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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1340/2020

ATAS/905/2022 du 11.10.2022 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1340/2020 ATAS/905/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 octobre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à HORGEN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Stéphane JORIS

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) a requis, en date du 30 juillet 2019, par l’intermédiaire de la société B______ SA, son affiliation auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC ou l’intimée), indiquant être sans activité lucrative depuis le 23 juin 2017. Elle n’avait perçu aucun revenu en 2017 et 2018.

b. Par décisions du 2 septembre 2019, la CCGC a affilié l’assurée comme personne sans activité lucrative au 1er juillet 2017, et a fixé le montant de ses cotisations personnelles pour les années 2017 à 2019. En 2017, le montant des cotisations personnelles a été établi définitivement sur la base de la communication reçue de l’administration fiscale cantonale. Pour les années 2018 et le mois de janvier 2019, dans l’attente des communications fiscales y relatives, le montant des cotisations personnelles a été établi provisoirement sur la base de la communication fiscale de 2017.

c. Par courrier du 1er octobre 2019, l’assurée a formé opposition aux décisions de la CCGC. Elle a contesté la qualification de personne sans activité lucrative, précisant qu’elle détenait à 66.66 % le capital-actions de C______.io Limited (ci-après : la société), société établie en Grande-Bretagne, dont elle était la directrice et la co-fondatrice et dont elle a décrit les activités. Les revenus générés par la société en 2017 et 2018 ne lui avaient pas permis de retirer une rémunération. Elle devait encore investir ses propres fonds afin de développer les produits proposés par sa société. Elle y consacrait son temps et son travail et voyageait régulièrement pour présenter et promouvoir les produits de la société, dont les perspectives étaient prometteuses. Elle devait ainsi être considérée comme une personne exerçant une activité indépendante dont la rémunération n'avait pas excédé CHF 9'500.- en 2017 et 2018, et le montant des cotisations sociales pour ces années devait être fixé au maximum de CH 482.-, de même que pour 2019.

d. Par décision du 10 mars 2020, la CCGC a écarté l’opposition. Elle a considéré que l’assurée, qui avait initialement demandé son affiliation comme personne sans activité lucrative en précisant n’avoir perçu aucun revenu en 2017 et en 2018, avait allégué soudainement au stade de l’opposition qu’elle avait une activité sans aucun revenu. Ce fait ne remettait pas en cause son affiliation comme personne sans activité lucrative. En effet, les conditions pour être considéré comme indépendant du point de vue des assurances sociales n’étaient pas remplies, dès lors que l’assurée ne percevait pas de rémunération.

B. a. Par acte du 8 mai 2020, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours contre la décision précitée, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à ce que la chambre de céans rende une nouvelle décision en tenant compte du fait qu’elle exerçait une activité lucrative indépendante, même en l’absence de rémunération, de manière durable et à temps plein, les cotisations devant être fixées au montant minimal pour les années 2017, 2018 et 2019.

Elle a exposé que la société avait été enregistrée le 11 décembre 2015 au Royaume-Uni. Elle en était l’actionnaire majoritaire et siégeait au conseil d’administration. Cette société avait un but lucratif et employait dix personnes en qualité de salariés ou de consultants externes. La société avait réalisé un chiffre d’affaires de GBP 10'000.- en 2015 et 2016, de GBP 37'400.- en 2017, de GBP 26'600.- en 2018 et de GBP 23'000.- en 2019, insuffisant pour rémunérer la recourante qui y avait investi des fonds propres à hauteur de GBP 563'800.-. Son précédent mandataire avait par erreur rempli le formulaire pour personne sans activité lucrative. Elle faisait grief à l’intimée d’avoir constaté de façon inexacte les faits pertinents. Elle exerçait une activité lucrative durable et à plein temps, consacrant tout son temps à la société depuis sa création, à raison de plus de huit heures par jour. Elle avait exercé son activité entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017, pendant plus de neuf mois entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018 et entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019. Elle supportait le risque économique et était libre dans l’organisation de son travail. Seules les cotisations minimales étaient dues, soit CHF 478.- en 2017 et 2018 et CHF 482.- en 2019.

Elle a notamment produit le certificate of incorporation of a private limited company du 11 décembre 2015 de la société, et la requête d’enregistrement, mentionnant qu’elle et Monsieur D______ en étaient les codirecteurs et qu’elle détenait 68 % des parts.

b. Dans sa réponse du 9 juin 2020, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a notamment relevé qu’il était surprenant que la responsable d’une société anglaise en pleine création, dont la charge de travail devait être importante, soit domiciliée en Suisse. Même si les connexions informatiques lui permettaient d’avoir une certaine distance physique avec son travail, une présence quotidienne était nécessaire dans le cadre du travail managérial.

c. Par observations du 25 juin 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a notamment allégué que l’activité de la société était entièrement dématérialisée, et les technologies actuelles lui permettaient de travailler à distance. Elle se rendait à Londres afin de rencontrer ses équipes lorsque cela était nécessaire.

d. La chambre de céans a sollicité des pièces complémentaires de la recourante, soit les contrats de travail de ses employés, la preuve de l’investissement de GBP 563'800.- et toute preuve des activités déployées en Grande-Bretagne par pli du 23 février 2021.

e. Le 31 mars 2021, la recourante a indiqué que sa société n’employait pas de salarié, mais recourait à des prestataires de services indépendants, dont des informaticiens. Elle a indiqué avoir investi GBP 216'000.- en octobre et décembre 2020, soit au total GBP 517'000.-. Elle a ajouté qu’en tant que cofondatrice et managing partner de la société, elle organisait des conférences et coordonnait les relations avec les prestataires externes. Elle développait également les relations avec les clients. Elle n’a pas produit les contrats avec les clients, dans la mesure où ils étaient couverts par des accords de confidentialité, mais s’est dite prête à le faire.

