est trouvée en arrêt maladie pendant 22 jours, ce qui démontre, à son sens, que la demanderesse aurait alors été en mesure d’accepter un travail convenable. Par ailleurs, la défenderesse est d’avis que l’expertise diligentée par l’assurance-invalidité ne peut se voir reconnaitre une valeur probante en ce qui concerne la période courant depuis décembre 2018, l’expert mandaté par cette assurance n’ayant pas étudié précisément la question de la capacité de travail pour ladite période. S’agissant du certificat rédigé le 1er mars 2021 par le Dr R______, la défenderesse relève notamment qu’il a été établi de façon rétroactive et que le Dr R______ n’a pas étayé son désaccord avec les médecins-conseils. La défenderesse soutient que le rapport du Dr L______ du 30 janvier 2020 n’est pas probant non plus en ce qui concerne « la période du mois de décembre 2018 », car ce médecin n’a pas davantage confronté son avis à celui de ses confrères. La défenderesse estime avoir considéré à bon droit que, dès le mois de décembre 2018, la demanderesse était pleinement capable de travailler et qu’elle était sortie du contrat collectif (au 30 novembre 2018). Elle déduit de ses conditions générales (art. 9.4 et 9.5 des CGA) qu’elle n’a pas à verser la moindre « prestation complémentaire », ni à prendre en charge une quelconque rechute de l’incapacité de travail pour des causes psychiques.

8.             À titre liminaire, la chambre de céans observe qu’il ressort d’un tableau « récapitulatif des prestations indemnités journalières » (cf. pièce 10 du chargé de pièces de la demanderesse) que la défenderesse a pris en charge l’incapacité de travail de la demanderesse du 9 mai au 30 novembre 2018, soit pendant 206 jours, après imputation du délai d’attente de 60 jours. On précisera que, selon le ch. 17.1 des CGA, le délai d’attente de 60 jours doit être déduit de la durée des prestations de 730 jours prévue par la police d’assurance.

Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse (cf. p. 23 du mémoire de demande), laquelle a apparemment omis de tenir compte dans son calcul de l’imputation du délai d’attente de 60 jours, le solde d’indemnités journalières demeurant litigieux correspond, tout au plus, à 524 indemnités journalières et non à 584 (730 jours – 206 jours [y compris 60 jours de délai d'attente] = 524 jours). L’éventuel droit aux 730 indemnités journalières se terminerait donc le 7 mai 2020 (du 1er au 31 décembre 2018 : 31 jours ; année 2019 : 365 jours ; du 1er janvier au 7 mai 2020 : 128 jours).

À la lumière des pièces versées au dossier, il convient d’examiner si la persistance d’une incapacité de travail affectant la demanderesse doit être considérée comme prouvée en ce qui concerne la période restant litigieuse, soit celle du 1er décembre 2018 au 7 mai 2020. D’emblée, on précisera que la demanderesse, qui fait valoir une prétention à l’encontre de la défenderesse, supporte le fardeau de la preuve de son incapacité de travail.

9.              

9.1  

9.1.1 Afin de démontrer la persistance d’une incapacité de travail durant la période litigieuse, du 1er décembre 2018 au 7 mai 2020, la demanderesse a versé à la procédure une expertise réalisée à la demande de l’OAI par le Dr K______, ainsi que de nombreux rapports et certificats émanant des médecins qu’elle a consultés.

9.1.2 Dans son rapport du 8 décembre 2019, le Dr K______ a notamment exposé que le dernier emploi qu’avait occupé l’assurée auprès de B______ s’était révélé catastrophique, en raison d’une ambiance de travail décrite comme délétère. L’intéressée mentionnait avoir assisté à des scènes de mobbing et aux départs de multiples collaborateurs. Elle avait initialement cru être épargnée par ce contexte très conflictuel, pour finalement succomber à un burn out en 2016 et 2018.

