Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/635/2021

ATAS/1188/2021 du 23.11.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/635/2021 ATAS/1188/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 novembre 2021

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, c/o B______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. À la suite des mesures officielles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) avec effet à compter du 17 mars 2020, Madame A______ (ci-après : l’employeuse, l’intéressée ou la recourante), qui exploite en entreprise individuelle et avec signature individuelle le café-restaurant « B______ » à Genève, s’est vu octroyer, en réponse à ses " préavis de réduction de l'horaire de travail " (ci-après : RHT), pour « toute l'entreprise », à savoir pour ses trois employés et en raison d'une perte de travail probable de 100 %, l'indemnité en cas de RHT, pour toute l'entreprise, pour la période du 18 mars au 26 juin 2020, selon décisions de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE, l'office ou l'intimé).

b. Par courrier simple daté du 3 novembre 2020, elle a adressé à la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC ou la caisse) un " préavis de RHT " pour « toute l'entreprise », à savoir pour ses trois employés et en raison d'une perte de travail prévisible de 100 %, pour la durée prévisible du 2 au 29 novembre 2020.

Ce préavis a été reçu le 6 novembre 2020 par la CCGC, laquelle l’a transmis comme objet de compétence à l’OCE, qui l’a reçu le 10 novembre suivant.

c. Par décision du 17 novembre 2020, l’office a accepté ladite demande d’indemnité en cas de RHT pour la période du 8 novembre 2020 au 7 février 2021.

d. Par opposition du 15 décembre 2020, l’intéressée a sollicité de l’office une reconsidération de sa décision dans le sens d’un octroi de l’indemnité en cas de RHT dès le mardi 3 novembre 2020, date depuis laquelle son personnel avait été interdit de travailler.

e. Par décision sur opposition rendue le 12 février 2021, l’OCE a rejeté cette opposition et a confirmé sa décision du 17 novembre 2020.

B. a. Par acte expédié le 22 février 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), l’employeuse a formé recours contre cette décision sur opposition, concluant à l’octroi de l’indemnité en cas de RHT dès le mardi 3 novembre 2020.

b. Dans sa réponse du 19 mars 2021, l'intimé a persisté dans les termes de la décision sur opposition querellée, considérant que la recourante n'avait apporté aucun élément nouveau dans son recours permettant de revoir sa position.

c. Dans sa réplique du 29 mars 2021, la recourante a persisté dans les termes et conclusions de son recours, ajoutant en outre ce qui suit : « Le 2 mars 2021, j’ai fait la demande pour les indemnités en cas de RHT pour le mois de février 2021 et l’OCE m’a encore pénalisé [puisqu’il] m’a accordé les indemnités à partir du lundi 8 février 2021 ».

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que l'intimé a refusé, pour la période du 3 au 7 novembre 2020, soit cinq jours en tout, le versement de l’indemnité en cas de RHT sollicité par la recourante dans son préavis de RHT annexé à sa lettre datée du 3 novembre 2020.

4.             4.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31 ss LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI).

En vertu de l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque : ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ; la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 ; let. b) ; le congé n’a pas été donné (let. c) ; la RHT est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

4.2 S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 aLACI, dans sa version en vigueur avant le 1er juillet 2021 – et présentement applicable –, prévoyait que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

Dans le cadre de l’application de l’art. 36 al. 1 aLACI, l'employeur doit donc remettre le préavis à la poste au plus tard le dixième jour qui précède le début de la RHT (ATAS/510/2020 du 25 juin 2020 consid. 3b).

L’art. 58 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI – RS 837.02) prévoit des délais de préavis plus courts dans des circonstances particulières. À teneur de cet article, le délai de préavis en cas de RHT est exceptionnellement de trois jours lorsque l’employeur prouve que la réduction de l’horaire de travail doit être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles (al. 1). Lorsque, au sein d’une entreprise, les possibilités de travail dépendent de l’entrée journalière des commandes et qu’il n’est pas possible de travailler pour constituer un stock, le préavis de réduction de l’horaire de travail peut être encore communiqué immédiatement avant qu’elle ne commence, au besoin, par téléphone. L’employeur est tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique (al. 2). L’al. 2 s’applique également, lorsque l’employeur a été empêché de donner le préavis dans le délai imparti (al. 3). Lorsque l’employeur n’a pas remis le préavis de RHT dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n’est prise en considération qu’à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s’est écoulé (al. 4).

