Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1562/2021

ATAS/579/2022 du 23.06.2022 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1562/2021 ATAS/579/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à THYEZ FRANCE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Florian BAIER

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1981 et domicilié en France est célibataire et père de deux enfants.

b. En 2005, l’assuré a été opéré à Grenoble (France), opération dans le cadre de laquelle a été réalisée une arthrodèse totale du poignet droit, c’est-à-dire un blocage artificiel des articulations du poignet droit par voie chirurgicale.

c. L’assuré a débuté le 3 juin 2020 une mission temporaire, en Suisse, en qualité de manœuvre à temps plein au service de B______ (ci-après : l’employeur), société sise à Carouge dans le canton de Genève et pratiquant la location de service (ou « intérim »). Cette société est assurée auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

B. a. En date du 9 juin 2020, l’assuré s’est tordu le poignet droit en posant une plaque de plâtre dans le cadre de son travail.

b. L’assuré s’est rendu le lendemain aux hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) où une radiographie a été réalisée et où les docteurs C______ et D______ du service de chirurgie orthopédique des HUG, ont conclu à l’existence d’une entorse et à l’absence de fracture. Une immobilisation du poignet droit de l’assuré a été réalisée et celui-ci s’est vu prescrire des antidouleurs et un suivi médical pour déterminer si une opération devait, par la suite, être effectuée. L’assuré a, en outre, été mis en arrêt de travail jusqu’au 21 juin 2020.

c. Une radiographie en trois dimensions (« Cone-Beam CT Scan ») a été réalisée par les radiologues des HUG le 15 juin 2020. Celle-ci a confirmé l’absence de fracture et a permis d’établir l’existence d’une arthropathie.

d. Par formulaire daté du 15 juin 2020, transmis par l’assuré à son employeur, le premier a déclaré qu’il s’était tordu le poignet lorsque ce dernier avait été emporté par l’élan, au moment de poser la plaque de plâtre qu’il portait. Par formulaire de déclaration de sinistre datée du même jour, l’employeur a annoncé le cas à la SUVA.

e. Un nouvel examen médical a eu lieu le 17 juin 2020 aux HUG. Dans ce cadre, la doctoresse E______, du service de chirurgie orthopédique, a conclu à une absence de fracture mais à une entorse avec une potentielle arthrose. Après discussion lors de la réunion (« colloque ») des chirurgiens de la main, il a été décidé de prescrire un traitement conservateur, avec notamment la pose d’un plâtre dans l’attente de déterminer si une opération chirurgicale devait être entreprise.

f. Par formulaire daté du 26 juin 2020 adressé à la SUVA, l’assuré a précisé qu’alors qu’il était en train de poser une plaque de plâtre qu’il portait, l’élan de celle-ci lui avait cassé le poignet.

g. La Dresse E______ a derechef examiné l’assuré le 13 juillet 2020 aux HUG. Dans ce cadre, elle semble avoir conclu à une vraisemblance d’absence d’origine arthrosique des douleurs subies par l’assuré et à une potentielle tendinite ou à une compression du nerf médian du tunnel carpien de la main droite. Le document figurant au dossier de l’assuré n’est toutefois pas signé et est signalé comme étant temporaire.

h. Par courrier daté du 17 juillet 2020, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’assuré.

i. L’arrêt de travail complet de l’assuré a été régulièrement prolongé, en dernier lieu jusqu’au 25 octobre 2020.

C. a. Par décision datée du 24 juillet 2020, la SUVA a refusé la prise en charge du trouble à la santé subi par l’assuré, en considérant que celui-ci ne devait pas être qualifié d’accident.

b. Dans un rapport daté du 17 août 2020, le docteur F______, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur pratiquant à l’hôpital G______ à Annemasse (France), a considéré que le trouble au poignet droit de l’assuré était dû à une décompensation brutale des contraintes mécaniques issue de l’arthrodèse réalisée en 2005, en raison de l’évènement du 9 juin 2020. Il a suggéré la réalisation d’une nouvelle arthrodèse du poignet droit, avec ostéosynthèse par plaque vissée.