Elle a produit le relevé bancaire de la société, affichant des versements d’un montant total de GBP 301'000.- entre avril 2016 et juillet 2019 (soit GBP 100'000.- entre le 18 et le 21 avril 2016, GBP 80'000.- le 4 avril 2018, GBP 49'000.- le 30 janvier 2019 et de GBP 72'000.- le 23 juillet 2019), ainsi que des échanges de courriels portant sur diverses réunions ou événements concernant la société.

f. Dans sa détermination du 26 avril 2021, l’intimée a répondu que la recourante ne pouvait pas être considérée comme une mandataire externe à la société, vu son implication dans celle-ci. Les investissements étaient en lien avec sa qualité de cofondatrice, mais ne constituaient pas un indice d’une activité indépendante développée en parallèle à la société. Si par impossible la chambre de céans devait retenir que la recourante exerçait une activité lucrative, la problématique de l’activité salariée devait être examinée.

g. Par acte du 11 mai 2021, la recourante a fait valoir qu’elle exerçait une activité indépendante à plein temps sans avoir pu percevoir de rémunération depuis 2016, ce qui n’était pas rare durant les années suivant la création d’une société. Elle était responsable des risques, ce que ses investissements démontraient. Elle persistait dans ses conclusions.

h. Par arrêt du 15 juin 2021 (ATAS/615/2021), la chambre de céans a annulé la décision de l’intimée et lui a renvoyé la cause pour fixation des cotisations de la recourante en qualité d’indépendante. Elle a retenu en substance qu’il n’existait aucun indice de rapport de subordination entre la recourante et la société, et que les courriels produits démontraient qu’elle coordonnait et gérait de manière indépendante ses propres activités et celles de la société. Elle y avait investi des sommes importantes, et la société était destinée à être rentable à terme et devait permettre à la recourante de se verser une rémunération. L’activité avait été menée dans l’intention de réaliser un profit. Au vu du but de la société, de l’activité que la recourante y avait déployée et des investissements qu’elle avait consentis, du caractère professionnel de l’activité et de l’existence d’un chiffre d’affaires, il apparaissait hautement vraisemblable que la recourante exerçait une activité professionnelle de façon indépendante, et non un simple hobby. Elle ne pouvait par ailleurs pas être considérée comme une personne salariée, dans la mesure où elle avait investi plus de GBP 500'000.- dans la société, et supportait les risques économiques.

i. À son tour saisi d’un recours de l’intimée, le Tribunal fédéral l’a partiellement admis par arrêt du 1er avril 2022 (9C_423/2021), a annulé l’arrêt de la chambre de céans et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. S’il a confirmé l’existence d’une activité lucrative de la recourante, il a en revanche retenu que l’absence de rapport de subordination n’était pas suffisante pour admettre une activité indépendante de la recourante, au vu de ses fonctions dans la société de directrice, actionnaire majoritaire et membre du conseil d'administration, pas plus que les investissements qu’elle avait consentis. Les constatations de la chambre de céans, selon lesquelles la recourante coordonnait et gérait de manière indépendante ses propres activités et celles de la société, n’étaient pas étayées par des pièces du dossier établissant les activités que la recourante aurait exercées en son nom et pour son propre compte. Il semblait en outre que la recourante n’avait pas déployé d’activité pour d’autres mandants, indice en faveur d’un lien de dépendance économique envers la société. Il convenait d’instruire notamment le point de savoir si la recourante avait exercé des activités en son nom et pour son propre compte.

C. a. Par courrier du 14 avril 2022, la chambre de céans a invité la recourante à se déterminer sur son statut au vu des éléments mis en exergue par le Tribunal fédéral, et à transmettre les pièces propres à établir ce statut, soit les pièces relatives à d'éventuelles activités déployées par elle en son nom et pour son compte ou pour d'autres clients, les contrats liant respectivement la recourante et M. D______ à C______.io, les documents comptables pertinents qui n'auraient pas été produits, les éventuels procès-verbaux d'assemblée, les preuves du paiement des frais relatifs à l'activité de la recourante pour déterminer à qui incombait ces charges, les contrats conclus avec C______.io et toute autre pièce utile.

