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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1990/2021

ATAS/714/2022 du 18.08.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1990/2021 ATAS/714/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 août 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o EMS B______, à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Mattia DEBERTI

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante) est née en ______ 1931.

b. L’intéressée et son défunt époux ont acquis, en 1962, une propriété immobilière sise sur la commune de Vernier (parcelle 1______), dont l’adresse postale est chemin C______ et qui a une surface habitable de 56 m2 pour une surface totale de 591 m2. Celle-ci leur a été vendue par l’Association genevoise D______ (ci-après : l’association), inscrite au Registre du commerce du canton de Genève.

c. L’art. RP 11 des statuts de l’association précise que les acheteurs d’une propriété vendue par ladite association doivent rester membres de celle-ci aussi longtemps qu’elle subsiste. Selon l’art. RP 14 let. b) des statuts, « les maisons et constructions érigées sur un terrain provenant de l’association sont et doivent demeurer, exclusivement destinés au logement de la famille et ne peuvent être loués que dans des cas exceptionnels et pour une durée limitée, notamment en cas de déplacement professionnel temporaire, d’hospitalisation, de liquidation d’une succession, d’attente de majorité etc. Une telle location est soumise à l’approbation préalable du comité central. Le loyer ne devra pas dépasser le montant correspondant à trois fois la valeur locative de l’impôt fédéral direct ».

d. Par acte notarié daté du 28 novembre 2013, passé par-devant le notaire E______ et concernant la parcelle 1______ de la commune de Vernier au lieu-dit « les C______ », il a été mis fin à la propriété en main commune de l’intéressée, de son fils F______ et de sa fille G______ sur ce bien immobilier. La nue-propriété dudit bien a été attribuée, en copropriété pour une moitié chacun, à M. F______ et à Mme G______, alors que l’intéressée a été mise au bénéfice d’une servitude d’usufruit sur le bien, sa vie durant.

e. Selon la décision d’imposition cantonale portant sur l’année 2019, la valeur locative après abattement du bien immobilier susmentionné, en application des règles sur l’impôt sur le revenu cantonal, se montait alors à CHF 13'009.-. Selon une « information au contribuable pour la déclaration 2020 » fournie par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), la valeur locative, après abattement du bien immobilier susmentionné, se montait alors à CHF 13'109.- en application des règles sur l’impôt sur le revenu cantonal, et à CHF 21'848.- en application des règles de l’impôt fédéral sur le revenu. Les charges et frais d’entretien retenus par l’autorité fiscale s’élevaient respectivement à CHF 2'622.- (impôt cantonal) et CHF 4'369.- (impôt fédéral).

f. L’intéressée a résidé au chemin des C______ à Vernier jusqu’au 30 juin 2020. Depuis le 1er juillet 2020, l’intéressée réside au sein de l’EMS B______, sis à Genève. Son compagnon, Monsieur H______, né le ______ 1931, réside quant à lui toujours dans le bien immobilier, au chemin C______ à Vernier.

B. a. En date du 11 août 2020, l’intéressée a déposé une demande de prestations complémentaires. Dans le formulaire ad hoc, elle mentionnait un bien immobilier qui avait été cédé par acte notarié. Elle indiquait également que le bien immobilier était habité par elle-même ou par sa famille.

b. Par décision du 18 février 2021, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a rendu une décision de refus de prestations complémentaires fédérales et cantonales. Le plan de calcul joint à la décision indiquait que le revenu déterminant de l’intéressée était supérieur à ses dépenses reconnues en raison notamment d’un poste « produit biens immobiliers » (sous la rubrique « produits de la fortune ») qui s’élevait à CHF 65'046.-.

c. Par courrier du 4 mars 2021, M. F______ a fait opposition à la décision du SPC, en tant que représentant de sa mère, au motif, notamment, que celle-ci n’avait pas d’épargne, que le montant retenu pour le versement de la rente de deuxième pilier était erroné, mentionnant CHF 46’624.80 en lieu et place de CHF 31'381.-, et enfin que le produit du bien immobilier, par CHF 65'046.-, ne pouvait pas entrer en considération dès lors que le compagnon de sa mère, depuis quarante ans, y résidait et que ce dernier n’avait pas les moyens financiers d’apporter une quelconque contribution à la pension de sa mère.

