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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1450/2021

ATAS/285/2022 du 23.03.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1450/2021 ATAS/285/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mars 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GEX, France, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michel CELI VEGAS

 

 

recourant

contre

 

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

 

intimée

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1981 et domicilié à Gex, a été employé par B______SA (ci-après : l’employeuse) en qualité de maçon à 100% du 11 mai au 9 août 2020. À ce titre, il était couvert contre le risque d’accidents par la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après la SUVA ou l’intimée).

B. a. Le 22 juin 2020, l’employeuse de l’assuré a déclaré à la SUVA que celui-ci avait subi un accident le 21 juin 2020. Il avait perdu l’équilibre sur son scooter et s’était rattrapé en posant la main parterre et en se fracturant ainsi le pouce.

b. La SUVA a accepté d’allouer ses prestations à l’assuré pour les suites de cet accident.

c. Le 2 octobre 2020, la SUVA a reçu, à sa demande, le certificat médical initial établi le 24 juillet 2020 par des médecins des urgences du Centre hospitalier Annecy Genevois (ci-après : les urgences). Il en ressort que l’assuré avait été vu le 21 juin 2020 à 11h24 et qu’il avait indiqué que le soir précédent, en sortant d’un bar, il s’était fait agresser par une dizaine de personnes. Il s’était fait attraper par le bras droit, mettre au sol et rouer de coups de pieds. Il se plaignait de douleurs à l’épaule et au pouce droits ainsi qu’au mollet gauche. Il n’avait pas réussi à dormir à cause de la douleur et avait été amené à l’hôpital par un ami, le matin même.

d. Le 26 octobre 2020, l’assuré a informé la SUVA que l’accident avait eu lieu en arrivant chez lui, à Gex, en scooter. En raison d’une mauvaise manipulation du guidon en voulant tourner, il avait dérapé, puis était tombé sur son épaule droite.

e. Le 2 novembre 2020, la SUVA a invité l’assuré à préciser les circonstances dans lesquelles il s’était blessé, au vu de la divergence entre la déclaration d’accidents et le rapport médical initial, qui mentionnait une agression le 20 juin 2020.

f. Le 6 novembre 2020, l’assuré a indiqué à la SUVA avoir été agressé le 21 juin 2020 à environ 2h00 du matin. Sa compagne avait mentionné par erreur le 20 juin 2020, pensant que l’événement s’était déroulé à cette date avant minuit. Il s’était fait agresser en rentrant chez lui, ce qui lui avait causé des douleurs minimes. En se réveillant le 21 juin 2020 vers 7h30, il avait ressenti une douleur plus accentuée que les heures précédentes. Vers 8h00, il avait contacté un ami pour lui emprunter son scooter, car il ne se sentait pas apte à conduire sa voiture, en raison de ses douleurs. À 8h15, il était arrivé au domicile de son ami, qui lui avait passé les clés de son scooter. Il avait pris le scooter et était retourné à son domicile pour y prendre des papiers qu’il avait oubliés pour aller au commissariat. Vers 8h30, en arrivant devant chez lui au guidon du scooter, il avait perdu l’équilibre en voulant tourner et avait dérapé, puis il était tombé sur son épaule droite. Il avait alors ressenti une énorme douleur, au point qu’il en avait vomi. En voulant se relever, il avait constaté qu’il ne pouvait plus bouger, ni même s’appuyer sur son bras. Il était donc parti à l’hôpital de St-Julien quelques heures plus tard, puis au commissariat.

C. a. Par décision du 16 novembre 2020, la SUVA a constaté que les informations fournies par l’assuré n’étaient pas similaires. Celles qui ressortaient du rapport des urgences lui paraissaient plus vraisemblables. Par conséquent, l’assuré avait déclaré faussement des faits, de sorte que la SUVA ne pouvait lui servir ses prestations « en application de l’art. 46 al. 2 LAA ». Au regard de ces faits nouveaux, elle refusait toute prise en charge de l’événement et demandait à l’assuré le remboursement des prestations déjà versées, soit CHF 9'355.65 d’indemnités journalières.

