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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1781/2021

ATAS/776/2022 du 06.09.2022 ( LCA ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.11.2022, 4A_477/2022
Recours TF déposé le 04.11.2022, rendu le 06.02.2024, REJETE, 4A_477/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1781/2021 ATAS/776/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 septembre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de
Maître Philippe DUCOR

 

 

demanderesse

 

contre

CONCORDIA ASSURANCES SA, Bundesplatz 15, LUCERNE

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse), née le ______ 1985, bénéficie, depuis le 1er janvier 2018, à la fois d’une couverture d’assurance maladie obligatoire auprès de CONCORDIA Assurance Suisse de Maladie et Accidents SA, et de trois couvertures d’assurances complémentaires auprès de CONCORDIA Assurances SA (ci-après : l’assureur ou la défenderesse), nommées respectivement DIVERSA, NATURA et Assurance-hospitalisation MI-PRIVÉE (ci-après : l’assurance-hospitalisation). Ces trois assurances complémentaires sont régies par les conditions générales d’assurance 2007 (ci-après : CGA-2007) et des conditions complémentaires d’assurances (ci-après : CCA) propres à chacune d’entre elles. S’agissant de l’assurance-hospitalisation, la police d’assurance correspondante déclare applicables, outre les CGA-2007, les CCA-2010.

b. Par courrier du 3 décembre 2018, l’assureur a fait savoir en synthèse à l’Association des médecins du canton de Genève (ci-après : AMGe) qu’au vu des tarifs excessifs pratiqués par bon nombre de ses adhérents pour les traitements stationnaires à charge de l’assurance complémentaire d’hospitalisation, et de l’échec des négociations avec l’AMGe visant à instaurer conventionnellement des tarifs dans le cadre de cette assurance complémentaire, l’assureur n’avait pas d’autre choix que de faire figurer la « facturation stationnaire » des médecins hospitaliers du canton de Genève (pour les interventions semi-privées/privées effectuées dans les cliniques privées du canton) sur la liste des hôpitaux sans couverture intégrale des frais pour les assurances-hospitalisation. En conséquence, à compter du 1er janvier 2019, dans toutes les cliniques privées de Genève, les « prestations LCA » des médecins (salariés ou agréés) en division semi-privée et privée pourraient seulement être remboursées au maximum selon les tarifs et règles de la convention qu’un autre assureur (ASSURA SA) avait conclue avec l’AMGe (ci-après : convention AMGe-ASSURA) avec effet au 1er janvier 2018. Ainsi, en cas de traitement dans l’un des établissements concernés, l’assureur
ne pourrait donc pas garantir la prise en charge intégrale des coûts. Pour les traitements stationnaires ayant débuté avant le 1er janvier 2019, bénéficiant d’une garantie de paiement déjà accordée et s’étendant au-delà de cette date, l’assureur continuerait cependant à verser les « prestations actuelles » jusqu’à l’expiration de la période garantie.

L’assurée ayant appris dans le courant du mois d’octobre 2018 qu’elle était enceinte, elle a pris contact avec l’établissement Clinique des Grangettes SA (ci-après : la clinique des Grangettes) en vue de son accouchement. De son côté, la clinique des Grangettes a fait parvenir à l’assureur, le 28 février 2019, une demande de garantie de paiement en division semi-privée, en prévision de cet accouchement dont le terme était prévu pour le 7 juin 2019. Cette demande précisait en outre que le médecin traitant de l’assurée était la doctoresse B______, spécialiste en gynécologie et obstétrique.

c. Par pli du 17 mai 2019, l’assureur a informé la clinique des Grangettes, avec copie à l’assurée et à la Dresse B______, qu’il accordait la garantie de paiement demandée dans la division semi-privée de cet établissement. Il était précisé par ailleurs que la convention AMGe-ASSURA servirait de référence tarifaire et que ce document réglerait la facturation pour ses assurés jusqu’à nouvel avis et ce, indépendamment de toute modification ultérieure de cette convention et/ou des rapports conventionnels entre l’AMGe et ASSURA.

d. Par courrier séparé du 17 mai 2019 à l’assurée, l’assureur s’est dit au regret de lui signaler qu’il se pouvait qu’une partie des coûts de son futur séjour hospitalier ne soit pas couverte. En effet, malgré les démarches entreprises, l’assureur n’avait pas été en mesure de trouver un accord avec les médecins de la clinique des Grangettes. Aussi a-t-il recommandé à l’assurée de demander à tous ses médecins traitants de confirmer préalablement par écrit qu’ils respecteraient la convention AMGe-ASSURA. À défaut, il se pouvait que l’assurée doive faire face à des coûts non couverts. À ce courrier étaient joints les documents à faire signer par l’assurée à ses médecins pour attester que le calcul et la facturation des honoraires
pour le séjour stationnaire en division semi-privée de la clinique des Grangettes se feraient selon la convention AMGe-ASSURA.

