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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1452/2022

ATAS/828/2022 du 26.09.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1452/2022 ATAS/828/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 septembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, GENÈVE

 

 

recourant

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré) a commencé une activité de bouquiniste en tant qu'indépendant le 1er janvier 2011. Il exerce principalement au marché B______ et au marché C______.

b. Il a déposé auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) les 27 et 28 décembre 2021 et 3 janvier 2022 des demandes d’allocations pour perte de gain due au coronavirus (ci-après : APG-COVID) fondées sur une baisse significative de son chiffre d’affaires pour les mois de septembre à décembre 2021. À teneur des demandes, son chiffre d’affaires s’était élevé à CHF 51'105.- pour l’année 2015, à CHF 63'603.- pour l’année 2016, à CHF 48'663.- pour l’année 2017, à CHF 52'202.- pour l’année 2018 et à CHF 55'564.- pour 2019. Il s’était monté à CHF 2'700.- en septembre 2021, à CHF 2'880 en octobre 2021 puis à CHF 2'960.- en novembre 2021 et à CHF 3'070.- en décembre 2021. Il liait cette diminution au fait que depuis septembre 2021, les passages des clients aux marchés avaient diminué de manière significative. En été les touristes étaient encore présents. En revanche dès que la troisième vague avait été attendue, sa clientèle genevoise était absente. La période de noël n'avait pas amélioré la situation, d'ailleurs il avait plu une semaine entière.

B. a. Par décision du 19 janvier 2022, la caisse a rejeté les demandes de l'assuré, au motif que la baisse significative de son chiffre d’affaires n’apparaissait pas liée aux mesures ordonnées par la Confédération ou le canton, dès lors que les restrictions appliquées par les autorités entre septembre et décembre 2021 ne s’étendaient pas – directement ou indirectement – à son activité lucrative.

b. L'assuré a formé opposition à cette décision le 14 février 2022. Il a soutenu qu'en raison du renforcement des mesures de prévention, plus particulièrement du télétravail, depuis le 1er octobre 2021 jusqu'au 14 février 2022, le centre-ville, où se situait le marché dans lequel il exerçait son activité, s'était vidé. Son activité était directement liée aux personnes travaillant aux alentours, lesquelles en raison des mesures fédérales ne se rendaient plus aux marchés. Il avait donc été touché économiquement et directement.

c. Par décision du 4 avril 2022, notifiée le 12 avril 2022, la caisse a rejeté l'opposition ; aucune mesure pour la période en cause n'avait empêché le déploiement de l'activité de l'assuré. Selon l’interprétation de l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS), la limitation du nombre de personnes par table dans un restaurant constituait par exemple un motif de réduction, tandis que la peur du Coronavirus (ci-après : COVID-19) n’en était plus un. Le regrettable manque à gagner qu'avait subi l'assuré résultait d’une baisse de la production et de la consommation des services, conséquences économiques d’une crise pandémique mondiale impactant toutes les entreprises en général, mais n'était pas lié aux mesures ordonnées par le Conseil fédéral.

d. L'assuré a déposé auprès de la caisse, les 24 janvier et 2 mars 2022, des nouvelles demandes d'APG-COVID, fondées sur une baisse significative de son chiffre d’affaires pour la période allant du 1er janvier au 16 février 2022, reprenant la motivation de ses précédentes demandes. Il a précisé avoir réalisé un chiffre d’affaires de CHF 3'093.- en janvier 2022 et de CHF 2'885.- jusqu'au 16 février 2022.

e. Par décisions des 28 février et 11 mars 2022, la caisse a rejeté les nouvelles demandes d'APG-COVID.

f. Le 20 mars 2022, l'assuré a formé opposition aux décisions précitées.

g. Par décision du 17 mai 2022, la caisse a rejeté l'opposition de l'assuré et refusé l'APG-COVID pour la période du 1er janvier au 16 février 2022.

