Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/978/2025 du 09.09.2025 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/1273/2024-FPUBL ATA/978/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 9 septembre 2025 | 
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dans la cause
A______ recourant
 représenté par Me Daniel KINZER, avocat
contre
DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé
 
A. a. Le 1er décembre 1992, A______, né le ______ 1966, a été nommé gendarme et, le 1er décembre 1998, promu appointé.
b. Le 28 février 2001, il a démissionné avec effet au 31 mars suivant.
c. Du 1er juin 2001 au 31 octobre 2009, il a travaillé comme chef de groupe des agents de sécurité municipale.
d. Le 1er octobre 2012, il a été engagé en qualité de caporal par le département de la sécurité (actuel département des institutions et du numérique ; ci-après : DIN) et a intégré la section diplomatique, puis la section aéroport de la police internationale.
e. Le 1er septembre 2014, il a été promu sergent, fonction devenue celle de sergent‑chef le 1er janvier 2018.
f. Le 1er juin 2018, il a intégré la brigade des renvois (actuelle brigade migration et retour ; ci-après : BMR) en tant que chef de groupe.
Au début de l’année 2019, il a été nommé remplaçant du chef de brigade.
g. Le 1er février 2019, il a été promu sergent-major, rémunéré en classe 18, annuité 10.
h. Le 1er mars 2022, il a été promu adjudant, correspondant à la fonction de lieutenant depuis le 1er juin 2023, rémunérée en classe 19, annuité 10. Il a ainsi été nommé chef de la BMR.
Ses prestations, ses compétences et son comportement seraient évalués dans un délai de deux ans dans le cadre d’un entretien individuel. La confirmation de la promotion était subordonnée à l’atteinte des objectifs fixés.
i. La BMR était à ce moment en sous-effectif et touchée par un mouvement syndical des agents de sécurité publique.
B. a. Le 3 novembre 2022 s’est tenu un entretien d’évaluation et de développement du manager (EEDM), mené par les capitaines B______ et C______.
Sur les dix compétences évaluées, l’une était maîtrisée, six étaient à développer et trois non maîtrisées.
Le lieutenant était poli, montrait de l’entregent, disposait de solides connaissances dans le domaine du retour et entretenait une relation agréable avec chacun. Il ne faisait toutefois pas preuve de suffisamment de réserve avec ses collaborateurs. Il devait faire un effort pour privilégier l’intérêt de l’État, particulièrement en matière financière. Il était attendu de lui qu’il propose des solutions à sa hiérarchie afin de résoudre les problèmes de sa brigade, et qu’il maîtrise l’ensemble des procédures ainsi que leur fondement légal. Il devait aussi développer une sensibilité sur les implications politiques de ses décisions. Il manquait de vision stratégique sur le moyen et le long terme ainsi que d’innovation pour faire évoluer la BMR conformément à ses besoins. Son positionnement de cadre n’était pas suffisamment constant et sa posture devait être plus stratégique.
Le lieutenant a exprimé le souhait que la brigade soit restructurée par l’intégration de policiers ou de cadres policiers, à qui il pourrait déléguer des tâches sensibles, de sorte à pouvoir se consacrer au travail managérial.
Il lui a été fixé comme objectif la maîtrise de l’intégralité des processus et procédures de la brigade, de s’approprier et de structurer la mise en œuvre de « l’État-major de la police internationale [ci-après : EMPI ]» sur l’avenir de la BMR, et de « manager » plus efficacement son temps.
Sa période d’essai a été prolongée au 1er septembre 2023.
b. Par note du 14 novembre 2022 au major D______, le lieutenant s’est plaint des conditions de son EEDM. Celui-ci avait été mené sur une durée trop courte, dans une ambiance hostile et qui plus est de manière interrompue. Cela l’avait empêché d’expliquer en quoi la notation de ses compétences était arbitraire. L’EEDM était en grande partie dépourvu de sens, inapproprié ou excédant son cahier des charges. Il avait été mené avec dédain, ne représentait pas la réalité et avait été transmis par courrier électronique de manière contraire au règlement.
Le premier objectif fixé était sans objet puisqu’il maîtrisait parfaitement les procédures propres à la BMR, le deuxième objectif n’était pas crédible, « l’EMPI » n’ayant jamais fait part de sa vision, et le troisième objectif n’avait pas de sens au vu de ce qu’il était le seul cadre policier qualifié de la brigade.