À partir de 2018, les traits de personnalité dépendante de l’intéressée avaient progressé pour prendre le caractère d’un trouble, décrit de façon quasiment livresque (sentiments d’impuissance et d’incompétence, soumission passive à la volonté d’autrui, manque d’énergie, isolement et tendance à se replier à domicile). La symptomatologie dépressive, décrite comme moyenne en mai 2019, était actuellement « sous-syndromique » et correspondait actuellement à un trouble anxieux et dépressif mixte non « invalidant ». L’expert jugeait les ressources personnelles limitées, eu égard à une raréfaction des relations et donc à un repli sur soi, ainsi qu’à une crainte des engagements ; l’intéressée conservait son humour, une perception fine des enjeux relationnels et la volonté d’éviter une chronicisation de son état. D’un point de vue assécurologique et contrairement à la symptomatologie dépressive et anxieuse, le trouble de la personnalité était jugé incapacitant en milieu ordinaire, la réinsertion dans un milieu compétitif paraissant illusoire (vu la vulnérabilité à la critique de l’intéressée, ainsi que ses difficultés à prendre des décisions, à se situer dans les conflits, mais également sa fatigabilité accrue et son sentiment d’insuffisance existentielle). L’expert a précisé qu’il ne décelait aucun problème de cohérence dans le cas particulier ; la symptomatologie incluait une dimension liée au trouble de la personnalité et une autre, actuellement mineure, aux symptômes dépressifs et anxieux. L’évolution de la thymie était positive, mais se faisait au prix d’un repli (social) avec appauvrissement des liens externes. Un retour vers le monde du travail devait se faire progressivement, compte tenu de la vulnérabilité à la critique de l’assurée et sa propension à être profondément déstabilisée par les conflits. S’agissant du traitement, l’expert suggérait d’orienter le suivi psychothérapeutique sur le trouble de la personnalité dépendante, dans la perspective d’une amélioration de la prise de décision et d’une protection de l’équilibre psychique (évitement de la soumission, propre à favoriser la décompensation thymique).

Sous le chapitre « interaction des diagnostics », l’expert a rappelé que l’assurée, qui présentait des traits de personnalité dépendante depuis le début de l’âge adulte (insécurité, vulnérabilité à la critique et recherche de l’acceptation au prix d’une souffrance significative), avait brutalement décompensé en 2018, lors de la perte de son emploi dans un univers conflictuel. La symptomatologie anxieuse et dépressive, ayant caractérisé la période ayant suivi l’arrêt de travail, était à ce jour limitée et compatible avec un trouble anxieux et dépressif mixte, de sorte que ces symptômes thymiques n’étaient actuellement pas invalidants (leur ampleur étant limitée en-dehors du monde du travail). À l’issue de son appréciation, l’expert est parvenu à la conclusion que, dans l’activité antérieure, la capacité de travail était nulle. En revanche, dans une profession adaptée – exercée dans un milieu bienveillant, peu stressant et mettant en évidence ses bonnes capacités relationnelles – l’assurée bénéficiait actuellement d’une capacité de travail de 50%, taux qui devait augmenter à 100%, au plus tard dans les six à huit mois.

Le SMR – à l’avis duquel l’OAI s’est rallié – a déduit de l’expertise précitée que la demanderesse avait présenté une capacité de travail nulle dans toute activité depuis le 9 mai 2018. Dès le mois de janvier 2020, la demanderesse disposait d’une capacité de travail de 50% dans une profession adaptée, lui permettant d’éviter les travaux de nuit et l’exposition à de hauts niveaux de stress, ainsi que de répartir son travail « harmonieusement » sur les 5 jours ouvrables (cf. rapport du Dr M______ du 11 mai 2020). L’OAI a donc retenu, dans sa décision entrée en force du 20 août 2020, qu’à l’issue du délai de carence d’un an, au 9 mai 2019, la demanderesse présentait un degré d’invalidité de 100%, ouvrant le droit à une rente entière. Depuis le mois de janvier 2020, la demanderesse avait recouvré une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée, ce dont il résultait un degré d’invalidité de 40% qui lui donnait droit à un quart de rente dès le 1er avril 2020 (trois mois après l’amélioration de son état de santé).

9.1.3 D’emblée, la chambre de céans observe que le rapport d’expertise du Dr K______ du 8 décembre 2019 a été réalisé sur mandat d’une autorité administrative dans une procédure concernant des prestations relevant de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20). Une telle expertise administrative doit se voir reconnaître une force probante identique à celle d’une expertise ordonnée par le juge civil, si elle remplit les exigences jurisprudentielles applicables en la matière (cf. consid. 4.2 supra et les références).

À cet égard, la chambre de céans constate que le rapport du Dr K______ remplit prima facie les exigences susmentionnées, notamment sur le plan formel. En effet, il se fonde sur l’anamnèse et sur un examen clinique de l’assurée et retient des diagnostics qui s’appuient les critères d’une classification reconnue, à savoir tout d’abord celui de trouble de la personnalité dépendante depuis 2018 (F60.7), dont l’expert a jugé qu’il se répercutait sur la capacité de travail. L’expert a également mentionné l’existence d’un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.3), sans répercussion sur la capacité de travail.