e. Le 29 mai 2019, l’assurée a écrit à l’assureur pour lui faire part de sa surprise
de découvrir, à la lecture du courrier du « 14 mai 2019 » (recte : 17 mai 2019), soit à trois semaines du terme prévu de sa grossesse, les restrictions tarifaires
qui y étaient évoquées. Les CCA de son assurance au 1er janvier 2019 prévoyaient certes que l’assureur pouvait fixer des tarifs maximaux pour les divisions assurées. Cependant, elle n’avait jamais été informée, avant le 1er janvier 2019, d’un quelconque tarif maximal pour l’étendue des soins qu’elle devait recevoir, et dont la prise en charge intégrale incombait à l’assureur en vertu du contrat d’assurance-hospitalisation conclu.

f. Par courrier du 4 juin 2019, l’assureur a fait savoir à l’assurée que même s’il comprenait son mécontentement relatif à l’éventuel non remboursement intégral des honoraires privés qui seraient facturés en relation avec son prochain séjour
à la clinique des Grangettes, il ne pouvait en aucun cas intervenir pour une quelconque prise en charge d’éventuels frais supplémentaires, ceci par égard pour l’ensemble de ses assurés.

g. Le 14 juin 2019, l’assurée a accouché à la clinique des Grangettes.

h. Le 11 juillet 2019, la Dresse B______ a adressé à l’assureur une note d’honoraires d’un montant de CHF 7’300.-, correspondant aux « soins maternité » fournis à l’assurée du 14 au 20 juin 2019.

B. a. Le 12 août 2019, l’assureur a accusé réception de cette note d’honoraires et invité la Dresse B______ à établir sa facture en reprenant les positions et
le libellé des prestations conformément à la convention AMGe-ASSURA et son annexe tarifaire. Cela fait, l’assureur procéderait au remboursement des prestations.

b. Le 19 août 2019, la Dresse B______ a fait observer à l’assureur que dans la mesure où celui-ci n’était pas signataire de la convention AMGe-ASSURA, il ne pouvait pas exiger que les factures reprennent la nomenclature et les honoraires prévus dans ce document. En conséquence, la facture du 11 juillet 2019 ne serait pas modifiée et son remboursement exigé.

c. Par courrier du 22 août 2019, l’assureur a informé la Dresse B______, avec copie à l’assurée, qu’il était actuellement en concertation avec l’AMGe pour établir un tarif concerté. En attendant l’aboutissement des négociations en cours,
il ne paraissait pas inopportun de se référer à un tarif qui avait été accepté par l’AMGe et un assureur. Même si la convention AMGe-ASSURA ne déployait pas d’effets envers les tiers, les tarifs que celle-ci prévoyait n’en constituaient pas moins un point de référence, admis par d’importants acteurs de la branche.

d. Par courrier du 1er octobre 2019 à l’assurée, l’assureur s’est déterminé au
sujet des factures relatives à son séjour à la clinique des Grangettes du 14 au 19 juin 2019 en indiquant en substance qu’il existait, sur l’ensemble des factures émises, une différence non remboursée de CHF 1’222.- à la charge de l’assurée, laquelle s’expliquait comme suit à la lumière du tarif AMGe :

-          les deux factures de la clinique des Grangettes, datées du 26 juin 2019, d’un montant de CHF 1’521.-, respectivement CHF 76.- seraient remboursées à concurrence de CHF 1’180.- et CHF 70.- ;

-          les factures de la doctoresse C______, pédiatre FMH, datées des 18 et 19 juin, aux montants respectivement de CHF 1’005.- et de CHF 385.-, seraient prises en charge à hauteur de CHF 930.- et CHF 210.- ;

-          la facture de la Dresse B______, du 11 juillet 2019, d’un montant de CHF 7’300.-, serait remboursée à concurrence de CHF 6’675.-.

e. Le 16 janvier 2020, l’assurée, représentée par un avocat, a invité l’assureur à exécuter le contrat « dans sa teneur initiale » et de prendre à sa charge le solde
de CHF 1’222.- résultant des montants qu’il avait détaillés dans son courrier du 1er octobre 2019. Faute de confirmation du paiement de cette somme jusqu’au 15 février 2020, l’assurée se réservait le droit d’agir selon toute voie utile.

f. Par courrier du 26 mars 2020 à l’assurée, l’assureur a précisé son décompte du 1er octobre 2019 en ce sens que seuls CHF 76.- avaient été facturés par la clinique des Grangettes alors que le montant de CHF 1’521.- correspondait à une facture de la doctoresse D______, spécialiste en anesthésiologie. Pour le surplus, l’assureur a contesté toute modification de couverture ou de conditions d’assurance en cours de contrat. Cela faisait longtemps que les CGA-2007, applicables à l’assurance-hospitalisation, contenaient une clause permettant de limiter le remboursement des prestations.