Il considérait dès lors l’EEDM comme nul et non avenu.
c. Le 11 décembre 2022, le lieutenant s’est plaint auprès de la commandante de la police de son EEDM et des suites données à sa note, soit un entretien avec le major D______ non retranscrit et en présence du capitaine C______.
La prolongation de la période d’essai en pleine période de crise de la BMR était injustifiable. Il y avait une volonté de lui nuire relevant du mobbing, voire de la contrainte.
d. Le lieutenant s’est trouvé en incapacité de travail pour cause d’accident professionnel du 13 décembre 2022 au 3 septembre 2023.
e. Le 8 février 2023, le service des ressources humaines de la police (ci-après : les RH) a informé le lieutenant qu’un nouvel EEDM serait établi dans les mois à venir. S’il était « conforme aux exigences », sa nomination pourrait intervenir au 1er septembre 2023.
f. Le 23 février 2023, le lieutenant a requis la réalisation d’un EEDM remplaçant celui du 3 novembre 2022, nul et non avenu au vu de l’irrespect du cadre réglementaire.
g. Selon l’EEDM du 27 juillet 2023, mené par le capitaine E______ en présence d’un responsable des RH, neuf des dix compétences examinées étaient à approfondir. Faisant preuve d’empathie et d’écoute, il restait au lieutenant à trouver la juste distance avec ses collaborateurs. Il connaissait les aspects légaux liés aux activités de la brigade, mais devait veiller à faire appliquer les principes de proportionnalité, d’intégrité et de transparence, ainsi qu’à améliorer sa vision globale et stratégique des renvois et de l’asile. Il n’avait pas encore pu se familiariser complétement avec les procédures opérationnelles de la brigade en raison de son absence prolongée pour cause d’accident, ni mettre en place un mode de fonctionnement permettant la planification, la coordination, le contrôle et l’évaluation des tâches. La période d’agitation syndicale en 2022 et son absence pour cause d’accident y avaient partiellement contribué. Il devait encore ajuster son attitude et son style de conduite comme chef de brigade, ce qui était compliqué par la présence de certains facteurs perturbateurs. Ses compétences en relations humaines étaient très bonnes, mais insuffisantes pour désamorcer tous les conflits naissants au sein de la brigade dont le climat était très tendu. Il lui était demandé de s’appuyer sur les mesures correctives mises en place par l’encadrement du service pour développer le fonctionnement de la BMR ainsi qu’une vision pour le futur conforme à l’évolution du domaine.
Il n’était pas possible de déterminer si l’insuffisance de ses prestations était liée à un manque d’aptitude ou aux perturbations de la BMR subie ainsi qu’à ses absences.
La période d’essai était prolongée jusqu’en mars 2024. Le chef de l’unité assurerait un suivi particulier de la brigade jusqu’au prochain EEDM en décembre 2023, qui servirait de base à la décision de nomination.
h. Le 2 août 2023, le lieutenant a demandé à être confirmé dans sa fonction avec le grade de lieutenant au vu de l’absence dans son EEDM de compétence non maîtrisée.
i. Le 24 octobre 2023, le lieutenant-colonel F______ et le major D______ lui ont exposé en entretien que ni l’absence de compétence non maîtrisée ni le climat de travail difficile au sein de la brigade ne garantissaient la confirmation de la promotion. Deux séances de coaching mensuelles seraient mises en place jusqu’au prochain EEDM en janvier 2024 afin de faciliter la réalisation des deux objectifs fixés, soit : la recherche d’un style de leadership adéquat et la mise en place d’une organisation personnelle visant à planifier, coordonner et contrôler les activités de la brigade ; l’appropriation et la maîtrise des ordres de services et le développement d’une vision stratégique.
j. Le lieutenant s’est trouvé en incapacité de travail pour cause de maladie à partir du 28 novembre 2023.
k. Le major D______ a fixé un EEDM au 25 janvier 2024, repoussé au 2 février 2024 et finalement annulé en raison de cette incapacité de travail.
l. Selon une note du major D______ à la cheffe de la police du 2 février 2024, le coaching initialement prévu n’avait pas pu être adéquatement mené au vu de l’absence du lieutenant durant 60 jours et son manque de volonté de suivre les lignes directrices fixées.
