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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/8/2005

ATAS/217/2005 du 22.03.2005 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 06.05.2005, rendu le 20.07.2006, ADMIS, I 317/05
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/8/2005 ATAS/217/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

2ème chambre

du 22 mars 2005

En la cause

Madame B__________, domiciliée au Grand-Lancy, mais comparant par CAP Protection juridique, en les bureaux de laquelle elle élit domicile

Recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, 1211 Genève

Intimé


EN FAIT

Madame B__________, née en 1951, mariée, a travaillé à plein temps (40 heures par semaine) auprès de l’entreprise X__________ SA en tant qu’ouvrière dès le 29 mai 1978. A ce titre, son salaire annuel s’élevait à 78’065 fr. en 2001 (y compris 13ème salaire et gratification).

Dès le 18 décembre 2000, l’assurée a été en incapacité de travailler à 100 % en raison de violentes douleurs à la nuque, au dos, aux articulations et aux pieds. Elle souffrait également de malaises, d’angoisses et d’insomnie. Elle a consulté son médecin traitant, le docteur M__________, lequel a diagnostiqué une fibromyalgie. Depuis lors, elle n’a plus été en mesure de reprendre le travail.

Le 24 janvier 2002, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) en sollicitant une orientation professionnelle.

Le 11 février 2002, le docteur M__________ a rédigé un rapport à l’attention de l’OCAI dans lequel il a repris son précédent diagnostic de fibromyalgie auquel s’ajoutaient un état dépressif chronique existant depuis janvier 2001 et des cervicalgies chroniques sur discopathies C5/C6/C7. Ce praticien a relevé que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé et que la fibromyalgie liée à l’état anxio-dépressif depuis un an évoluait lentement sans que l’amélioration soit suffisante pour permettre une reprise du travail sans risque de rechute rapide. Il a encore expliqué que, malgré tous les traitements à disposition, il y avait peu de répit. Il a relevé la présence de seize points positifs de fibromyalgie. En outre, dans une annexe au rapport médical, il a précisé que l’activité exercée par l’intéressée jusqu’ici était encore exigible mais à hauteur de 20 % uniquement. Cette dernière rencontrait d’importantes limitations : elle pouvait maintenir la position assise deux heures par jour et la position debout uniquement une heure, devait éviter l’alternance des positions, la position à genoux, l’inclinaison du buste et la position accroupie. Elle ne pouvait utiliser ses bras et mains de manière complète, ni lever, porter et déplacer des charges de plus de 5 kilos, ni se baisser ou effectuer de mouvements des membres ou du dos. Par ailleurs, elle devait éviter les horaires irréguliers, le travail en hauteur et les déplacements sur sol irrégulier ou en pente.

Selon ce praticien une rente provisoire permettrait de voir venir une amélioration suffisante dans un an ou deux.

Le 17 juillet 2002, le docteur N__________ du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après le SMR Léman) a préconisé d’ordonner une examen tridisciplinaire, comportant notamment des examens rhumatologique et psychiatrique, afin de pouvoir statuer sur le cas de l’assurée.

Le 30 septembre 2003, le docteur O__________, spécialiste en médecine interne et la doctoresse P__________, psychiatre et psychothérapeute FMH, mandatés par l’OCAI le 31 janvier 2003, ont rédigé un rapport d’expertise après avoir examiné l’assurée trois fois chacun et avoir pris connaissance de l’ensemble de son dossier médical. Ils ont réalisé une anamnèse personnelle et familiale détaillée ainsi qu’une anamnèse professionnelle et sociale tout en relevant les antécédents médicaux de l’assurée et en rapportant ses plaintes subjectives. Après avoir effectué un examen clinique complet (status somatique et status psychiatrique), ces praticiens ont diagnostiqué des rhumatismes, sans précision (fibromyalgie), un trouble affectif bipolaire (épisode actuel hypomaniaque) et des troubles mixtes de la personnalité et autres troubles de la personnalité (trait de personnalité dépendante et à conduite d’échec, narcissique, perfectionniste). Ils ont expliqué que leur patiente ne présentait pas de troubles somatoformes douloureux, mais bien une fibromyalgie qui avait pu avoir comme facteur déclenchant les nombreux événements adverses survenus entre novembre 1998 et fin 2000. Au niveau de la capacité de travail, ils ont estimé que le syndrome algique consécutif à la fibromyalgie ne rendait plus possible l’activité professionnelle de l’assurée dans l’horlogerie dès lors que les positions de travail et la haute attention exigée par son métier occasionnaient des douleurs importantes dans la nuque et la ceinture scapulaire. Les experts ont insisté sur le fait que le travail sur les montres exigeait une position bien particulière, entre autres propre à l’usage d’instrument optique, et que les possibilités de changement de positions au poste de travail avaient été essayées, bien que sans succès. Par ailleurs, les répercussions de la fibromyalgie sur la vie quotidienne de l’assurée étaient telles qu’il paraissait illusoire d’exiger d’elle une autre activité. Cette dernière avait tenté d’effectuer du travail administratif dans l’entreprise de son époux, mais n’avait pu mener à bien cette activité en raison de son impossibilité à faire face à un travail de façon régulière et planifiée, ce malgré sa grande motivation. Les deux experts ont encore relevé que, au plan psychique et mental, le trouble de l’humeur existe depuis de nombreuses années. Son aggravation, imputable à la présence de la fibromyalgie, pouvait tout au plus diminuer le rendement, mais n’était pas en lui-même une cause d’incapacité de travail. En ce qui concernait le pronostic, ils ont précisé qu’au vu des ressources et des capacités de résilience que l’assurée avait développées au long de sa vie, cette dernière désirerait reprendre une activité professionnelle au cas où une amélioration significative de son état se dessinerait.