c. Par courrier daté du 17 août 2020, l’assuré a fait opposition à la décision de la SUVA du 24 juillet 2020.

d. Par rapport daté du 23 septembre 2020, la Dresse E______ a rejoint l’analyse du Dr F______ d’une décompensation brutale des contraintes engendrée par l’arthrodèse datant de 2005, en lien avec le traumatisme subi le 5 (recte : 9) juin 2020.

e. Par rapports médicaux datés des 24 septembre 2020 et 7 octobre 2020, le docteur H______, médecin d’arrondissement de la SUVA et spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, a considéré que le trouble était une décompensation d’un évènement survenu en 2005 et donc en lien de causalité avec celui-ci avec le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante. De ce fait, il convenait de refuser la prise en charge par la SUVA, une couverture sur la base de l’art. 6 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) n’étant pas possible.

D. a. Par une nouvelle décision datée du 12 octobre 2020, et remplaçant la décision du 24 juillet 2020, la SUVA a refusé la prise en charge des conséquences de l’évènement du 9 juin 2020 en considérant que celles-ci étaient dues exclusivement à un évènement antérieur survenu en 2005 et non-couvert par elle.

b. L’assuré a fait opposition à cette décision, par courrier de son conseil daté du 27 octobre 2020, complété par courrier du 2 mars 2021.

c. Par décision datée du 2 février 2021, la SUVA a accordé l’assistance judiciaire à l’assuré.

d. Par décision sur opposition datée du 1er avril 2021, la SUVA a maintenu son refus de prise en charge. En substance, la SUVA a considéré qu’il n’existait pas d’accident, l’atteinte à la santé n’étant pas due à un évènement extraordinaire.

E. a. Par mémoire de recours de son mandataire daté du 5 mai 2021, complété par mémoire complémentaire du 28 mai 2021, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition du 1er avril 2021, en concluant au versement d’indemnités-journalières et à la prise en charge de ses frais médicaux par la SUVA.

b. Par mémoire de réponse du 29 juin 2021, l’intimée s’est déterminée sur le recours et a conclu à son rejet.

c. Le recourant a répliqué en date du 5 août 2021, en maintenant ses conclusions initiales. En date du 11 août 2021, il a encore produit une pièce complémentaire.

d. L’intimée a dupliqué en date du 31 août 2021 en confirmant sa position. Le recourant s’est brièvement déterminé sur cette duplique par courrier du 6 septembre 2021. L’intimée a communiqué par courrier du 16 septembre 2021 qu’elle renonçait à des observations complémentaires.

e. Sur quoi la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les formes prévues par la loi (cf. art. 60 al. 1 LPGA) et dans le délai de recours de trente jours suspendu du 28 mars au 11 avril 2021 inclus (cf. art. 38 al. 4 let a LPGA par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA), le recours est recevable.

3.             L’objet du litige porte sur l’existence d’un droit de l’assuré à des indemnités-journalières et à la prise en charge des coûts de frais médicaux liés à l’évènement du 9 juin 2020, par la SUVA.

4.             Le débat entre les parties se concentre sur la couverture des suites de l’évènement du 9 juin 2020 au titre de la LAA.

4.1 Selon l’art. 6 al. 1 LAA, si la présente loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

4.1.1 Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. L’art. 4 LPGA constitue une codification de la jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral (ATF 134 V 72 consid. 2.2).