C. a. Le 5 mai 2022, l'assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de Justice, à l'encontre de la décision du 4 avril 2022. En sus des arguments développés au stade de l’opposition, il a fait état d'une application différente des conditions d'APG-COVID en fonction des conseillers de l'OCAS, qui acceptaient pour certains marchands indépendants, exerçant dans le même secteur de travail que l'assuré, les mesures de télétravail comme lien de causalité de la réduction de l'activité lucrative.

b. Le 11 mai 2022, l’assuré a déposé un complément de recours, concluant à l'annulation de la décision sur opposition du 4 avril 2022, ainsi qu'à l'octroi des prestations d'allocations pour perte de gain de décembre 2021 au 16 février 2022.

c. L’intimée a répondu au recours le 3 juin 2022, en concluant à son rejet. Elle a considéré que le recours portait sur les décisions des 4 avril et 17 mai 2022. Le travail à domicile, recommandé ou rendu obligatoire, n'avait pas empêché la clientèle du recourant de se rendre dans les divers marchés, magasins ou boutiques et son activité ne dépendait pas de l'obligation pour ses clients de se rendre à leur travail, à la manière d'un pressing par exemple. La causalité entre l'obligation du télétravail et son activité de bouquiniste n'était pas assez étroite. La diminution de revenus qu'avait subie le recourant n’était pas en lien avec les mesures cantonales ou fédérales alors en vigueur, mais résultait substantivement d'une conjoncture économique provisoirement impactée par une pandémie mondiale.

d. Par réplique du 1er juillet 2022, le recourant a réitéré que la clientèle habituelle était absente au marché C______, en raison du télétravail et du fait qu'elle n'avait pas la nécessité de se rendre en ville pour faire ses achats.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux APG, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le recours du 5 mai 2022 et a été formellement interjeté contre la décision de l’intimée du 4 avril 2022, rejetant, pour la période de septembre à décembre 2021, les demandes d’octroi d'APG-COVID formées par le recourant. Par acte du 11 mai 2022, le recourant a conclu, dans un complément de recours, à l'octroi des prestations d'APG-COVID pour la période de décembre 2021 au 16 février 2022, à la suite de quoi l’intimée a considéré que le recours portait tant sur la décision du 4 avril 2022 que celle, rendue ensuite, le 17 mai 2022. Par économie de procédure, il convient également de considérer que le recours est dirigé contre la décision du 17 mai 2022, même si, formé le 11 mai 2022, il était prématuré. Les recours déposés à l'encontre des décisions précitées ont été enregistrés sous le numéro de cause A/1452/2022 en une même procédure.

Le litige porte ainsi sur le bien-fondé des décisions de l’intimée des 4 avril et 17 mai 2022 niant au recourant le droit aux APG-COVID pour la période du 1er septembre 2021 au 16 février 2022.

3.             Interjetés dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), les recours sont recevables.

4.              

4.1 Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RS 818.101.24 ; RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; RO 2020 773).

Après un certain assouplissement des mesures durant l’été 2020, la situation sanitaire s’est à nouveau dégradée durant l’automne 2020, contraignant les autorités à prendre de nouvelles mesures.

Ainsi, et notamment, les rassemblements spontanés de plus de quinze personnes ont été interdits dans l’espace public, en particulier sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, à compter du 19 octobre 2020 (art. 3c de l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière, Ordonnance COVID-19 situation particulière COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26, dans son état le 19 octobre 2020). La recommandation selon laquelle les employés devaient si possible faire du télétravail a à nouveau été émise à cette même date (art. 10 al. 3).

À compter du 29 octobre 2020, il a notamment été interdit d’organiser des manifestations publiques de plus de cinquante personnes, et des manifestations privées de plus de dix personnes (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 29 octobre 2020).

Dès le 12 décembre 2020, les manifestations publiques ont été interdites, à certaines exceptions, notamment les manifestations religieuses jusqu’à cinquante personnes et les funérailles dans le cercle familial et amical restreint (art. 6 al. 1 let. c et d de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020), les manifestations privées de maximum dix personnes restant autorisées (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020). À partir du 22 décembre 2020, les restaurants, établissements culturels et sportifs, ainsi que les lieux de loisirs ont dû fermer leurs portes.

