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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4379/2020

ATAS/1047/2022 du 01.12.2022 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4379/2020 ATAS/1047/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o HÔTEL B______, ______, GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), ressortissante italienne et suisse, née en ______ 1967, a déposé une demande de prestations d’invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 18 décembre 2010, indiquant comme troubles de la santé « 23 ans de toxicomanie aux opiacés et benzodiazépines ».

b. En raison de la domiciliation de l’assurée en Italie, depuis 1995, l’instruction de la demande a été confiée à l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : l’OAIE).

B.       a. À l’issue de l’instruction, l’OAIE a rendu une décision du 9 octobre 2013 de refus de prestations d’invalidité, en raison du fait que l’assurée souffrait d’une polytoxicomanie sévère, chronique et de longue date, mais sans présence de comorbidité psychiatrique. Dès lors, il n’y avait pas d’invalidité au sens des dispositions légales.

b. L’assurée a interjeté recours contre la décision du 9 octobre 2013 auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), compétent pour les recours contre les décisions rendues par l’OAIE.

c. À partir du 3 mai 2014, l’assurée a installé sa résidence à Genève, selon l’attestation de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) du 9 mai 2014.

d. En date du 22 février 2018, le TAF a rendu un arrêt dans lequel il a constaté que les pièces du dossier, pour autant qu’elles se prononçaient sur l’atteinte psychique, étaient contradictoires et vagues sur ce point. Néanmoins, une dépression ou un trouble dépressif était mentionné dans plusieurs rapports médicaux : dans le rapport médical du 26 septembre 2012 de la doctoresse C______, il était fait mention de « Disturbo depressivo maggiore cronico » et dans celui du 28 novembre 2012 établi par le docteur D______, il était mentionné « depressione ». De plus, aussi bien le rapport du 6 novembre 2012 du docteur E______ que celui du 26 septembre 2012 de la Dresse C______ relevaient que l’état réactif anxio-dépressif était traité par antidépresseurs et anxiolytiques. En se fondant sur ces éléments, le TAF considérait que contrairement à la position de l’OAIE, on ne pouvait pas partir du principe que l’assurée présentait exclusivement un trouble de dépendance et exclure d’emblée toute autre atteinte à la santé, étant précisé qu’en ce qui concernait l’état psychique, les rapports médicaux au sein du SMR étaient contradictoires. En effet, dans sa prise de position du 24 février 2013, le docteur F______ considérait que l’assurée présentait une thymie déprimée, une anxiété et une labilité émotionnelle, tout en précisant que le status psychique était sans grande particularité et qu’il n’y avait pas de comorbidité psychiatrique. Par contre, le docteur RAIS attestait d’un « disturbo depressivo cronico » et d’une capacité de travail de 80% à cause de l’épuisement des ressources psychiques. De plus, le TAF relevait que l’assurée n’avait pas été examinée personnellement par les médecins du SMR, ce qui aurait dû être en principe le cas, vu les doutes concernant les troubles psychiatriques, citant l’arrêt du Tribunal fédéral du 9C_410/2016, consid. 2.2.1. Compte tenu de ces éléments, le TAF constatait que le dossier, dans son état actuel, ne permettait pas de déterminer, respectivement, si la polytoxicomanie avait provoqué un dégât à la santé physique ou mentale qui atteindrait l’intensité d’une invalidité au sens de la loi et donc limiterait la capacité de gain de l’assurée de manière définitive ou pour une période durable, ou si on était confronté au diagnostic indépendant de maladie psychiatrique. Une expertise poly-disciplinaire comprenant au moins un volet psychiatrique et un volet de médecine interne s’imposait, raison pour laquelle la décision du 9 octobre 2013 était annulée et la cause renvoyée à l’autorité inférieure pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

e. En date du 10 août 2018, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité auprès de l’OAI, indiquant être suivie par la doctoresse G______, psychiatre spécialisée en addictologie, à la Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique (ci-après : CAAP) des Acacias, à Genève, depuis le 3 août 2015 en raison de sa dépendance aux opiacés. Le médecin traitant était, depuis 2014, le docteur H______, généraliste.