C. a. Le 16 avril 2021, l’assurée a saisi le Tribunal de première instance d’une requête de conciliation contre l’assureur, concluant à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de CHF 1’222.- avec intérêts à 5% l’an dès le 30 juin 2019.

b. Le 20 mai 2021, l’assurée a retiré ladite requête.

c. Par jugement JCTPI/199/2021 du 25 mai 2021, le Tribunal de première instance a constaté que la procédure était devenue sans objet et a rayé la cause du rôle.

D. a. Le 20 mai 2021, la demanderesse a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’une demande en paiement contre la défenderesse, concluant, sous suite de dépens, à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de CHF 1’222.- plus intérêts à 5% l’an dès le 30 juin 2019. À l’appui de ses conclusions, elle a fait valoir qu’en décidant unilatéralement de ne plus couvrir, dès le 1er janvier 2019, l’intégralité des honoraires des médecins indépendants intervenant au sein des cliniques privées, la défenderesse avait modifié sans droit le contrat d’assurance-hospitalisation. En effet, ni ce document, ni les CGA/CCA ne prévoyaient de clause d’adaptation de ce contrat.

b. Par réponse du 22 juin 2021, la défenderesse a conclu au rejet de la demande
en faisant valoir en synthèse que les CCA-2010 étaient claires et univoques en tant qu’elles prévoyaient que pour les hôpitaux et cliniques avec lesquels aucune convention n’avait été signée – dont la liste était aisément consultable auprès de l’assureur ou via un moteur de recherche –, l’assureur pouvait fixer des tarifs maximaux. Il appartenait donc à la demanderesse de vérifier concrètement si la clinique dans laquelle elle entendait séjourner avait passé une convention tarifaire avec la défenderesse. La demanderesse avait reçu, en même temps que la clinique des Grangettes et le médecin, l’information sur la prise en charge effective près d’un mois avant son séjour. Rien ne l’empêchait donc de se tourner vers un autre établissement. Si l’assurée avait persisté à vouloir accoucher à la clinique des Grangettes, alors même qu’elle avait été avertie des conséquences découlant de ce choix, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.

c. Par réplique du 8 juillet 2021, la demanderesse a soutenu que l’invitation de se tourner vers un autre hôpital ou une autre clinique avant l’accouchement était spécieuse dans la mesure où la défenderesse n’ignorait pas que le tarif des prestations médicales en milieu stationnaire privé n’était pas fixé par les cliniques, mais par les médecins eux-mêmes, et que les cliniques n’avaient aucun moyen de contraindre les médecins à adopter un tarif privé unifié, tel que celui prévu par la convention AMGe-ASSURA. En outre, la défenderesse entretenait à dessein la confusion entre prestations hospitalières et prestations médicales, étant relevé que la facturation de ces dernières par les médecins était identique (soit indépendante de la division hospitalière assurée) et que la clause tarifaire dont se prévalait
la défenderesse concernait uniquement le classement des divisions hospitalières assurées et ne s’appliquait donc pas aux honoraires médicaux stationnaires privés, par conséquent non limités.

d. Le 13 juillet 2021, la chambre de céans a transmis une copie de cette écriture à la défenderesse, tout en fixant un délai à celle-ci pour produire sa duplique.

e. Par courrier du 9 août 2021, la défenderesse a informé la chambre de céans que le mandataire de la demanderesse était constitué également pour la clinique des Grangettes dans une autre affaire, alors pendante devant le Tribunal de première instance, qui opposait cette clinique à la défenderesse, ce qui revenait, aux dires de cette dernière, à défendre des intérêts contradictoires. Sur la base de ces éléments, la défenderesse a conclu à ce qu’il soit interdit au mandataire de l’assurée de postuler dans la cause A/1781/2021 LCA, que soit écarté l’entier des pièces du dossier et qu’il soit imparti un bref délai à l’assurée pour se constituer un nouveau mandataire.

f. Par arrêt incident du 22 mars 2022 (ATAS/271/2022), la chambre de céans
a nié l’existence d’un conflit d’intérêts qui aurait justifié une interdiction de postuler de l’avocat de l’assurée et, partant, rejeté les conclusions incidentes de l’assureur.

g. À la suite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC – RS 272) et à l’art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA – RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance-hospitalisation, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière est ainsi établie.

1.2 L’art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 37.2 des CGA dispose qu’en cas de contestation découlant du présent contrat, le preneur d’assurance, respectivement l’assuré a le choix entre le for de Lucerne ou celui de son domicile suisse.

L’assurée ayant son domicile dans le canton de Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la demande dont elle est saisie.

1.3 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l’art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l’art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011). Or, le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

Par conséquent, la demande, déposée en la forme prescrite par l’art. 244 CPC, est recevable.

2.              