b. La recourante a donné suite à cette requête par écriture du 13 mai 2022, dans laquelle elle a persisté dans ses conclusions. Elle a exposé que la gestion de son activité et de la société, en tant que start up, n’avait été que très peu formalisée durant la période litigieuse. Il y avait ainsi peu de documentation, et la société n’avait pas signé de contrat. Le Tribunal fédéral avait confirmé qu’elle avait exercé durant la période concernée une activité lucrative durable et à plein temps. Elle a répété qu’elle était cofondatrice de la société, qu’elle y avait investi des sommes importantes et y engageait sa force de travail de manière significative et visible pour le monde extérieur, en lui fournissant un certain nombre de prestations de service. Ces prestations, qui s'ajoutaient à ses responsabilités d'administratrice, étaient fournies par exemple dans les domaines du marketing, de la vente, de la comptabilité ou encore de l'analyse risque-pays. Ces prestations devaient être considérées comme celles d'un prestataire externe, et non d'un simple organe de la société. La recourante ne recevait aucune instruction, n’était pas dans un rapport de subordination et elle organisait librement et de manière indépendante son activité. Ces éléments avaient été mis en évidence par les pièces versées au dossier et étaient confirmés par une déclaration écrite de M. D______, produite à l’appui de son écriture. L’engagement personnel et financier de la recourante dépassait amplement celui d'un simple salarié et ne pouvait être que celui d'un véritable entrepreneur.

Dans la déclaration jointe du 10 mai 2022, rédigée en anglais, M. D______ a donné des précisions sur le business model. Il a décrit ses tâches, celles de la recourante (notamment finances, coordination avec les membres du conseil consultatif, conduite des évaluations, collecte des données, rédaction des rapports). Ils assumaient ensemble les tâches suivantes : stratégie commerciale et stratégie pour les produits de la société, vente, acquisition de clientèle, mise à jour biannuelle des fichiers de données des pays, marketing sur les réseaux sociaux, examen et développement du modèle d’évaluation, et information du conseil consultatif. Au sujet de l’organisation, M. D______ a précisé qu’ils n’avaient pas d’horaires usuels mais consacraient le temps qu’ils estimaient nécessaire. Il n’y avait pas de « routine » quotidienne. Leurs tâches communes étaient coordonnées lors d’entretiens téléphoniques quasiment quotidiens. M. D______ a indiqué qu’il n’avait pas de contrat signé avec la société. Les services de consultants fournis à la société étaient facturés mensuellement.

c. L’intimée s’est déterminée le 9 juin 2022 en persistant dans ses conclusions. La recourante n’avait produit aucune pièce relative à des activités qu'elle aurait exercées en son nom et pour son propre compte. La recourante n'était pas en mesure de produire de pièces comptables relatives à ses propres activités (bilan, compte de pertes et profits, etc.), de preuves de paiement de frais généraux et d'encaissement de prestations, de devis ou de factures adressés à ses clients. En d'autres termes, aucun document ne prouvait l'existence d'une activité lucrative indépendante exercée pour la société ou d'autres mandants. À défaut de preuve d'une réelle organisation d'entreprise, une activité indépendante ne pouvait être retenue. L’absence de lien de subordination n’était pas déterminante, pas plus que les investissements. L’intimée a contesté que le Tribunal fédéral aurait admis le caractère durable de l’activité. La recourante alléguant intervenir en qualité de prestataire externe de la société, il était surprenant que ses prestations ne soient pas rémunérées et n’apparaissent pas dans la comptabilité de la société. Le contenu de l’attestation de M. D______ ne permettait pas d’admettre que la recourante agissait en son nom et pour son propre compte. Partant, l’activité de celle-ci devait être qualifiée de salariée au sens de la loi. Or, dans la mesure où elle n’avait perçu aucune rémunération pour le travail effectué, il convenait de maintenir son affiliation comme personne sans activité lucrative.

d. Le 7 juillet 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a maintenu que le Tribunal fédéral avait admis le caractère durable et à plein temps de son activité. L’absence de documentation et de comptabilisation en tant que prestataire externe ne suffisait pas à remettre en cause l’existence d’une activité indépendante, qui devait être retenue au regard de l'ensemble des circonstances économiques et de la prédominance des éléments caractéristiques d'une telle activité.

e. Le 4 août 2022, la CCGC a indiqué à la chambre de céans ne pas avoir d’observations à formuler.

f. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la recourante le 8 août 2022.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont déjà été examinées et admises dans l’arrêt du 15 juin 2021, si bien qu’on peut y renvoyer.

2.             Conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral, le litige porte désormais sur le point de savoir si la recourante exerce une activité dépendante ou indépendante.

On notera que le Tribunal fédéral ne s’est pas expressément prononcé sur le caractère durable et à plein temps de l’activité de la recourante, contrairement à ce que celle-ci affirme.

3.             Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend notamment de la qualification du revenu perçu dans un certain laps de temps ; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (ATF 114 V 165 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.1).

4.             Il n’existe aucune présomption juridique en faveur de l’activité salariée ou indépendante (Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD] éditées par l’OFAS dans leur version au 1er janvier 2017, ch. 1020). Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a affaire à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Les circonstances économiques sont déterminantes (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique encouru par l'entrepreneur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 3.2). Le risque économique de l'entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.2 et H 188/02 du 14 novembre 2002 consid. 5.2). On est en règle générale en présence d'une activité lucrative indépendante lorsque la personne tenue de cotiser participe, par l'engagement de sa force de travail et de son capital, aux échanges économiques en s'organisant elle-même et de manière visible pour le public afin de fournir des prestations de service ou de créer des produits qui sont utilisés ou acquis au moyen de contre-prestations financières ou pécuniaires (ATF 143 V 177 consid. 3.3). Le critère du risque économique revêt une importance moindre comparativement à celui de l'indépendance économique et organisationnelle lorsque l'activité qu'il s'agit de qualifier de dépendante ou d'indépendante n'exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2019 du 27 juillet 2020 consid. 4.). En pareilles circonstances, il convient d'accorder moins d'importance au critère du risque économique de l'entrepreneur et davantage à celui de l'indépendance économique et organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 2.2).

