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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4064/2019

ATAS/351/2022 du 11.04.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4064/2019 ATAS/351/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 avril 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à LE GRAND-SACONNEX, représenté par CARITAS

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1970, d’origine portugaise, marié et père de trois enfants, est arrivé en Suisse en 1976. Il a ensuite travaillé comme aide monteur-électricien, comme aide horloger et dans la restauration.

b. Le 21 octobre 2011, l’assuré a subi un accident provoquant une déchirure du ligament scapho-lunaire du poignet droit qui a fait l’objet d’une reconstruction chirurgicale le 21 février 2012.

c. En août 2013, le docteur B______, FMH psychiatrie et psychothérapie a indiqué que l’assuré souffrait d’un état dépressif récurrent associé à des attaques de panique et à une agoraphobie d’apparition récente, ainsi que d’un trouble du sommeil et les docteurs C______ et D______ du service des spécialités psychiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), programme des troubles de l’humeur, ont attesté que l’assuré présentait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique.

B. a. Par demande déposée en novembre 2013, l’assuré a requis des prestations de l’assurance-invalidité.

b. En 2014 le docteur E______ a indiqué que l’assuré souffrait d’une névralgie cervico-brachiale gauche de type C7 sur hernie discale C6-C7 gauche.

c. Le 22 janvier 2015, le service médical régional pour la Suisse romande de l’assurance-invalidité (SMR) a constaté que la capacité de travail de l'assuré était nulle dans l’activité habituelle, mais de 100 % dans une activité adaptée. Quant aux limitations fonctionnelles, il a retenu le port de charges lourdes. Dès le 17 janvier 2014, des mesures de réadaptation étaient possibles.

d. Par décision du 2 octobre 2015, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

e. L’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation, à l’octroi de mesures professionnelles et à un nouveau calcul de sa perte de gain.

f. Entendu le 24 mars 2016 par la chambre de céans, le recourant a déclaré qu’il ne voyait pas quelle activité il pourrait actuellement exercer, étant limité aussi bien au niveau physique qu’au niveau psychique. Il était totalement incapable de travailler.

g. À la demande de la chambre de céans, le docteur F______, psychiatre et psychothérapeute FMH, a rendu un rapport d’expertise psychiatrique, concluant à la présence d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen en rémission partielle (actuellement dépression légère), d’agoraphobie avec trouble panique, une probable dépendance à diverses substances (benzodiazépines, tabac, Tramadol) et une accentuation de certains traits de la personnalité (traits dépendants) et une capacité de travail totale dès l’expertise.

h. L’assuré a fait l’objet d’infiltrations (massifs articulaires postérieurs L4-L5 gauche et droit ou inter apophysaire postérieure L4-L5) les 11 octobre 2016, 21 février 2017, 25 juillet 2017, 20 décembre 2017 et 15 mars 2018.

i. Par arrêt du 29 novembre 2016 (ATAS/970/2016), la chambre de céans a admis partiellement le recours et octroyé au recourant une rente d’invalidité de mai à octobre 2014 et une mesure d’orientation professionnelle. Le recourant disposait, sur le plan physique, d’une capacité de travail à 100 % dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. L’expertise judiciaire psychiatrique était probante et la capacité de travail du recourant était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles sur le plan somatique, en l'absence d'éléments nouveaux que l'expert aurait ignorés.

j. L’OAI a pris en charge une orientation professionnelle aux EPI du 6 novembre 2017 au 11 février 2018 et du 12 février au 13 mai 2018.

k. Un rapport des EPI du 14 mai 2018 conclut, suite au stage intramuros du 6 novembre au 23 décembre 2017 et extramuros du 27 décembre 2017 au 11 mai 2018, à deux activités possible à un taux de 50 %, soit assistant scanning et opérateur dans l’industrie légère. Il est retenu que l’assuré a une capacité de travail comme opérateur dans l’industrie légère dans le secteur de la production légère ou comme assistant scanning qui n’excédait pas 50 % (arrêt à 50 % depuis le 9 janvier 2018, du Dr H______) avec des rendements qui devraient s’approcher de la norme, pour autant que l’activité ne sollicite pas trop son dos, ses cervicales et son poignet droit (examens médicaux prévu pour clarifier la situation et peut-être que l’assuré devra se faire opérer du dos). L’assuré présentait des signes d’inconfort dès la fin de la matinée.

l. Le 16 juillet 2018, l’assuré a subi une intervention chirurgicale pour insuffisance discale L5-S1 par le docteur E______, FMH neurochirurgie.

m. Par décision du 17 septembre 2019, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er mai au 31 octobre 2014. Le degré d’invalidité de l’assuré était ensuite nul, vu sa capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques.