2.1 La procédure simplifiée s’applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d’office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l’introduction du CPC, prévoyant l’application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l’assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d’office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l’appréciation du litige. Ce principe n’est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d’office le litige lorsqu’une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s’assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu’il a des motifs objectifs d’éprouver des doutes sur ce point. L’initiative du juge ne va pas au-delà de l’invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d’étendre à bien plaire l’administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l’art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), en l’absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l’échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n’empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L’art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s’applique que si le juge, à l’issue de l’appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l’appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l’inexistence d’un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

2.2 En vertu de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d’assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d’une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d’appréciation des preuves. L’allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l’affaire, une preuve stricte n’est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu’indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d’un sinistre en matière d’assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l’existence d’un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

En vertu de l’art. 8 CC, la partie qui n’a pas la charge de la preuve a le droit d’apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n’apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d’ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s’il retient qu’une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

3.             Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s’applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 229 consid. 1.1 et les références).

Est litigieux, en l’espèce, le point de savoir si la défenderesse pouvait à bon droit limiter la prise en charge des frais d’hospitalisation de la demanderesse du 14 au 20 juin 2019 selon les maxima prévus par la convention AMGe-ASSURA et laisser la part excédentaire des prestations facturées, à hauteur de CHF 1’222.-, à la charge de la demanderesse. Les modifications de la LCA du 19 juin 2020, entrées en vigueur le 1er janvier 2022 (RO 2020 4969 ; FF 2017 4767), ne sont ainsi pas applicables au présent litige.

4.              

4.1 En matière d’assurances complémentaires, les parties sont liées par l’accord qu’elles ont conclu dans les limites de la loi, les caisses-maladies pouvant en principe édicter librement les dispositions statutaires ou réglementaires dans les branches d’assurances complémentaires qui relèvent de la liberté contractuelle
des parties hormis quelques dispositions impératives en matière d’indemnités journalières (ATF 124 V 201 consid. 3d).

Le droit aux prestations d’assurances se détermine sur la base des dispositions contractuelles liant l’assuré et l’assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d’assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.253/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, celui qui signe un texte comportant une référence expresse à des conditions générales est lié au même titre que celui qui appose sa signature sur le texte même des conditions générales, sans qu’il importe qu’il ait réellement lu les conditions générales en question (ATF 119 II 443 consid. 1a).

4.2 Les principes généraux de l’interprétation des contrats s’appliquent au contrat d’assurance. En effet, l’art. 100 LCA renvoie au droit des obligations, et partant, au code des obligations (CO – RS 220). Lorsqu’il s’agit de déterminer le contenu d’un contrat d’assurance et des conditions générales qui en font partie intégrante, le juge doit donc, comme pour tout autre contrat, recourir en premier lieu à l’interprétation dite subjective, c’est-à-dire rechercher la « réelle et commune intention des parties », le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices (art. 18 al. 1 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 5C.208/2006 du 8 janvier 2007 consid. 2.1). S’il ne parvient pas à établir avec certitude cette volonté effective, ou s’il constate que l’un des contractants n’a pas compris la volonté réelle exprimée par l’autre, il recherchera le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (application du principe de la confiance; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2). Ce faisant, le juge doit partir de la lettre du contrat et tenir compte des circonstances qui ont entouré sa conclusion (arrêt du Tribunal fédéral 5C.134/2002 du 17 septembre 2002 consid. 3.1). On s’en tiendra à l’usage général et quotidien de la langue, sous réserve des acceptions techniques propres au risque envisagé (ATF 118 II 342 consid. 1a). En outre, il est exclu d’interpréter de manière isolée les divers éléments du contrat; chaque clause contractuelle doit être interprétée à partir du contrat dans son ensemble. Partant, lorsque les parties, dans le contrat d’assurance ou dans les conditions générales d’assurance qui en font partie intégrante, ont convenu de la définition à donner à un terme, c’est cette définition conventionnelle qui fait foi (arrêt du Tribunal fédéral 5C.44/2004 du 21 mai 2004 consid. 2.1). Lorsqu’un assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s’engager selon les termes de ces conditions; lorsqu’une volonté réelle concordante n’a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi (ATF 135 III 410 consid. 3.2). La jurisprudence a nuancé le principe selon lequel il y aurait lieu de recourir à des règles d’interprétation uniquement si les termes de l’accord passé entre parties laissent planer un doute ou sont peu clairs. On ne peut ériger en principe qu’en présence d’un « texte clair », on doit exclure d’emblée
le recours à d’autres moyens d’interprétation. Il ressort de l’art. 18 al. 1 CO que
le sens d’un texte, même clair, n’est pas forcément déterminant et que l’interprétation purement littérale est au contraire prohibée. Même si la teneur d’une clause contractuelle paraît claire à première vue, il peut résulter d’autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d’autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu (ATF 127 III 444 consid. 1b).