Les critères suivants plaident en faveur d’une activité indépendante d’un assuré : gestion d’une entreprise avec des employés dans ses propres locaux ; rapport d’égalité avec la personne ayant confié le mandat ; possibilité de travailler simultanément pour plusieurs sociétés en son propre nom, sans être dépendant de celles-ci ; prise en charge des frais ; rémunération liée au succès de l’entreprise ; responsabilité à l’égard de tiers ; choix des horaires ; exécution du travail chez soi ; absence d’instructions ; sollicitation au cas par cas ; indépendance prévue par la loi (Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème 2016, n. 196). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci et son obligation d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.3). Un autre élément est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur. La possibilité pour le travailleur d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.3).

Ces principes ne conduisent cependant pas à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances particulières (ATF 144 V 111 consid. 4.2). La détermination du statut laisse aux autorités amenées à statuer une large marge d'appréciation. L'interprétation des indices pertinents est rarement univoque, et il y a lieu de décider pour chaque cas particulier en fonction de la prépondérance de certains critères par rapport à d'autres la nature de l’activité (ATF 140 V 108 consid. 6).

5.             En ce qui concerne le statut dépendant ou indépendant d’organes d’une société, on peut rappeler ce qui suit.

5.1 En matière de droit des contrats, s’agissant de la qualification des rapports juridiques entre une personne morale et ses organes, singulièrement entre une société anonyme et les membres du conseil d'administration ou de la direction, la tendance de la jurisprudence est plutôt de considérer les directeurs liés par un contrat de travail et les administrateurs par un mandat ou un contrat sui generis analogue au mandat. En tous les cas, lorsque l'organe dirigeant exerce son activité à titre principal, le critère décisif en faveur du contrat de travail est le rapport de subordination, l'intéressé étant alors soumis à des instructions, par exemple du conseil d'administration. Par définition, il n'existe aucun rapport de subordination lorsqu'il y a identité économique entre la personne morale et son organe dirigeant. Un contrat de travail ne saurait ainsi lier une société anonyme et son actionnaire et administrateur unique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1 et les références).

Cela étant, les rapports de droit civil ou sur le plan fiscal ne sont pas décisifs pour savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_302/2016 du 28 février 2017 consid. 5.2). Le Tribunal fédéral a ainsi souligné dans une affaire où la juridiction des prud’hommes avait nié l’existence d’un contrat de travail que le jugement de cette instance n’avait pas d’incidence sur la qualification du statut par la caisse de compensation, les appréciations du juge civil et de l’AVS pouvant différer sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 9C_946/2009 du 30 septembre 2010 consid. 5.2.2).

5.2 En matière d’assurances sociales, de jurisprudence constante, les revenus tirés de sociétés en nom collectif ou de sociétés en commandite font partie du revenu tiré d’une activité indépendante (ATF 136 V 258 consid. 2.2.3). Les bénéfices tirés d’une entreprise individuelle grâce au travail de ses employés sont des revenus d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_676/2016 du 17 novembre 2016 consid. 3.2).

5.3 S’agissant des personnes morales, l’art. 7 let. h du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101) englobe dans le salaire déterminant pour le calcul des cotisations notamment les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l’administration et des organes dirigeants des personnes morales. De plus, la jurisprudence érige en présomption que la rétribution versée par une société anonyme à un membre de son conseil d'administration est un salaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.1 et 4.4). Les personnes qui dirigent une société anonyme ou à responsabilité limitée sont en général réputées exercer une activité dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_361/2016 du 22 août 2016 consid. 5.2.1). Examinant la qualification des montants versés à un avocat siégeant au conseil d’administration d’une société à laquelle il avait également fourni des prestations de conseil juridique, le Tribunal fédéral des assurances a souligné qu’elle dépendait du point de savoir si l'activité rémunérée était liée à la fonction de membre du conseil d’administration ou si elle pouvait être exercée indépendamment de cette fonction (ATF 105 V 113 consid. 3).

5.4 Dans un arrêt de 2005, le Tribunal fédéral des assurances a rappelé qu’il reconnaissait en règle générale un statut de dépendant aux assurés dirigeants de sociétés de capitaux, qu’il n’avait pas tranché la question de savoir s’il y avait lieu de s’écarter de cette qualification lorsque les dirigeants de sociétés en étaient les actionnaires uniques ou majoritaires, et qu’il avait toujours qualifié ces assurés de dépendants et considéré le revenu tiré de leurs activités comme un salaire déterminant. Il a rappelé qu’il avait également statué dans ce sens dans le cas d’un spécialiste en informatique, qui en sa qualité d’actionnaire et membre unique du conseil d’administration et employé de la société anonyme qu’il avait fondée, était actif pour plusieurs entreprises qui lui versaient des honoraires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/04 du 19 mai 2005 consid. 3.3 et les références). Le Tribunal fédéral des assurances a en outre souligné qu’il avait examiné à plusieurs reprises l’obligation de cotiser d’un entrepreneur qui transformait sa raison individuelle ou société de personnes en société anonyme, considérant que cela entraînait un changement du statut d’indépendant à dépendant et que l’obligation personnelle de cotiser perdurait jusqu’à la veille de l’inscription de la société anonyme au registre du commerce (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 267/04 du 3 avril 2006 consid. 4.4.2).