Il n’avait donc pas été possible d’évaluer sa capacité dans une fonction de chef de brigade. Il ne semblait toutefois pas en disposer au vu de leurs nombreux « échanges », des constats effectués, des témoignages des cadres de proximité et des collaborateurs. Le lieutenant ne saisissait pas la différence de posture à adopter et ne montrait pas de volonté de faire passer les intérêts de la brigade avant les siens. Il ne maîtrisait pas suffisamment les procédures et les règles opérationnelles liées à son activité pour les transmettre à ses collaborateurs, développer une expertise et faire des propositions à sa hiérarchie. Son attitude dénotait une perte de confiance à l’égard de cette dernière. Il avait souvent été absent pour des raisons médicales, ce qui mettait en péril la continuité de la conduite de la brigade.
Pour ces raisons, le major D______ « déconseillait fermement » la confirmation de la promotion du lieutenant.
m. Le 5 février 2024, le lieutenant, faute d’avoir pu assister à l’EEDM reporté au 2 février précédent, a été invité à se déterminer par écrit sur celui-ci.
Selon ce projet d’évaluation, réalisé par le caporal C______, sur les quatre objectifs fixés, trois n’étaient pas atteints et l’un que partiellement. Le lieutenant ne maîtrisait pas suffisamment les nouvelles procédures de la brigade, en particulier celles liées à l’introduction de la carte de crédit et à la conduite des engagements de police. Ses nombreuses absences l’avaient empêché de développer les activités de la BMR et lorsqu’il était présent, il s’était montré critique envers ses subordonnés. Il n’avait pas su trouver sa place et son style comme chef, oscillant entre une posture laxiste et trop autoritaire, et déléguant des tâches lui incombant. Il n’avait pas saisi son rôle stratégique et ne s’était intéressé qu’aux activités opérationnelles courantes.
Sur les dix compétences évaluées, six n’étaient pas maîtrisées et quatre que partiellement. Le lieutenant n’avait pas compris la nécessité de jouer un rôle pivot entre sa hiérarchie, envers laquelle il faisait preuve de défiance, et ses subordonnés, dont il était trop proche. Il n’avait ainsi pas désamorcé les conflits interpersonnels ou syndicaux. Il devait encore faire un effort pour mettre systématiquement le principe de l’intérêt de l’État en avant et faire preuve d’adaptation et d’innovation. Il manquait d’autonomie et s’appuyait trop sur ses cadres. Il n’avait pas démontré les compétences de conduite attendues d’un officier ni n’avait saisi les opportunités qui lui avaient été offertes de s’améliorer. Lors de ses absences, il se désintéressait des activités de la brigade. Il ne connaissait pas les procédures et outils de travail auxquels avaient recours les sous-officiers supérieurs et officiers, qu’il n’avait pas su intégrer.
Son incapacité à se remettre en question et à prendre en compte les conseils de sa hiérarchie était rédhibitoire. La proposition de confirmation dans une fonction de chef de brigade était refusée.
n. Le lieutenant a répondu que, compte tenu de son incapacité de travail, il ne pourrait pas se déterminer sur le projet d’EEDM.
o. Par décision du 28 février 2024, le DIN a décidé de ne pas confirmer A______ dans sa fonction de chef de brigade avec grade de lieutenant. Il serait affecté à la fonction de sergent-major, en classe 18, annuité 14, avec effet au 1er mars 2024. La décision était exécutoire nonobstant recours.
Le lieutenant ne s’était pas prononcé sur l’EEDM écrit du 2 février 2024, mais l’autorité s’était fondée sur ses déterminations dans le cadre des deux EEDM précédents. Il ressortait de ces éléments qu’indépendamment du conflit syndical, des absences et du manque d’effectifs auxquels il avait dû faire face, dont sa hiérarchie avait tenu compte, il devait développer ses compétences, notamment managériales. Plusieurs absences pour raison de maladie et vacances entre juillet et décembre 2023, et son absence partielle à partir de janvier 2024 ne lui avaient pas permis de faire la démonstration de l’atteinte des objectifs fixés.