4.3 L’art. 33 LCA dispose que sauf disposition contraire de la loi, l’assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l’assurance a été conclue, à moins que le contrat n’exclue certains événements d’une manière précise, non équivoque. Cette disposition concrétise l’adage « in dubio contra stipulatorem » qui veut que, de façon subsidiaire, soit lorsqu’il subsiste un doute sur le sens de dispositions rédigées par l’assureur, telles que les conditions générales préformulées, celles-ci sont à interpréter en défaveur de leur auteur, conformément à la règle des clauses ambiguës (« in dubio contra stipulatorem »; « Unklarheitsregel ») (ATF 122 III 118 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.208/2006 du 8 janvier 2007 consid. 3.1). Selon la jurisprudence et la doctrine, pour que cette règle trouve à s’appliquer, il ne suffit pas que les parties soient en litige sur la signification à donner à une déclaration; encore faut-il que celle-ci puisse être comprise de différentes façons (zweideutig) et qu’il soit impossible de lever autrement le doute créé, faute d’autres moyens d’interprétation (ATF 118 II 342 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 56/03 du 2 décembre 2003 consid. 3.6). Il ne s’agit pas, au demeurant, de s’en tenir d’emblée à la solution la plus favorable à l’assuré (ATF 126 V 499 consid. 3b).

4.4 La validité des conditions générales d’affaires préformées est limitée par la règle dite de l’inhabituel, ou de l’insolite (Ungewöhnlichkeitsregel), en vertu de laquelle sont soustraites de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les clauses inhabituelles, sur l’existence desquelles l’attention
de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée. La partie, qui incorpore des conditions générales dans le contrat, doit s’attendre, d’après le principe de la confiance, à ce que son partenaire contractuel inexpérimenté n’adhère pas à certaines clauses insolites. Pour déterminer si une clause est insolite, il faut se placer du point de vue de celui qui y consent, au moment de la conclusion du contrat. La réponse est individuelle, une clause usuelle dans une branche de l’économie pouvant être insolite pour qui
n’est pas de la branche. Eu égard au principe de la confiance, on se fondera sur
les conceptions personnelles du contractant dans la mesure où elles sont reconnaissables pour l’autre partie. Il ne suffit pas que le contractant soit inexpérimenté dans la branche économique en question. Il faut en plus de ce critère subjectif que, par son objet, la clause considérée soit étrangère à l’affaire, c’est-à-dire qu’elle en modifie de manière essentielle la nature ou sorte notablement du cadre légal d’un type de contrat. Plus une clause porte atteinte aux intérêts juridiques du contractant, plus il se justifie de la considérer comme insolite (ATF 119 II 443 consid. 1a).

4.5 En l’espèce, il est admis par les parties que depuis le 1er janvier 2018, la demanderesse est assurée auprès de la défenderesse pour l’assurance obligatoire de soins selon la LAMal, et qu’elle bénéficie également, à titre complémentaire, de la couverture offerte par une assurance-hospitalisation dont la police indique qu’elle couvre les prestations hospitalisation en division « mi-privée » avec libre choix du médecin et de l’hôpital. Ladite police d’assurance comporte également une mention déclarant applicables les CGA-2007 et les CCA-2010.

4.5.1 À leur art. 1.1 et 1.1.1, les CGA-2007 pour les assurances complémentaires des soins prévoient que les bases du contrat sont constituées notamment par les CGA et les CCA, les éventuelles conditions complémentaires d’assurance (CPA), ainsi que les dispositions de la police et des avenants éventuels. Selon l’art. 1.2 CGA-2007, les dispositions divergentes des CCA ou CPA ont la priorité sur ces CGA. L’art. 1.3 CGA 2007 précise que dans la mesure où un état de fait n’est pas réglé expressément dans ces documents, la LCA est déterminante. Sous le titre II (Étendue des assurances), l’art. 4.1 CGA-2007 mentionne que sont assurables les conséquences économiques de la maladie, de la maternité et des accidents en complément à l’assurance obligatoire des soins selon la LAMal et l’assurance-accidents selon la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA). Les prestations seront accordées en complément à celles de ces assurances obligatoires. L’art. 4.2 CGA-2007 ajoute que les détails concernant les différentes assurances sont réglés dans les CCA. Sous le titre VI (Obligations et justifications des prétentions), les CGA-2007 prévoient à l’art. 28.1 que toute entrée à l’hôpital doit être annoncée immédiatement à l’assureur, mais au plus tard après cinq jours. Selon l’art. 28.2 CGA-2007, à la demande du fournisseur de prestations ou de l’assuré, l’assureur délivrera une garantie de paiement lors d’une entrée à l’hôpital. Enfin, sous la note marginale de l’art. 36 (Honoraires convenus et tarifs), l’art. 36.1 CGA-2007 indique que les honoraires convenus entre l’assuré et le fournisseur de prestations n’engagent pas l’assureur. L’assureur ne s’engage à verser des prestations que dans le cadre des tarifs qu’il reconnaît. Selon l’art. 36.2 CGA-2007, l’assureur reconnaît les tarifs acceptés par les assurances sociales suisses et les tarifs privés usuels. Les dispositions des CCA qui diffèrent de celles-ci demeurent réservées.