d. Par décision sur opposition du 6 mai 2021, le SPC a rejeté l’opposition et a confirmé la précédente décision. Le SPC a toutefois rectifié le montant de la rente de prévoyance professionnelle perçue par l’intéressée, selon le montant communiqué dans l’opposition. S’agissant, en revanche, du produit du bien immobilier, le SPC a maintenu que l’usufruit représentait une valeur économique, laquelle avait été prise en compte comme type de valeur locative au prix du marché, peu importait la capacité économique du tiers résidant dans le bien en question. Il résultait de ces considérations que les revenus déterminants demeuraient supérieurs aux dépenses reconnues, si bien que l’intéressée ne pouvait pas prétendre à l’octroi de prestations complémentaires.

C. a. Par mémoire posté le 8 juin 2021, le conseil de l’intéressée a interjeté recours contre la décision du 6 mai 2021 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au SPC pour que celui-ci rende une nouvelle décision, sous suite de dépens. La recourante a complété son recours par mémoire du 24 juin 2021.

b. Par réponse du 6 juillet 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours en précisant que le revenu hypothétique du bien immobilier concerné correspondait, en l’espèce, au loyer maximal pouvant être perçu par la recourante, soit un montant correspondant au triple de la valeur locative, au sens du droit fiscal fédéral.

c. Par mémoire du 17 août 2021, la recourante a répliqué. Par duplique du 8 septembre 2021, l’intimé a maintenu sa position.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

e. Les autres faits seront repris, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Déposé au dernier jour du délai de trente jours (cf. art. 60 LPGA et art. 43 LPCC), le recours a été introduit dans les temps, tant en ce qui concerne les prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF), qu’en ce qui concerne les prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC).

Interjeté, pour le surplus, dans les formes prévues par la loi (cf. art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             Les dispositions transitoires relatives aux modifications des 22 mars et 20 décembre 2019 de la LPC, en vigueur dès le 1er janvier 2021, prévoient une période transitoire de trois ans pour les personnes bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquelles la réforme des prestations complémentaires entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle. Pour ces personnes, l’ancien droit reste ainsi applicable jusqu’à la fin de l’année 2023. En revanche, le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent un droit aux PCF après l’entrée en vigueur de la réforme (cf. Message relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires du 16 septembre 2016 : FF 2016 7249, p. 7326).

En l’espèce, la décision initiale du 18 février 2021 et la décision sur opposition du 6 mai 2021 qui la remplace ont été rendues après le 1er janvier 2021, mais le droit potentiel de la recourante aux prestations complémentaires débute au 1er juillet 2020. Dans ces circonstances, il y a lieu d’appliquer l’ancien droit pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2020, ainsi que pour la période postérieure à cette dernière date, mais, dans ce second cas, uniquement si le nouveau droit n’est pas globalement plus favorable.

4.             L’objet du litige est une décision négative de l’intimé s’agissant d’un potentiel droit de la recourante aux PCF et PCC.

Au stade du recours, seul un aspect spécifique des conditions d’accès à une prestation complémentaire annuelle est encore litigieux, à savoir la prise en compte, par l’intimé, d’un montant de CHF 65'046.- au titre du « produit biens immobiliers » dans la détermination du revenu déterminant de l’intéressée, de sorte que seul cet élément nécessite un examen par la chambre de céans.

4.1 Selon la recourante, l’intimé s’est écarté sans fondement de l’art. 12 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) et des directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC) en retenant un montant de CHF 5'420.50, qui ne correspond pas à la valeur locative retenue par les autorités fiscales. Par ailleurs, rien n’indique que ce montant corresponde au prix du marché pour un logement de 56 m2 avec jardin, sis sur la commune de Vernier. En outre, l’intimé n’a pas pris en compte le fait que c’était le concubin de l’intéressée qui vivait dans l’immeuble depuis vingt ans et que ce dernier, qui doit être traité comme un conjoint marié en vertu du principe d’égalité de traitement, n’a pas les moyens de payer un loyer supérieur à la valeur locative retenue par l’administration fiscale. Compte tenu de ces éléments, le revenu déterminant total de l’intéressée, pour les années 2020 et 2021, est inférieur à ses dépenses reconnues totales, ce qui fonde un droit aux PCF et PCC.