5.5 En pratique, le Tribunal fédéral des assurances n’a pas remis en cause le statut de salarié reconnu à l’assuré, actionnaire unique, président du conseil d’administration et directeur d’une société anonyme (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 386/99 du 4 août 2000). Le Tribunal fédéral a en revanche notamment confirmé le statut d’indépendant d’associés gérants uniques avec signature individuelle détenant l’entier du capital de sociétés à responsabilité limitée et prenant toutes les décisions relatives à la marche de l’entreprise (arrêts du Tribunal fédéral 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 4.4, 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.1 et 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2). Il a retenu qu’un ingénieur travaillant seul dans une société anonyme dont il est le seul membre du conseil d’administration et le seul gérant, qui peut prendre toutes les décisions de l’entreprise seul et disposer du capital social, est indépendant du point de vue des assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2020 du 15 septembre 2020 consid. 3.1). Tel est également le cas d’un chauffeur de poids lourd, seul membre du conseil d’administration et seul titulaire du droit de signature de sa société anonyme (arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2016 du 6 octobre 2016 consid. 2.1). Le seul organe disposant du droit de signature d’une société à responsabilité limitée est indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2017 du 19 septembre 2017 consid. 4.1). Un assuré copropriétaire avec son épouse du capital d’une société anonyme, mais siégeant seul au conseil d’administration et en étant le seul gérant avec droit de signature, est indépendant au sens des assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_928/2015 du 19 avril 2016 consid. 2.3.4). Dans le cas d’un assuré ayant dirigé la société anonyme familiale, dont son père et son frère étaient respectivement président du conseil d’administration et actionnaire principal, notre Haute Cour n’a pas exclu que l’intéressé puisse exercer une influence essentielle sur l’entreprise eu égard à sa fonction, renvoyant toutefois la cause à l’administration pour investigations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.2). Elle a précisé que la question de savoir si une personne a une influence déterminante sur la politique de l'entreprise et le développement de celle-ci - et doit ainsi être considérée comme tirant ses revenus d'une activité indépendante - doit être examinée sur la base de critères tels que le cercle des actionnaires, la participation au capital social, la composition du conseil d'administration, le taux d'activité des actionnaires et leur fonction dans la société (arrêt du Tribunal fédéral 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 3.3). La chambre de céans a confirmé le statut de salariée d’une assurée, présidente du conseil d'administration avec signature individuelle et actionnaire d’une société anonyme exploitant un bar, qui avait en son propre nom conclu le bail des locaux abritant cet établissement dans lequel elle avait investi plus de CHF 400'000.- et qu’elle gérait seule, car elle n’était précisément pas associée d'une société simple (ATAS/1197/2019 du 20 décembre 2019 consid. 12). Statuant sur la qualité d’employeur d’une étude d’avocats créée sous forme de société anonyme en lien avec l’activité qu’y déployait l’avocat qui l’avait fondée et en était l'unique actionnaire et administrateur avec signature individuelle, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt de la chambre de céans (ATAS/1076/2020 du 29 octobre 2020) retenant que ladite société avait le statut d’employeur. Il a notamment relevé qu’en dépit de l’identité économique complète entre la société et l’avocat, le risque économique était supporté par la société. L’avocat ne disposait pas d'une réelle organisation indépendante de celle de la société, qui mettait à sa disposition des locaux, du matériel et du personnel administratif. La société concluait des contrats de mandat avec sa clientèle, et elle avait souscrit l'assurance professionnelle en responsabilité civile couvrant l’avocat. Elle lui versait par ailleurs une rémunération fixe, indice en faveur d’une activité dépendante. Au vu du rôle et de l'intégration étroite de l'avocat dans l'organisation de la société, on ne pouvait admettre qu'il agissait en qualité de tiers vis-à-vis d'elle lorsqu'il accomplissait ses activités d'avocat, et qu'il aurait effectué celles-ci même s'il n'avait pas été administrateur et actionnaire unique de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2021 du 7 décembre 2021 consid. 5.2.2). En référence à cet arrêt, la doctrine a rappelé que la société unipersonnelle («Einmann-Gesellschaft») a une position particulière, dans la mesure où le propriétaire unique qui se déclare en qualité de salarié ne l’est pas du point de vue du droit du travail, faute de lien de subordination, mais exerce une activité dépendante au sens du droit des assurances sociales (Gabriela RIEMER-KAFKA, Selbständig - oder unselbständigerwerbstätig - das ist hier die Frage, PJA 2022 p. 755, note de bas de page 11).

6.              

6.1 L’art. 4 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) prévoit que les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante. Selon les alinéas premier et deuxième de l’art. 5 LAVS dans sa teneur en force jusqu’au 31 décembre 2019, une cotisation de 4.2 % est perçue sur le revenu provenant d'une activité dépendante, appelé ci-après salaire déterminant (al. 1). Le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s'ils représentent un élément important de la rémunération du travail (al. 2).