4.5.2 Quant aux CCA-2010, elles mentionnent que l’assurance-hospitalisation est considérée comme assurance complémentaire à l’assurance obligatoire des soins dans le cadre des CGA (art. 1.1). L’assurance-hospitalisation prend en charge les frais en cas de séjour dans un hôpital. Elle accorde de plus des prestations pour les cures balnéaires et de convalescence, ainsi que pour l’aide familiale (art. 1.2).

Alors que l’art. 4.5 CCA-2010 décrit la notion de division commune, l’art. 4.4 CCA-2010 précise qu’est réputée division mi-privée, une chambre à deux lits ou exceptionnellement à plus de deux lits avec tarif reconnu par l’assureur. À teneur de l’art. 4.3 CCA-2010, est réputée division privée, une chambre à un lit ou exceptionnellement à deux lits avec tarif reconnu par l’assureur. L’art. 4.6 CCA-2010 prévoit que lorsqu’un hôpital ne connaît aucun critère de classification pour les divisions hospitalières ou en applique d’autres que ceux mentionnés ci-dessus ou lorsque les tarifs d’une division ne sont pas reconnus par l’assureur, il s’agit alors d’une division privée. L’assureur peut fixer des tarifs maximaux, considérés comme critère pour le classement des divisions assurées. L’assureur tient une liste des hôpitaux qui ne disposent d’aucune division privée, mi-privée ou commune au sens des présentes dispositions. Cette liste est constamment mise à jour et peut être consultée auprès de l’assureur ou un extrait peut en être demandé. Enfin,
l’art. 7.1 CCA-2010 précise que si et aussi longtemps que les conditions relatives à l’octroi des prestations sont remplies, les prestations couvrent tous les frais de séjour et de traitement scientifiquement reconnus, dans un hôpital de soins aigus, ainsi que les frais de traitement des médecins en fonction de l’assurance convenue (division commune, mi-privée ou privée) et selon le tarif reconnu par l’assureur.

4.6 En l’occurrence, il est admis par les parties que la couverture des prestations médicales en milieu stationnaire privé par la défenderesse n’était pas limitée par le tarif prévu par la convention AMGe-ASSURA jusqu’au 31 décembre 2018, et que cette convention n’a servi de limite tarifaire qu’à partir du 1er janvier 2019, soit, dans le cas particulier, pour les frais de séjour et de traitement encourus par la demanderesse lors de son accouchement du 14 juin 2019 en division semi-privée de la clinique des Grangettes.

4.6.1 Tirant argument de l’introduction, en 2019, de ladite limite tarifaire par la défenderesse, la demanderesse soutient, dans un premier moyen, que faute de consentement de sa part à une modification du contrat d’assurance-hospitalisation et en l’absence de clause d’adaptation de celui-ci, la défenderesse aurait modifié sans droit le contrat en question ; dans la mesure où la police correspondante indique précisément « pour prestations hospitalières en division mi-privée avec libre choix du médecin et de l’hôpital », il en découlerait un droit à la couverture intégrale des frais découlant de son accouchement.

Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, on constate, tout d’abord, que la proposition d’assurances complémentaires, qui a été remise à la demanderesse en 2017 et acceptée par celle-ci en la forme écrite le 5 octobre 2017 (pièce 4 défenderesse), déclare applicables à l’assurance-hospitalisation les CGA-2007 et les CCA-2010. On ne saurait en conséquence se limiter à l’examen de la seule police d’assurance-hospitalisation pour déterminer si les termes « pour prestations hospitalières en division mi-privée avec libre choix du médecin et de l’hôpital » que celle-ci comporte consacreraient un droit à la couverture intégrale des frais d’accouchement. Cette question doit bien plutôt être analysée en lien avec les CGA-2007 et CCA-2010 qui précisent les droits et obligations des parties. Aussi convient-il d’interpréter ces clauses contractuelles pré-formulées selon le principe de la confiance.

Il ressort de l’art. 36 CGA-2007 précité qu’un droit aux prestations d’assurance n’existe que dans le cadre des tarifs reconnus par l’assureur. Quant aux « tarifs que [l’assureur] reconnaît », il s’agit en principe des tarifs acceptés par les assurances sociales suisses et les tarifs privés usuels, sous réserve de dispositions contraires prévues par les CCA. À cet égard, l’art. 4.6 CCA-2010 prévoit que « lorsqu’un hôpital ne connaît aucun critère de classification pour les divisions hospitalières ou en applique d’autres que ceux mentionnés ci-dessus ou lorsque les tarifs d’une division ne sont pas reconnus par l’assureur, il s’agit alors d’une division privée. L’assureur peut fixer des tarifs maximaux, considérés comme critère pour le classement des divisions assurées. L’assureur tient une liste des hôpitaux qui ne disposent d’aucune division privée, mi-privée ou commune au sens des présentes dispositions. Cette liste est constamment mise à jour et peut être consultée auprès de l’assureur ou un extrait peut en être demandé ».