Le 10 novembre 2003, après avoir pris connaissance du rapport, le docteur N__________ du SMR Léman a relevé que l’expertise suscitait quelques interrogations dans la mesure où les diagnostics psychiatriques avaient été posés sur une base anamnestique et qu’on pouvait se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’une pathologie de type trouble dépressif réactionnel. En outre, les conclusions par rapport à la capacité de travail paraissaient surprenantes puisque l’atteinte psychique n’était rendue responsable ni d’une incapacité de travail ni d’une limitation au plan social, mais tout au plus d’une diminution de rendement, l’assurée étant par contre jugée incapable de travailler pour cause de fibromyalgie. Par ailleurs, la description des plaintes et du status n’était pas très détaillée. Le docteur N__________ a préconisé un examen plus complet sous la forme d’une expertise dans une Centre d’observation médicale de l’assurance-invalidité (ci-après COMAI).

Le 8 avril 2004, le docteur Q__________, psychiatre, et la doctoresse R_________, rhumatologue, agissant comme experts mandatés par l’OCAI, ont rendu leur rapport d’expertise COMAI effectuée au centre de Genolier. Après avoir examiné l’assurée le 3 mars 2004, avoir pris connaissance de l’ensemble de son dossier administratif et médical et avoir relevé en détail les plaintes de la patiente, ils ont posé le diagnostic de fibromyalgie depuis 2000. Lors de l’appréciation médicale du cas de l’assurée, les experts ont expliqué que l’examen clinique était peu relevant, hormis un discret syndrome vertébral cervical, des troubles statiques des pieds, des douleurs diffuses de toute la colonne vertébrale et des points de fibromyalgie tous positifs. Tous les traitements effectués jusqu’à présent n’avaient été que partiellement efficaces selon la patiente. Ils ont estimé que, du point de vue fonctionnel, il n’y avait pas de limitation physique. Les seules limitations étaient les plaintes de la patiente, en particulier les douleurs diffuses et la fatigue importante au moindre effort. A leur avis, du point de vue professionnel, l’assurée pouvait effectuer une activité légère en position assise, en ayant la possibilité de changer de position et de faire quelques pas régulièrement. D’après la description de son ancienne activité professionnelle, sa capacité de travail était de 100 % dans sa précédente activité, à condition d’alterner les positions. Du point de vue psychique, les experts n’ont pas retenu les diagnostics de trouble affectif bipolaire et de trouble mixte de la personnalité faute d’arguments solides, même si l’assurée présentait vraisemblablement une certaine vulnérabilité psychologique structurelle se traduisant par des oscillations de l’humeur.

Dans un rapport SMR Léman du 13 avril 2004, le docteur N__________ a repris les conclusions des deux expertises et a considéré qu’il y avait lieu de retenir plutôt celles de la seconde. Il a expliqué que, en l’absence de psychopathologie invalidante, ce avec quoi les deux experts psychiatres étaient d’accord, la fibromyalgie seule ne pouvait être acceptée comme affection invalidante.

Par décision du 22 avril 2004, l’OCAI a refusé à l’assurée toutes prestations de l’assurance-invalidité en soulignant qu’elle souffrait de « douleurs somatoformes » ou fibromyalgie, sans comorbidité psychiatrique. Pour cette raison, cette affection n’était pas considérée comme invalidante et elle conservait une capacité de travail entière dans son ancienne activité.

Par courrier du 11 mai 2004, le docteur M__________ a formellement contesté les conclusions des experts selon lesquelles sa patiente souffrait certes d’une fibromyalgie mais sans comorbidité psychiatrique. Il a relevé que l’expert psychiatre n’avait réussi qu’à traumatiser la patiente par des propos blessants allant même jusqu’à lui suggérer de changer de médecin-traitant. Cette attitude inadmissible dénotait un a-priori inacceptable. Ce praticien a demandé qu’une nouvelle expertise psychiatrique plus sérieuse et plus objective soit effectuée.