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAVS dans sa teneur en force jusqu’au 31 décembre 2019, les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations versent des cotisations de 8.4 % sur leur salaire déterminant.

6.2 L’art. 9 al. 1 LAVS prévoit que le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante.

Aux termes de l’art. 8 al. 2 LAVS, si le revenu annuel de l’activité indépendante est égal ou inférieur à CHF 9'300.- selon la teneur de cette disposition du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, respectivement CHF 9'400.- selon la teneur de cette disposition du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, l’assuré paie la cotisation minimale, sauf si ce montant a déjà été perçu sur son salaire déterminant. Dans ce cas, l’assuré peut demander que la cotisation due sur le revenu de l’activité indépendante soit perçue au taux le plus bas du barème dégressif.

6.3 En vertu de l’art. 10 al. 1 LAVS, les assurés n’exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation selon leur condition sociale. Les assurés qui exercent une activité lucrative et qui paient moins que la cotisation minimale pendant une année civile, y compris la part d’un éventuel employeur, sont considérés comme des personnes sans activité lucrative. Le Conseil fédéral peut majorer ce montant selon la condition sociale de l’assuré pour les personnes qui n’exercent pas durablement une activité lucrative à plein temps.

La cotisation minimale était de CHF 392.- en 2017 et 2018 et de CHF 395.- en 2019 selon les versions de l’art. 10 al. 1 LAVS alors en vigueur.

6.4 Conformément à l’art. 28 al. 1 RAVS, les cotisations des personnes sans activité lucrative, pour lesquelles la cotisation minimale par année (art. 10 al. 2 LAVS) n’est pas prévue, sont déterminées sur la base de leur fortune et du revenu qu’elles tirent des rentes. Cette réglementation vise à empêcher que l’obligation de cotiser en qualité de non actif soit contournée par l’exercice d’une activité minime ou sporadique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_105/2012 du 14 mars 2012 consid. 1).

L’art. 28bis al. 1 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101) dispose que les personnes qui n’exercent pas durablement une activité lucrative à plein temps acquittent les cotisations comme des personnes sans activité lucrative, lorsque, pour une année civile, les cotisations qu’elles paient sur le revenu d’un travail, ajoutées à celles dues par leur employeur, n’atteignent pas la moitié de la cotisation due selon l’art. 28. Leurs cotisations payées sur le revenu d’un travail doivent dans tous les cas atteindre le montant de la cotisation minimale selon l’art. 28. La notion de durable au sens des art. 10 al. 1 LAVS et 28bis RAVS couvre une activité exercée durant au moins neuf mois par année (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2021 du 9 juillet 2021 consid. 3 ; ch. 2035 des Directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG [DIN] dans leur version au 1er janvier 2017). Une activité lucrative n’est pas exercée à plein temps lorsque l’assuré n’est pas actif pendant au moins la moitié du temps usuellement consacré au travail (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 29/06 du 6 février 2007 consid. 3.1 ; ch. 2039 DIN).

6.5 La deuxième révision de l'AVS a consacré le principe selon lequel le critère déterminant pour la qualification de personne active ou non active du point de vue du droit des cotisations est que l’assuré verse sur le produit de son travail des cotisations qui atteignent au moins le montant de la cotisation minimale pour tous les assurés (cf. art. 10 al. 1 2ème phrase LAVS) (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 318/01 du 10 juillet 2003 consid. 6.2).

Il s’agit cependant là uniquement des assurés qui doivent être taxés selon leur situation sociale au sens de l’art. 10 al. 1 1ère phrase LAVS. En vertu de l’art. 8 al. 2 1ère phrase, les indépendants qui réalisent les revenus visés par cette disposition ne sont pas concernés. Dans le cadre de la 9ème révision de l’AVS, il a été confirmé que les indépendants n’ayant aucun revenu ou seulement un revenu minime doivent s’acquitter de la cotisation minimale (Message concernant la neuvième révision de l'assurance-vieillesse et survivants du 7 juillet 1976, FF 1976 III 27). Dès lors qu’il s’agit pour l’essentiel d’activités durables exercées à plein temps, ce traitement particulier des indépendants se justifie, car on ne peut dans de tels cas pas parler d’absence d’activité lucrative, et qu’on ne peut exiger d’un indépendant dont les affaires vont mal qu’il s’acquitte de cotisations sur sa fortune ou le revenu de ses rentes. Il en découle qu’un assuré indépendant qui ne retire aucun revenu de son activité ne peut être qualifié de non actif pour ce motif. Savoir si un assuré exerce une activité lucrative ne dépend pas du montant des cotisations mais des circonstances économiques concrètes. En vertu de l’art. 10 al. 1 LAVS en lien avec l’art. 28bis RAVS, il est déterminant que l’assuré ait été actif durablement et à plein temps et le cas échéant qu’il ait versé les cotisations nécessaires pour la qualification d’actif sur les revenus d’une activité lucrative, respectivement que ces cotisations sur le revenu de l’activité lucrative atteignent le montant limite selon l’art. 28 bis RAVS si l’assuré n’était pas actif de manière durable. Il n’est en revanche plus décisif de savoir d’où proviennent ses moyens d’existence (ATF 115 V 161 consid. 6d, 6e et 7b). Lorsqu’un assuré déploie en qualité d’indépendant une activité économique effective, visible pour le public, dans le but de commercialiser ses produits, les revenus modestes qu’il en tire ne permettent pas de lui nier la qualité d'indépendant. Le fait qu'une personne exerçant une activité lucrative indépendante n'enregistre pas de revenus professionnels ou subit des pertes commerciales, et ne réalise donc pas un revenu soumis à cotisation, ne suffit pas, à lui seul, pour la considérer comme un assuré sans activité lucrative, à moins que la situation ne se prolonge sur une certaine durée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 169/06 du 15 mars 2007 consid. 4.1).