b. Le 30 novembre 2020, l’assuré a formé opposition à la décision précitée. Il sollicitait la bienveillance et l’exonération de la restitution des prestations déjà versées, au motif que l’agression dont il avait été victime l’avait profondément affecté psychologiquement, ce qui expliquait sa confusion dans son récit des faits. Il avait par ailleurs des difficultés d’expression en français qui, combinées à ce choc, avaient contribué à ce malentendu. Il souhaitait pouvoir s’expliquer à nouveau sur cette affaire et démontrer sa bonne foi.

c. Par décision sur opposition du 10 mars 2021, la SUVA a confirmé sa décision, considérant que les griefs formulés par l’assuré ne convainquaient pas. Ce dernier avait expressément indiqué qu’à la suite de l’agression qu’il avait subie le matin du 21 juin 2020, il s’était rendu chez lui avec des douleurs minimes, qui ne l’avaient pas alerté. En présence de blessures légères, la thèse d’un choc psychologique lié à son agression ne pouvait être suivie, ce d’autant moins que l’assuré n’avait bénéficié d’aucun suivi psychologique dans les suites de son agression et qu’aucun état de choc n’était mentionné par les urgentistes ayant pris soin de l’assuré le 21 juin 2020.

De plus, l’assuré avait indiqué, le 26 octobre 2020, que ses troubles résultaient d’une chute en scooter ayant eu lieu le 21 juin 2020, alors que les rapports des urgences des 21 juin et 24 juillet 2020 indiquaient que ses troubles étaient dus à une agression.

Enfin, l’assuré avait décrit avoir dormi jusqu’à 7h30 et avoir vomi en raison des douleurs provoquées par sa chute en scooter. Or, dans le rapport du 21 juin 2020, il était indiqué qu’il avait consulté les urgences, car il n’avait pas réussi à dormir à cause de la douleur et qu’il avait eu un épisode de frissons avec nausée, mais sans vomissements. Force était de constater que la version de l’assuré selon laquelle ses troubles feraient suite à une chute en scooter n’étaient pas vraisemblable.

L’assuré avait eu la possibilité de donner sa version des faits dans le cadre du questionnaire qu’il avait retourné à la SUVA le 26 octobre 2020, puis dans sa réponse au courrier du 2 novembre 2020 et enfin dans son opposition du 30 novembre 2020. Par appréciation anticipée des preuves, il était renoncé à lui offrir une nouvelle opportunité de se déterminer, les occasions ne lui ayant pas manqué. Depuis son opposition du 30 novembre 2020, l’assuré avait également eu plus de trois mois pour s’expliquer et démontrer sa bonne foi. Partant, c’était à bon droit que l’assureur-accidents avait refusé de lui allouer ses prestations.

D. a. Le 27 avril 2021, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation. La SUVA n’avait pas respecté son droit d’être entendu, car elle s’était limitée à retenir des faits qui étaient confus en raison de son état de santé lié à son accident, et avait rendu sa décision sans attendre l’avis de son médecin traitant. À aucun moment, les résultats médicaux qui étaient en possession de la SUVA ne lui avaient été transmis afin que son médecin traitant puisse donner un avis éclairé et spécialisé sur le traumatisme qu’il avait subi. Cela aurait pu éviter une sanction disproportionnée. La décision avait ainsi été prise de manière précipitée et elle était arbitraire. C’était les déclarations qu’il avait faites à la SUVA qui devaient être prises en considération. Sa mauvaise compréhension de la langue française et son manque de connaissances juridiques sur les répercussions de ses déclarations devaient être pris en compte. De plus, la décision sur opposition violait le principe de la proportionnalité. À aucun moment, la SUVA n’avait indiqué au recourant les conséquences de ses déclarations. Pendant que la SUVA lui octroyait les indemnités, et face au doute sur ses déclarations, un visiteur des malades aurait pu se rendre à son domicile pour vérifier son état de santé.

b. Par réponse du 11 mai 2021, la SUVA a estimé que les considérations médicales étaient sans pertinence dans le cas d’espèce et a confirmé sa position.