C. a. Par acte posté le 15 avril 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre) contre la décision du 28 février 2024, concluant à son annulation et à la confirmation de sa promotion à la fonction de chef de brigade avec grade de lieutenant. Il a préalablement requis l’audition de cinq membres de sa hiérarchie et de dix agents publics, ainsi que la production du rapport relatif à la situation de la BMR établi en juin 2022.
Son incapacité médicale de s’occuper des affaires relatives à son travail l’avait empêché de faire part de ses observations concernant la non-confirmation de sa promotion, ce qui avait violé son droit d’être entendu.
Lors de l’EEDM du 3 novembre 2022, dont il ne contestait plus les vices, il disposait déjà de toutes les compétences requises pour son nouveau poste. Il l’avait déjà préalablement occupé à certaines occasions en tant que sergent-major à la pleine satisfaction de ses supérieurs et il était parvenu à tenir sa brigade à bout de bras sans objectifs clairs. La prétendue non-réalisation de ses objectifs reposait sur ses absences. Depuis l’EEDM précité, sa hiérarchie avait manifesté sa volonté de ne pas le confirmer à son poste sans tenir compte de la qualité réelle de ses prestations depuis de nombreuses années. Preuve en étaient la présence d’appréciation « non maîtrisées » dans le projet d’EEDM du 2 février 2024 et leur absence dans celui du 27 juillet 2023, alors qu’il n’avait pas pu régresser en l’espace de quelques mois.
b. La procédure a été suspendue du 6 juin au 5 décembre 2024 afin de permettre aux parties de trouver une solution amiable, ce à quoi elles ne sont pas parvenues.
c. Le recourant a requis la restitution de l’effet suspensif au recours.
Par décision du 6 janvier 2025, la chambre a rejeté cette requête.
d. Le DIN a conclu au rejet du recours.
Selon les pièces médicales produites, le recourant était dans l’incapacité de s’occuper des affaires en lien avec sa profession dès le 1er février 2024. Il était dès lors en mesure de le faire durant la période précédente. Il avait donc pu, en consultant son avocat le 22 février 2023, lui exposer son point de vue et exercer par son intermédiaire son droit d’être entendu.
Une grande partie des observations de l’EEDM du 2 février 2024 figuraient aussi dans les évaluations précédentes et le recourant avait pour le surplus eu l’occasion de s’exprimer dans le cadre de la présente procédure.
Conformément aux indications figurant sur la lettre de promotion, ses compétences avaient été évaluées sur une période d’essai de deux ans, à trois reprises. Ces trois évaluations avaient donné lieu à des remarques et critiques ainsi qu’à la fixation d’objectifs qui n’avaient pas tous été atteints. Le recourant ne disposait ainsi pas, ni au 3 novembre 2022 comme il l’avait allégué, ni plus tard, des compétences requises pour son poste.
Certaines avaient été évaluées comme « à développer » avant d’être tenues pour « non maîtrisées », vraisemblablement parce que la période d’essai n’était pas encore terminée et que la hiérarchie pouvait encore considérer que le recourant parviendrait à s’améliorer. Elle avait relevé que, dans un premier temps, il ne lui avait pas été possible de déterminer si les difficultés du recourant résultaient de son environnement professionnel ou de ses lacunes. Elle avait dès lors organisé deux séances de coaching pour lui communiquer ce qui était attendu de lui.
La décision litigieuse était également justifiée par l’absence du recourant, ayant totalisé environ 635 jours et empêché ce dernier d’atteindre ses objectifs ainsi que sa hiérarchie de tester ses compétences.
Il ressortait en outre du dossier que le lien de confiance avec sa hiérarchie était fortement entamé.
e. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Lors de l’EEDM du 27 juillet 2023, aucune décision formelle de non-confirmation n’avait été prise et aucune compétence n’avait été évaluée comme « non maîtrisée », de sorte que la confirmation de la promotion aurait dû intervenir de facto.
La décision était fondée en grande partie sur le témoignage de collaborateurs hiérarchiquement inférieurs, ne disposant pas des connaissances suffisantes en encadrement et commandement.
Il avait toujours su adopter à l’égard de ces derniers une attitude alliant fermeté et bienveillance. Son expérience de remplaçant du chef de la BMR avait démontré sa capacité à déléguer des tâches et à s’impliquer dans le bon fonctionnement de la brigade. On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas être à jour avec les procédures liées à l’introduction de la carte de crédit alors qu’il avait lui-même élaboré un protocole et une directive à ce sujet. Il n’avait jamais pu faire la démonstration de ses compétences faute d’un environnement de travail adéquat et d’objectifs précis. Il avait légitimement ressenti de la frustration à l’égard de sa hiérarchie, ne se sentant pas soutenu.