Compte tenu de l'art. 58 al. 4 OACI, il doit être considéré que le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s'agit d'un délai de déchéance (ATF 110 V 335 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 36 LACI ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Le délai de préavis ne peut être ni prolongé ni suspendu mais il peut être restitué en présence d'une raison valable (Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 36 LACI ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). L'inobservation du délai n'entraîne toutefois pas la péremption générale du droit mais uniquement son extinction pour la période donnée, le début du droit étant reporté de la durée du retard (ATF 110 V 335 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C_20/98 du 15 septembre 2000 consid. 1c ; Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 36 LACI ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Dans l'hypothèse d'un préavis tardif, il appartient à l'autorité cantonale de s'opposer partiellement au versement de l'indemnité (Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 36 LACI ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

5.             5.1 Pour lutter contre l'épidémie de COVID-19 qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes, en se fondant sur les art. 184 al. 3 et 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ainsi que sur plusieurs dispositions de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) et sur l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (ordonnance
COVID-19 - RS 818.101.24), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19), puis par l'ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 19 juin 2020 (ordonnance 3 COVID-19),
elle-même ensuite plusieurs fois modifiée.

5.2 Le 19 juin 2020, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26), avec entrée en vigueur le 20 juin 2020 pour une partie et le 22 juin 2020 pour une autre (étant précisé qu'une nouvelle ordonnance COVID-19 situation particulière a été adoptée le 23 juin 2021 avec entrée en vigueur le 26 juin suivant). Les art. 4 et 5 de ladite ordonnance dans sa teneur en vigueur dès le 20 juin 2020 prévoyaient que les exploitants d'installations ou d'établissements accessibles au public, y compris les établissements de formation, et les organisateurs de manifestations devaient élaborer et mettre en œuvre un plan de protection auquel certaines prescriptions s'appliquaient, voire, suivant les circonstances, collecter des données.

Le 28 octobre 2020, outre une modification des règles applicables au plan de protection, le Conseil fédéral a étendu l'obligation du port du masque aux espaces publics extérieurs des installations et établissements (art. 3b al. 1 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière), limité le nombre de clients à quatre par table dans les restaurants et imposé leur fermeture entre 23h00 et 06h00 (art. 5a de l'ordonnance COVID-19 situation particulière). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 octobre 2020 (RO 2020 4503).

Le 12 décembre 2020 est entrée en vigueur une modification de l'ordonnance COVID-19 situation particulière prévoyant que les établissements de restauration devaient demeurer fermés entre 19h00 et 06h00 (art. 5a). Tout canton pouvait toutefois prévoir d'étendre ces heures d'ouverture si les capacités hospitalières étaient garanties, le taux de reproduction effectif du virus était inférieur à 1 durant au moins sept jours consécutifs et le nombre de nouvelles infections par 100'000 personnes était inférieur à la moyenne suisse au cours des sept derniers jours également ; le cas échéant, il pouvait décider que les établissements de restauration restaient ouverts au plus tard jusqu'à 23h00 (art. 7 al. 2 et 3).

Le 22 décembre 2020, notamment, l'art. 5a al. 1 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière a prescrit que l'exploitation des établissements de restauration, des bars, des boîtes de nuit, des discothèques et des salles de danse était interdite, l'al. 2 prévoyant des exceptions (non pertinentes ici).

5.3 En parallèle, sur le plan cantonal, le Conseil d'État genevois a adopté, le 1er novembre 2020, l'arrêté d'application de l'ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (l'arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) du 2 novembre 2020, lequel est entré en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00 et qui, à son art. 11 al. 1 let. d, ordonnait la fermeture des installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public.

6.             Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures en matière d'assurance-chômage.

6.1 C'est ainsi que le 13 mars 2020, le Conseil fédéral a modifié l'art. 50 al. 2 OACI – qui n’a pas substantiellement changé depuis lors –, lequel prévoit que, pour chaque période de décompte, seul un délai d'attente d'un jour est déduit de la perte de travail à prendre en considération.

Le 20 mars 2020, sur la base de l'art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures dans le domaine de l'assurance-chômage en lien avec le coronavirus (ordonnance COVID-19 assurance-chômage - RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020.

6.2 L'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée le 26 mars 2020, avec effet rétroactif au 17 mars 2020 également (art. 9). À teneur de ce nouvel art. 8b, en dérogation aux art. 36 al. 1 LACI et 58 al. 1 à 4 OACI, l'employeur n'était pas tenu de respecter un délai de préavis lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité RHT en faveur de ses travailleurs (al. 1). Le préavis de RHT pouvait également être communiqué par téléphone. L'employeur était tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique (al. 2).