La chambre de céans n’a pas de raison de s’écarter de l’appréciation de la capacité de travail effectuée, sur la base de l’expertise, par le SMR et l’OAI. À l’instar du SMR (cf. rapport du Dr M______ du 11 mai 2020), on peut effectivement déduire de l’expertise que c’est depuis le burn out intervenu en (mai) 2018 que les traits de personnalité dépendante se sont exacerbés jusqu’à atteindre, selon l’expert, le caractère d’un trouble incapacitant (et, partant, entraîner une totale incapacité de travail, y compris dans la profession antérieure, de secrétaire-réceptionniste). Dans ce contexte, c’est à tort que la défenderesse prétend que l’OAI a justifié l’octroi d’une rente entière à partir de mai 2019, soit une année plus tard, « en mentionnant simplement que la capacité de travail de l’assurée [était] considérablement restreinte, sans s’attarder sur des périodes précises » (cf. allégué 104 de la réponse), puis que la défenderesse affirme qu’il conviendrait de s’écarter de l’expertise du Dr K______, sous prétexte qu’elle « n’étudier[ait] nullement la capacité de travail en décembre 2018 [ ] » (cf. partie « en droit » de la réponse). Bien au contraire, il ressort du rapport précité du SMR (du 11 mai 2020) – auquel l’OAI s’est rallié – une totale incapacité de travail depuis le 9 mai 2018; ce faisant, l’office a déterminé précisément la date à partir de laquelle la capacité de travail était restreinte (date qui était déterminante pour fixer le dies a quo du délai de carence d’un an prévu par l’art. 28 al. 1 let. b LAI). Par ailleurs, quoi qu’en dise la défenderesse, il apparaît décisif que l’expert K______ – après avoir mentionné dans son anamnèse le fait que le Dr H______ avait attesté d’une reprise du travail envisageable à 100% dès décembre 2018 – n’ait, pour sa part, pas certifié l’exigibilité d’une quelconque activité professionnelle pour la période antérieure à son expertise, en particulier celle courant depuis décembre 2018.

9.1.4 Afin de prouver la persistance de son incapacité de travail entre décembre 2018 et mai 2020, la demanderesse invoque, outre l’expertise du Dr K______, divers certificats et rapports émanant des médecins suivants :

-          pour la période dès le 9 mai 2018, du Dr L______ (cf. rapport du 30 janvier 2020) ;

-          pour la période du 1er décembre 2018 au 24 janvier 2019, du Dr R______ (cf. certificat du 1er mars 2021) ;

-          pour la période du 24 janvier 2019 (date de l’hospitalisation de l’assurée à la Clinique de Montana) au 13 février 2019 (date de son retour à domicile), des Drs N______ et O______ (cf. certificats des 29 janvier et 13 février 2019 ; lettre de sortie du 22 février 2019) ;

-          pour la période du 1er juillet au 31 août 2019, du Dr J______ (cf. certificats des 2 juillet et 27 août 2019) ;

-          pour la période du 13 février 2019 au 25 septembre 2020, du Dr I______ (cf. certificats des 15 février, 15 mars, 12 avril, 14 mai, 14 juin, 15 juillet, 19 août, 17 septembre, 15 octobre, 14 novembre 2019, 17 janvier, 19 février 19 mars, 4 mai, 20 mai, 22 juin, 24 juillet et 25 août 2020).

La chambre de céans constate que les certificats qui précèdent attestent d’une incapacité de travail pendant toute la période demeurant litigieuse. Ils confirment la totale inaptitude de la demanderesse à exercer sa profession antérieure au-delà du 30 novembre 2018 et corroborent ainsi les conclusions formulées en ce sens par le Dr K______.

En ce qui concerne plus particulièrement le certificat du Dr R______, attestant qu’un arrêt de travail pour cause de maladie a été prescrit du 1er décembre 2018 au 24 janvier 2019 (date de l’hospitalisation de l’assurée à la Clinique de Montana), il n’y a pas lieu de s’en écarter, quoi qu’en dise la défenderesse. Non seulement la teneur de ce certificat paraît cohérente avec les autres certificats versés au dossier, mais la demanderesse a démontré par pièces (cf. not. la pièce n° 38 de son chargé de pièces complémentaire du 29 avril 2022) qu’elle avait effectivement été suivie depuis septembre 2018 par ledit psychiatre, lequel avait délégué le suivi de psychothérapie à M. Q______. Ce dernier s’est entretenu avec elle à quatre reprises en décembre 2018 et également à quatre reprises en janvier 2019. Cette situation ne peut pas être assimilée à celle où un médecin consulté a posteriori se prononce de manière rétroactive sur l'état de santé d'un patient en se fondant exclusivement sur des indications fournies (a posteriori) par ce dernier, ce qui justifierait alors d'apprécier le certificat avec prudence.