Il avait été victime de mobbing et l’avait dénoncé. À titre d’exemple, il lui avait été proposé d’être coaché par un subordonné et il avait été le seul officier sur un « planton » sous les ordres d’un chef de groupe. Cette situation était à l’origine de ses problèmes de santé.
La décision querellée était en définitive fondée sur trois EEDM, dont le premier était nul, le second ne contenait aucun critère « non maîtrisé » et le troisième avait été réalisé hors sa présence.
f. Dans sa duplique, l’intimé, persistant dans ses conclusions, a réfuté les griefs susmentionnés.
g. Dans ses dernières observations, le recourant a informé la chambre administrative de son affectation au poste de responsable du poste de police de Chêne, lui offrant un environnement de travail stable et épanouissant.
Il a pour le surplus brièvement pris position sur la réplique de l’intimé et conclut en sus à la suppression de son dossier informatique des EEDM des 3 novembre 2022 et 2 février 2024.
h. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur mesures d’instruction.
1. La décision querellée a pour objet la non-confirmation de la promotion du recourant à la fonction de lieutenant à l’issue de la période d’essai, et touche ainsi directement ses droits et obligations face à son employeur (art. 4 al. 1 let. a loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10 ; ATA/1167/2023 du 31 octobre 2023 consid. 2.11).
Pour le surplus interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable en tant qu'il vise la décision de non-promotion (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).
Il ne sera en revanche pas entré en matière sur les conclusions prises par le recourant dans ses dernières observations concernant le contenu de son dossier informatique, exorbitantes au présent litige.
2. Le recourant se plaint de ne pas avoir pu s’exprimer avant que l’intimé ne prenne la décision querellée compte tenu de son incapacité de travail.
2.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les arrêts cités ; 135 I 279 consid. 2.3). La procédure administrative genevoise exige donc de l'autorité qu'elle entende les parties avant de prendre une décision (art. 41 LPA). En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).
En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1).
2.2 En l’espèce, le recourant a été invité à se déterminer sur le projet d’EEDM du 2 février 2024, énonçant les motifs pour lesquels, selon sa hiérarchie, sa promotion à la fonction de lieutenant ne pouvait pas être confirmée.
Il a ainsi été invité à se prononcer à ce sujet en toute connaissance de cause préalablement à la décision querellée.
Il se trouvait certes à ce moment en incapacité de travail pour cause de maladie. Il ne résulte toutefois ni des certificats médicaux produits ni de ses allégations que son état de santé l’empêchait de prendre position par écrit sur la décision à prendre ou, pour le moins, à transmettre des instructions dans ce sens à son conseil, lequel le représentait depuis le 23 février 2023.
Le grief du recourant tiré d’une violation de son droit d’être entendu par l’intimé doit donc être écarté.
3. Le recourant requiert l’audition de cinq membres de sa hiérarchie et de dix agents publics, ainsi que la production du rapport relatif à la situation de la BMR établi en juin 2022.
3.1 Le droit d’être entendu comprend aussi le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).
3.2 En l’espèce, comme développé ci-après, les pièces au dossier, en particulier les EEDM détaillés ainsi que les observations du recourant à ce sujet, suffisent à l’examen du respect par l’intimé du pouvoir d’appréciation lui étant dévolu pour la prise de la décision querellée. L’audition de témoins au sujet des qualités professionnelles du recourant n’est donc pas utile. Il n’est pas non plus nécessaire d’obtenir, notamment par la production d’un rapport datant de juin 2022, des informations complémentaires sur les difficultés rencontrées par la BMR durant la période pendant laquelle le recourant en avait la responsabilité. Il est en effet constant que son bon fonctionnement s’est heurté à des problèmes d’effectifs ainsi qu’à un mouvement syndical des agents de sécurité, ce qui a péjoré les conditions de travail du recourant.
Pour ces motifs, ses réquisitions de preuve doivent être rejetées.
4. Le recourant conteste le bien-fondé de la décision querellée, considérant qu’il disposait dès le départ des compétences nécessaires à la fonction de lieutenant.