Au vu de l’évolution favorable de la situation épidémiologique, les mesures ont été assouplies les 19 avril et 31 mai 2021. Le 26 juin 2021, l’ordonnance COVID-19 situation particulière a été révisée en profondeur : le télétravail n’était plus obligatoire ; au restaurant, le nombre de personnes à chaque table n’était plus limité ; les restrictions de la capacité d’accueil et le nombre de participants aux grandes manifestations avec certificat COVID étaient levées ; l’obligation de porter le masque et de respecter les distances étaient abrogées pour les activités sportives et culturelles et il n’y avait plus de restriction à l’enseignement présentiel dans les universités et établissements de formation (cf. récapitulation de la modification des mesures nationales visant à endiguer le coronavirus en Suisse depuis décembre 2020, établi par l’OFSP ; ATAS/764/2022 du 2 septembre 2022 consid. 2.1).

Eu égard à la situation tendue dans les hôpitaux et de l’occupation très élevée des lits aux soins intensifs, dès lundi 13 septembre 2021, la présentation d'un certificat COVID à l’entrée des restaurants, des lieux culturels, de loisirs et des manifestations à l’intérieur a été exigée (cf. modification du 8 septembre 2021 de l'Ordonnance COVID-19 situation particulière). Par arrêté du 25 novembre 2021, le Conseil d'Etat de Genève a rendu le port du masque obligatoire dans les espaces clos des installations, des établissements, des manifestations ou des autres lieux accessibles au public ainsi que dans les espaces clos des lieux de travail et de formation (art. 13 de l'arrêté du 25 novembre 2021 modifiant l'arrêté, du 1er novembre 2020, d’application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19). Il a également décidé d'imposer le port du masque en extérieur sur les marchés ainsi que lors de la Course de l'Escalade (cf. arrêté du 1er décembre 2021 concernant les mesures de protection de la population destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 sur les marchés ainsi qu’à l’occasion de la Course de l’Escalade des 4 et 5 décembre 2021). Le Conseil fédéral a renforcé les mesures de lutte contre la pandémie. Dès lundi 6 décembre 2021, l’utilisation du certificat et l’obligation du port du masque a été étendue et le travail à domicile est fortement recommandé (cf. récapitulation de la modification des mesures nationales visant à endiguer le coronavirus en Suisse depuis décembre 2020, établi par l’OFSP ; ATAS/764/2022 du 2 septembre 2022 consid. 2.1). Par décision du Conseil fédéral du 17 décembre 2021, le travail à domicile a été rendu obligatoire (art. 25 al. 5 ordonnance COVID-19 situation particulière).

Compte tenu d'une évolution favorable de la situation dans les hôpitaux, le Conseil fédéral a supprimé, le 2 février 2022, la quarantaine et l’obligation de télétravail. L’obligation de travailler à domicile devient une recommandation. De plus, à partir du jeudi 17 février 2022, l’accès aux magasins, aux restaurants, aux établissements culturels, aux établissements ouverts au public et aux manifestations a été à nouveau possible sans masque ni certificat. Le port du masque obligatoire et la recommandation de télétravail ont également été abrogés (cf. récapitulation de la modification des mesures nationales visant à endiguer le coronavirus en Suisse depuis décembre 2020, établi par l’OFSP).

4.2  

4.2.1 Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral a encore édicté l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), qui est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020 pour une période d’application limitée au 31 décembre 2022 (art. 11).

La loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102), adoptée par le Parlement le 25 septembre 2020, a, en son article 15 (entré en vigueur avec effet rétroactif au 17 septembre 2020), fourni la base légale nécessaire pour la prolongation de l’allocation pour perte de gain COVID-19 au-delà du 16 septembre 2020 (échéance de la validité initiale de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 fondée sur le droit de nécessité), tout en redéfinissant les conditions d’octroi.