C’est par ailleurs en vain que la défenderesse prétend que, dans l’hypothèse où la juridiction cantonale devait admettre la persistance d’une incapacité de travail au-delà du 30 novembre 2018, une telle incapacité ne serait quoi qu’il en soit plus démontrée à partir du 24 janvier 2019, sous prétexte que les certificats que lui ont transmis les médecins de la Clinique de Montana, les Drs O______ et N______, n’émanent pas de médecins disposant d’une spécialisation en psychiatrie et que la demanderesse aurait été hospitalisée dans cet établissement (cf. lettre de sortie du 22 février 2019) pour un « soutien psychologique avec éloignement des facteurs de risque et renutrition ». Contrairement à ce que semble considérer la défenderesse, il n’apparaît aucunement que l’hospitalisation à la Clinique de Montana intervenue entre le 24 janvier et le 13 février 2019 devrait être mise sur le compte d’une autre maladie que celle qui a donné lieu au versement d’indemnités journalières, à partir du 9 mai 2018 et partant, qu’elle devrait être assimilée à un nouveau cas d’assurance. Au contraire, il ressort clairement de la lettre de sortie précitée de la Clinique de Montana (p.2) que la demanderesse a séjourné dans cet établissement en raison d’un « épisode dépressif majeur », associé à des troubles anxieux, à des céphalées et des cervicalgies, et que cette symptomatologie était consécutive à un « burn out au travail, suivi d’un licenciement au bout de 90 jours arrêt de maladie ». La lettre de sortie mentionne au demeurant comme diagnostic principal un « trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen ». Par ailleurs, malgré l’absence d’un diplôme de spécialisation en psychiatrie, on ne voit pas que les deux médecins précités, employés par la Clinique de Montana – soit un établissement spécialisé notamment dans la prise en charge de maladies psychosomatiques, selon son site internet –, ne seraient pas en mesure de poser des diagnostics relevant du domaine de la psychiatrie.

Pour le reste, la défenderesse ne saurait inférer du fait qu’un spécialiste en neurologie (le Dr I______) a établi divers certificats d’arrêt de travail postérieurement au 13 février 2019 (date à laquelle la demanderesse est sortie de la Clinique de Montana) que l’incapacité de travail serait, depuis lors, « strictement d’ordre neurologique » et non d’ordre psychiatrique. En effet, ce praticien a bel et bien évoqué chez la demanderesse, outre des céphalées de tension, un diagnostic « d’état dépressif, dans le cadre d’un épuisement professionnel », comme cela ressort de son rapport adressé à l’OAI en février 2019.

9.2 À l’expertise du Dr K______ et aux certificats susmentionnés, la défenderesse oppose les rapports de ses propres médecins-conseils, les Drs E______ et S______, ainsi que deux brefs certificats et rapports établis par le Dr H______.

Le rapport du Dr E______, sur lequel la défenderesse s’est fondée mettre fin aux prestations avec effet au 30 novembre 2018 (et donc retenir une capacité de travail de 100% dès le 1er décembre 2018), s’apparente à une expertise privée. Tel est également le cas de l’avis de la Dresse S______, établi sur dossier et que la défenderesse a produit à l’appui de sa réponse. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, une expertise privée n'est pas un moyen de preuve au sens de l'art. 168 al. 1 CPC, mais doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 ; ATF 140 III 24 consid. 3.3.3).

Quoi qu'il en soit, en tant qu’elle porte sur la période litigieuse courant depuis décembre 2018, l’appréciation de la capacité de travail émise par les médecins-conseils ne peut être suivie et la défenderesse ne pouvait valablement se fonder sur celle-ci pour mettre un terme aux indemnités journalières. D’une part, comme cela ressort déjà des considérants qui précèdent, l’appréciation des Drs E______ et S______ quant au prétendu recouvrement de la capacité de travail à la fin de l’année 2018 entre en contradiction avec la quasi-totalité des autres rapports (et certificats) versés au dossier, en particulier avec ceux émanant du Dr K______ (expertise), respectivement des Drs R______, N______, J______, L______ et I______ (au sujet des certificats et rapports divergents du Dr H______, cf. ci-dessous). D’autre part, les médecins-conseils n'ont pas examiné la demanderesse durant la période litigieuse, courant depuis décembre 2018. En particulier, il importe de relever que le Dr E______, dans son rapport du 3 septembre 2018 (cf. p. 8), n’avait émis qu’un simple pronostic concernant une reprise du travail à 100% au 15 octobre 2018, pronostic qu’il avait néanmoins tempéré d’emblée, en précisant qu’il existait un « risque de rechute en fonction du contexte ». Ce pronostic ne permettait toutefois pas de se prononcer sur l’évolution concrète de la capacité de travail, en particulier pendant la période litigieuse, étant précisé que la défenderesse n’a jamais fait réexaminer la demanderesse afin de vérifier si l’état de santé et la capacité de travail s’étaient améliorés dans le sens envisagé (cf. dans le même sens l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2017 du 14 juillet 2017 consid. 5.1). La défenderesse s’est d’ailleurs spontanément écartée de ce pronostic, qu’elle a elle-même qualifié de « trop optimiste » (cf. p. 18 de sa réponse, dans la partie « en droit »), en versant des indemnités journalières jusqu’au 30 novembre 2018.