Selon l’arrêt de principe ATF 134 V 72, le critère déterminant pour distinguer un accident d’une maladie est l’origine extérieure de la cause du trouble à la santé de l’assuré (ATF 134 V 72 consid. 4.1.1 ; voir également : TF, 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 6.2). Le critère du caractère exceptionnel de la cause extérieure est quant à lui un critère concrétisant la notion d’origine extérieure du trouble en ce sens que qu’un évènement extérieur commun dans la vue de tous les jours n’est en principe pas apte à causer un trouble à la santé et qu’il convient dans la suite de partir du point de vue qu’un tel évènement ne peut être la cause d’un trouble à la santé et qu’en conséquence celui-ci est d’origine endogène, autrement dit qu’il s’agit d’une maladie (ATF 134 V 72 consid. 4.1.1 ; voir également : ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 3.1). Ainsi le critère du caractère extraordinaire d'un évènement accidentel doit donc avant tout être examiné lorsque la nature d’un trouble à la santé permet de conclure qu’un tel trouble est selon toute vraisemblance le résultat d’une cause endogène sous réserve de l’existence d’une cause extérieure extraordinaire; en revanche, lorsqu’un trouble à la santé peut clairement être rattaché à une cause extérieure, on doit en conclure que cette atteinte constitue un accident ; en ce sens, les constatations médicales peuvent constituer des indices importants en faveur ou en défaveur de l’existence d’une cause extérieure à un trouble par un raisonnement abductif (ATF 134 V 72 consid. 4.3.2, 4.3.2.1 et 4.3.2.2). Ainsi, celui qui se casse une dent sur un manège d’auto-tamponneuses subit en principe un accident (ATF 130 V 117 consid. 4.3.3). Il en va de même de celui qui se brise une dent en mangeant un gâteau aux noix (ATF 114 V 169 consid. 3b). À l’inverse, le seul déplacement de charges modérées par un adulte masculin en bonne santé n’est en principe pas de nature à causer de violentes douleurs dorsales (ATF 116 V 136 consid. 3c).

4.1.2 Un mouvement involontaire, respectivement désordonné du corps d’un assuré suite à l’intervention d’un facteur extérieur constitue une cause extérieure extraordinaire (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 3.1 ; arrêt du tribunal fédéral 8C_605/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_586/2020 du 30 novembre 2020 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1), y compris lorsqu’une activité donnée est prompte à causer ce genre d’atteinte (ATF 130 V 117 consid. 3 [charge contre la bande pour un hockeyeur]). Ainsi, le fait pour un ouvrier de se tordre la main lors de l’utilisation d’une perceuse constitue une cause extérieure extraordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_586/2020 du 30 novembre 2020 consid. 3.4). Il en va de même de l’ouvrier qui se tord le bras lors de l’utilisation d’un marteau-piqueur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2013 du 14 janvier 2014 consid. 5). De même, une lésion au bras survenue en retirant une prise d’alimentation coincée constitue un accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_791/2018 du 19 août 2019 consid. 5.2).

4.2 Pour être couvert par la LAA, un trouble à la santé doit avoir été causé par un évènement accidentel (ou une maladie professionnelle), en ce sens qu’il doit exister entre ce dernier et le trouble une relation de causalité naturelle et adéquate (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_114/2021 du 14 juillet 2021 consid. 2.2). Il existe un lien de causalité naturelle entre un évènement et une situation de fait, si la seconde n’existerait pas en l’absence du premier (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 142 V 435 consid. 1 ; ATF 129 V 402 consid. 4.3.1 ; ATF 115 V 133 consid. 3). Une causalité adéquate entre un évènement et un résultat existe si ledit évènement parait propre à causer ladite atteinte au vu du cours ordinaire des choses et de l'expérience générale de la vie, en ce sens que le résultat en question apparait comme généralement favorisé par la survenance de cette cause (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 ; ATF 125 V 456 consid. 5c). En présence d’un trouble organique à la santé, la question de la causalité adéquate se recoupe presque complètement avec celle de la causalité naturelle (ATF 140 V 356 consid. 3.2 ; ATF 138 V 248 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.2.1).

4.3 Selon l’art. 36 al. 1 LAA, les remboursements de frais, les prestations pour soins, les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident.