Fondée désormais sur l’article 15 de la loi COVID-19, l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 a ainsi subsisté, tout en étant adaptée aux changements introduits par la loi.

4.2.2 A teneur de l’art. 15 de la loi COVID-19, dans sa version en vigueur durant la période litigieuse, le Conseil fédéral peut prévoir le versement d’allocations pour perte de gain aux personnes qui doivent interrompre ou limiter de manière significative leur activité lucrative à cause de mesures prises pour surmonter l’épidémie de COVID-19. Seules les personnes frappées par une perte de gain ou de salaire et qui, dans leur entreprise, ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 30% par rapport au chiffre d’affaires moyen des années 2015 à 2019 sont considérées comme ayant dû limiter de manière significative leur activité lucrative (al. 1). Ont également droit à l’allocation notamment les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur (al. 2).

L’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 prévoit deux cas de figure pour les indépendants et les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur :

-     l’art. 2 al. 3 porte sur les conditions que le requérant doit remplir s’il a dû interrompre son activité en raison des mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité ;

-     l’art. 2 al. 3 bis prévoit, quant à lui, les conditions que le requérant doit remplir s’il a dû limiter son activité professionnelle en raison de telles mesures.

Ainsi, à teneur de l’art. 2 al. 3 de l’ordonnance précitée, en vigueur depuis le 17 septembre 2020, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31, al. 3, let. b et c, de la loi du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage (LACI – RS 837.0 ; position assimilable à celle d’un employeur), pour autant qu’elles remplissent la condition prévue à l’al. 1bis, let. c, ont droit à l’allocation : si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), et si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b). Cet alinéa a été abrogé le 17 février 2022 (RO 2022 97).

Selon l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance, les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 ont droit à l’allocation pour autant qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la LAVS, si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let.a), si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b) et ont touché pour cette activité au moins CHF 10'000.- à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 ; cette condition s’applique par analogie si l’activité a débuté après 2019 ; si celle-ci n’a pas été exercée pendant une année complète, cette condition s’applique proportionnellement à sa durée (let. c). Dès le 17 février 2022, cet alinéa a été modifié et concerne désormais les personnes actives dans le domaine de l’événementiel (RO 2022 97).

4.3 L'OFAS a émis des lignes directrices relatives à l'application de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la circulaire sur l'APG-COVID en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après : CCPG), valable à partir du 17 mars 2020, puis à partir du 17 septembre 2020, pour le présent litige dans sa version 24.

Il ressort notamment de l’avant-propos à la version 18, que le Conseil fédéral avait modifié l’ordonnance COVID-19 situation particulière du 23 juin 2021 et levé l’interdiction générale des manifestations depuis le 26 juin 2021. À partir du 1er septembre 2021, les personnes concernées dans ce secteur qui subissaient une perte de gain en raison des restrictions encore en vigueur, pouvaient faire valoir le droit à l’allocation fondé sur une limitation significative de l’activité lucrative. Il n’existait presque plus de mesures de restrictions prises par les autorités. En conséquence, les caisses de compensation devaient apporter une attention particulière aux motifs invoqués par les assurés pour le droit fondé sur la limitation significative de l’activité lucrative, ces motifs devant être en lien avec les mesures de lutte contre le coronavirus.

À teneur du ch. 1040.2 CCPG – dans le chapitre 3.2.3, à partir du 1er septembre 2021, compte tenu de la levée de l'interdiction générale des manifestations et à défaut de justificatifs exigés dans les ch. 1037 et suivants, les indépendants et les personnes dont la situation est assimilable à celle d’un employeur ainsi que pour leurs conjoints ou leurs partenaires enregistrés qui travaillent dans l’entreprise, qui subissent une perte de gain en raison des mesures de lutte contre la pandémie, peuvent faire valoir le droit à l’allocation fondé sur une limitation significative de l’activité lucrative.