c. Lors d’une audience du 25 août 2021, le recourant, assisté d’un interprète, a notamment déclaré qu’il habitait en France depuis 2015 et qu’il travaillait en Suisse depuis 2018, comme maçon. Il préférait parler en italien, car il ne trouvait pas les bons mots en français. Il s’était trompé dans ses déclarations, car il ne pensait pas que c'était nécessaire de dire qu’il était tombé avec le scooter. Il avait effectivement été agressé le 21 juin à 2h30 du matin à Gex et il avait déposé plainte pour ces faits. Il avait mal et avait demandé à un ami son scooter pour aller déposer plainte. Il était tombé avec le scooter. Il avait alors appelé son ami qui l’avait amené aux urgences. Il était vraiment mal et avait la tête qui tournait depuis qu’il était tombé à scooter. Après l'agression, il était rentré à la maison. Au début cela allait, mais après s'être reposé, il avait commencé à avoir mal au pouce, qui était cassé, et à l'épaule. Cette douleur avait continué et c'était pour cela qu'après un mois, on lui avait dit qu'il fallait lui opérer l'épaule. Il avait demandé le scooter pour aller porter plainte suite à l'agression, c'était dans l'après-midi. Il était censé aller à l'hôpital pour se faire ausculter suite à l'agression de toute façon, mais ce n'était qu'après l'accident de scooter qu’il avait décidé, sur les conseils de son ami, d'aller à l'hôpital avant de porter plainte. Il ne s’était peut-être pas bien exprimé, mais il avait dit la vérité. Il avait demandé le scooter à son ami, car il n'arrivait pas à conduire sa voiture, du fait qu’il avait mal au bras droit, à l’épaule et au pouce, notamment. C'était plus facile de conduire un scooter qu'une voiture. Il était tombé tout de suite après être monté sur le scooter. Il transpirait, avait mal à la tête et n'arrivait pas à le maîtriser.

Il avait raconté les faits à l'hôpital, mais n’avait pas pensé à dire qu’il était tombé avec le scooter. Il n’avait pas dit à son employeuse qu’il avait été agressé, car il pensait que cela pouvait faire des histoires. Il avait peur que son employeuse pense du mal de lui, plus particulièrement qu’il était bagarreur. Sa blessure au pouce venait de l'agression et non de sa chute. Il ne s’était pas blessé le pouce à scooter mais dans le cadre de l'agression. Il avait toujours dit la vérité et maintenait ses déclarations.

d. Lors d’une audience du 20 octobre 2021 :

-       Madame C______, entendue comme témoin, a déclaré à la chambre de céans qu’elle était l’amie du recourant et qu’elle habitait chez lui. La nuit du 21 juin 2020, elle était à la maison, lorsque le recourant était arrivé à 2h30 du matin et il lui avait dit qu’il avait mal à la main, en particulier au pouce, et qu’il s'était disputé. Il était sorti avec ses amis. Le matin, il s'était réveillé vers 6h30 et avait été prendre le scooter. Il voulait aller porter plainte pour les faits qui s'étaient déroulés la veille. Il n'arrivait pas vraiment bien à conduire, raison pour laquelle il avait préféré prendre le scooter de son ami D______, qui habitait juste à côté de chez eux, à une minute à pied. Elle avait entendu des bruits bizarres et vu par la fenêtre son copain parterre avec son scooter. Il se plaignait d'avoir mal à l'épaule. Il était tombé sur le côté. Comme elle n’avait pas de permis de conduire, son copain avait appelé un autre copain, Ahmed, pour lui demander de l'amener à l'hôpital. Ils étaient allés aux urgences. Elle pensait que c'était l'accident de scooter qui avait motivé le plus son ami à aller à l'hôpital, car pendant la nuit, il ne s'était plaint que d'avoir un peu mal à la main et aux côtés (hanches) et il avait très bien dormi. Elle avait mis un peu de glace pour la douleur. Elle l’avait accompagné ensuite à la gendarmerie. Il avait raconté ce qui s'était passé, à savoir que des personnes l'avaient agressé et qu’il avait reçu des coups de pieds, par une dizaine de personnes. Il avait eu peur de dire à son employeur qu'il avait été agressé, par crainte de perdre son travail.