Dans le cas d’un assuré auquel ses rentes procuraient un revenu élevé, et dont le salaire correspondant à un taux de travail de 57 % était comparativement bas, le Tribunal fédéral a relevé que ces éléments ne s’opposaient pas à ce que l’exercice d’une activité lucrative, excluant la qualification de non actif au sens du droit des cotisations, soit admis. En effet, celui qui verse des cotisations à hauteur ou supérieures au montant minimal doit être considéré comme actif selon la volonté du législateur, indépendamment du fait qu’il devrait s’acquitter de cotisations supérieures en fonction de sa fortune et du revenu de ses rentes s’il était qualifié de non actif. Une conception contraire signifierait que tous les assurés qui disposent de ressources qui leur permettraient de ne plus travailler devraient d’emblée se voir nier un statut d’actif, ce qui ne correspond manifestement pas à la lettre et au sens de la loi (art. 4 al. 1 LAVS). Lorsqu’un assuré ne tombe pas sous le coup de l’art. 28bis RAVS, les motifs pour lesquels il n’exerce pas une activité mieux rémunérée ou ne travaille qu’à temps partiel ne sont pas pertinents s’agissant de déterminer son statut. On ne saurait y voir un comportement relevant de l’abus (arrêt du Tribunal fédéral 9C_168/2016 du 1er juillet 2016 consid. 4.1 et 4.2). Tranchant une cause dans laquelle l’instance précédente avait considéré que l’assuré, qui percevait l’intégralité de son salaire durant sa préretraite, exerçait une activité lucrative, au motif qu’il s’acquittait de cotisations supérieures au montant minimal, le Tribunal fédéral a retenu que cette analyse n’était pas conforme à l’art. 28bis RAVS. Cet article définit plus précisément le cercle des personnes sans activité et précise comment se détermine le statut de cotisant lorsqu’un assuré ne travaille pas de manière durable et à plein temps. Il concrétise ainsi la méthode prévue à l’art. 10 al. 1 LAVS pour distinguer les actifs des non actifs (Schwergewichtsmethode), et correspond à la volonté clairement établie du législateur, selon laquelle la qualification d’actif ou de non actif du point de vue du droit des cotisations dépend du fait que l’assuré verse des cotisations à concurrence du montant minimal sur le produit de son travail. Le statut d’actif ne se décide pas en fonction de la hauteur des cotisations, mais des circonstances économiques concrètes. Partant, le fait que l’assuré verse des cotisations supérieures au montant minimal ne suffit pas à conclure à un statut d’actif. Ce point dépend bien plus du point de savoir s’il a exercé durant la période examinée une activité d’une ampleur déterminée et générant des cotisations d’un certain montant (ATF 139 V 12 consid. 5.1 et 5.2). Dans un arrêt de principe de 2014, le Tribunal fédéral a répété que le statut d’actif ne peut être nié à un indépendant en raison de la faiblesse de ses revenus lorsque les circonstances économiques concrètes démontrent l’exercice d’une activité, et a ajouté qu’il en va de même pour l'actionnaire unique (salarié) qui renonce à une partie de son revenu en raison de la mauvaise situation de sa trésorerie. Dans le cas d’espèce, l’assurée, qui percevait un salaire annuel de CHF 9'000.- en qualité de présidente d’une fondation, ne pouvait toutefois se prévaloir du principe applicable aux indépendants, selon lequel un sous-paiement seulement provisoire ne s'oppose pas à la qualification de personne active. La modicité de son revenu excluait que l’on retienne une pleine activité lucrative au sens de l’art. 28bis RAVS (ATF 140 V 338 consid. 2.3.1 et 2.3.2 ainsi que le consid. 3 non publié).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b). Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_115/2012 du 14 janvier 2013 consid. 4.2). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le tribunal doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables. Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le tribunal devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_189/2015 du 11 septembre 2015 consid. 5.1 et les références).

8.              

8.1 En l’espèce, il convient en premier lieu de souligner que la société, de droit anglais, peut être assimilée à une société anonyme de droit suisse. Elle en présente les mêmes caractéristiques, en ce sens qu’elle est une entité légalement distincte de ses dirigeants, qu’elle dispose d’une comptabilité séparée, et qu’elle a des actions et des actionnaires (cf. Set up a private limited company: Limited companies - GOV.UK (www.gov.uk).