Par courrier du 24 mai 2004, l’assurée a formé opposition à la décision de refus de l’OCAI par l’entremise de son conseil en concluant, préalablement, à l’octroi d’un délai supplémentaire pour motiver son opposition, les pièces du dossier étant parvenues très tardivement en sa possession et, principalement à l’annulation de la décision et à la reconnaissance de son droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

Par écriture complémentaire de motivation du 6 juillet 2004, elle a préalablement conclu à la suspension de la procédure d’opposition jusqu’à connaissance des conclusions de l’expert psychiatre mandaté par elle, le docteur S__________ des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après les HUG), tout en maintenant ses conclusions principales. Elle a relevé que les avis des différents médecins consultés divergeaient totalement, même si tous s’accordaient sur le diagnostic de fibromyalgie. S’agissant du COMAI, l’entretien avec l’expert psychiatre n’avait pas duré une heure et l’expertise n’avait pris que deux heures quarante-cinq au total alors que le docteur et la doctoresse P_________ avaient au contraire examiné l’assurée à six reprises. Ces derniers avaient relevé qu’elle n’était plus en mesure de travailler, opinion partagée par le médecin traitant, le docteur M__________, qui estimait qu’il ne subsistait qu’une capacité de travail résiduelle de 20 %. L’assurée a précisé que son ancien employeur lui avait d’ailleurs constamment reproché son manque de rendement, dû à sa fatigabilité accrue.

Dans son rapport d’expertise du 28 octobre 2004, le docteur S__________ a posé les diagnostics de fibromyalgie et de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission partielle. Après avoir examiné deux fois l’assurée et avoir pris connaissance de son dossier médical, il a réalisé une anamnèse détaillée du cas (anamnèse familiale et personnelle, anamnèse médicale et anamnèse psychiatrique), puis a décrit les plaintes de l’assurée et son status psychique. Concernant la capacité de travail, le psychiatre a expliqué que l’état clinique de la patiente correspondait à une dépression résiduelle, ce qui signifiait que les troubles étaient en voie d’amélioration et que certains symptômes cardinaux (l’humeur, l’anhédonie) s’étaient partiellement amendés. Il persistait cependant des symptômes résiduels (troubles de concentration, fatigue importante et labilité de l’humeur) qui restreignaient la capacité de travail de l’assurée dans son métier de contrôleuse polyvalente en horlogerie. Le docteur S__________ a relevé que cette activité exigeait en effet une concentration sans faille dont sa patiente n’était pas capable durant une journée entière, ainsi que beaucoup de minutie dans les gestes. Il a encore souligné qu’à ces limitations s’ajoutaient les limitations d’ordre physique liés à la fibromyalgie et les incapacités transitoires liées aux migraines fréquentes. Selon ce dernier, le principal facteur d’incapacité n’était pas du domaine de la psychopathologie et, du point de vue psychiatrique, l’activité était exigible à hauteur de 50 %. Le psychiatre a précisé qu’il fallait s’attendre à la persistance d’un état dépressif résiduel, d’intensité fluctuante, et sans doute à sa réactivation si l’assurée était soumise à des stress ou à des contraintes dépassant ses capacités physiques. L’incapacité était importante si l’on prenait en compte l’ensemble des limitations, étant essentiellement liées aux douleurs diffuses. Son appréciation relevait également d’autres domaines d’expertise (rhumatologie) et le psychiatre ne pouvait se prononcer de manière plus précise. Il a encore expliqué que l’anamnèse approfondie qu’il avait conduite l’avait amené à poser le diagnostic de dépression récurrente (au moins quatre épisodes sur la vie entière, dont un avait fait l’objet d’une prise en charge ambulatoire aux HUG), mais n’avait pas confirmé celui de trouble affectif bipolaire retenu précédemment dès lors que l’assurée n’avait jamais connu d’épisode maniaque ou hypomaniaque. Il n’y avait par ailleurs pas d’indices cliniques actuels ni d’éléments anamnestiques en faveur de l’existence d’un trouble de la personnalité.

Par écriture du 16 novembre 2004, l’assurée a persisté dans ses conclusions en produisant l’expertise psychiatrique réalisée par le docteur S__________ le 28 octobre 2004 ainsi qu’un avis médical du docteur M__________ du 12 novembre 2004. Ce dernier a précisé qu’en ce qui concernait la capacité de travail de sa patiente, le docteur S__________ ne s’était pas prononcé directement sur son taux d’aptitude, mais sur un rendement à 50 %, tout en ajoutant que l’état de la patiente était susceptible de fluctuer. Il ne fallait dès lors pas s’illusionner et, bien que le rendement ait été estimé à 50 %, il fallait plutôt retenir une capacité résiduelle de travail de 25 % au plus pour un travail de quelque nature que ce soit. L’assurée, se basant sur ces deux documents médicaux, a estimé qu’elle devait se voir octroyer une rente entière d’invalidité, sa capacité de travail ne dépassant pas les 25 %.