Il découle donc tant de cette norme que de l’art. 6 al. 1 LAA, que le seul fait qu’un trouble à la santé soit favorisé par un état maladif préexistant n’empêche pas sa prise en charge au titre de la LAA pour autant qu’il ait également été causé (naturellement et adéquatement) par un évènement accidentel (ATF 142 V 435 consid. 2 ; ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2018 du 26 février 2019 consid. 3.1). Même si un trouble à la santé serait survenu chez un assuré un jour ou l’autre en lien, le fait qu’il soit déclenché par un évènement accidentel entraine sa prise en charge sauf si la survenance de ce trouble à ce moment ne constitue qu’une réalisation aléatoire (« Zufallanlass ») d’une apparition qui aurait pu se produire n’importe quand ; dans un tel cas le lien de causalité entre l’évènement accidentel et la survenance du trouble à la santé est en effet si ténu qu’une prise en charge au titre de la LAA doit être exclue (arrêt du Tribunal fédéral 8C_287/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_669/2019 du 25 mars 2020 consid. 4.1 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2016 du 7 juillet 2016 consid. 4.1.1 et 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_380/2011 du 20 octobre 2011 consid. 4.2.1 et 4.2.2). Cette question doit être tranchée en premier lieu sur la base des informations des experts médicaux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_287/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1).

Le fardeau de la preuve de l’interruption d’une causalité établie entre un évènement couvert par la LAA et un trouble à la santé, repose sur l’assureur LAA (ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.2.2).

5.             En l’espèce, il convient d’examiner la question de l’existence ou non d’un évènement accidentel.

5.1 Selon le recourant, il a subi une torsion du poignet au moment de déposer une plaque de plâtre dans le cadre de son travail de manœuvre. Cette torsion a engendré des lésions à l’ossature de sa main droite. Il s’agit d’un accident qui doit être pris en charge par l’assurance LAA de l’employeur, à savoir l’intimée.

5.2 Selon l’intimée, une lésion due à un effort, comme celle que fait valoir l’assuré, ne remplit pas systématiquement le critère de caractère extraordinaire d’un évènement extérieur nécessaire à la qualification d’accident d’une atteinte à la santé. En l’espèce, l’origine accidentelle de l’atteinte subie par l’assuré est possible mais pas suffisamment vraisemblable pour considérer qu’elle existe. Partant, il convient de considérer que cette atteinte n’est pas un accident, ce qui implique que sa prise en charge au titre de la LAA doit être refusée.

5.3 Le recourant affirme s’être tordu le poignet en posant une plaque de plâtre dans le cadre de son travail. Cette version correspond au « formulaire-questionnaire accident » daté du 15 juin 2020 et transmis par le recourant à son employeur (cf. pièce 3 recourant) :

« En portant une plaque de placo pour monter trois étages seul. En la posant seul avec l’elan de la plaque, cela ma tordue, le poignet, et me la cassé. »

Cette description a ensuite été reprise, quoique de manière quelque peu équivoque, dans la déclaration de sinistre de l’employeur auprès de l’intimée, laquelle précise en case 6. « Faits » (cf. pièce 1 intimée) :

« L’assuré a porté une plaque de placo et en la posant, il s’est cassé le poignet. »

Dans un formulaire adressé à l’intimée et daté du 26 juin 2020 (cf. pièce 12 intimée), le recourant a encore précisé :

« En portant seul les plaques de placo au 3ème étage, en posant la plaque, l’élan de la plaque de placo, ma cassé le poignet. »

Ces déclarations en première intention bénéficient d’une force probante accrue selon la jurisprudence fédérale (cf. ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 3.2). Elles sont en outre confirmées par la nature du trouble à la santé de l’assuré telle qu’elle ressort des rapports médicaux disponibles à la procédure.

Ainsi, selon le rapport médical initial daté du 12 juin 2020 des Drs C______ et D______ il est fait mention de l’existence d’une entorse (cf. pièce 29 intimée) :

« Problèmes pris en charge

1. Entorse du poignet droit avec st. Post arthrodèse total (10/06/2020) »

Ce diagnostic a été confirmé par la Dresse E______ en date du 17 juin de la même année (cf. pièce 13 intimée) :

« DIAGNOSTIC PRINCIPAL

Entorse du poignet droit chez un patient avec st. post arthrodèse total (10/06/2020) »