-       Monsieur D______, entendu comme témoin, a indiqué qu’il habitait à 4-5 minutes à pied du recourant, qui était son ami. Il n’était pas avec celui-ci le soir précédent. Le recourant l’avait appelé le matin pour lui emprunter son scooter pour aller déposer plainte. Il avait un doigt qui lui faisait mal. Il lui avait dit qu'il y avait eu une bagarre. Le témoin avait vu le recourant partir en scooter et tourner, mais il ne l’avait pas vu tomber. Après, le recourant l’avait appelé pour qu’il vienne reprendre son scooter. Le recourant avait mal à l'épaule droite.

-       Monsieur E______, entendu comme témoin a déclaré avoir amené le recourant à l'hôpital. C'était un ami proche. Celui-ci l’avait appelé le matin du 21 juin. Il lui avait dit qu'il s'était fait mal et lui avait demandé de l'amener à l'hôpital. Sur le chemin, il lui avait dit qu'il s'était fait mal en chutant de scooter et que la veille il s'était fait agresser. Il lui avait dit que c'était plus la chute de scooter qui lui avait fait mal au bras droit. Il ne lui avait pas donné de détails sur l'agression. Après avoir été aux urgences, ils étaient rentrés ensemble. Il ne savait pas que le recourant et son amie s’étaient rendus ensuite à la police pour déposer plainte.

e. Le 21 octobre 2021, l’intimée a considéré qu’il ressortait des déclarations devant la chambre des assurances sociales du recourant qu’il avait sciemment caché une partie des faits à son employeur en annonçant seulement une chute à scooter à l’origine de sa fracture du pouce droit de peur qu’il soit vu comme un bagarreur. Son refus de lui allouer ses prestations en application de l’art. 46 al. 2 LAA était ainsi parfaitement justifié. Les motifs invoqués par le recourant à l’appui de ses fausses déclarations ne semblaient pas crédibles, dès lors qu’ils variaient. En effet, si initialement il avait invoqué un choc, il avait ensuite indiqué ne pas vouloir passer pour un bagarreur. On pouvait s’étonner des incohérences entre le contenu du rapport du service des urgences du 21 juin 2020, qui mentionnait que l’assuré était venu consulter car il n’avait pas réussi à dormir en raison de douleurs et les déclarations de sa compagne, qui avait indiqué à la chambre de céans qu’il avait bien dormi. Une instruction complémentaire n’était pas nécessaire. L’intimée persistait dans ses conclusions.

f. Le 15 novembre 2021, le recourant indiqué qu’il ressortait du récépissé de dépôt de plainte déposée auprès de la gendarmerie de Gex que son agression s’était produite le 21 juin 2021 à 2h30. Les détails de l’agression étaient l’objet d’une enquête par les autorités pénales françaises. À ce jour, aucune suite n’avait été donnée. Il ressortait des déclarations des témoins qu’il avait chuté en utilisant un scooter le matin du 21 juin 2021 entre son réveil à 6h30 et son départ pour l’hôpital, à 8h30. Les déclarations de sa compagne corroboraient ses déclarations. Les séquelles de la chute à scooter étaient évidentes. Le recourant avait eu trois interventions chirurgicales en septembre 2020, mars 2021 et juillet 2021. La chambre des assurances sociales devait tenir compte de ces opérations, du fait que son état de santé l’empêchait d’effectuer une activité professionnelle comme il le faisait avant son accident, de la perte de ses revenus depuis la décision de l’intimée, de l’impossibilité de récupérer son handicap de l’épaule droite, de l’abandon émotionnel et matériel de l’intimée.

g. Le 7 décembre 2021, le recourant a fait valoir que les événements relatifs aux faits du 21 juin 2020 avaient été reconstruits avec les déclarations objectives des témoins. En conséquence, la décision querellée était arbitraire, disproportionnée et contraire au droit. Il persistait dans ses conclusions.