Par décision sur opposition du 18 novembre 2004, l’OCAI a rejeté l’opposition de l’assurée, confirmé que cette dernière ne présentait aucune atteinte à la santé invalidante et maintenu sa décision de refus de prestations du 22 avril 2004. Il a expliqué que l’expertise COMAI, basée sur des examens complets et tenant compte de la symptomatologie douloureuse de l’assurée, parvenait à des conclusions très claires et parfaitement étayées et qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter. Or, les experts COMAI n’avaient constaté aucune limitation physique et aucune incapacité objective de travail du point de vue rhumatologique, tout en précisant que, sur le plan psychique, l’assurée ne présentait pas de réelles manifestations psychopathologiques, ni objectives, ni subjectives. Quant au docteur S__________, il avait certes relevé une incapacité de travail de 50 %, mais il se fondait principalement sur une symptomatologie forcément subjective et qui ne reposait que sur une estimation partielle puisqu’il s’en rapportait à d’autres évaluations pour le surplus. L’OCAI a ensuite expliqué que, même si seule l’expertise du docteur S__________ devait être prise en compte, l’assurée ne remplissait pas les critères permettant de constater le caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux dont elle souffrait. En effet, selon la doctrine médicale sur laquelle s’appuyait la jurisprudence, les états dépressifs constituaient des manifestations réactives d’accompagnement des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu’ils ne pouvaient faire l’objet d’un diagnostic séparé et ne pouvaient constituer une comorbidité psychiatrique grave. Les autres critères prévus par la jurisprudence n’étaient pas non plus remplis. En premier lieu, l’assurée ne souffrait pas d’une perte d’intégration sociale, les experts COMAI ayant précisé qu’il existait une bonne solidarité familiale, et le docteur S__________ ayant relevé qu’elle était encore capable de prendre plaisir à certaines activités (promenades, musique, rencontres familiales). Les critères d’un état psychique cristallisé et de l’échec des traitements conformes aux règles de l’art n’étaient pas non plus réalisés dans la mesure où les spécialistes avaient estimé que l’assurée répondait de manière satisfaisante aux traitements médicamenteux et que le docteur S__________ avait relevé les effets bénéfiques du traitement instauré. Par ailleurs, on ne pouvait pas non plus retenir un processus maladif sans rémission sur plusieurs années vu que l’état dépressif accompagnant le trouble somatoforme douloureux était en voie de guérison et que la symptomatologie douloureuse était atténuée par la prise d’antalgiques. L’OCAI a conclu que, après examen des critères pertinents définis par la jurisprudence, l’assurée ne présentait pas une atteinte à la santé ayant un caractère invalidant, raison pour laquelle il se justifiait de lui refuser toute prestation.

Par écriture du 3 janvier 2005, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant, préalablement, à l’ouverture d’enquêtes et, principalement, à l’annulation de la décision sur opposition et à la reconnaissance d’un droit aux prestations de l’assurance-invalidité, à savoir à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2001. Elle a relevé que l’OCAI n’avait qu’à peine pris connaissance de l’expertise du docteur S__________ puisque la décision litigieuse était datée du 18 novembre 2004 et que l’expertise lui était parvenue un jour avant, soit le 17 novembre 2004, et qu’il avait purement et simplement écarté les conclusions des premiers experts, pourtant mandatés par lui. Elle a également relevé que les trois expertises médicales réalisées possédaient une même valeur probante et parvenaient toutes à des conclusions sensiblement différentes et qu’il apparaissait hâtif de se baser uniquement sur celle du COMAI pour se prononcer sur son droit aux prestations. Elle a expliqué par ailleurs que les experts du COMAI ne l’avaient examinée qu’à une seule reprise, alors que les autres experts avaient établi leur rapport sur la base de plusieurs consultations. Les conclusions de l’expertise n’étaient en outre pas aussi claires que le laissait entendre l’OCAI dans la mesure où les experts avaient tout d’abord affirmé que la fibromyalgie avait une répercussion sur sa capacité de travail dès 2000, pour affirmer ensuite qu’elle pouvait travailler à 100 % dans son ancienne activité, sans diminution de rendement. Les experts avaient d’ailleurs relevé certaines limitations fonctionnelles objectives, à savoir les ports de charges et l’activité physique. L’assurée a ensuite insisté sur la différence existante entre le trouble somatoforme douloureux et la fibromyalgie dont elle souffrait, en expliquant que les deux affections étaient différentes et qu’il n’y avait ainsi pas lieu de se baser sur la jurisprudence concernant les troubles somatoformes douloureux afin de juger du caractère invalidant ou non de son affection. S’agissant ensuite des troubles psychiques, tant la doctoresse P_________ que le docteur S__________ avaient expliqué qu’ils étaient de nature à diminuer son rendement, le docteur S__________ estimant cette diminution à 50 %.