f. Le Dr H______ a complété un rapport médical en date du 25 septembre 2018. L’assurée était décrite comme une ancienne poly-toxicomane ayant consommé de l’héroïne, de la cocaïne et des benzodiazépines depuis l’âge de 13 ans. Une rechute sous la forme d’héroïne fumée et injectée avait eu lieu en août 2015. Un traitement de substitution de méthadone 50 mg par jour avait été mis en place, l’assurée était dépendante aux benzodiazépines, souffrait d’attaques de panique le soir et la nuit, souffrait d’un trouble dépressif modéré récurrent et d’un très probable trouble de la personnalité borderline sévère. Le médecin traitant la suivait depuis le 3 juin 2014 et les deux derniers contrôles avaient eu lieu le 29 août et le 13 septembre 2018. Il précisait que sa patiente avait interrompu complètement sa consommation d’héroïne depuis plusieurs années en Italie, mais avait repris une consommation de stupéfiants quelques mois après son arrivée à Genève et exprimé d’importantes difficultés à renouer des liens avec ses proches, à trouver une activité, un appartement, une occupation ; elle souffrait d’un sentiment d’abandon et de perte de confiance en elle, de colère et de découragement, d’idées noires et d’angoisse sévère. Les symptômes décrits par le médecin étaient que la patiente souffrait d’importantes difficultés quotidiennes à mettre en lien avec des difficultés de gestion de ses émotions, ayant beaucoup de difficultés à créer des liens avec des amis et sa famille. Sa souffrance émotionnelle l’engageait dans des comportements impulsifs avec des rechutes de sa consommation de stupéfiants. La médication actuelle comportait de l’Omeprax 40 mg par jour, du Ritrovil 2 mg 2x par jour, de la Quietapine 25 mg par jour, du Sertralin 100 mg par jour, de la méthadone 50 mg par jour et du Macrogol en réserve. Le Dr H______ expliquait que la patiente était suivie par l’Hospice général, avait beaucoup de difficultés à organiser ses journées, se mettait régulièrement en danger (accident, consommation, rencontre malheureuse, perte de son logement, perte de son argent, de son téléphone, conflit avec sa famille, avec ses amis) et se sentait rapidement trahie tout en souffrant d’un sentiment de rejet de ses proches. Le médecin traitant concluait que l’assurée était en incapacité totale de travailler et que l’activité exercée auparavant n’était plus exigible.

