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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/36/2021

ATAS/1303/2021 du 16.12.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/36/2021 ATAS/1303/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 décembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

A______ Sàrl, sise à THÔNEX

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. La société A______ Sàrl (ci-après : l’intéressée ou la recourante) exploite un commerce de matériel et d’équipement pour le cavalier et pour le cheval.

b. Par courriel daté du 19 novembre 2020, l’intéressée a demandé l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour deux de ses collaborateurs, à raison d’un taux de 100%, pour la période allant du 1er au 30 novembre 2020.

B. a. Par décision du 20 novembre 2020, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) a rendu un préavis acceptant partiellement la demande de RHT, mais seulement pour la période allant du 29 novembre 2020 au 27 février 2021.

b. En date du 25 novembre 2020, l’intéressée a fait opposition à la décision du 20 novembre 2020, exposant, en substance, qu’elle avait envoyé son préavis le 19 novembre 2020, soit avec un peu de retard, ceci en raison du fait qu’elle n’avait pas eu accès à son « outil informatique, présent dans son local de vente, fermé par décision cantonale » et qu’elle n’avait pas reçu d’information sur les délais de préavis. L’intéressée précisait qu’elle n’arrivait pas à faire face aux nombreux problèmes à résoudre et au stress, qu’il y avait beaucoup d’incertitudes quant à la réouverture des magasins à Genève et que la fédération des entreprises romandes (ci-après : FER), dont elle était membre, ne répondait pas à ses demandes d’information.

c. Par décision sur opposition du 16 décembre 2020, l’OCE a confirmé sa décision du 20 novembre 2020 et a écarté l’opposition du 25 novembre 2020. Elle a exposé qu’à teneur de la directive 15/2020 du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) du 30 octobre 2020, concernant l’actualisation des règles spéciales, le délai de préavis pouvait être raccourci ou totalement supprimé si les mesures étaient édictées à court terme et que les entreprises n’étaient pas en mesure de notifier la RHT dix jours à l’avance. Dans le cas présent, le Conseil d’État avait ordonné, le 1er novembre 2020, la fermeture de certaines installations et de certains établissements accessibles au public avec effet au 2 novembre 2020 à 19h00. Selon le barème mis en place par le SECO, lorsque le préavis était déposé plus de dix jours après l’entrée en vigueur des mesures, un délai de préavis de dix jours devait être respecté, ce qui signifiait concrètement que l’indemnité RHT ne pouvait être versée qu’à partir de dix jours après le dépôt du préavis.

C. a. Par acte posté le 5 janvier 2021, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 16 décembre 2020. Elle a conclu à l’annulation de ladite décision en raison de la confusion qui avait suivi la deuxième vague de COVID-19 et du manque de clarté dans les décisions d’indemnités RHT qui, selon la recourante, n’avaient pas permis à beaucoup d’entreprises de réagir avant la date du 4 novembre 2020 pour échapper au délai de préavis. Dans le cas présent, il était inutile d’accorder les indemnités RHT à partir du 29 novembre 2020 dès lors que la demande d’indemnité RHT ne concernait que la période allant du 2 novembre au 27 novembre 2020.

b. Par réponse du 14 janvier 2021, l’intimée a considéré que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision précitée et a persisté intégralement dans les termes de cette dernière.

c. Par réplique du 11 mars 2021, la recourante a persisté dans les termes de son recours, considérant que le retard de quelques jours concernant le délai de l’annonce du préavis était dû essentiellement aux annonces successives des autorités qui avaient « singulièrement compliqué les choses ».

d. Par observations complémentaires du 29 mars 2021, l’OCE a informé la chambre de céans que, conformément aux dispositions de la loi COVID-19, entrées en vigueur le 20 mars 2021, le délai de préavis était supprimé dès le 1er septembre 2020. Dès lors, l’intimé proposait à la chambre de céans que l’indemnité RHT soit accordée à la recourante dès la date du dépôt de son préavis, soit pour la période allant du 19 novembre 2020 au 27 février 2021, et ce conformément aux nouvelles dispositions en vigueur.

e. Par observations complémentaires du 3 avril 2021, la recourante a pris bonne note de la modification intervenue suite à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi COVID-19, le 20 mars 2021, mais a rappelé qu’elle avait été contrainte de stopper son activité à partir du 3 novembre 2020 et non pas à partir du 19 novembre 2020, et a persisté à demander l’indemnité pour la RHT à partir du 3 novembre et non pas à partir du 19 novembre 2020.

f. Par observations complémentaires du 16 avril 2021, l’intimé a rappelé que la suppression du délai de préavis ne signifiait pas que les indemnités RHT pouvaient être octroyées dès le 3 novembre 2020, dès lors que le formulaire de préavis n’avait été déposé qu’en date du 19 novembre 2020.

g. Par observations complémentaires postées le 25 octobre 2021, la recourante a repris ses observations du 3 avril 2021, concluant à l’octroi de l’indemnité RHT dès le 3 novembre 2020 et non pas à partir du 19 novembre 2020.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à l’indemnité en cas de RHT dès le 3 novembre 2020.