Par préavis du 17 janvier 2005, l’OCAI a proposé le rejet du recours et le maintien de la décision attaquée. Il a expliqué que le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA) avait déjà eu à débattre de la question de l’identité des notions de fibromyalgie et de trouble somatoforme douloureux en se basant sur l’opinion du docteur T__________, médecin-chef du service ambulatoire de la clinique de réadaptation de Sion. Selon ce dernier, la fibromyalgie pouvait être assimilée à un trouble somatoforme, et plus particulièrement au syndrome douloureux somatoforme persistant. L’OCAI a ensuite relevé que, bien que l’assurée insiste sur les limitations physiques engendrées par les lombalgies, les experts du COMAI avaient souligné l’absence de limitations fonctionnelles objectives imputables à ces douleurs. Par ailleurs, le fait que des hernies discales expliquant les lombalgies aient été récemment objectivées ne modifiaient en rien les conclusions des experts du COMAI dès lors que ces derniers avaient tenu compte des plaintes lombaires pour se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée.

Par courrier du 2 février 2005, le Tribunal de céans a transmis à l’assurée la réponse de l’OCAI tout en précisant que la cause avait été gardée à juger.

Par courrier du 7 février 2005, l’assurée a rappelé qu’elle souhaitait que tous les médecins l’ayant expertisée, de même que son médecin traitant, soient entendus à l’occasion d’une audience. Elle estimait que cette mesure était opportune dès lors que leurs avis divergeaient considérablement. Elle a demandé au Tribunal de céans de se prononcer sur la requête.

Par courrier du 3 mars 2005, le Tribunal de céans a transmis ce courrier à l’OCAI pour information.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56V al. 1 let a LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique donc au cas d’espèce.

Selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. Les art. 38. à 41 sont applicables par analogie (art. 60 al. 2 LPGA). L’art. 38 al. 4 let. c LPGA prévoit que les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 18 décembre au 1er janvier inclusivement. Compte tenu de ces dispositions, la recourante a respecté le délai de trente jours prévu à l’art. 60 al. 1 LPGA en déposant son recours le 3 janvier 2005, la décision sur opposition lui ayant été notifiée le 19 novembre 2004. Partant, interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable conformément aux art. 56, 59 et 60 LPGA.

Le litige porte en premier lieu sur la question de savoir si les trois expertises figurant au dossier, possèdent une pleine valeur probante.

6. A titre préalable, le Tribunal de céans précise néanmoins que point n’est besoin de procéder en l’espèce à des mesures d’instruction complémentaire, sous la forme par exemple d’une audition des médecins appelés à se déterminer sur l’état de la recourante, dans la mesure où ces praticiens ont déjà eu tout loisir de coucher leurs observations par écrit dans des rapports d’expertise très précis et détaillés. Une audition complémentaire ne permettrait pas d’apporter plus de précisions quant à leurs avis médicaux déjà exprimés dans leurs rapport respectifs.

7. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références). On rappellera encore que la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste d’un centre d’observation de l’assurance-invalidité et d’une clinique universitaire qu’à l’appréciation de l’incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 353 consid. 3b/cc et les références ; RJJ 1995, p. 44 ; RCC 1988 p. 504 consid. 2, ATFA non publié du 21 août 2002 en la cause I 698/01/Mh consid. 4).

Conformément au principe de la libre appréciation des preuves, l’administration ou le juge apprécient librement les preuves, sans être liés par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF non publié du 1er juillet 2003 en la cause I 167/03).