Dans un arrêt rendu le 16 avril 2020 au sujet des mêmes CGA/CCA, le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 4.6 CCA-2010, interprété selon le principe de la confiance, constitue un droit formateur contractuellement réservé, permettant à l’assureur de fixer des tarifs maximaux dans l’hypothèse où il ne reconnaît pas les tarifs d’une division hospitalière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_578/2019 du 16 avril 2020 consid. 4.4 à 4.6.3 ; cf. aussi l’arrêt du Sozialversicherungsgericht du canton de Zurich KK.2019.00024 du 14 septembre 2020).

La chambre de céans constate que l’hypothèse examinée par le Tribunal fédéral ne diffère pas du cas d’espèce. Dans la mesure où l’art. 4.6 CCA-2010 prévoit la possibilité pour les assurés de consulter ou de se faire remettre un extrait de la liste constamment mise à jour des hôpitaux dont les tarifs d’une division ne sont pas reconnus par la défenderesse, ce qui est le cas pour la clinique des Grangettes (https://www.concordia.ch/fr/versicherungen/zusatzversicherungen/spital/spitalliste.html ; cf. aussi pièce 15 défenderesse), cette clause fait clairement ressortir que dans les circonstances du cas d’espèce, la défenderesse est en droit de déterminer jusqu’à quel montant elle prend en charge les frais d’hospitalisation. Partant, les courriers du 17 mai 2019, par lesquels la défenderesse a précisé à l’attention de
la clinique des Grangettes et de la demanderesse qu’elle entendait limiter ses prestations à concurrence des tarifs maximaux prévus par la convention AMGe-ASSURA, ne constituent qu’un cas d’application de l’art. 4.6 CCA-2010 tel qu’il pouvait et devait être compris selon le principe de la confiance.

4.6.2 Dans un deuxième moyen, la demanderesse soutient que l’art. 4.6 CCA-2010 aurait trait exclusivement au classement des divisions hospitalières assurées, et pas du tout aux honoraires médicaux stationnaires privés, de sorte que cette disposition ne lui permettrait pas de changer unilatéralement sa couverture des prestations médicales en milieu stationnaire privé.

Cette argumentation n’emporte pas non plus la conviction. On relève en premier lieu que l’art. 36.1 CGA-2007 prévoit que les honoraires convenus entre l’assuré et le fournisseur de prestations n’engagent pas l’assureur (1ère phrase). L’assureur ne s’engage à verser des prestations que dans le cadre des tarifs qu’il reconnaît (2ème phrase). En second lieu, l’art. 7.1 CCA-2010 précise que si et aussi longtemps que les conditions relatives à l’octroi des prestations sont remplies, les prestations couvrent tous les frais de séjour et de traitement scientifiquement reconnus, dans un hôpital de soins aigus, ainsi que les frais de traitement des médecins en fonction de l’assurance convenue (division commune, mi-privée ou privée) et selon le tarif reconnu par l’assureur.

Il s’ensuit qu’en cas de non-reconnaissance tarifaire d’une division hospitalière, comme en l’espèce, il est clairement loisible à la défenderesse, sur la base de
l’art. 4.6 CCA-2010, de prévoir des tarifs maximaux non seulement pour les frais de séjour, mais aussi pour les frais de traitement des médecins.

4.7 Il convient encore de déterminer si l’interprétation du contrat d’assurance-hospitalisation – en particulier de l’art. 4.6 CCA-2010 – selon le principe de la confiance (ci-dessus : consid. 4.6.1 à 4.6.2) doit être tenue en échec, parce que la faculté ainsi réservée à l’assureur de prévoir des tarifs maximaux pour les frais
de séjour et de traitement serait constitutive d’une clause insolite (cf. ci-dessus : consid. 4.4).

Dans un arrêt de 2007, relatif à l’obligation de prise en charge d’une assurance-maladie complémentaire pour le traitement hospitalier d’une assurée dans une clinique avec laquelle il n’existait plus de convention tarifaire, le Tribunal fédéral était déjà parvenu à la conclusion qu’un assureur pouvait valablement prévoir, dans ses CGA, que les prestations ne seraient versées qu’en cas de séjour dans un hôpital avec lequel une convention tarifaire avait été conclue (ATF 133 III 607). En raisonnant a maiore ad minus, il est donc également admissible de prévoir, dans les CGA, des tarifs maximaux pour le traitement stationnaire d’une personne assurée dans une clinique avec laquelle il n’existe pas (et n’a jamais existé) de convention tarifaire, comme en l’espèce.