Il a transmis à la chambre de céans :

-       un récépissé de la plainte pénale qu’il avait déposée pour l’agression du 21 juin 2020, qui était qualifiée de violence aggravée suivie d’une incapacité supérieure à 8 jours.

-       des pièces médicales, comprenant notamment des rapports médicaux en lien avec une intervention chirurgicale du 29 septembre 2020 visant à une réinsertion sous arthroscopie pour rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.

h. Sur demande de la chambre de céans, le recourant lui a transmis une copie de sa plainte pénale, le 4 février 2022. Il en ressort qu’il avait déclaré, le 21 juin 2020, avoir été victime de violences durant la nuit précédente vers un bar à Gex. Il s’était rendu seul dans ce bar vers 23h et y avait retrouvé des gens qu’il ne connaissait pas bien et dont il ignorait les noms. Il avait consommé trois ou quatre bières durant la soirée et en avait précédemment déjà bu trois ou quatre, lors d’un barbecue avec sa famille. Il était en train de discuter avec des gens au bar, quand un homme qu’il ne connaissait pas était venu l’insulter. Vers 1h30, il était sorti fumer une cigarette et cet homme l’avait suivi. Il l’avait traité de « connard et de fils de pute ». Le recourant lui avait demandé pourquoi il l’insultait sans le faire lui-même. Ensuite, à côté du bar, il y avait eu une bagarre avec des gens qu’il ne connaissait pas, mais qui étaient dans le bar pendant la soirée. L’homme l’avait frappé au visage et un de ses copains l’avait frappé au niveau des jambes. Des gens étaient venus l’aider, puis la police était arrivée et avait gazé tout le monde. Le recourant s’était relevé et était parti en direction de chez lui. Dix personnes qu’il ne connaissait pas lui étaient tombées dessus et l’avaient mis au sol. Ils lui avaient donné des coups de poing et de pied et lui avaient cassé un doigt et l’avaient blessé à l’épaule ainsi qu’à la tête. Il s’était fait beaucoup taper. Il était un peu saoul au moment des faits, mais pas beaucoup.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

En vertu de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l'assuré ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse. En l’espèce, le recourant est domicilié en France et a travaillé en dernier lieu pour un employeur sis à Genève. Bien qu’il s’agisse de la succursale genevoise d’une société anonyme dont le siège principal se trouve à Berne, la compétence à raison du lieu de la chambre de céans est donnée. En effet, selon la jurisprudence, il y a lieu d’admettre l’existence d’un for au lieu de la succursale lorsqu’il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant. Tel est le cas lorsque l’assuré a travaillé pour la succursale d’une société, dans un canton différent du siège principal (arrêt du Tribunal fédéral 8C_872/2017 du 3 septembre 2018 consid. 6.5).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.         Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

3.         Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimée de prendre en charge les suites de l’événement qui lui ont été annoncées par le recourant le 21 juin 2020 et de sa demande de remboursement des prestations déjà allouées.

4.          

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Conformément à l’art. 4 LPGA, est réputé accident, toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

4.2 L’art. 46 al. 2 LAA prévoit que l’assureur peut réduire de moitié toute prestation si, par suite d’un retard inexcusable dû à l’assuré ou à ses survivants, il n’a pas été avisé dans les trois mois de l’accident ou du décès de l’assuré ; il peut refuser la prestation lorsqu’une fausse déclaration d’accident lui a été remise intentionnellement.

Cette disposition permet à l’assureur de réduire ou de refuser les prestations à titre de sanction en cas de fausses informations données intentionnellement. Elle vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l'assurance plus que ce à quoi l'on aurait droit. L'assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l'interdiction de l'arbitraire, ainsi que les principes de l'égalité de traitement et de proportionnalité. Une condamnation pénale, en particulier pour escroquerie, n'est pas une condition nécessaire pour faire usage de l'art. 46 al. 2 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_388/2017 du
6 février 2018 consid. 2 et les références).