9.3 La défenderesse se prévaut des deux (très) brefs certificats et rapports établis par le Dr H______ les 15 novembre et 19 décembre 2018 (qui concluaient à une capacité de travail nulle jusqu’au 30 novembre 2018, puis de 100% dès le 1er décembre 2018). Elle souligne également que la demanderesse a perçu 50 indemnités journalières de chômage et 22 « jours maladie » entre le 3 décembre 2018 et la mi-février 2019.

Il est vrai que le Dr H______, après avoir attesté d’une incapacité de travail de 100% pour une durée indéterminée (cf. certificat du 2 novembre 2018), a fait état, dans un très bref certificat établi deux semaines plus tard (le 15 novembre 2018), du recouvrement d’une capacité de travail à 100%, sans autre précision, ce qu’il a ensuite confirmé dans un très bref rapport manuscrit adressé à l’OAI le 9 décembre 2018 (dans ledit rapport, le Dr H______, répondant à la question de savoir quelle était la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle et depuis quand, a écrit : « reprise à 100% dès le 1er décembre 2018 => chômage »).

Toutefois, contrairement à ce que souhaiterait la défenderesse, la chambre de céans considère que l’on ne saurait accorder aux certificats et rapports du Dr H______ une quelconque valeur probante, en tant qu’ils attestent d’une capacité de travail de 100% dès le 1er décembre 2018. D’une part, comme le fait remarquer la demanderesse, la conclusion du Dr H______ quant au prétendu recouvrement d’une pleine capacité de travail ne repose sur aucun substrat médical, mais uniquement sur le fait que la demanderesse s’était alors inscrite au chômage (ce que cette dernière avait du reste fait après que la défenderesse le lui ait suggéré, dans le courrier du 10 septembre 2018 par lequel elle lui signifiait mettre un terme au versement des indemnités journalières). De plus, il apparaît invraisemblable qu’à deux semaines d’intervalle (au vu de la durée séparant les certificats du Dr H______ des 2 et 15 novembre 2018), la situation de la demanderesse ait changé du tout au tout et que son état de santé se soit soudainement amélioré, au point de ne plus subir la moindre incapacité de travail.

Par ailleurs, comme la défenderesse le relève elle-même, la période d’indemnisation par l’assurance-chômage courant du 3 décembre 2018 et la mi-février 2019 a été entrecoupée par 22 jours d’arrêt de travail pour cause de maladie (période correspondant apparemment à l’hospitalisation à la Clinique de Montana), ce qui plaide contre le recouvrement à cette époque d’une capacité de travail exploitable sur le marché du travail. De surcroît, il apparaît que, dès le mois de mars 2019 (soit rapidement après l’inscription au chômage) et jusqu’au mois de mars 2020, la demanderesse a été mise au bénéfice de prestations cantonales en cas de maladie (PCM), versées par l’office cantonal de l’emploi, ce qui suppose précisément son inaptitude au placement (art. 12 al. 1 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 [LMC - J 2 20]).

Ainsi, au vu des arrêts de travail pour cause de maladie subis par la demanderesse peu de temps après son inscription au chômage, mais également des certificats largement concordants (cf. consid. 8.1.4 supra) qu’elle invoque pour prouver la persistance de son incapacité de travail au-delà du 30 novembre 2018 ainsi que de l’expertise du Dr K______, laquelle a conduit l’assurance-invalidité à lui reconnaître une capacité de travail nulle dans toute activité dès le 1er mai 2018 (sans retenir d’amélioration notable dès le 1er décembre 2018), la chambre de céans tient pour établi que la demanderesse n’était pas en mesure de reprendre une activité de secrétaire-réceptionniste dès le mois de décembre 2018, contrairement à ce qu’affirme la défenderesse.

Corollairement, et quoi qu’en dise la défenderesse lorsqu’elle se réfère à l’art. 9.4 des CGA, on ne saurait raisonnablement considérer que la demanderesse avait pleinement recouvré sa capacité de travail en tant que secrétaire-réceptionniste au moment de la fin des rapports de travail (le 30 novembre 2018) et que, partant, le droit aux indemnités journalières aurait pris fin à ce moment-là. Il convient bien plutôt de rappeler qu’en vertu de l’art. 9.4 des CGA, le droit aux prestations pour le cas en cours est maintenu lorsqu’un assuré présente une incapacité de travail (ou de gain) à l’issue des rapports de travail. Faute de recouvrement de la capacité de travail, l’on ne se trouve pas non plus dans l’hypothèse d’une « rechute », au sens de l’art. 9.5 (let. d) des CGA.