4.2 Selon l’intimé, il faut se baser sur la valeur locative au prix du marché, laquelle est en l’espèce constituée par le rendement maximal que peut tirer la recourante de son usufruit immobilier, à savoir le triple de la valeur locative fiscale fédérale, selon les statuts de l’association. Le fait que l’occupant de la maison, qui ne fait pas partie de la famille de la recourante au sens juridique, ne s’acquitte d’aucun loyer n’a pas de justification en droit des prestations complémentaires. Cela vaut d’autant plus que l’acte notarié mentionne un potentiel impact sur les prestations d’assistance, et que les parties à cet acte devaient donc être conscientes des conséquences potentielles du démantèlement de la propriété commune, en matière de prestations complémentaires.

5.             Selon l’art. 9 al. 1 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

Selon l’art. 9 al. 2 LPC, les dépenses et revenus déterminants des conjoints (1) des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI (2) sont additionnés ; il en va de même pour des orphelins faisant ménage commun (3). Cette disposition est exhaustive (en ce sens : ATF 147 V 441 consid. 3.2 ; ATF 139 V 307 consid. 6.2 et 6.3).

5.1 Selon l’art. 11 al. 1 LPC (dans sa version jusqu’au 31 décembre 2020), les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC) et les ressources dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

Depuis le 1er janvier 2021, l’art. 11 al. 1 let. b LPC mentionne expressément que la valeur annuelle d’un usufruit ou d’un droit d’habitation ou la valeur locative annuelle d’un immeuble est comprise dans le produit de la fortune. Selon le message du Conseil fédéral, il ne s’agit cependant que d’une explication dans la loi, de la situation juridique existant déjà antérieurement, à des fins de transparence (FF 2016 7249, pp. 7320 s.). L’art. 11 al. 1 let. g LPC a, quant à lui, été remplacé par un nouvel art. 11a LPC, dont l’al. 2 prévoit, en particulier, que les autres revenus et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé, sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate, sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé. Ce nouvel article codifie la jurisprudence antérieure selon laquelle il faut entendre par dessaisissement, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ou sans contre-prestation équivalente (ATF 140 V 267 consid. 2.2 ; ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; ATF 131 V 329 consid. 4.2 ; ATF 123 V 35 consid. 1), ces deux conditions étant alternatives (ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; ATF 131 V 329 consid. 4.4).

5.2  

5.2.1 Selon l’art. 12 OPC-AVS/AI, la valeur locative du logement occupé par un propriétaire ou un usufruitier est estimée selon les critères de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile, ou, en l’absence de tels critères, selon ceux de l’impôt fédéral direct. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que cette norme vise la valeur locative « brute » en ce sens qu’elle n’inclut pas les éventuels abattements et autres privilèges prévus par le droit fiscal (ATF 139 V 574 consid. 3.3.3 ; ATF 138 V 9 [arrêt de principe] consid. 4.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_330/2015 du 21 juillet 2015 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2014 du 13 mars 2015 consid. 2 ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 9C_593/2017 du 22 mars 2018 consid. 6.3).

5.2.2 Lorsqu’un assuré est titulaire d’un droit de propriété ou d’usufruit sur un bien immobilier et que celui-ci n’est pas habité par lui-même, ou une personne entrant dans le cadre de l’art. 9 al. 2 LPC, il convient également de tenir compte d’un rendement hypothétique de ce droit qui pourrait faire l’objet d’une location (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 4.1.1 ; ATAS/1123/2021 du 8 novembre 2021 consid. 11c ; ATAS/683/2019 du 29 juillet 2019 consid. 9b ; ATAS/1086/2018 du 20 novembre 2018 consid. 11b). Cela au titre, soit de l’ancien art. 11 al. 1 let. g LPC, soit désormais de l’art. 11a al. 2 LPC. S’agissant du montant de ce rendement, le Tribunal fédéral a considéré que se baser sur la valeur locative brute au sens de l’art. 12 OPC-AVS/AI n’était pas critiquable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 4.2.2). Le chiffre 3433.03 des DPC dans leur version du 1er janvier 2022 fait, quant à lui, référence au montant qui est usuellement pratiqué dans la région, notion qui a été reprise par la chambre de céans (ATAS/1123/2021 du 8 novembre 2021 consid. 11c ; ATAS/683/2019 du 29 juillet 2019 consid. 9b). Celle-ci a notamment itérativement confirmé la prise en compte d’un rendement forfaitaire de 4.5 % de la valeur du bien, s’agissant des immeubles situés en dehors du canton de Genève (ATAS/1223/2020 du 15 décembre 2020 consid. 9 ; ATAS/683/2019 du 29 juillet 2019 consid. 9b ; ATAS/135/2019 du 19 février 2019 consid. 5c ; ATAS/1086/2018 du 20 novembre 2018 consid. 13).