C. a. Le 4 novembre 2019, l’assuré, représenté par Caritas, a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de cette décision. Sa situation avait évolué avec l’apparition début 2018 de nouvelles pathologies : discopathie L5-S1 avec hernie discale médiane nécessitant la pose d’une prothèse et des crises de panique dans les lieux publics, avec aggravation des affection existantes (symptomatologie anxieuse). Il souffrait d’importantes douleurs aux lombaires, aux cervicales, à la nuque et à l’épaule gauche et était très fragilisé et limité par ses angoisses et ses crises de panique. Sa capacité de travail était limitée à 50 % ; son taux d’invalidité était d’au moins 45 %.

b. Le 16 décembre, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le 27 janvier 2020, l’assuré a répliqué en relevant que ses médecins retenaient, au mieux, une capacité de travail de 50 %, avec un rendement diminué ; il convenait de tenir compte des observations des EPI, lesquels corroboraient dans la pratique les conclusions médico-théoriques de ses médecins.

d. Le 16 juin 2020, le recourant a indiqué qu’il avait chuté sur son poignet droit le 18 octobre 2019 et avait été opéré d’une fracture par le docteur G______ le 14 novembre 2019, avec une ablation des branches le 4 février 2020. Il souffrait toujours de douleurs au poignet et main droits, avec limitation de la force de préhension et de la mobilité. Il avait déjà subi des traumatismes au poignet droit en 2012 et 2014.

e. Le 22 juin 2020, la chambre de céans a entendu le recourant en audience de comparution personnelle.

Son mandataire a déclaré : « Nous invoquons une incapacité de travail de 50 % pour des motifs somatiques, soit les problèmes au dos, aux poignets et aux cervicales et aussi pour des motifs psychiatriques en raison de la fatigue, de l’anxiété et du stress. »

f. À la demande de la chambre de céans, les médecins suivants ont donné des renseignements complémentaires :

f.a. Le 7 juillet 2020, le Dr H______ a indiqué que l’assuré pouvait travailler à 50 % dans un poste permettant les changements de position et la limitation du port de charge à 5 kg. Il était d’accord avec la conclusion du rapport des EPI.

f.b. Le 23 juillet 2020, le Dr D. G______ a indiqué que l’assuré présentait un épuisement émotionnel lié à un stress permanent, fatigue, aboulie, perte d’estime de lui et vision négative de l’avenir, perte de l’appétit, trouble du sommeil. Sur le plan professionnel, cela se manifestait par une « perte de contrôle émotionnel sur le lieu de travail ». Le stage aux EPI de novembre 2017 à mai 2018 avait révélé une exacerbation de la symptomatologie anxieuse en lien avec les trajets en bus et l’exposition aux bruits dans les locaux des EPI. Par contre, il reconnaissait les avantages de s’exposer socialement et de gagner ainsi confiance en lui. La capacité de travail de l’assuré était nulle et l’état de santé s’était plutôt péjoré depuis 2016 ; la dépression s’était aggravée avec un isolement progressif, avec irritabilité et perte d’espoir dans l’avenir. L’expertise du Dr F______ était détaillée et correcte dans l’évaluation des troubles, quoique minimisant quelque peu ces dernières. A juste titre, le Dr F______ mentionnait la difficulté d’apprécier les traits de personnalité tout en mentionnant qu’ils ne seraient pas de nature à l’empêcher de retrouver une activité professionnelle dans une branche adaptée à son handicap physique. A ce sujet, il n’était pas pleinement d’accord et estimait que les aspects psychorigides de sa personnalité, allant de pair avec les troubles du rachis, étaient précisément de nature à poser problème pour retrouver une activité professionnelle.