En l’espèce les trois expertises médicales figurant au dossier remplissent les critères susmentionnés en matière de valeur probante, seules les appréciations des médecins différant les unes des autres. Il en va ainsi tant de l’expertise réalisée par les docteurs O_________ et P_________ en date du 30 septembre 2003 et de celle du COMAI réalisée par le docteur Q__________ et la doctoresse R__________ du 8 avril 2004 que de l’expertise psychiatrique du docteur S__________ du 28 octobre 2004. En effet, ces praticiens se sont tous prononcés après avoir pris connaissance du dossier de l’assurée et après l’avoir examiné (cf. p. 8, pièce 28, p. 11 à 14, pièce 32 et p. 5, pièce 45, fourre OCAI). Ils ont établi son anamnèse personnelle, familiale, professionnelle et psychiatrique tout en tenant compte des plaintes exprimées par l’assurée (cf. p. 1 à 5, pièce 28, p. 6 à 10, pièce 32 et p. 2 à 5, pièce 45). Par ailleurs, leur description du contexte médical et leur appréciation de la situation médicale sont claires (cf. p. 9 à 11, pièce 28, p. 14 à 17, pièce 32 et p. 5 à 7, pièce 45), tout comme leurs conclusions, dûment motivées (cf. p. 11 à 14, pièce 28, p. 18 à 21, pièce 32 et p. 5 à 7, pièce 45). Dans cette mesure, il n’y a pas lieu d’écarter ces documents médicaux au motif qu’ils ne rempliraient pas les conditions prévues par la jurisprudence en matière de valeur probante. Il importe bien plutôt de retenir les conclusions du ou des médecins permettant de porter un jugement valable sur le droit litigieux et emportant la conviction du Tribunal de céans en indiquant pourquoi il convient de privilégier un document médical plutôt qu’un autre.

En ce qui concerne la première expertise médicale des docteurs O__________ et P__________, force est de constater que les diagnostics psychiques posés par la doctoresse P__________, soit le trouble affectif bipolaire ainsi que les troubles mixtes de la personnalité et autres troubles de la personnalité, ne convainquent pas, à la lumière des explications données tant par le docteur Q__________ que par le docteur S__________. A cet égard, le docteur Q__________, lors de son expertise COMAI du 8 avril 2004, a expliqué que le diagnostic de trouble affectif bipolaire n’avait pas été assez étayé par la doctoresse P__________ pour être retenu en l’état. Selon ce praticien, le fait que l’assurée ait présenté trois épisodes de dépression, survenus tous trois dans des contexte de stress, ne suffisait pas pour retenir un tel diagnostic. Il en allait de même pour celui de trouble mixte de la personnalité dès lors, toujours selon le docteur Q__________, il n’y avait pas d’arguments suffisamment établis pour pouvoir affirmer que la recourante souffrait d’un véritable trouble de la personnalité au sens clinique, ce trouble correspondant à des perturbations sévères du caractère et du comportement et l’assurée présentant plutôt une certaine vulnérabilité psychologique (cf. p. 15 et 16, pièce 32, fourre OCAI). Quant au docteur S__________, il a relevé que l’anamnèse approfondie conduite l’avait amené à poser le diagnostic de dépression récurrente mais n’avait pas confirmé celui de trouble affectif bipolaire retenu dans l’expertise précédente. Selon lui, la recourante n’avait jamais connu d’épisode maniaque ou hypomaniaque, ayant simplement décrit une réaction de joie profonde à l’époque du don d’organe fait à son frère, qu’elle avait ressenti comme « le don de la vie ». Ce praticien a encore précisé n’avoir trouvé aucun indice clinique ni aucun élément anamnestique en faveur de l’existence d’un trouble de la personnalité (cf. p. 6 et 7, pièce 45, fourre OCAI).

Quant à l’expertise réalisée par le COMAI le 8 avril 2004, c’est le lieu de souligner que plusieurs éléments rendent l’appréciation médicale des docteurs Q__________ et R__________ peu convaincante. En premier lieu, l’expertise présente certaines contradictions au niveau de la capacité de travail de l’assurée. Ainsi, à la page 15 de l’expertise, les experts relèvent tout d’abord que l’assurée ne présente aucune incapacité de travail du point de vue rhumatologique, puis, à la page 18, ils expliquent qu’elle soufre d’une fibromyalgie depuis 2000, ce diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail. De même, les experts soulignent tout d’abord qu’il n’existe aucune limitation physique, puis expliquent que l’assurée doit pouvoir changer de positions au cours de la journée et se lever occasionnellement. Ensuite, l’examen psychiatrique réalisé par le docteur Q__________ est extrêmement succinct, le compte rendu de cet examen tenant sur une dizaine de lignes. A cet égard, la recourante a relevé à juste titre que l’examen n’avait même pas duré une heure, ce qui est très court au vu de l’affection psychique qu’elle présente, pour laquelle une expertise psychiatrique fouillée est généralement requise. Pour conclure, les experts, tout en relevant une fibromyalgie et certaines limitations physiques ont tout de même estimé que la recourante était en mesure de travailler à 100 %, ce qui, à la lecture de leur expertise, n’apparaît guère vraisemblable.

Force est dès lors de constater que seule l’expertise réalisée par le docteur S__________ le 28 octobre 2004 emporte la conviction du Tribunal de céans. L’anamnèse de la recourante (familiale et personnelle, médicale et psychiatrique) réalisée par ce praticien est extrêmement détaillée, le dossier a été abordé avec soin et méthode et les conclusions de ce praticien, bien motivées, permettent de comprendre pourquoi la recourante n’est plus en mesure de travailler qu’à 50 % dans sa précédente activité (p. 1 à 4, pièce 45, fourre OCAI). Par ailleurs, l’appréciation médicale nuancée du docteur S__________ met en lumière certaines assertions des autres experts en les expliquant.