4.              

4.1. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été modifié temporairement en raison de la pandémie de coronavirus). Enfin, le conjoint de l’employeur, employé dans l’entreprise de celui-ci, ainsi que les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur ne peuvent pas prétendre à une indemnité en cas de RHT (art. 31 al. 3 let. b et c LACI).

4.2. S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

Selon l’al. 2 de la même disposition, dans le préavis, l’employeur doit indiquer :

a. le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la réduction de l’horaire de travail;

b. l’ampleur de la réduction de l’horaire de travail ainsi que sa durée probable;

c. la caisse auprès de laquelle il entend faire valoir le droit à l’indemnité.

Dans le préavis, l’employeur doit justifier la réduction de l’horaire de travail envisagée et rendre plausible, à l’aide des documents prescrits par le Conseil fédéral, que les conditions dont dépend le droit à l’indemnité, en vertu des art. 31, al. 1, et 32, al. 1, let. a, sont réunies. L’autorité cantonale peut exiger d’autres documents nécessaires à l’examen du cas (art. 36 al. 3 LACI).

Lorsque l’autorité cantonale estime qu’une ou plusieurs conditions dont dépend le droit à l’indemnité ne sont pas remplies, elle s’oppose par décision au versement de l’indemnité. Dans chaque cas, elle en informe l’employeur et la caisse qu’il a désignée (art. 36 al. 4 LACI).

Selon l’art. 58 al. 2 OACI, l’employeur doit annoncer la RHT au moyen de la formule du SECO.

L’art. 58 al. 4 OACI précise que lorsque l’employeur n’a pas remis le préavis de RHT dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n’est prise en considération qu’à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s’est écoulé.

Les délais prévus aux art. 36 LACI et 58 OACI sont des délais de déchéance, mais peuvent être restitués aux conditions de l'art. 41 LPGA (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n. 661). Les annonces de RHT rétroactives sont exclues (ATF 110 V 334 consid. 3c).

La chambre de céans a jugé dans un arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020) qu’un préavis ne peut avoir d’effet rétroactif.

Pour les entreprises qui envoient un décompte à leur caisse sans disposer d’une autorisation valable, la date du dépôt du décompte fait office de date de dépôt du préavis (ch. 2.3 b de la directive n° 16 du SECO).

4.3 Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 – RS 818.102). D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la réduction de l’horaire de travail. Le préavis doit être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une réduction de l’horaire de travail pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement au 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

4.4 Étant précisé que, l'autorité de recours appliquant le droit en vigueur au jour où l'autorité administrative a statué pour la première fois, soit en l'occurrence par la décision initiale du 20 novembre 2020 (ATF 147 V 278 consid. 2.1 et 5.1; ATF 144 II 326 consid. 2.1.1), c'est la version de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage à cette même date, de même que la version de la loi COVID-19 avec l’art. 17b al. 1 en vigueur rétroactivement au 1er septembre 2020, qui sont applicables.

5.             En l’espèce, la recourante considère qu’il doit être fait abstraction du retard dans le dépôt de sa demande de préavis en raison de la « confusion » qui régnait en matière de délais, pour déposer une demande d’indemnité RHT.

Dans un premier temps, le SECO a mis en place un barème permettant d’établir le nombre de jours de préavis en fonction de la différence entre le moment où la mesure était entrée en vigueur et le moment où l’entreprise avait déposé sa demande de RHT. Toutefois, le principe du délai de préavis a été abrogé - pour la période topique - suite à l’entrée en vigueur de l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19, avec effet rétroactif au 1er septembre 2020.

Néanmoins, malgré l’abolition du délai de préavis, le principe selon lequel la demande d’indemnité RHT n’est prise en compte qu’au jour du dépôt de cette dernière a été confirmé par la chambre de céans dans son arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020).

On ne discerne pas, dans l’argumentation de la recourante, d’éventuels justes motifs l’ayant empêché de déposer sa demande de préavis dès le 3 novembre 2020, jour de fermeture de son commerce, étant précisé que l’interdiction d’ouvrir le commerce à la clientèle ne l’empêchait pas d’avoir accès à son outil informatique.

Compte tenu de ces éléments, la demande d’indemnité RHT déposée par la recourante en date du 19 novembre 2020 ne peut être prise en compte qu’à partir du jour du dépôt, soit le 19 novembre 2020 en lieu et place du 29 novembre 2020 comme cela figure dans la décision querellée, mais sans effet rétroactif au 3 novembre 2020.

6.             En conséquence, le recours sera partiellement admis, la décision querellée annulée, et il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité RHT du 19 novembre 2020 au 27 février 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

7.             La recourante, qui obtient partiellement gain de cause mais qui n'est pas représentée en justice et n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Dit que la recourante a droit à une indemnité en cas de RHT du 19 novembre 2020 au 27 février 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le