L'établissement de l'intention dolosive est une question de fait, que le juge tranchera le cas échéant. L'assureur n'a pas besoin de rendre vraisemblable que la fausse déclaration a entraîné des complications importantes, ni même qu'un quelconque dommage lui a été causé (GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents [LAA], 1992, p. 176). N'importe quelle fausse déclaration contenue dans la déclaration d'accident suffit, dès lors qu'elle conduit à l'octroi de prestations d'assurance plus élevées que celles auxquelles la personne assurée aurait droit conformément à la situation effective. Tombe sous le coup de cette disposition la déclaration intentionnelle d'un salaire trop élevé, lorsque cela conduit au versement de prestations en espèces fixées sur la base d'un gain assuré trop élevé. L'assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l'interdiction de l'arbitraire, ainsi que les principes de l'égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 143 V 393 consid. 6.2; arrêt 8C_68/2017 du 4 septembre 2017 consid. 4.3).

Le refus de prestation est la sanction la plus grave prévue par l'art. 46. Contrairement au libellé du titre, il n'est pas la conséquence d'une omission, mais de fausses déclarations dans la déclaration d'accident correspondante (FF 1976 III 201). Toute forme de fausse déclaration suffit, pour autant qu'elle conduise, en raison des circonstances concrètes, à l'octroi de prestations plus élevées que celles qui sont légalement dues. Par exemple, une fausse déclaration d'accident a été admise dans le cas d'un accident qui, contrairement aux déclarations de l'assuré, s'était produit lors d'une course contre la montre, ce que la personne assurée a nié avec persistance (TF, 6. 2. 2018, 8C_388/2017, consid 4).

La condition préalable au refus de prestation est l'intention de faire de fausses déclarations. On se base sur un acte intentionnel avec la connaissance et la volonté de la personne soumise à l'obligation de déclarer. La communication de fausses informations a pour but de tromper l'assureur et doit ainsi permettre l'obtention de prestations d'assurance non dues ou de cotisations plus élevées que celles prévues par la loi (TFA, 30. 4. 1996, U 131/95, consid. 2b, RAMA 4 - 5/1996, 181 ss ; Ghélew/Ramelet/Ritter, 176 ; Wyss, 69 s.). La condition de l'action astucieuse ne doit pas être remplie, contrairement à l'escroquerie pénale selon l'art. 146 CP (ATF 143 V 393 consid. 7.3, Pra 2018, n° 80).

Le refus de prestation est conçu comme une sanction facultative et confère à l'assureur une marge d'appréciation. Comme la sanction a des effets extrêmement incisifs pour la personne assurée, l'assureur peut y renoncer dans le sens de la proportionnalité et ne procéder qu'à une réduction des prestations (Maurer, Unfallversicherungsrecht, 240 s.). Il convient alors de procéder à un examen séparé pour chaque prestation et de respecter l'interdiction de l'arbitraire ainsi que le principe de l'égalité de traitement (ATF 143 V 393 consid. 6.2 et 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2017 du 4 septembre 2017, consid. 4.3).

4.3 L'art. 49 al. 2 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu'il venait en aide à une personne sans défense (let. a).

La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l'art. 133 CP. Selon la jurisprudence, pour admettre l'existence d'une telle participation, il suffit que l'assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu'il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu'il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu'il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n'y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l'assuré se fait agresser physiquement, sans qu'il y ait eu au préalable une dispute, et qu'il frappe à son tour l'agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 16 p. 58).

Il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l'attitude de l'assuré - qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à réduire ses prestations d'assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de l'accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une autre cause, qu'il s'agisse d'une force naturelle ou du comportement d'une autre personne, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement en discussion (ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23 s.). Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu'un membre d'une famille (en l'espèce, la fille) entre dans la chambre d'un autre (en l'occurrence, le père) en insistant pour avoir une discussion orageuse, on ne pouvait s'attendre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à ce que l'autre réagisse en tirant sur lui avec un revolver. Dans un tel cas, le lien de causalité adéquate entre le comportement reproché à la victime et le résultat survenu a été nié (arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et, concernant la même affaire, au plan civil, arrêt 4A_66/2010 du 27 mai 2010).

4.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.         En l’espèce, le recourant a déclaré à son employeuse, qui a annoncé son accident à la SUVA le 22 juin 2020, qu’il s’était blessé le 21 juin 2020 vers 7h30 en perdant l’équilibre sur son scooter et en se fracturant le pouce.