8.Il reste dès lors à déterminer si la fibromyalgie diagnostiquée possède un caractère invalidant au vu des critères développés par la jurisprudence en la matière.

Aux termes de l’art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré d’accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). L’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 4 LAI).

Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

En l’occurrence, point n’est besoin de procéder à une distinction entre la fibromyalgie et le trouble somatoforme douloureux dans la mesure où le Tribunal fédéral des assurances a déjà rappelé que, lorsqu’il s’agit d’assurés souffrant de fibromyalgie, la jurisprudence s’inspire parfois des principes qui s’appliquent pour apprécier le caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux (ATFA du 9 septembre 2003 en la cause I 423/03 ; ATFA non publié du 10 mars 2003 en la cause I 721/02, VSI 2000 p. 154-155 consid. 2c, 160-161 consid. 4b). Le Tribunal fédéral s’était alors référé à l’opinion de D., médecin-chef du Service ambulatoire de la Clinique X., qui estimait que la fibromyalgie peut être assimilée à un trouble somatoforme, plus particulièrement au syndrome douloureux somatoforme persistant (« Peut-on encore poser le diagnostic de fibromyalgie ? », in : Revue médicale de la Suisse Romande 2001, p. 443 ss, sp. 446). Par ailleurs le terme de fibromyalgie est souvent utilisé par les rhumatologues et celui de TSD, par les psychiatres pour décrire le même état de santé.

9.Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés (ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 ).

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour que l'on puisse admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant (ATF 130 V 353 consid. 2.2.3; Ulrich Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64 sv., et note 93).  En effet, selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail susceptible de conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi Meyer-Blaser, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv. ) - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; ATF 130 V 353 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine). Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c; ATF 130 V 354 ss consid. 2.2.3 in fine; Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. 80 ss).

Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui lui permettent de surmonter ses douleurs. Il s'agit pour lui d'établir de manière objective si, compte tenu de sa constitution psychique, l'assuré peut exercer une activité sur le marché du travail, malgré les douleurs qu'il ressent (cf. ATF 130 V 354 ss consid. 2.2.4. et les arrêts cités).

Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en oeuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent (art. 40 PCF en liaison avec l'art. 19 PA; art. 95 al. 2 en liaison avec 113 et 132 OJ; VSI 2001 p. 108 consid. 3a), l'administration et le juge ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leur les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales ( ATF 127 V 299 consid. 5a; VSI 2000 p. 149 consid. 3), ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants, énumérés aux consid. 5.2.2 et 5.2.3 ci-dessus (cf. ATF 130 V 355 consid. 2.2.5).

10. En l'espèce, le diagnostic de «trouble dépressif récurrent» retenu par le docteur S__________ suffit à établir l'existence d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée suffisamment importantes pour admettre qu'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de réintégrer un processus de travail, n'est pas exigible de la part de l'intimée en l’état. En effet, si, selon la doctrine médicale (cf. notamment Dilling/Mobour/Schmidt (éd.), Internationale Klassifikation psychischer Störungen, ICD-10 Kapitel V [F], 4ème éd., p. 191), les états dépressifs constituent des manifestations réactives d'accompagnement des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu'ils ne sauraient faire l'objet d'un diagnostic séparé (ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 in fine; Meyer-Blaser, op. cit., p. 81, note 135), dans le cas de la recourante, il ne s’agit nullement d’un trouble dépressif réactif au trouble somatoforme douloureux qu’elle présente, mais bien d’un trouble dépressif en soi, que l’expert a qualifié de « récurrent ». Ce praticien a d’ailleurs expliqué que l’assurée avaient eu, dans le passé, des épisodes dépressifs, de nature réactionnelle, qui avaient été la cause d’arrêts de travail, suivis ensuite de rémission complète. Il a relevé qu’une telle rémission était illusoire aujourd’hui parce que le syndrome douloureux constituait un facteur d’entretien de la dépression, raison pour laquelle il fallait s’attendre à la persistance de cet état. On constate ainsi que le trouble dépressif récurrent de l’assurée, préexistant au trouble somatoforme douloureux, est aggravé par cette affection et non causé par cette dernière.