5.3 En contrepartie de la prise en compte d’un rendement hypothétique de son bien, l’usufruitier peut déduire des loyers hypothétiques obtenus les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble, selon l’art. 10 al. 3 let. b LPC (ATAS/1123/2021 du 8 novembre 2021 consid 11c ; ATAS/1128/2019 du 2 décembre 2019 consid. 10d ; ATAS/683/2019 du 29 juillet 2019 consid. 9b).

6.             Aux termes de l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant en matière de prestations complémentaires cantonales est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d’exécution moyennant certaines adaptations prévues par le droit cantonal. Les PCF sont ainsi ajoutées au revenu déterminant (art. 5 let. a LPCC) et, en dérogation à l’art. 11 a. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de 1/5ème s’agissant d’un assuré percevant une rente de vieillesse, après déduction des franchises prévues par cette disposition (art. 5 let. c LPCC).

Selon l’art. 6 LPCC, les dépenses reconnues en matière de prestations complémentaires cantonales sont celles énumérées par le droit fédéral à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC.

Les bases de calcul des PCF et PCC sont donc identiques dans le cas d’espèce.

7.              

7.1 En l’espèce, la recourante réside dans un EMS depuis le 1er juillet 2020. Le bien immobilier qui est grevé d’un usufruit dont elle est titulaire est occupé par son compagnon. Il n’est pas débattu entre les parties que celui-ci ne s’acquitte d’aucun loyer.

Le concubin stable n’est pas compris dans la liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 LPC. Cette absence de prise en compte concorde avec le fait qu’il n’existe pas de devoir légal d'entretien et d'assistance entre les concubins (cf. ATF 142 III 36 consid. 2.3 ; ATF 134 I 313 consid. 5.5). En conséquence, l’art. 12 OPC-AVS/AI ne trouve pas directement application au cas d’espèce.

Il convient donc d’imputer à la recourante un revenu hypothétique correspondant au montant des loyers usuellement pratiqués dans la région pour un bien comparable.

7.2 Selon l’intimé, il conviendrait de se baser sur un montant correspondant au triple de la valeur locative de l’impôt fédéral direct, soit un montant mensuel de CHF 5'420.50.

Ce raisonnement est manifestement insoutenable. Le fait que le bien immobilier en cause ait une surface habitable de 56 m2 au registre foncier, alors même qu’il ne se situe pas au centre-ville de Genève, aurait dû attirer l’attention de l’autorité sur le résultat inadéquat de l’appréciation de la valeur de rendement du droit d’usufruit de la recourante. Selon le calculateur de loyer fourni par l’office des statistiques cantonal (cf. https://statistique.ge.ch/prestations/calcul_loyer.asp ; consulté pour la dernière fois le 15 juillet 2022), le loyer du neuvième décile pour un logement de cette catégorie, sans jardin, s’élève à CHF 1'388.- (pour un 3,5 pièces), soit un montant de plus de CHF 4'000.- inférieur à celui retenu par l’intimé. Si la recourante trouvait un locataire prêt à s’acquitter d’un loyer net de CHF 5'420.50 par mois, elle contreviendrait d’ailleurs aux règles de protection contre les loyers abusifs prévues par la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220) (cf. ATF 147 III 14 consid. 4.2 pour les immeubles âgés de plus de trente ans). Comme le souligne, à juste titre, la recourante, il n’existe aucun élément au dossier susceptible de justifier un rendement hypothétique aussi élevé, qui ne correspond pas aux loyers pratiqués dans la région pour des biens comparables.