g. La Dresse G______ a également rédigé un rapport médical en date du 11 octobre 2018. Elle a retenu les diagnostics de personnalité émotionnellement labile type borderline (F60.3), de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.2), de syndrome de dépendance aux opiacés, personne suivant actuellement un régime de maintenance ou de substitution sous surveillance médicale (F11.22). Dans son anamnèse, la psychiatre avait noté le début du suivi en été 2015, l’assurée présentant un épisode dépressif moyen avec tristesse, perte de l’élan vital, isolement social, idées noires fluctuantes avec idées suicidaires non scénarisées. Elle avait bénéficié d’un traitement antidépresseur de Cipralex 20 mg par jour prescrit par le Dr H______, ainsi que d’un suivi régulier médico-infirmier qui avait permis de stabiliser l’état thymique. Un nouvel épisode dépressif avait lieu début mars 2017 dans un contexte de conflits familiaux avec une baisse de la thymie, une anhédonie et un isolement social et ceci malgré le traitement antidépresseur de maintien. Pour l’épisode actuel, la patiente présentait un fléchissement thymique important depuis mai 2018 avec un isolement social et une anhédonie dans un contexte de conflits familiaux. Après remplacement du Cipralex par la Sertraline (actuellement à 150 mg par jour), l’effet sur la thymie avait été très bon, avec disparition des idées noires, amélioration de l’humeur, diminution de l’isolement et amélioration de la dysphagie. Les diagnostics avec impact sur la capacité de travail étaient la personnalité émotionnellement labile type borderline (F 60.3) et le trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F 33.2). La capacité de travail dans l’activité habituelle était estimée à zéro depuis, au moins, 2014. Les limitations fonctionnelles étaient liées à la personnalité émotionnellement labile et entraînaient des difficultés de l’ordre relationnel, avec difficultés d’entrée en lien et/ou de mettre des limites, avec mouvement d’idéalisation/désidéalisation et schéma noir/blanc. Depuis le début de la prise en charge, la médication avait été modifiée, la Sertraline passant progressivement de 50 mg par jour à 100 mg, puis à 150 mg par jour (dernière augmentation en septembre 2018). De même, la Quietapine était passée de 25 mg à 150 mg par jour avec deux comprimés de 25 mg par jour au coucher pour permettre la substitution de l’effet somnifère du THC et aussi pour favoriser une meilleure thymo-régulation. Le rendez-vous psychiatrique et psychothérapeutique avait lieu toutes les deux semaines, en alternance avec des rendez-vous infirmiers toutes les deux semaines également. De plus, l’assurée passait tous les jours au CAAP des Acacias pour son traitement. L’introduction de l’antidépresseur et le suivi intensif avaient permis une nette amélioration thymique et des passages hebdomadaires au CAAP. Actuellement, le tableau addictologique était stable, la patiente poursuivant son programme de substitution aux opiacés. La Dresse G______ considérait que la consommation des toxiques était plutôt secondaire à la problématique psychiatrique et les consommations par le passé avaient souvent été dues à un contexte de comportement auto-dommageable. La dépendance aux toxiques, maladie incapacitante, était exclue, dans la mesure où le trouble psychiatrique était compensé. Le rôle des consommations dans le tableau clinique actuel était plutôt secondaire, comme une tentative d’automédication et de soulagement du stress.

h. Par décision du 5 novembre 2018, l’OAI a informé l’assurée qu’aucune mesure de réadaptation n’était possible actuellement, mais que le droit à une rente était examiné. L’assurée n’a pas recouru contre ladite décision.

i. Par avis médical du 6 février 2019, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), sous la plume du docteur I______, a résumé les rapports médicaux reçus des médecins traitants et a recommandé la mise en place d’une expertise psychiatrique avec, en parallèle, la réalisation d’un bilan neuropsychologique avec tests de validation des symptômes, afin d’évaluer la présence éventuelle de troubles neuropsychologiques séquellaires à la consommation chronique des toxiques.

j. Par communication de l’OAI du 1er avril 2019, l’assurée a été informée qu’une évaluation médicale avait été confiée au docteur J______ et a reçu une copie du mandat d’expertise.

k. L’expert J______ a rendu un rapport d’expertise psychiatrique, daté du 14 novembre 2019, mentionnant un entretien de deux heures avec l’assurée, le 3 juillet 2019.

Reprenant l’anamnèse détaillée de l’assurée, l’expert a mentionné que cette dernière faisait des démarches sociales, voyait du monde, se promenait, faisait tout par elle-même et savait s’occuper. Elle comptait économiser de l’argent pour retourner s’établir en Italie, mais sans avoir un projet professionnel précis. L’assurée était décrite comme volubile, ayant parfois les larmes aux yeux, mais n’étant pas conflictuelle et quittant l’entretien plutôt souriante. L’expert ne retenait pas de dépressivité marquée dans le sens d’une anhédonie ou d’une aboulie, ne notait pas de trouble patent de la concentration, de la mémoire d’évocation ou de la fixation ; le jugement et le raisonnement étaient conservés. Sous la rubrique personnalité, l’assurée était décrite comme ayant eu un parcours de vie chaotique, étant assez isolée et ayant perdu son réseau social depuis son retour d’Italie en 2014 avec un sentiment marqué d’échec et de vide.