On relèvera par ailleurs que, même s’il l’on ne devait pas retenir l'existence d'une comorbidité psychiatrique, le caractère non exigible d’un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et la réintégration dans un processus de travail est mis en évidence par la présence du cumul d’autres critères tels que mentionnés dans la jurisprudence précitée. En effet, à lire les expertises médicales, le Tribunal de céans constate en premier lieu que l’assurée présente un processus maladif s’étendant sur plusieurs années sans rémission durable (cf. ce qui a déjà été dit concernant la trouble dépressif récurrent mis en évidence dans l’expertise du docteur S__________, cf. expertise COMAI attestant d’une fibromyalgie depuis 2000, p. 18, pièce 32, fourre OCAI). Ensuite, elle subit une perte d’intégration sociale importante dès lors que les douleurs ressenties la privent de toutes les activités qu’elle pratiquait auparavant, qu’elle ne peut plus manipuler l’ordinateur et a dû renoncer à la danse et aux longues randonnées en montagne (cf. p. 5 de l’expertise du docteur S__________, pièce 45, fourre OCAI). Les autres experts ont d’ailleurs également mis en évidence cet élément puisque les docteurs O__________ et P_________ ont constaté que les loisirs de la recourante étaient amputés de nombreuses activités (danse, ski, sport, marche) et que les manifestations de la maladie avaient pour conséquence un appauvrissement de sa vie sociale et amicale, avec le sentiment d’être un poids pour son mari (cf. p. 7 de l’expertise des docteurs O_________ et P_________, pièce 28, fourre OCAI). On relèvera encore l’échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l’art et des mesures de réhabilitation, en dépit de la motivation de la recourante et de ses efforts pour surmonter les effets du trouble somatoforme douloureux dont elle souffre. En effet, les experts du COMAI ont précisé que tous les traitements effectués n’avaient été que partiellement efficaces (cf. p. 14, pièce 32, fourre OCAI). Quant aux docteurs O__________ et P__________, ils ont relevé que l’assurée avait testé un travail administratif dans l’entreprise de son époux sans pouvoir y faire face et que, alors qu’elle avait une grande motivation et un grand désir de le faire, elle n’avait pas pu mener à bien cette activité en raison de son impossibilité à faire face à un travail de façon régulière et planifiée (cf. p. 13, pièce 28, fourre OCAI).

Il apparaît ainsi que le trouble somatoforme douloureux dont souffre la recourante est invalidant à hauteur de 50 % dans son activité précédente. Par ailleurs, le docteur S__________ a relevé qu’une activité tenant compte des limitations physiques et exigeant moins de concentration pourrait être à portée de l’assurée, sans toutefois préciser laquelle (cf. p. 6, pièce 45, fourre OCAI). Il y a lieu d’inférer qu’un tel travail ne pourra s’effectuer qu’à 50 % également dès lors que les douleurs mises en évidence ainsi que certains troubles mnésiques dues à son état psychologique auront également une répercussion dans une autre activité, ainsi que cela a été mis en évidence par les docteurs O__________ et P__________, lesquels ont précisé que l’intensité des symptômes et leur fluctuation rendait l’assurée incapable de pouvoir être fiable dans un travail quelconque (cf. p. 14, pièce 28, fourre OCAI).

11. Il reste ainsi à déterminer le taux d’invalidité de la recourante.

L’art. 28 al. 1 LAI prévoit que l'assuré a droit à une rente s'il est invalide à 40 pour cent au moins. La rente est d’un quart si l’assuré présente une invalidité de 40 pour cent au moins, d’une demie pour une invalidité de 50 pour cent au moins, de trois-quart pour une invalidité de 60 % au moins et entière dès 70 % au moins d’invalidité. Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

Il n’est pas permis – exception faite d’une situation claire – de fixer sans autre un taux d’invalidité correspondant à l’incapacité de travail retenue par les médecins (RCC 1962 p. 441).

En l’espèce, la situation de la recourante est claire puisqu’elle ne peut plus exercer son activité précédente qu’à 50 %, ainsi que tout autre activité, compte tenu de ce qui a été mis en évidence ci-avant. C’est donc le lieu de constater que son taux d’invalidité est de 50 %, ce qui lui ouvre le droit à une demi-rente d’invalidité depuis le 1er décembre 2001 (début de l’incapacité de travail le 18 décembre 2000).

12. Au vu de ces éléments, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition de l’OCAI du 18 novembre 2004 annulée.

La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, à droit à des dépens (cf. ATFA du 18 février 2000 et arrêt non publié H du 27 janvier 1992 cause K 44/91), qui seront fixés en l’état à 1’450 fr.

*****
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours du 3 janvier 2005 recevable.

Au fond :

Rejette la demande d’ouverture des enquêtes au sens des considérants.

Admet partiellement le recours.

Annule la décisions sur opposition de l’OCAI du 18 novembre 2004.

Fixe le taux d’invalidité de la recourant à 50 %, ce qui lui ouvre le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er décembre 2001.

Condamne l’OCAI à verser à la recourante une somme de 1’500 fr. à titre de dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier :

Pierre RIES

La Présidente :

Isabelle DUBOIS

La secrétaire-juriste :

Flore PRIMAULT

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le