On relève par ailleurs que le site internet de la clinique des Grangettes attire l’attention de ses patients de la manière suivante : « Si vous êtes au bénéfice d’une assurance complémentaire privée ou semi-privée et si votre assureur a une convention avec notre établissement, il s’est engagé à nous renvoyer une garantie de prise en charge des frais de votre séjour, avant votre entrée. Nous devons cependant vous signaler que, parfois, certains assureurs particuliers ne délivrent cette garantie qu’à bien plaire et seulement aux assurés qui insistent pour l’obtenir. Nous vous recommandons donc de demander ce document au plus vite à votre assureur et de bien en contrôler le renvoi à notre établissement. En tous les cas, vous avez droit et pouvez exiger au minimum de votre assureur qu’il vous délivre une attestation récente, faisant état clairement du type de couverture qui est la vôtre. À défaut de tels documents – garantie de paiement ou attestation récente et complète de votre assureur – il est d’usage de demander un dépôt d’acompte à l’entrée en notre établissement ». Dans le même ordre d’idées, il est encore souligné : « Méfiez-vous des assurances complémentaires avec listes d’hôpitaux. Ces listes changent tout le temps au gré des fantaisies des assureurs. En souscrivant une telle assurance vous n’avez en fait aucune garantie de pouvoir être soigné dans l’établissement de votre choix avec le médecin de votre choix »
(cf. https://www.hirslanden.ch/fr/clinique-des-grangettes/assurance-et-prise-en-charge.html).

Il résulte de ces éléments que dans le cadre des assurances complémentaires, les restrictions à la couverture d’assurance constituent une pratique courante et qu’on ne saurait dès lors considérer, notamment à la lumière de l’ATF 133 V 607 précité que l’art. 4.6 CCA-2010, tel qu’interprété plus haut (consid. 4.6.2 in fine), serait étranger à l’affaire, c’est-à-dire qu’il en modifierait de manière essentielle la nature ou sortirait du cadre légal d’une assurance-hospitalisation soumise à la LCA. En conséquence, l’application de la clause de l’art. 4.6 CCA-2010 ne saurait être empêchée en l’absence de caractère insolite (dans le même sens : cf. arrêt du Sozialversicherungsgericht du canton de Zurich KK.2019.00024 du 14 septembre 2020 consid. 5.4.2).

4.8 S’agissant enfin du risque d’un résultat inéquitable, pour la personne assurée, que ferait peser le droit contractuel de l’assureur de prévoir des tarifs maximaux à sa guise (cf. Stephan FUHRER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 2011, pp. 204, 228-229), le Tribunal fédéral, se ralliant à l’appréciation du tribunal des assurances du canton d’Argovie, a considéré dans l’arrêt 4A_578/2019 précité (consid. 4.6.3) que la fixation de tels tarifs maximaux devait respecter uniquement le principe de la bonne foi.

En l’espèce, la chambre de céans est d’avis que ce principe n’a pas été violé pour plusieurs raisons. Il sied tout d’abord de constater que la défenderesse a averti la demanderesse le 17 mai 2019 qu’elle entendait appliquer la convention AMGe-ASSURA dans le cadre du séjour de celle-ci à la clinique des Grangettes et que la garantie de paiement pour l’hospitalisation dans cet établissement était octroyée dans les limites des tarifs prévus par cette convention. En outre, en tant que la convention AMGe-ASSURA lie une association importante du corps médical local à un acteur majeur de l’assurance-maladie en Suisse, on ne saurait dénier à ce document une certaine représentativité des limites tarifaires qu’il prévoit, ce que souligne, du reste, la différence assez faible de CHF 1’222.- (soit moins de 12%) existant entre la somme des frais facturés (CHF 10’287.-) et ceux pris en charge par la défenderesse (CHF 9’065.-, d’après les précisions non contestées que la défenderesse a données dans son courrier du 1er octobre 2019). Enfin, s’il importait à la demanderesse de ne pas devoir assumer la différence entre le montant des prestations facturées et les tarifs maximaux de la convention AMGe-ASSURA, son choix aurait pu se porter sur un établissement dont les tarifs en division semi-privée étaient reconnus par la défenderesse.

Enfin, la défenderesse a offert comme preuve les témoignages du responsable de son service des prestations et du directeur des Grangettes. L’instruction se révélant sans pertinence pour trancher la question juridique posée dans le cadre de ce litige, il y sera renoncé, par appréciation anticipée des preuves.

5.             La demande doit donc être rejetée.

Pour le surplus, il n’est pas alloué de dépens à la défenderesse, à la charge de la demanderesse (art. 22 al. 3 let. b de la loi d’application du Code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC – E 1 05]) ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC et 22 al. 3 let. b LaCC).

 

*****


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le