8.2 S’agissant des différents critères permettant de qualifier le statut dépendant ou indépendant, il faut rappeler que l’absence de rapport de subordination ne suffit pas à trancher dans un sens plutôt que dans un autre, comme l’a souligné le Tribunal fédéral. C’est du reste le propre d’un dirigeant de société que de ne pas être soumis à des instructions. En ce qui concerne les investissements importants dans la société, le Tribunal fédéral a également souligné dans son arrêt de renvoi que de tels investissements n’impliquent pas que le risque économique serait supporté par la recourante. En effet, dans le cas d’une société disposant de la personnalité juridique, l’assuré ne répond pas personnellement des pertes de celles-ci - sous réserve indirectement et à certaines conditions d’une éventuelle action en responsabilité au sens de l’art. 52 LAVS - mais encourt uniquement le risque indirect de perdre les fonds injectés en cas de faillite de la société. Tel est cependant le cas pour tout investisseur, même étranger à la société. La possibilité pour la recourante d’aménager ses horaires de travail et de choisir le lieu d’exécution à sa guise n’est pas non plus déterminante, cette prérogative n’étant pas l’apanage d’une activité indépendante mais étant liée à la nature des activités de la société, qui relèvent d’un travail d’analyse pouvant être accompli en tout lieu et en tout temps. Ces critères pourraient du reste perdre de leur signification au vu de l’essor du télétravail (sur l’insécurité juridique qu’entraînent les développements des nouvelles formes de travail sur la qualification des assurés, cf. RIEMER-KAFKA, op. cit., p. 755). Pour le surplus, la recourante a allégué avoir consacré l’entier de son temps à son travail pour la société, ce qui est un indice plaidant en faveur d’une activité dépendante, conformément à la jurisprudence. Dans les différents échanges de courriels avec des clients ou des prestataires, elle s’est présentée comme la cofondatrice et codirectrice de la société. L’adresse électronique qu’elle utilise est celle du nom de domaine de la société (@C______.io). La recourante n’a ainsi jamais agi en son propre nom, à titre de représentante externe mandatée par la société. Les activités que les courriels produits permettent de retracer ont été accomplies pour la société, et non pour le compte de la recourante elle-même. La société n’ayant pas dégagé un chiffre d’affaires suffisant pour rétribuer la recourante, le critère des modalités de la rémunération ne revêt pas la même importance que dans d’autres cas, dans lesquels des versements réguliers de montants invariables peuvent suggérer qu’il s’agit d’un salaire, par exemple. Il n’en reste pas moins que si la recourante avait agi en qualité d’indépendante pour la société, il est vraisemblable qu’elle aurait facturé ses services, ou à tout le moins qu’elle aurait tenu des décomptes des prestations fournies – incluant les frais encourus dans l’accomplissement de ses activités – dans l’optique d’en obtenir le paiement une fois la société devenue rentable. Or, elle n’allègue pas qu’elle aurait tenu une comptabilité séparée de la société. En définitive, la recourante n’a produit aucune pièce indiquant qu’elle aurait des activités indépendantes de la société. Il ressort au contraire des pièces produites qu’elle a œuvré au nom et pour le compte de la société, en sa qualité de directrice, sans apparaître comme un prestataire distinct de celle-ci. Elle ne démontre pas non plus qu’elle aurait une organisation indépendante, ses activités se confondant avec celles de de la société. Enfin, si la recourante dispose d’une majorité des parts de la société, ce qui en théorie signifie qu’elle pourrait imposer sa volonté et par conséquent exercer une influence déterminante sur celle-ci, elle n’est dans les faits pas la seule décisionnaire. Il ressort en effet des explications de M. D______ que les décisions stratégiques sont prises de concert avec celui-ci. Ce critère revêt une importance certaine et plaide en faveur d’une activité dépendante, conformément à la casuistique citée.

8.3 Compte tenu de ces éléments et de la règle générale qui se dégage de la jurisprudence rappelée ci-dessus, tendant à considérer les dirigeants de personnes morales comme dépendants au sens de l’AVS, même lorsqu’ils en sont en même temps les actionnaires majoritaires, la recourante doit être qualifiée de dépendante du point de vue des assurances sociales.

8.4 S’agissant du caractère durable et à plein temps de l’activité, la recourante a toujours allégué – à tout le moins dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans – qu’elle travaillait à plein temps.

Il n’existe guère d’indice permettant de remettre en cause cette allégation, qui en l’absence de contrat écrit avec la société peut difficilement être infirmée. On peut cependant admettre au vu des courriels produits et du travail de fond que la société doit accomplir pour développer ses produits que l’activité de la recourante est exercée à plein temps, a fortiori dès lors que la société ne compte pas d’autres employés que la recourante et M. D______. Le caractère durable de l’activité, soit sur plus de neuf mois par année, peut également être admis.

Ces éléments n’ont cependant guère de portée dans le cas d’espèce. En effet, la recourante n’a réalisé aucun salaire pendant les années litigieuses, et ne s’est par conséquent pas acquittée à ce titre d’un montant correspondant à la cotisation minimale. Conformément aux dispositions légales et aux principes développés par la jurisprudence rappelés ci-dessus, cela suffit, eu égard à son statut dépendant, à l’assimiler du point de vue du droit des cotisations à une personne sans activité lucrative, dont les cotisations sont déterminées en fonction de sa condition sociale.

8.5 Compte tenu de ce qui précède, les décisions de l’intimée doivent être confirmées, étant précisé que la quotité des cotisations et les éléments patrimoniaux pris en compte pour les fixer ne sont pas contestés.

9.             Le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2020).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le