Dans l’ATAS/510/2020 précité – arrêt de principe –, répondant à la question de savoir si l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a suspendu, tant que dure la pandémie, le principe de la non-rétroactivité des indemnités RHT tel que prévu par l'art. 36 LACI, la chambre de céans a interprété ledit art. 8b conformément aux diverses méthodes d'interprétation applicables en la matière. Selon elle, force est de constater, en premier lieu, que l'al. 1 de cette disposition prévoit que l'employeur n'est pas tenu de respecter un délai de préavis. Ceci signifie qu'un préavis est toujours requis, ce qui est au demeurant confirmé par l'al. 2 qui porte sur la possibilité de communiquer son préavis par téléphone, de sorte que seul le délai - au sens de l'art. 36 al. 1 en lien avec l'art. 58 al. 1 à 4 OACI - a été supprimé entre le 17 mars et le 31 mai 2020 et non l'exigence d'un préavis (consid. 5 et 6 a et b). Dans le cadre de l'examen de la question de savoir si, compte tenu de la référence à l'art. 58 al. 4 OACI et vu la suppression du délai, le préavis doit en réalité être considéré comme un avis, la chambre des assurances sociales a conclu qu'une RHT, pour laquelle une indemnisation est demandée, doit toujours être annoncée à l'avance, même en application de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage (consid. 6c à e). En définitive, jusqu'au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de dix jours a été supprimé (cf. art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Ainsi, pendant cette période, un employeur pouvait appliquer une RHT dès réception, par l'intimé, du préavis, et être indemnisé dès cette date, mais non avant (consid. 8).

Le 1er juin 2020, les art. 1, 2 et 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage ont été abrogés.

6.3 Cependant, dans le domaine de l’assurance-chômage, conformément à l’art. 17 de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 du 25 septembre 2020 (loi
COVID-19 - RS 818.102), le Conseil fédéral peut édicter des dispositions dérogeant à la LACI sur le déroulement de la procédure de préavis et d’indemnisation de la RHT ainsi que sur la forme du versement de l’indemnité.

Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi COVID-19. D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard. L’art. 17b al. 1 est entré en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 (RO 2021 153).

6.4 Il est précisé ici que, l'autorité de recours appliquant le droit en vigueur au jour où l'autorité administrative a statué pour la première fois, soit en l'occurrence par la décision initiale du 17 novembre 2020 (ATF 147 V 278 consid. 2.1 et 5.1 ; ATF 144 II 326 consid. 2.1.1), c'est la version de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage à cette même date, c'est-à-dire celle en vigueur entre le 8 octobre et le 31 décembre 2020, de même que la version de loi COVID-19 entre le 1er novembre et le 1er décembre 2020 qui sont applicables.

7.             Aux termes de l'art. 29 LPGA, celui qui fait valoir son droit à des prestations doit s'annoncer à l'assureur compétent, dans la forme prescrite pour l'assurance sociale concernée (al. 1). Les assureurs sociaux remettent gratuitement les formules destinées à faire valoir et à établir le droit aux prestations ; ces formules doivent être transmises à l'assureur compétent, remplies de façon complète et exacte par le requérant ou son employeur et, le cas échéant, par le médecin traitant (al. 2). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques de la demande (al. 3). Selon l'art. 30 LPGA, tous les organes de mise en œuvre des assurances sociales ont l'obligation d'accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leur parviennent par erreur. Ils en enregistrent la date de réception et les transmettent à l'organe compétent.

La date de réception de l'annonce joue un rôle en relation avec le respect de l'observation du délai. C'est pourquoi l'assureur et tout autre organe de mise en œuvre de l'assurance sociale - même si l'assuré s'est adressé à lui par erreur - doit enregistrer la date de réception de la demande de prestations et, le cas échéant, transmettre celle-ci à l'assureur compétent (art. 29 al. 3 LPGA; art. 30 LPGA). De manière générale, selon la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 3 LPGA, la date déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques d'une demande est celle à laquelle la requête a été remise à la poste ou déposée auprès de l'organe (compétent ou incompétent). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme, l'assureur compétent pourra demander, dans un certain délai, de compléter l'annonce (ATAS/157/2021 du 2 mars 2021 consid. 18 ; Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 40 ad art. 29 LPGA).

Par ailleurs, en vertu de l'art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu'une partie s'adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé.

Cette disposition rappelle une règle générale en matière de procédure administrative, voulant que le délai soit également considéré comme respecté lorsque l'assuré s'adresse à temps à une autorité incompétente. Il la limite toutefois, dans ce sens que seul le fait de s'adresser à un assureur social incompétent permet de considérer le délai comme respecté, et non le fait de s'adresser à n'importe quelle autorité. Il faut cependant interpréter la notion d'« assureur social » dans un sens large et entendre par ces termes toutes les entités organisationnelles qui participent à l'administration d'une ou de plusieurs branches d'assurance sociale. Il peut ainsi s'agir, par exemple, d'une caisse de compensation, d'un office d'assurance-invalidité, d'une caisse de chômage ou d'un assureur-maladie (Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 12 ad art. 39 LPGA).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.             9.1 En l’espèce, la position de l’intimé, exprimée dans sa décision – initiale – du 17 novembre 2020 et sa décision sur opposition du 12 février 2021, est la suivante : l’employeuse n’a pas pu apporter la preuve qu’elle avait bien déposé son préavis de RHT à la caisse le 3 novembre 2020, de sorte que, sur la base des pièces en sa possession, il retient qu’elle a déposé sa demande le 5 novembre 2020 ; il ne pouvait prendre en considération, à l’époque, une perte de travail (art. 31 al. 1 let. b et 32 LACI) qu’à partir de l’expiration de trois jours après le préavis de RHT, donc à compter du 8 novembre 2020 ; en effet, ce délai était alors exceptionnellement de trois jours lorsque l’employeur prouvait que la RHT devait être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles, ce qui était le cas en l’occurrence, l’intéressée ayant dû cesser ses activités suite à l’arrêté du Conseil d’État genevois du 1er novembre 2020.