Sur l’échelle de la dépression de Hamilton, en hétéro-évaluation, le score était de 11-12, soit une dépression légère. Sur l’échelle de l’anxiété de Hamilton, le score était de 13-14, soit la limite supérieure de l’anxiété mineure.

Sur l’échelle de Beck 21, en auto-évaluation, le score de l’expertisée était de 37, soit une dépression sévère.

Le symptom check-list SCL-90R faisait apparaître un ensemble fortement pathologique, y compris des traits paranoïaques et des traits psychotiques, alors que le dossier, selon l’expert, ne faisait jamais référence à une symptomatologie psychotique, ni d’ailleurs l’examen clinique. L’expert concluait qu’il y avait une certaine dramatisation et amplification des plaintes qui pouvait expliquer en partie, la discordance potentielle d’appréciation entre le médecin expert et le médecin traitant, le second faisant « le plus souvent le postulat de sincérité de son patient ».

Le test de personnalité V.K.P. faisait apparaître une personnalité antisociale, probablement liée au trafic de drogue et histrionique, difficilement interprétable, peut-être un certain manque de maturité.

Le questionnaire des schémas de Young faisait apparaître un état limite, autrement dit un manque de capacité à assumer des responsabilités envers autrui ou envers des projets.

Sur le plan des diagnostics, l’expert se distançait de l’appréciation du Dr H______, décrit comme « un médecin assistant, autrement dit un médecin en formation, non FMH », et concluait à une symptomatologie dépressive tout au plus légère, mais en tout cas pas moyenne, évoquant même qu’il pouvait s’agir d’un simple trouble de l’adaptation, des suites de difficultés psychosociales économiques liées à l’arrivée en Suisse de l’assurée, dès lors qu’il n’y avait aucun antécédent annoncé de troubles psychiques avant 2014. La personnalité était décrite comme une personnalité dite état limite.

S’agissant de l’usage de l’héroïne et des benzodiazépines et THC, le médecin considérait que la toxicomanie était pour l’essentiel primaire et qu’il n’y avait pas de comorbidité psychiatrique avant l’arrivée de l’assurée en Suisse. En l’absence de graves troubles psychiques incapacitants, dépression, anxiété ou autre, ce qui, selon l’expert, n’avait pas été le cas, on ne pouvait pas parler d’une toxicomanie secondaire.

Selon l’expert, il n’existait aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail. Les diagnostics qui n’avaient pas de répercussions sur la capacité de travail étaient les troubles mentaux et du comportement lié à l’utilisation d’opiacés (F11.22 et F11.26) ; les troubles mentaux et du comportement lié à l’utilisation de dérivés du cannabis (F12.25) ; les troubles mentaux et du comportement lié à l’utilisation de sédatifs (F13.26) ; le trouble dépressif récurrent en rémission partielle (F33.41) et enfin une personnalité état limite non décompensée (F60.3).

La prise en charge était considérée par l’expert comme réalisée dans les règles de l’art, l’assurée s’adaptant au désir de prise en charge. L’évolution de la problématique dépressive avait été favorable, avec l’introduction d’un antidépresseur et l’assurée maîtrisait mieux sa consommation d’héroïne avec la Méthadone.

S’agissant du potentiel de réadaptation professionnelle, l’expert n’en voyait aucun, car l’assurée n’avait aucune demande en ce sens, n’avait pas véritablement de formation professionnelle qu’elle aurait valorisée et semblait se satisfaire de sa situation actuelle où elle bénéficiait du social et faisait quelques activités bénévoles.

S’agissant de la cohérence et de la plausibilité, l’assurée était décrite comme maintenant ses activités, notamment la lessive, le ménage et étant donc autonome, y compris pour les loisirs et théoriquement pour les activités sociales. La symptomatologie dépressive était en rémission, la description ressemblant plus à une symptomatologie dépressive légère plutôt que moyenne. La capacité de travail était jugée comme complète depuis le 3 juin 2014, mais en tenant compte pour l’essentiel de la toxicomanie, dont l’expert disait avoir démontré qu’elle était primaire en majeure partie.