Afin de déterminer aussi précisément que possible le revenu qui peut être attendu de la location du bien immobilier grevé d’un usufruit de la recourante au vu des pratiques usuelles dans la région, il convient, au contraire, de se baser sur la valeur locative fiscale, sans abattement, en conformité avec la jurisprudence mentionnée plus haut, laquelle est d’ailleurs correctement citée par l’intimé dans sa réponse.

7.3  

7.3.1 Selon le document fourni par la recourante et qui concerne la valeur locative du bien immobilier en 2020, celle-ci s’élève à CHF 13'109.- par an, après un abattement de 40 % (cf. pièce 9 recourante). La valeur locative « brute » s’élève donc à ([13'109/60] x 100), soit CHF 21'848.-. C’est donc cette somme qui fait référence, en tout cas pour l’année 2020 (soit un revenu mensuel hypothétique de CHF 1'820.65).

En conséquence, le plan de calcul du droit aux PCF et PCC pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2020 doit être modifié en ce sens que le produit des biens immobiliers de la recourante s’élève à CHF 21'848.- et non à CHF 65'046.-. Le total des revenus déterminants se monte donc à CHF 93'045.- (et non CHF 136'243.-). La différence entre les revenus déterminants et les dépenses reconnues pour cette période s’élève, en conséquence à - CHF 6'316.- (99'361 - 93'045).

Partant, la recourante a droit à des PCF et des PCC pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2020.

7.3.2 S’agissant de l’année 2021, la chambre de céans ne dispose en revanche pas des documents fiscaux qui permettraient d’établir le montant de la valeur locative pour la période concernée.

Dès lors que la cause doit, de toute façon, être renvoyée à l’autorité précédente, pour une nouvelle décision calculant le montant concret dû à la recourante au titre de ses prestations complémentaires annuelles pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2020, il n’y a pas lieu de procéder à des mesures d’instruction. Cela vaut d’autant plus que le SPC possède un accès facilité aux dossiers fiscaux des contribuables genevois selon l’art. 39B LPCC et qu’il est donc en mesure de se baser sur les données les plus récentes.

8.             Quant à la question de savoir si l’art. RP 14 let. b) des statuts de l’association, qui prévoit la nécessaire approbation du comité central, serait susceptible de s’opposer à la prise en compte de toute valeur locative, en cas de refus dudit comité, elle peut rester ouverte dans le cas d’espèce. Il n’est, en effet, pas contesté qu’une telle approbation n’a, pour l’instant, pas été demandée et refusée. Or, le devoir de collaboration de l’intéressée implique qu’elle ait procédé à une telle requête et que celle-ci ait été refusée pour que la question de l’effet d’une telle clause statutaire, en droit des prestations complémentaires, se pose. Il n’apparaît, par ailleurs, pas hautement vraisemblable que le comité refuse la possibilité de louer l’immeuble grevé à M. H______, alors même que celui-ci y réside seul depuis juillet 2020.

9.             En ce qui concerne, enfin, l’argument avancé par la recourante, en particulier dans son opposition, selon lequel son compagnon n’aurait pas les moyens de s’acquitter d’un loyer, il n’a pas d’influence sur ce qui précède. La question de savoir si M. H______ peut bénéficier d’un soutien individuel de l’État ou non doit en effet faire l’objet, le cas échéant, d’un examen propre dans une procédure indépendante. Cette question va donc clairement au-delà de la présente procédure qui concerne le droit aux prestations complémentaires de la seule recourante.

10.         En conclusion, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l’intimé pour que celui-ci procède au calcul du droit à la prestation complémentaire annuelle, pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2020 et pour la période postérieure à cette date, en se basant sur la valeur locative « brute » au sens du droit fiscal cantonal du droit d’usufruit immobilier de la recourante.

11.         La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA et art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Admet le recours.

3.        Renvoie à la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante un montant de CHF 2'500.-, à titre d’indemnité de procédure, à la charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le