4.1 Aux termes de l’art. 33 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), le Conseil d’État définit dans un règlement l’échelle des grades au sein de la police et les modalités d’accéder à ceux-ci (al. 1). L’échelle des grades est conçue de façon à favoriser la mobilité interne au sein de la police, en fonction des compétences, qualités, états de services et expérience (al. 2).
Selon l’art. 26 al. 2 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol – F 1 05.07), dès la onzième année de service, la promotion à un grade supérieur est soumise à une évaluation des compétences spécifique, fixée par voie de directive.
L’art. 27 RGPPol prévoit qu’au plus tard deux ans après une promotion, la policière ou le policier est évalué dans ses prestations, ses compétences et son comportement, lors d’un entretien individuel (al. 1). La confirmation de la promotion est subordonnée à la condition que les objectifs fixés aient été atteints (al. 2). La commandante ou le commandant fixe les modalités (al. 3).
L’art. 8 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01) précise que la promotion d’un titulaire à un nouveau poste est faite à titre d’essai pour une période de douze à 24 mois (al. 1). À la fin de cette période, le titulaire est confirmé dans son nouveau poste et son traitement est situé dans la classe de la fonction (al. 2). Au cours de cette période, chaque partie peut renoncer à cette nouvelle affectation. Dans ce cas, le titulaire est transféré dans une fonction compatible avec ses aptitudes et son traitement est fixé selon la classe correspondant à son nouvel emploi. Le titulaire conserve toutefois le salaire acquis avant l’affectation au poste supérieur, sous réserve d’un changement de fonction avec rétrogradation (al. 3)
La formulation de l’art. 8 RTrait implique la possibilité pour l’autorité de ne pas confirmer la promotion. Par définition, l'objectif du temps d'essai est de permettre aux parties de préparer l'établissement de rapports de travail destinés à durer, en leur donnant l'occasion d'éprouver leurs relations de confiance, de déterminer si elles se conviennent mutuellement et de réfléchir avant de s'engager pour une plus longue période (ATF 148 III 126 consid. 5.2.7). Cette définition s’applique également au temps d’essai après promotion, notamment lorsque la nouvelle affectation contient des fonctions de direction de personnel qui n’existaient pas dans l’ancienne fonction (ATA/9/2025 du 7 janvier 2025 consid. 4.1).
4.2 Selon le § 1.2.1 de la directive DS ADPERS.06 concernant les nominations et promotions du 26 mai 2014, est nommé lieutenant le collaborateur qui a occupé le grade d’adjudant pendant douze mois au minimum et a fait état d’un EEDM récent du grade d’adjudant sans critère « non maîtrisé » ; la non-atteinte des objectifs est susceptible d’empêcher l’accession à ce grade. L’accession à ce grade intervient en principe au maximum 24 mois après la promotion. Le collaborateur qui ne répond pas à l’évaluation dans ses prestations, ses compétences et son comportement n’est pas confirmé et revient alors au grade qu’il occupait avant sa promotion, et avec le cahier des charges correspondant, en application de l’art. 8 al. 3 Rtrait.
4.3 L’art. 61 LPA prévoit que le recours peut être formé pour : a) pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation; b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
Dans le cadre de la non-confirmation d’une promotion auquel l’employé n’a pas droit, la décision de l’autorité relève de sa large liberté d'appréciation ainsi que, en grande partie, de l'opportunité, que la chambre ne revoit pas. Elle se doit donc uniquement de vérifier le respect des principes constitutionnels (ATA/9/2025 du 7 janvier 2025 consid. 4.2 et 5.3 ; ATA/1167/2023 du 31 octobre 2023 consid. 4.2).
Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 136 I 316 consid. 2.2.2).