f.c. Le 23 juillet 2020, le Dr E______ a indiqué que l’assuré, suite à l’intervention du 16 juillet 2018, avait développé une raideur au bas du dos et une dégradation au niveau cervical avec une épaule gauche plus douloureuses et des douleurs irradiant jusque dans le pouce et l’index. Il avait de la difficulté à maintenir les postures et les activités au-delà d’une période de trente minutes. Le piétinement sur place, le maintien assis sans changement de position, le travail avec les bras au-dessus de la ligne des épaules étaient toutes des activités difficiles. L’assuré devrait pouvoir changer constamment de posture et d’activité. Sa capacité de travail était de l’ordre de 50 % avec un rendement de 80 % ; sa situation s’était dégradée tant sur le plan cervical que lombaire, avec une progression des troubles dégénératifs. Il était d’accord avec les conclusions du rapport des EPI.

f.d. Le 25 août 2020, le Dr I______ du SMR a rendu un avis. S’agissant du poignet droit, la limitation du port de charges lourdes était déjà retenue en 2014. S’agissant des lombalgie et cervicalgies, l’absence de description de déficit névralgique et de syndrome vertébral empêchait de retenir une limitation de la capacité de travail de 50 %. Une progression des troubles dégénératifs à la radiologie n’étant pas un critère pour évaluer une diminution de la capacité de travail. Le Dr G______ n’amenait pas de nouvel élément objectif clinique pour une aggravation de l’état de santé de l’assuré depuis 2016, soit après l’expertise psychiatrique de septembre 2016. Il reconnaissait une augmentation de la consommation d’alcool de l’assuré avec une augmentation de l’irritabilité, mais il décrivait principalement des problèmes extra-médicaux tels que le départ de son épouse et de sa fille, l’éloignement du milieu professionnel depuis plusieurs années, et les problèmes somatiques.

g. Le 26 août 2020, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité et a maintenu ses conclusions.

h. La chambre de céans a, par ordonnance du 6 mai 2021, confié une expertise rhumatologique au docteur J______, FMH rhumatologie.

i. L’expert a rendu son rapport le 12 novembre 2021 et a retenu les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de :

-          Lombalgies depuis au moins 2013 sur lombodiscarthrose minime et discopathie L5-S1 avec pose d’une prothèse discale lombaire L5-S1 en juillet 2018.

-          Cervicalgies sur cervicodiscarthrose avec rétrécissement foraminal multi-étagé de C4-C5 à C6-C7 prédominant au niveau C4-C5 et C6-C7 à gauche, apparues avant 2012 selon l’anamnèse ce qui est probable sur le plan médical également étant donné l’évolution connue de la cervicarthrose en général, la cervicodiscarthrose étant en tous les cas objectivée par l’IRM cervicale en 2014.

-          Scoliose dorsolombaire probablement depuis l’adolescence.

-          Séquelles fonctionnelles à la main droite depuis le premier accident du 21 octobre 2011 avec diminution de la force préhensible à la main droite et de la mobilité du poignet droit chez un assuré ambidextre.

La capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée était de 50% de janvier au 15 juillet 2018, nulle du 16 juillet au 30 septembre 2018, de 45% du 1er octobre au 31 décembre 2018 et de 90% dès le 1er janvier 2019. Les limitations fonctionnelles étaient de changer de position toutes les heures, de ne pas porter de charges de plus de 5 kg, de ne pas travailler penché en avant, en arrière ou en rotation du tronc, de même avec la tête et de ne pas effectuer de gestes répétitifs de la main droite.

j. Le 6 décembre 2021, le SMR a estimé que l’expertise judiciaire était convaincante et que l’assuré était capable de travailler à 100% dès novembre 2014, puis à 50% dès janvier 2018, avec une capacité de travail nulle du 16 juillet au 30 septembre 2018, à 50% dès le 1er octobre 2018 et à 100% dès le 1er janvier 2019. Dès novembre 2014, il fallait tenir compte d’une baisse globale de rendement de 10%.

k. Le 14 décembre 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité et a conclu au renvoi du dossier auprès de lui pour calcul du degré d’invalidité.

l. Le 14 février 2022, l’assuré a estimé que l’expertise judiciaire n’était pas probante, l’expert ayant minimisé ses plaintes et limitations et n’ayant pas pris en compte qu’il s’était tenu le dos et repositionné durant l’entretien ; la position assise lui avait occasionné des douleurs dont il avait fait part à l’expert ; il avait commencé à souffrir après son opération lombaire ; les stages aux EPI avaient démontré que sa capacité de travail était durablement limitée.

m. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les délai et formes prescrits par la loi, le recours est recevable.