9.3.1 Il convient encore de préciser que, si l’OAI a déduit de l’expertise du Dr K______ que la demanderesse disposait d’une capacité de travail médico-théorique de 50%, dès le 1er janvier 2020, dans une activité adaptée à son état de santé (soit dans une profession autre que celle de secrétaire-réceptionniste, permettant d’éviter les travaux de nuit et l’exposition à de hauts niveaux de stress, ainsi que de répartir son travail « harmonieusement » sur 5 jours ouvrables), cela ne fait pas pour autant obstacle au versement par la défenderesse de pleines indemnités journalières jusqu’au terme de la période litigieuse, soit jusqu’au 7 mai 2020.

C’est le lieu de rappeler que l'obligation de réduire le dommage découlant de l'art. 61 LCA peut impliquer, dans le domaine de l'assurance des indemnités journalières, le devoir pour l'assuré de changer d'activité professionnelle, si cela peut être raisonnablement exigé de lui et permet de réduire son incapacité de travail. L'assureur qui entend faire application de l'art. 61 al. 2 LCA doit inviter l'assuré à changer d'activité et lui impartir pour cela un délai d'adaptation approprié; en règle générale, un délai de trois à cinq mois doit être considéré comme adéquat (ATF 133 III 527 consid. 3.2.1 p. 531 et les arrêts cités). Il incombe à l'assureur, qui n'entend pas indemniser la totalité du dommage subi par l'assuré, de prouver que celui-ci a violé son devoir de réduire le dommage (cf. art. 8 CC; Peter DIENER, Verminderung von Gefahr und Schaden im Versicherungsvertragsverhältnis, 1970, p. 106).

En l’occurrence, il ressort du dossier que la défenderesse est d’emblée partie du principe, dès réception, en septembre 2018, du rapport de son médecin-conseil (le Dr E______), que l’assurée était capable de reprendre à 100% son activité antérieure de secrétaire-réceptionniste. La défenderesse n’a jamais adressé à la demanderesse d’avertissement au sujet d’un changement de profession commandé par l’obligation de diminuer le dommage et ne lui a pas non plus imparti de délai pour ce faire, même après avoir reçu copie de l’expertise du Dr K______ et de la décision d’octroi de rente rendue par l’OAI.

Partant, même si la demanderesse a bénéficié, dès le 1er janvier 2020, d’une capacité de travail médico-théorique de 50% dans une activité adaptée, elle est demeurée incapable d’exercer son activité antérieure de secrétaire-réceptionniste et la défenderesse ne lui a jamais imparti un délai pour s’adapter aux nouvelles circonstances et pour trouver un emploi dans une activité adaptée. Dans ces conditions, la chambre de céans retient que la preuve de la persistance d’une incapacité de travail totale, au sens de l’art. 3.4 des CGA, est rapportée pour toute la période litigieuse, du 1er décembre 2018 au 7 mai 2020. C’est partant à tort que la défenderesse a refusé de prester au-delà du 30 novembre 2018.

9.4 Au vu de tout ce qui précède, la demanderesse peut prétendre au versement d’un solde de 524 indemnités journalières complètes, couvrant la période du 1er décembre 2018 au 7 mai 2020. Le montant des indemnités journalières, qui est incontesté, représente CHF 163.79 par jour calendaire, de sorte que le solde d’indemnités journalières auquel peut prétendre la demanderesse s’élève à CHF 85'826.- (524 jours x CHF 163.79 = CHF 85'826.-), ceci sous réserve de la question de la surindemnisation, qu’il convient d’examiner ci-dessous.

10.          

10.1 En vue de prévenir une surindemnisation, la demanderesse conclut d’emblée à ce qu’un montant global de CHF 36'275.70 soit retranché du solde d’indemnités journalières qu’elle réclame. Ce montant de CHF 36'275.70 correspond, précise-t-elle, aux rentes de l’assurance-invalidité qu’elle a perçues de mars 2019 à juillet 2020, additionnées aux indemnités de chômage qu’elle a touchées de décembre 2018 à février 2019 et aux « sommes versées par l’Hospice général et les prestations PCM de l’État de Genève ».

De son côté, la défenderesse fait valoir dans sa réponse que son éventuelle condamnation à verser le solde maximal de 524 indemnités journalières devrait l’être « sous déduction des montants obtenus auprès d’autres assureurs pour la même période ».

10.2 L'art. 58 al. 1 CPC consacre le principe ne eat iudex ultra petita : le juge ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse.

La maxime de disposition signifie que les parties déterminent l’objet du litige, c’est-à-dire si, quand, dans quelle étendue et dans quelle durée elles veulent faire valoir une prétention en justice comme demandeur, respectivement veulent la reconnaître comme défendeur (ATF 134 III 151 consid. 3.2).