Enfin, l’expert répondait aux questions de l’OAI sur la capacité de travail dans l’activité habituelle qui était considérée comme nulle, notamment en raison d’un manque de motivation à reprendre une activité professionnelle et compte tenu de la désinsertion de longue date. Dans une activité adaptée correspondant aux aptitudes de l’assurée, comme par exemple faire des ménages ou des nettoyages, elle pouvait travailler huit heures par jour, sans baisse de la performance et disposait d’une capacité de travail dans une activité adaptée de 100%.

l. En date du 12 février 2020, le Dr I______, du SMR, a rendu un rapport final qui – rejoignant les conclusions de l’expert – considérait que l’assurée avait une incapacité de travail totale et médicalement justifiée en raison des épisodes dépressifs susnommés à partir d’août 2015, mais que sa capacité de travail était à nouveau entière, au plus tard à partir de juillet 2019, date de l’examen effectué par l’expert.

m. Une enquête économique sur le ménage, dans la chambre d’hôtel de l’assurée, a été effectuée, en date du 23 juin 2020 par une infirmière évaluatrice, qui a retenu un empêchement pondéré avec et sans exigibilité de 32%.

n. En date du 14 août 2020, l’OAI a rendu un projet d’acceptation de rente avec octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps et un refus de mesures professionnelles. La capacité de gain était jugée nulle à partir du 1er août 2016 (suite à l’échéance du délai d’un an), ouvrant le droit une rente entière dès cette date. Par la suite, l’OAI considérait que l’état de santé s’était amélioré et que l’assurée avait récupéré une capacité de travail entière dans toute activité dès juillet 2019. Cette amélioration ayant duré plus de trois mois, la rente entière était donc versée jusqu’au 30 septembre 2019, l’invalidité devant être considérée comme nulle à partir du 1er octobre 2019, date à laquelle l’assurée présentait une capacité entière de travail dans toute activité.

o. Par courrier du 24 août 2020, l’assurée s’est opposée au projet d’acceptation de rente du 14 août 2020, expliquant qu’elle n’avait absolument pas récupéré une capacité de travail entière dans toute activité et demandant qu’une nouvelle décision soit prise.

p. Par courrier du 29 septembre 2020, l’OAI a communiqué sa motivation à l’opposante, retenant comme statut d’assurée celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle et reprenant la motivation mentionnée dans le projet de décision.

q. L’assurée a transmis à l’OAI un courrier de la CAAP Arve, daté du 16 octobre 2020 et signé par le docteur K______, spécialiste en médecine interne, concluant à ce que la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée était nulle. Les diagnostics retenus étaient une personnalité émotionnellement labile type borderline (F60.3) ; un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.2) et un syndrome de dépendance aux opiacés, personne suivant actuellement un régime de maintenance ou de substitution sous surveillance médicale (F11.22). Les limitations fonctionnelles liées à son diagnostic F60.3 étaient des difficultés de l’ordre relationnel avec difficultés d’entrer en lien, de mettre des limites, mouvements d’idéalisation et schéma noir et blanc, une labilité importante émotionnelle avec une baisse de la tolérance au stress.

r. Appelé à se prononcer sur le courrier des HUG du 16 octobre 2020, le SMR de l’OAI, sous la plume du docteur L______, a considéré, par avis médical du 19 octobre 2020, que l’assurée n’avait fourni aucun élément médical pour justifier les diagnostics retenus et la capacité de travail estimée, et qu’au vu du courrier du Dr K______, on ne disposait d’aucun élément permettant de s’écarter des conclusions précédentes.

s. Par décision du 4 décembre 2020, l’OAI a confirmé son projet de décision, ainsi que la motivation qui l’accompagnait.