Puis, le 26 octobre 2020, il a informé la SUVA que lors de sa chute à scooter, il était tombé sur son épaule droite.

Le 6 novembre 2020, l’assuré a indiqué à la SUVA qu’il s’était fait agresser en rentrant chez lui, ce qui lui avait causé des douleurs minimes. En se réveillant le 21 juin 2020 vers 7h30, il avait ressenti une douleur plus accentuée que les heures précédentes. Vers 8h00, il avait contacté un ami pour lui emprunter son scooter, car il ne se sentait pas apte à conduire sa voiture, en raison de ses douleurs. Il avait chuté ensuite alors qu’il conduisait le scooter et était tombé sur son épaule droite, en ressentant une énorme douleur, au point qu’il en avait vomi.

Dans son opposition du 30 novembre 2020, il a fait valoir que l’agression dont il avait été victime l’avait profondément affecté psychologiquement, ce qui expliquait sa confusion dans son récit des faits.

Lors de l’audience devant la chambre de céans, alors qu’il était assisté d’un interprète, le recourant a déclaré ne pas avoir parlé de son agression à son employeuse de peur de passer pour un bagarreur et que cela « fasse des histoires ». Il a précisé que sa blessure au pouce venait de l'agression, tout en indiquant avoir toujours dit la vérité.

Il résulte de la succession des déclarations du recourant qu’elles sont contradictoires, confuses et globalement peu crédibles.

Les déclarations des témoins entendus ne sont pas non plus très claires et sont peu probantes, dans la mesure où elles émanent de proches du recourant. Il en résulte néanmoins des incohérences, dès lors que sa compagne a déclaré qu’il avait déjà mal au pouce avant de tomber à scooter, ce qui remet en cause la version donnée à l’employeuse, selon laquelle il s’était blessé au pouce en tombant à scooter. Par ailleurs, le recourant a allégué le 6 novembre 2002 avoir ressenti une énorme douleur après sa chute à scooter, au point qu’il en avait vomi, précision qui n’a pas été confirmée par sa compagne, qui a pourtant indiqué l’avoir vu après sa chute à scooter et qu’il s’était seulement plaint d’avoir mal à l’épaule.

Il faut également relever que le recourant avait déjà des douleurs conséquentes avant de prendre le scooter, puisque c’était précisément pour se rendre aux urgences qu’il se l’était procuré selon ses dires. Selon ses déclarations aux urgences et la teneur de sa plainte pénale, l’agression subie avait été d’une grande violence et elle était davantage de nature à lui causer les lésions constatées par la suite, qu’une simple chute à scooter.

Au vu des pièces du dossier, il apparait suffisamment établi que le recourant a été blessé, en particulier au pouce et à l’épaule droite, lors d’une bagarre, le 21 juin 2020 dans la nuit, comme il l’a déclaré aux urgences, selon le certificat médical initial du 24 juillet 2020 et à la police, à teneur de sa plainte. Si c’était un accident de scooter qui lui avait causé ses douleurs de façon prépondérante, on voit mal pourquoi il n’en aurait pas parlé aux médecins des urgences.

Dans la mesure où le recourant a indiqué aux urgences et à la police avoir été victime d’une agression, il est peu crédible qu’il n’ait pas voulu en parler à son employeuse, de peur de passer pour un bagarreur. Il apparaît en revanche davantage plausible qu’il craignait une non prise en charge de son cas par l’assurance-accident au motif qu’il avait été impliqué dans une bagarre, ce qui est une cause de réduction des prestations selon l’art. 49 al. 2 OLAA.

Il en résulte que le recourant a sciemment décrit faussement les faits à son employeuse pour que celle-ci les annonce à la SUVA en vue d’obtenir des prestations fondées sur la LAA, sans risque de se les voir diminuées, en raison d’une participation à une bagarre, ce qui justifie le refus de toute prestation par l’intimée, en application de l'art. 46 al. 2 LAA.

6.         Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

2.      Le rejette.

3.      Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le