Dans son rapport daté du 17 août 2020, le Dr F______, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, a attesté que les troubles à la santé subis par le recourant avaient été causés par une brusque décompensation de contraintes mécaniques préexistantes suite à l’évènement du 9 juin 2020. Dans son rapport à l’intention de la SUVA daté du 23 septembre 2020, la Dresse E______ a également jugé que le trouble à la santé était une arthrose carpométacarpale (« CMC ») résultant d’un report de force préexistant mais décompensé suite à l’évènement du 9 juin 2020. Dans son rapport du 7 octobre 2020, le Dr H______, médecin d’arrondissement de la SUVA et spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologique, a quant à lui conclu à l’existence d’un « faux-mouvement » lequel avait décompensé une arthrose préexistante.

5.4 Il ressort de ce qui précède qu’en date du 9 juin 2020, un mouvement involontaire de la main droite de l’assuré, entrainée par le poids de la plaque de plâtre au moment de poser celle-ci après l’avoir transportée sur trois étages, a entrainé une décompensation d’une contrainte mécanique préexistante qui a causé un trouble à la santé du recourant. Contrairement à la position de l’intimée, l’existence d’une torsion, respectivement d’une cause exogène, n’est pas seulement une hypothèse possible, mais l’hypothèse clairement la plus vraisemblable au vu des déclarations initiales de l’assuré et des médecins.

L’évènement du 9 juin 2020 doit ainsi être qualifié d’évènement accidentel ayant causé un trouble à la santé du recourant. Il existe donc un accident couvert par l’intimée au sens de l’art. 6 al. 1 LAA.

6.             Selon l’opinion de l’intimée développée en particulier dans sa décision initiale et défendue par son médecin-conseil, le trouble à la santé subi par le recourant a toutefois été causé par un évènement datant de 2005 pris en charge par la sécurité sociale française, et n’entrant pas dans la compétence de la SUVA.

6.1 Comme détaillé plus haut, le seul fait qu’un trouble à la santé ait plusieurs causes n’implique pas que la LAA ne trouve pas application. Il suffit en effet qu’un évènement soit au moins partiellement causé par un évènement accidentel couvert par une assurance LAA pour que celle-ci doive prendre en charge notamment les prestations pour soins engendrés par ce trouble, ainsi que verser des indemnités-journalières. Or, il a été établi ci-dessus que l’évènement du 9 juin 2020 constitue au moins une cause partielle du trouble à la santé du recourant. Il n’est donc pas possible de suivre la position du médecin-conseil de la SUVA lorsque celui-ci considère que le seul fait que l’évènement de 2005 soit une conséquence vraisemblablement prépondérante de ce trouble, resté asymptomatique jusqu’en 2020, suffit à écarter sa prise en charge par l’intimée (comparer : arrêt du Tribunal fédéral 8C_172/2018 du 4 juin 2018 consid. 4.2).

6.2 Pour évaluer les droits aux prestations de l'assurance sociale, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_294/2015 du 10 juillet 2015 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_721/2014 du 27 avril 2015 consid. 4.3).

Dans cette optique, il faut distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, comme les médecins-conseils, ou réalisée sur commande de l’assuré (expertise de partie).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance, dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), au sens qu’un tel rapport médical peut surtout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Ainsi, lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de mettre en œuvre une expertise administrative ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020, du 15 avril 2021 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 du 14 juin 2017 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_294/2015 du 10 juillet 2015 consid. 3.4).

7.             En l’occurrence, les rapports médicaux présents au dossier ne permettent toutefois ni de considérer pour établi avec le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante que l’accident du 9 juin 2020 serait uniquement une réalisation aléatoire d’une arthrose préexistante causée par l’évènement de 2005 et dont la décompensation aurait pu se produire n’importe quand, ni d’infirmer cette hypothèse. En particulier, ni le rapport du 17 août 2020 du Dr F______, ni le rapport du 23 septembre 2020 la Dresse E______ ne précisent clairement si l’arthrose doit être considérée en tout ou partie comme post-traumatique (cf. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5013366/ [United States National Library of Medicine, 2016] ; consulté pour la dernière fois en date du 14 juin 2022), ou si, à l’inverse, les contraintes mécaniques existantes depuis 2005 s’accumulaient au point qu’une décompensation devait être considérée comme inéluctable. Le fait que le recourant ait travaillé pendant quinze ans sans que soit survenue une décompensation constitue certes un indice d’une origine au moins partiellement traumatique de l’arthrose mais ne saurait être suffisant à lui seul, d’autant que cette affirmation des médecins-traitants de l’assuré semblent uniquement se baser sur les déclarations de celui-ci.