C. a. Par acte posté le 24 décembre 2020, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision du 4 décembre 2020, alléguant que sa santé ne s’était aucunement améliorée « depuis le mois d’octobre 2019 » et qu’elle poursuivait un suivi régulier chez son médecin généraliste, ainsi qu’un programme spécialisé pour les dépendances. Elle ajoutait que son état émotionnel ne s’améliorait pas, qu’elle souffrait depuis maintenant de nombreuses années, était restée fragile et que sa situation de santé restait un handicap majeur pour reprendre une activité professionnelle. Elle concluait à ce que l’on revienne sur la décision visée.

b. Par réponse du 27 janvier 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, au motif que la capacité de travail et les limitations fonctionnelles de la recourante avaient fait l’objet d’une expertise psychiatrique qui remplissait tous les réquisits jurisprudentiels et devait se voir reconnaître une pleine valeur probante.

c. Par courrier du 17 octobre 2021, la chambre de céans a informé les parties que le rapport d’expertise rendu par le Dr J______ présentait un certain nombre de problèmes, notamment la présence d’incohérences quant au degré de sévérité de l’atteinte à la santé, et qu’une expertise médicale judiciaire était envisagée.

d. Après avoir consulté les parties sur le choix d’un expert et la teneur du mandat d’expertise, la chambre de céans a mandaté la doctoresse M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour effectuer une expertise psychiatrique de l’assurée.

e. La Dresse M______ a rendu un rapport d’expertise daté du 30 septembre 2022. Elle avait eu quatre entretiens individuels avec l’expertisée, le 2 février, le 11 février, le 23 février et le 13 avril 2022, complétés par un entretien téléphonique avec le référent infirmier de l’expertisée, un entretien téléphonique avec le Dr N______ du service d’addictologie, et deux entretiens avec le médecin traitant de l’assurée, le Dr H______.

L’experte s’était fondée sur l’ensemble des documents médicaux et avait effectué une anamnèse familiale, professionnelle, socio-affective et médicale complète. Elle avait tenu compte des plaintes de l’assurée et avait relaté une journée-type dont il ressortait que l’assurée n’avait pas d’activité régulière pendant ses journées, aucune activité sociale et n’avait plus aucune activité agréable, récréative ou créative. Elle avait retenu comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail : une personnalité émotionnellement labile type borderline (F60.31), depuis l’adolescence, de gravité sévère ; une anxiété généralisée (F41.1), depuis l’adolescence avec persistance à l’âge adulte mais aggravation de l’anxiété flottante lors des fléchissements de l’humeur due aux épisodes dépressifs récurrents, de gravité sévère ; un trouble dépressif récurrent, épisode dépressif actuellement moyen avec syndrome somatique (F33.11), premier épisode apparu, au minimum, en 2012 et documenté par un membre du corps médical, puis de nouveaux épisodes dépressifs dès 2015 jusqu’à ce jour, de gravité moyenne.

À cela s’ajoutaient des troubles mentaux et trouble du comportement lié à l’utilisation de cannabis (F12.25), utilisation continue, de gravité moyenne ; des troubles mentaux et trouble du comportement lié à l’utilisation d’opiacés (F11.22), héroïne, avec suivi actuel d’un régime de substitution par méthadone, sous surveillance médicale, de gravité moyenne ; des troubles mentaux et trouble du comportement lié à l’utilisation de sédatifs ou d’hypnotiques (F13.22), benzodiazépines, avec suivi actuel d’un régime de substitution par Rivotril, sous surveillance médicale, gravité légère.