4.4 En l’espèce, le recourant a été promu à la fonction de lieutenant le 1er mars 2022. Il s’est ainsi trouvé en période d’essai durant une période de deux ans au maximum, soit jusqu’au 1er mars 2024, conformément aux art. 27 RGPPol et 8 Rtrait, à la jurisprudence y relative ainsi qu’à la directive DS ADPERS.06. Il en résulte également que la période d’essai doit permettre à l’employeur de tester les compétences de l’employé dans sa nouvelle fonction ainsi que sa relation de confiance avec lui. Contrairement à l’opinion du recourant, la confirmation de sa promotion ne pouvait pas intervenir de facto, soit de manière automatique et implicite, à l’échéance de la période d’essai ou même avant. L’art. 27 al. 2 RGPPol, comme cela lui a aussi été spécifié lors de sa nomination, prévoit expressément que la confirmation de promotion est conditionnée par l’atteinte des objectifs fixés. Le recourant ne pouvait sur cette base pas non plus partir du principe que l’absence de critère « non maîtrisé », mais « à approfondir » dans son EEDM du 27 juillet 2023 conduirait à une telle confirmation.
La décision querellée est fondée sur le constat que le recourant n’a pas fait la démonstration de l’atteinte des objectifs fixés à cause de ses absences.
Le recourant a été évalué par sa hiérarchie à trois reprises durant la période d’essai par des personnes différentes. Ces dernières ont à chaque fois relevé des lacunes concernant la distance avec les collaborateurs, la conduite de la brigade, la connaissance des procédures y relatives, l’attitude adoptée en tant que responsable, la vision globale et stratégique de son action et la mise en avant de l’intérêt public.
Il est ainsi établi qu’il n’a pas atteint le niveau de compétence qui était attendu de lui en tant que lieutenant, chef de brigade. La hiérarchie a tenu compte dans son évaluation des difficultés rencontrées par la BMR ayant péjoré ses conditions de travail. Elle a aussi reconnu, lors de l’EEDM du 27 juillet 2023, qu’il n’était à ce stade pas possible de déterminer si les lacunes du recourant résultaient plus de son environnement de travail que de son propre manque d’aptitude. Le recourant n’a en d’autres termes pas atteint les objectifs qui étaient attendus de lui. Il est souligné que ces objectifs sont considérés au sens large, soit incluant toutes les lacunes mises en exergue par la hiérarchie et que le recourant était donc appelé à rattraper.
À la suite du premier EEDM, ses relations avec sa hiérarchie se sont en outre détériorées. Le recourant invoque vainement avoir fait l’objet de mobbing, ce qui n’est pas démontré et apparaît sans influence sur le sort du litige, concernant le manque d’aptitude à exercer la fonction de chef de brigade.
Contrairement à ce qu’il objecte, l’intimé ne lui a jamais reproché son absence en tant que telle. Il a déploré que celle-ci l’ait empêché de faire la preuve de ses compétences. Selon sa hiérarchie, il n’avait pas non plus pu profiter des mesures de coaching mises en place pour faciliter cette démonstration, pour lesquelles il n’avait par ailleurs pas montré un réel intérêt.
La forme des EEDM, que le recourant dit ne pas remettre en cause dans son recours, mais sur laquelle il revient dans ses écritures subséquentes, n’est pas déterminante. Les EEDM ne font en effet pas l’objet de la présente procédure et, quels que soient les vices qui pourraient les entacher au regard de la réglementation applicable, il n’est pas contesté qu’ils reflètent les constats et l’opinion de la hiérarchie du recourant.
Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas fait preuve d’arbitraire, ni violé un autre principe constitutionnel, en s’appuyant sur ces évaluations ainsi que les observations du recourant y relatives. Sa décision est donc objectivement fondée sur le constat continu de la hiérarchie du recourant que celui-ci n’a pas acquis durant la période d’essai les compétences nécessaires à un chef de brigade, notamment à cause d’un environnement de travail détérioré et d’une absence prolongée. Le seul fait que le recourant ait remplacé le précédent chef de brigade au titre de sergent‑chef, puis de sergent-major à la satisfaction de sa hiérarchie ne signifie pas qu’il maîtrisait d’emblée toutes les compétences requises pour un tel poste. Il n’est en effet pas attendu les mêmes qualités d’un suppléant que, sur le long terme, du titulaire d’un poste à ce niveau de la hiérarchie policière.
Au vu de ce qui précède, l’intimé n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en refusant de confirmer la promotion du recourant à la fonction de lieutenant.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).
Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).
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PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 15 avril 2024 par A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 28 février 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Daniel KINZER, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste : 
 
 D. WERFFELI BASTIANELLI 
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 | la présidente siégeant : 
 
 F. PAYOT ZEN-RUFFINEN | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
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 | la greffière : 
 
 
 
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