2.             Est litigieuse en l’occurrence la question de savoir si le recourant peut prétendre à une rente d’invalidité.

 

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.              

4.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

4.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

4.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

4.5 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêts du Tribunal fédéral 9C_65/2019 du 26 juillet 2019 consid. 5 et 9C_329/2015 du 20 novembre 2015 consid. 7.3). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.             Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2).

Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono- et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

7.             En l’occurrence, la chambre de céans a estimé que, pour évaluer la capacité de travail du recourant, il convenait d’instruire l’aspect somatique, par le biais d’une expertise rhumatologique judiciaire.

7.1 Fondée sur toutes les pièces du dossier, comprenant les plaintes du recourant, une anamnèse, un examen somatique, posant des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs et effectuant une analyse convaincante de la capacité de travail du recourant, l’expertise judiciaire répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante. L’expert a conclu à une capacité de travail du recourant de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de janvier au 15 juillet 2018, nulle du 16 juillet au 30 septembre 2018, de 50% du 1er octobre au 31 décembre 2018 et de 100% dès le 1er janvier 2019, avec une baisse de rendement de 10%.

7.2 L’intimé admet la valeur probante de cette expertise, contrairement au recourant. Les arguments avancés par le recourant ne sont cependant pas à même de mettre en cause la valeur probante de cette dernière. En effet, le recourant se contente principalement de préciser que ses douleurs n’ont pas été suffisamment prises en compte dans l’expertise, sans contester spécifiquement les diagnostics posés et les limitations fonctionnelles retenues. Il n’a, en particulier, pas contesté avoir pu rester assis sur sa chaise pendant toute l’anamnèse, soit pendant deux bonnes heures, se bornant à souligner que c’était le médecin qui aurait dû lui proposer de se lever et de changer de position. Enfin, s’agissant de la nécessité d’effectuer des infiltrations, l’expert en a bien tenu compte puisqu’il a estimé que le recourant avait présenté depuis octobre 2015 des détériorations transitoires ayant nécessité des infiltrations puis une opération lombaire.

7.3 Au vu de ce qui précède, la valeur probante de l’expertise judiciaire peut être confirmée et il convient de suivre ses conclusions.

7.4 S’agissant de l’aspect psychiatrique, le recourant a produit des rapports médicaux du Dr B______ des 23 mai 2018, 3 avril 2019 et 29 juillet 2019, attestant, selon lui, d’une péjoration de son état de santé psychique. Cependant, le Dr B______ n’apporte pas d’éléments aggravants déterminants par rapport aux constatations de l’expert F______. Il mentionne même que les symptômes de la dépression du recourant ont régressé. Quant à l’augmentation de la symptomatologie anxieuse, elle avait fait l’objet d’un traitement médicamenteux qui avait permis au recourant de suivre son stage aux EPI, avec un bon équilibre psychique (avis du 23 mai 2018). Par ailleurs, le rapport du 3 avril 2019 du Dr B______ conteste principalement la capacité de travail totale retenue par l’intimé en faisant valoir des limitations non pas psychiques mais somatiques du recourant. Enfin, le certificat médical du 29 juillet 2019 ne contient aucune motivation. Partant, aucun élément médical ne permet de considérer qu’une aggravation déterminante de l’état de santé psychique du recourant s’est produite depuis l’évaluation de l’expert F______.

8.             Conformément à la proposition de l’intimé, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l’intimé pour calcul du degré d’invalidité du recourant, sur la base des incapacités de travail retenues par l’expert judiciaire et nouvelle décision.

9.             Vu l’issue du recours, une indemnité de CHF 1'500.- est allouée au recourant. En outre, vu l’absence d’instruction médicale somatique, alors même que le rapport des EPI du 14 mai 2018 concluait à une capacité de travail du recourant réduite à 50% dans une activité adaptée, les frais de l’expertise en CHF 5'950.- seront mis à la charge de l’intimé.

Un émolument de CHF 200.- sera mis à charge de l’intimé (art. 69 al.1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 17 septembre 2019.

4.        Renvoie la cause à l’intimé dans le sens des considérants.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 1’500.-, à charge de l'intimé.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 5’950.-, selon la facture du 18 novembre 2021 du Dr J______, à charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le