S’agissant de la capacité de travail, l’experte considérait que l’assurée n’était pas en mesure d’exercer une activité lucrative, ni habituelle, ni adaptée. La capacité de travail était nulle, depuis août 2015 jusqu’à ce jour.

f. Le rapport d’expertise a été soumis aux parties ; la recourante ne s’est pas déterminée et l’intimé s’est déterminé, par courrier du 10 novembre 2022, en joignant un avis médical du SMR daté du même jour, selon lequel l’expertise de la Dresse M______ était convaincante et ses conclusions pouvaient être suivies ; la capacité de travail de la recourante était nulle, dans toute activité, depuis le mois d’août 2015. En se fondant sur l’avis du SMR, l’OAI modifiait ses conclusions dans le sens où la recourante devait se voir octroyer une rente entière (taux d’invalidité de 100%), non limitée dans le temps, dès le 1er août 2016.

g. Par courrier du 17 novembre 2022, la chambre de céans a communiqué aux parties qu’un arrêt serait rendu prochainement.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 38 et 56 ss LPGA).

3.        Est litigieuse la question de savoir si la recourante dispose d’une capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée, le cas échéant depuis quand.

4.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

 

 

5.         

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2 Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

5.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

6.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.        Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives, au sens du droit de l’assurance-invalidité (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure, un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid. 5.3.1).

8.         

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail qui, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    En l’espèce, l’expertise réalisée par la Dresse M______ a été jugée convaincante par le SMR de l’OAI, qui a recommandé que ses conclusions soient suivies et que la capacité de travail de la recourante soit considérée comme nulle, dans toute activité, depuis le mois d’août 2015.

La recourante ne s’est pas déterminée sur les conclusions de l’expertise mais l’on constate que ces dernières rejoignent la détermination de la recourante qui considère, dans ses écritures, que son état émotionnel ne s’est pas amélioré et qu’elle souffre depuis de nombreuses années et reste fragile, raison pour laquelle elle s’est opposée à la décision de l’OAI.

10.1 D’une façon générale, l’experte psychiatre a rédigé un rapport d’expertise qui correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, à l’issue de quatre entretiens avec l’expertisée, complétés par des entretiens avec l’infirmier référent, le médecin du service d’addictologie et le médecin traitant de la recourante. Il contient en outre une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée, et l’experte a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée à la suite des entretiens mentionnés supra. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés. L’experte a bien analysé la capacité de gain de la recourante et a émis des diagnostics motivés. Il n’existe pas de contradiction et l’experte a, en outre, exposé de manière convaincante pour quelles raisons elle se ralliait aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartait, notamment quant à l’expertise du Dr J______.

10.2 Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise psychiatrique du 30 septembre 2022 présente une pleine valeur probante et qu’il doit être suivi, étant rappelé que le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

10.3 Au niveau de la date à partir de laquelle la capacité de travail est considérée comme nulle, la chambre de céans partage l’avis de l’experte et l’avis médical du SMR, daté du 10 novembre 2022.

C’est donc à la date du 1er août 2015 qu’il sied de reconnaître une capacité de travail nulle dans toute activité. Compte tenu du degré d’invalidité de 100%, la recourante a droit à une rente entière, non limitée dans le temps, à l’issue du délai d’attente d’un an, soit dès le 1er août 2016 comme le propose l’OAI, dans son ultime détermination du 10 novembre 2022.

11.    Compte tenu de ce qui précède, il se justifie de réformer la décision querellée en ce sens que la recourante a droit à une rente entière ordinaire, non limitée dans le temps, dès le 1er août 2016.

12.    S’agissant des coûts de l’expertise, conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

12.1 Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouvertes une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

12.2 En ce qui concerne les troubles psychiatriques, l’OAI a mandaté un expert en la personne du Dr J______. Le fait que ses conclusions soient différentes de celles de l’experte judiciaire mandatée par la chambre de céans ne permet pas de déduire que l'autorité administrative a diligenté une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées.

12.3 Dès lors, les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à la charge de l’État.

13.    La recourante, qui n'est pas représentée en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

14.    Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument (art. 69 al. 1bis LAI), arrêté en l’espèce à CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 4 décembre 2020 en ce sens que la recourante a droit à une rente entière ordinaire, non limitée dans le temps, dès le 1er août 2016.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le