Les personnes indépendantes et les personnes dont la position est assimilable à celle d’un employeur ont droit à l’allocation fondé sur une limitation significative de l’activité lucrative si elles doivent limiter significativement leur activité lucrative en raison de mesures cantonales ou fédérales de lutte contre le coronavirus et qu'elles ont réalisé en 2019 un revenu de l’activité lucrative soumis à l’AVS d’au moins CHF 10'000.-, ainsi que leurs conjoints ou partenaires enregistrés travaillant dans l’entreprise. Si leur activité a débuté après 2019, on se base sur le revenu de l’année correspondante. Le ch. 1067 est applicable par analogie pour déterminer la limite de revenu (ch. 1041.2 – chapitre 3.2.5. CCPG).

5.             En l’espèce, le recourant exerce une activité de bouquiniste indépendant dans des marchés. En raison de la pandémie, il expose avoir subi un manque à gagner résultant des mesures de télétravail entraînant l'absence de sa clientèle.

Durant la période litigieuse, de septembre 2021 au 16 février 2022, la profession du recourant ne faisait plus directement l'objet d'une mesure d'interruption de son activité au sens de l'art. 2 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (ci-dessus : consid. 4.1) ; il convient en conséquence d’appliquer l’art. 2 al. 3bis de cette ordonnance à sa situation. La question se pose donc de savoir si, conformément à cette disposition, l’activité lucrative du recourant a été significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité au cours de la période litigieuse.

 

Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Le fait que, de manière générale, les entreprises aient été confrontées à un ralentissement général du marché économique ne signifie pas encore que la baisse de leur chiffre d’affaire est en lien avec une mesure de lutte contre le coronavirus. Force est de constater qu’entre le 1er septembre 2021 et le 16 février 2022, son domaine d’activité n’a pas été impacté par les mesures relatives à la pandémie, ce que le recourant ne conteste pas. Le fait que son activité indépendante ait été perturbée par la pandémie, en diminuant sa clientèle, éventuellement en lien avec l’obligation du télétravail du 17 décembre 2021 au 2 février 2022 et sa reconduction du 2 au 17 février 2022, ne suffit pas à lui ouvrir le droit à l’APG-COVID.

En réalité, le recourant a été confronté à un ralentissement général du marché économique, comme cela a été le cas pour de nombreuses entreprises, ce qui ne signifie pas encore que la baisse du chiffre d’affaires est en lien avec une mesure de lutte contre le coronavirus (voir dans le même sens l’ATAS/764/2022 du 2 septembre 2022), étant rappelé que l’APG-COVID est destinée à soutenir les entreprises dont l’activité a été directement influencée par les mesures du Conseil fédéral visant à lutter contre la pandémie (cf. par exemple l’ATAS/689/2022 du 2 août 2022 consid. 5). Dans ces conditions, la chambre de céans se dispensera d’examiner les autres conditions (cumulatives) de l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19.

C’est à juste titre que l’intimée a rejeté les demandes d’APG-COVID du recourant pour la période du 1er septembre 2021 au 16 février 2022.

6.              

6.1 Le recourant invoque encore la violation du principe d’égalité de traitement en raison d'une application différente des conditions d'APG-COVID, certains marchands ayant bénéficié de prestations.

6.2 Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l’activité administrative prévaut sur celui de l’égalité de traitement. Par conséquent, le justiciable ne peut généralement pas invoquer une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu’elle l’aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d’autres cas (ATF 134 V 34 consid. 9 p. 44 et les références). Cela suppose cependant, de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en cause. Autrement dit, le justiciable ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi. Encore faut-il que les situations à considérer soient identiques ou du moins comparables (ATF 126 V 390 consid. 6a ; ATF 116 V 231 consid. 4b ; ATF 115 Ia 81 consid. 2 et les références citées).

6.3 Or, en l'occurrence, rien ne laisse supposer que l'intimée a rendu des décisions favorables pour d’autres marchands dans la même situation que le recourant ni, si tel devait être le cas, qu’elle entende persévérer dans l’inobservation de la loi.

7.             Partant, les recours ne peuvent qu’être rejetés.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le