Pour déterminer si le juge reste dans le cadre des conclusions prises, il faut se fonder sur le montant global réclamé, ce qui signifie que le juge peut répartir différemment les divers postes ; il peut donc allouer davantage pour un des éléments de la demande et moins pour un autre (ATF 119 II 306 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2013 du 20 mai 2014 consid. 8.2 = RSPC 2014 p. 419 ; Jacques HALDY, in : Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, Code de procédure civile, Commentaire romand, Bâle, 2e éd., 2019, n° 3 ad art. 58 CPC).

10.3 S’agissant de la surindemnisation, les CGA applicables en l’espèce contiennent les dispositions suivantes :

Le concours avec des prestations de différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de la personne assurée. La limite de surindemnisation correspond au montant des prestations assurées selon les ch. 6.1 et 6.2. Les prestations d’indemnités journalières sont accordées en complément aux prestations d’assurances sociales et d’assurances selon la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40). De ce fait, l’obligation de l’assureur de verser des prestations se limite à la différence entre les prestations d’assurances sociales – y compris les assurances facultatives d’indemnités journalières selon la LAMal – et d’assurances selon la LPP et la limite de surindemnisation indiquée précédemment (art. 23.1 des CGA).

L’assureur réclame directement auprès de l’assurance-invalidité fédérale le remboursement des prestations qu’il accorde en prévision d’une rente d’invalidité et ce, à compter du début du versement de l’indemnité journalière ou de la rente. Le montant demandé en restitution correspond au montant de la surindemnisation selon le ch. 23.1 (art. 23.2 des CGA). Les jours ayant fait l’objet d’une réduction sont intégralement imputés sur la durée des prestations [ ] (art. 23.3 des CGA).

10.4 Par ailleurs, en ce qui concerne, plus particulièrement, la perception de l’indemnité de chômage en parallèle de l’indemnité perte de gain maladie, il convient de relever qu’en vertu de l’art. 28 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), les assurés qui ne sont pas aptes ni à travailler ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie, d’un accident ou d’une grossesse et qui de ce fait ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière, sous réserve du respect des autres conditions légales, jusqu’au trentième jour suivant le début de l’incapacité de travail totale ou partielle, mais pour une durée maximale de quarante-quatre indemnités journalières. Selon l’al. 2 de cette disposition, les indemnités journalières de l’assurance-maladie ou de l’assurance-accident qui représentent une compensation de la perte de gain sont déduites de l’indemnité de chômage.

L’art. 28 al. 2 LACI consacre le principe de subsidiarité du versement de l’indemnité de chômage par rapport à l’indemnité perte de gain maladie ou accident. Son but est de prévenir une surindemnisation. Il ne fait pas de différence que l’indemnité soit versée par une assurance soumise à la LAMal ou à la LCA (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad art. 28, p. 283).

10.5 En l’espèce, conformément aux dispositions des CGA proscrivant la surindemnisation (cf. art. 23.1-2 des CGA ; ATAS/947/2017 du 24 octobre 2017 consid. 17), et à l’instar de ce que propose la demanderesse, il y a lieu de déduire du solde d’indemnités perte de gain maladie (cf. consid. 8.4 supra) les rentes d’invalidité qui ont été versées à l’intéressée entre le 1er mai 2019 (début du droit au versement de la rente d’invalidité) – et le 7 mai 2020 – terme du droit aux indemnités journalières –, soit CHF 15'434.- (CHF 1’365 x 11 mois [rente entière de mai 2019 à mars 2020] + CHF 342.- [quart de rente pour avril 2020] + CHF 77.- [quart de rente correspondant aux 7 jours écoulés en mai 2020]). Aussi, après déduction des rentes d’invalidité, la demanderesse pourrait-elle théoriquement prétendre au versement, par la défenderesse, de CHF 70'392.- (CHF 85'826.- - CHF 15'434.- = CHF 70'392.-).

Toutefois, aussi bien dans ses conclusions (n° 23 et 24) que dans le calcul reproduit dans son mémoire de demande (calcul qu’elle a semble-t-il repris d’un courrier que son représentant antérieur avait adressé à la défenderesse le 5 février 2021), la demanderesse réclame un montant inférieur, puisqu’elle retranche spontanément du solde d’indemnités journalières lui restant dû (solde qu’elle chiffre à CHF 100'429.-) non seulement les rentes d’invalidité qu’elle a perçues, mais également les indemnités de chômage qu’elle a touchées de décembre 2018 à février 2019, ainsi que les « sommes [qui lui ont été] versées par l’Hospice général et les prestations PCM de l’État de Genève ». La demanderesse parvient à la conclusion qu’en vue de prévenir toute surindemnisation, c’est un total de CHF 36'275.70 qui doit être retranché du solde d’indemnités journalières, de sorte que sa créance à l’égard de la défenderesse s’élève en définitive à CHF 64'153.30 (CHF 100'429 – CHF 36'275.70 = CHF 64'153.30 ; cf. p. 19 du mémoire de demande, en relation avec les conclusions n°23 et 24).