En résumé, la nature précise du trouble médical dont souffre l’assuré est indispensable pour déterminer si celui-ci est couvert ou non par la SUVA. Or, celle-ci ne peut pas être déterminée clairement sur la base des seules expertises des parties (soit les rapports médicaux) présentes au dossier.

En présence d’expertises des parties non-concluantes et dont les conclusions divergent, l’intimée aurait nécessairement dû ordonner une expertise administrative auprès d’un expert indépendant, selon la jurisprudence fédérale. En l’absence d’un telle expertise, le caractère anecdotique de l’évènement accidentel du 9 juin 2020 par rapport à la causalité entre ce trouble et l’évènement de 2005 ne peut être établi avec un degré de vraisemblance suffisant.

On ne peut considérer que l’instruction de la cause ait été menée de manière complète et qu’il convient donc de faire supporter à la partie débitrice du fardeau de la preuve les conséquences de l’absence de preuve du caractère anecdotique du lien de causalité entre l’accident du 9 juin 2020 et le trouble à la santé subi par le recourant (cf. ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; ATF 138 V 218 consid. 6). Il est donc nécessaire de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle complète l’instruction en ordonnant une expertise indépendante (comparer : arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.4).

Ce renvoi fait d’autant plus de sens que si l’intimée aboutissait à la conclusion que la causalité entre le trouble à la santé du recourant et l’évènement accidentel du 9 juin 2020 n’était pas anecdotique vis-à-vis de la causalité entre ce trouble et l’évènement de 2005, il conviendrait qu’elle calcule le montant dû au titre des prestations pour soins et remboursement de frais et celui dû au titre des indemnités-journalières, ce qui implique immédiatement de déterminer si l’incapacité de travail du recourant a entretemps pris fin ou si son état s’est stabilisé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA.

8.             Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, en ce sens que la cause doit être renvoyée à la SUVA, pour un complément d’instruction et en particulier pour qu’elle mette en œuvre une expertise administrative sur la question du trouble exact de la main droite, dont souffre le recourant et sur ses causes.

9.             Jusqu’à la nouvelle décision finale de l’intimée, la prise en charge des prestations en nature dues au recourant, soit en particulier la prise en charge de ses frais médicaux, relève de la compétence de son assureur-maladie (cf. art. 70 al. 2 let. a LPGA) pour autant que les conditions d’une prise en charge au titre de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) soient remplies (ATF 146 V 129 consid. 4.3 et 4.4).

10.         En ce qui concerne les dépens, l’intimée soutient qu’il conviendrait de priver le recourant de dépens faute d’avoir produit le « formulaire-questionnaire accident », daté du 15 juin 2020, déjà dans la procédure d’opposition. Cet argument ne saurait être suivi. En effet, les déclarations du recourant du 26 juin 2020 combinées aux diagnostics médicaux faisant mention d’une entorse auraient déjà dû attirer l’attention de l’intimée sur la nécessité d’une clarification plus poussée des circonstances de l’évènement du 9 juin 2020. En outre, comme le souligne à juste titre le recourant, l’art. 53 al. 3 LPGA permettait de toute façon à l’intimée de modifier sa décision en cours de procédure (cf. ATAS/393/2021 [arrêt de principe] du 29 avril 2021 consid 3f) si elle l’avait jugé approprié.

Dès lors, le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant assisté d’un avocat, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

11.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LAA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour un complément d’instruction au sens des considérants.

4.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le