La recourante allègue quant à elle avoir envoyé cette demande le 3 novembre 2020, mais le fait de l’avoir adressée à une adresse erronée – celle de la CCGC au lieu de celle de l’OCE – lui aurait fait perdre cinq jours, la caisse l’ayant informée par appel téléphonique du 17 novembre 2020 qu’elle devait envoyer son préavis de RHT à l’office.

9.2 Cela étant, le fait que l’intéressée ait adressé son préavis de RHT auprès de la CCGC, assureur incompétent, n’a eu aucune conséquence quant au début de son droit, l’intimé considérant que sa demande lui a été transmis à la date de sa remise à la poste à l’adresse de la caisse, conformément aux principes précisés par la jurisprudence citée plus haut.

9.3 D’après l’office, la date de remise à la poste était le jeudi 5 novembre 2020, veille de la réception – le vendredi 6 novembre 2020 – du préavis de RHT par la caisse, alors que la date de ladite remise était, selon l’employeuse, le mardi 3 novembre 2020.

Sur la copie de l’enveloppe ayant contenu la demande datée du 3 novembre 2020 figurent deux timbres de CHF 1.- chacun, soit en tout CHF 2.-, ce qui correspond au tarif d’un courrier A, dont la distribution est en principe prévue le jour ouvrable suivant (https://www.post.ch/fr/expedier-des-lettres/lettres-suisse).

La date d’envoi à l’intérieur du tampon postal est ici difficile à lire, mais les chiffres « 5.11 » en ressortent discrètement, plutôt que « 3.11 ».

Il convient, au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, de retenir que, contrairement à ce qu’allègue l’employeuse sans un quelconque indice, son préavis de RHT a été posté non le 3 novembre 2020, mais le 5 novembre 2020, date la plus probable vu le fait d’un envoi en courrier A et le chiffre qui ressort discrètement de la copie de l’enveloppe.

9.4 Durant la période considérée, aucun délai de préavis ne devait être observé pour la RHT, conformément à l’art. 17b de la loi COVID-19. Cette disposition légale, en tant que lex specialis pour l’indemnité en cas de RHT pour cause de mesures contre le COVID-19, prime notamment sur l’art. 58 al. 1 OACI, comme le montre entre autres l’art. 17 de la loi COVID-19 à teneur duquel, dans le domaine de l’assurance-chômage, le Conseil fédéral peut édicter des dispositions dérogeant à la LACI sur différents points.

Partant, le délai supplémentaire de trois jours avant le début du droit à l’indemnité en cas de RHT retenu par l’intimé est contraire au droit.

9.5 Pour le reste, dans sa réplique, la recourante a ajouté la phrase suivante : « Le 2 mars 2021, j’ai fait la demande pour les indemnités en RHT pour le mois de février 2021 et l’OCE m’a encore pénalisé [puisqu’il] m’a accordé les indemnités à partir du lundi 8 février 2021 ».

Le jour de février 2021 à partir duquel l’employeuse aurait eu le cas échéant droit à l’indemnité en cas de RHT ne fait pas partie de l’objet du présent litige, ni n’a, à la connaissance de la chambre de céans, fait l’objet d’une décision sur opposition, qui seule pourrait être attaquée par un recours (cf. art. 56 al. 1 LPGA).

Cette question ou demande sera dès lors, en application de l’art. 11 al. 3 LPA, transmise d’office à l’OCE comme objet de sa compétence.

10.         Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition querellée sera réformée en ce sens que le la recourante a droit à l’indemnité de RHT également entre le 5 et le 7 novembre 2020 (et pas seulement dès le 8 novembre 2020).

11.         La recourante n’étant pas représentée par un mandataire ni n’ayant allégué des frais particulièrement importants pour défendre ses droits dans le cadre de la présente procédure, aucune indemnité ne saurait lui être accordée à titre de participation à des frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition rendue le 12 février 2021 par l’intimé en ce sens que la recourante a droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail également entre le 5 et le 7 novembre 2020.

4.        Transmet à l’intimé, comme objet de sa compétence, la question ou demande relative au début du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail pour le mois de février 2021 formulée par la recourante dans sa réplique du 29 mars 2021.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le