Il n’y a pas lieu de se pencher sur le bien-fondé de l’ensemble des déductions effectuées spontanément par la demanderesse, en matière d'indemnités de chômage, de PCM et de prestations d’aide sociale, puisque la chambre de céans est quoi qu’il en soit liée par le montant total de CHF 64'153.30 qu’elle réclame dans sa demande (tel qu’il ressort du calcul et des conclusions y figurant) et qu’elle n’est pas habilitée à statuer ultra petita (c’est-à-dire à accorder plus que ce que réclame la demanderesse, cf. dans le même sens l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2014 du 20 février 2015 consid. 2.6).

En définitive, c’est donc un solde de CHF 64'153.30 que la défenderesse sera condamnée à verser à la demanderesse, conformément aux conclusions de sa demande.

11.         La demanderesse conclut au paiement d’intérêts à 5 % l’an.

Aux termes de l'art. 41 al. 1 LCA, la créance qui résulte du contrat d'assurance est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les "renseignements" au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (cf. l'intitulé de l'art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (cf. ATF 129 III 510 consid. 3 p. 512; arrêts du Tribunal fédéral 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5; Roland BREHM, Le contrat d'assurance RC, 1997, nos 512 et 515 s.). Le délai de délibération de quatre semaines laissé à l'assureur ne court pas tant que l'ayant droit n'a pas suffisamment fondé sa prétention; tel est par exemple le cas lorsque, dans l'assurance contre les accidents, l'état de santé véritable de l'ayant droit n'est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail des médecins (arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 et 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.3.1, et la référence citée).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220] en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1, 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1 et 4A_122/2014 précité consid. 3.5, et les références citées).

Selon l'art. 25.1 CGA, la prestation d'assurance est due au plus tard dans un délai de quatre semaines à partir du moment où l'assureur a reçu les documents nécessaires pour déterminer son obligation de verser les prestations. En cas d'incapacité de travail de longue durée et si la personne assurée en émet le souhait, l'assureur paie l'indemnité journalière accumulée due en plusieurs versements partiels, au maximum cependant une fois par mois. Sur ce point, les CGA reprennent le système prévu à l'art. 41 LCA, qui prévoit que la créance est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prestation.

11.1 En l’occurrence, la défenderesse estime que le dies a quo des intérêts moratoires devrait être fixé au lendemain de la réception par elle-même de la demande en justice. À cet égard, elle fait valoir qu’il ne ressort pas clairement des écritures de la demanderesse si et à quel moment elle aurait été interpellée. Cette argumentation ne peut pas être suivie.

En effet, à l’instar de ce que fait remarquer la demanderesse dans sa réplique (cf. p. 10), constitue précisément une telle interpellation le courrier du 22 septembre 2020, par lequel l’intéressée a formellement contesté qu’il soit mis un terme au versement des indemnités journalières, tout en joignant divers certificats et rapports propres à démontrer que son incapacité de travail s’était poursuivie au-delà du 30 novembre 2018, et en informant par ailleurs la défenderesse qu’elle s’était vue reconnaître par l’OAI une totale incapacité de travail depuis le mois de mai 2018, justifiant le versement d’une rente entière d'invalidité depuis mai 2019. Il faut par ailleurs admettre que dès réception du courrier du 22 septembre 2020, à savoir dès le 23 septembre 2020, la défenderesse avait reçu tous les renseignements nécessaires pour se convaincre du bien-fondé des prétentions de la demanderesse.

Partant, l'intérêt moratoire est dû quatre semaines après le 23 septembre 2020, soit le 21 octobre 2020. La défenderesse sera donc condamnée au paiement de CHF 64'153.30.-, avec intérêts à 5 % dès le 21 octobre 2020.

12.         Sous l’angle probatoire, les parties n’ont pas requis de mesures d’instruction complémentaires dans le cadre de la procédure. Au demeurant, on relèvera incidemment que, dans le cadre de la maxime inquisitoire sociale, le juge n’a pas l’obligation ordonner d’office des mesures d’instruction qui n’ont pas été requises par les parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2008 du 3 septembre 2009 consid. 3.1).

13.         Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1, 84 et 85 RTFMC).

En l’espèce, la demanderesse, représentée par un conseil, obtient gain de cause, de sorte que la défenderesse sera condamnée à lui verser une indemnité de CHF 8'250.- à titre de dépens, TVA et débours inclus, au vu de la valeur litigieuse (art. 106 al. 1 CPC ; art. 20 à 26 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 du RTFMC).

14.         La procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet, dans le sens des considérants.

3.        Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de CHF 64'153.30, avec intérêts à 5% l’an dès le 21 octobre 2020.

4.        Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse une indemnité de CHF 8'250.- à titre de dépens, TVA et débours inclus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le