Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/885/2025 du 19.08.2025 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1907/2025-FORMA ATA/885/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 |
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dans la cause
A______, enfant mineur, agissant par ses parents B______ et C______ recourant
contre
DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé
A. a. Né le ______ 2009, A______ vit avec ses parents B______ et C______.
b. Il a achevé, en juin 2025, sa 11e année scolaire au cycle d'orientation, en section littéraire et scientifique.
Selon le bulletin scolaire produit le plus récent, relatif au deuxième trimestre de l'année scolaire 2024/2025, il a obtenu une moyenne générale de 5.5 (5.7 dans les disciplines principales) et n'avait aucune note en dessous de la moyenne.
c. Le 27 mars 2025, A______ et sa mère ont rempli ensemble le formulaire en ligne « Inscription et choix d'options à l'Enseignement secondaire II » en vue de son inscription au collège de Genève (ci-après : le collège). Selon ledit formulaire, son choix s'est porté sur l'option spécifique (ci‑après : OS) « biologie et chimie » et sur l'anglais en 3e langue. L'élève souhaitait par ailleurs suivre un cursus bilingue français/allemand, en accomplissant sa deuxième année dans un établissement en Allemagne ou en Suisse allemande.
Ils ont confirmé, en cochant la case correspondante, avoir bien pris connaissance du caractère définitif des choix indiqués.
d. Par courriel du 23 mai 2025, A______ a demandé à pouvoir modifier son choix d'option et de profil au profit de l'OS « grec débutant » et du latin en troisième langue, ce que le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le DIP) a refusé par décision du 28 mai 2025.
Les choix d'option et de profil effectués lors de l'inscription et saisis dans le formulaire étaient définitifs conformément à l'art. 14 du règlement relatif à l'admission dans l'enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (RAES II - C 1 10.33), ce qui était expressément rappelé dans le formulaire. Afin de garantir un système équitable à toutes et tous, il n'était donc pas possible de modifier l'inscription effectuée.
B. a. Par acte adressé le 30 mai 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______, agissant par ses parents, a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit autorisé à changer de matières.
Au moment du remplissage du formulaire d'inscription en mars 2025, il était conscient du caractère définitif de son choix. Depuis lors, sa réflexion avait toutefois beaucoup mûri. Après trois ans d'apprentissage rigoureux du latin, il avait atteint un niveau où la compréhension fine des textes et leur portée culturelle prenaient tout leur sens. Ce mouvement progressif d'appropriation intellectuelle avait renforcé chez lui la conviction qu'il souhaitait désormais s'engager pleinement dans l'étude des langues anciennes. Le contexte familial, caractérisé par la grave problématique de santé affectant sa sœur alors âgée de 11 ans, l'avait souvent amené à mettre ses besoins en retrait. En mars 2025, il n'avait pas su exprimer avec clarté ses préférences réelles et ses parents n'avaient pas perçu l'importance de l'accompagner dans son choix. Théoriquement possible, une modification des choix linguistiques en deuxième année du collège n'était pas envisageable dans le cas particulier puisqu'il se rendrait en Allemagne ou en Suisse allemande dans le cadre de la maturité bilingue par immersion. Son choix était désormais clair, réfléchi et motivé par une attirance profonde pour les humanités classiques. Il s'agissait pour lui d'un engagement personnel fort.
Dans une « lettre de motivation » adressée le même jour à la chambre administrative, A______ a expliqué les raisons de sa demande. Après trois ans d'apprentissage du latin, il avait compris que ce n'était pas seulement une matière mais un univers, qui lui avait ouvert l'esprit. Au moment de l'inscription, il n'avait malheureusement pas eu le temps de mûrir suffisamment son choix, notamment en raison de peurs liées au changement, et avait choisi l'OS biologie-chimie et l'anglais, ce qui promettait une utilité future et lui permettait de conserver un entourage proche et bien connu. Il s'était toutefois rapidement rendu compte que ce choix ne reflétait pas ses aspirations réelles, le latin étant devenu une passion pour lui. Grâce à cette langue, il avait découvert l'histoire, la pensée et la culture d'une civilisation sur laquelle était fondée la société actuelle. L'apprentissage du grec lui permettrait de se plonger plus encore dans cette civilisation. Le latin lui avait permis d'améliorer sa capacité d'analyse, son organisation et sa flexibilité mentale, ce qui l'avait aidé dans ses études et pourrait encore l'aider à l'avenir. Il était désolé de ne pas avoir pris d'emblée la bonne décision.
Était en outre annexée au recours une « lettre de recommandation » rédigée le 28 mai 2025 à l'attention de la chambre administrative par D______, son professeur de latin. Selon ce courrier, le latin apportait à ce dernier un sentiment d'émerveillement que chaque enseignant sait déceler lorsqu'il le voit. Au moment de sa décision, de nombreuses possibilités s'offraient à lui mais les perspectives étaient limitées et le choix difficile compte tenu de son âge. Les bruits de couloir et l'avis de l'entourage pouvaient conduire à privilégier une utilité illusoire au plaisir de l'étude. Ayant entendu les doutes d'A______ quant aux choix effectués, D______ avait vite compris qu'ils ne le combleraient pas et, après une longue discussion avec lui et ses parents, le grec ancien et le latin s'étaient révélés être des options plus souhaitables pour un profil comme le sien.
b. Dans sa réponse du 26 juin 2025, le DIP a conclu au rejet du recours.
L'art. 14 RAES-II prévoyait que le choix d'option et de profil effectué lors des inscriptions était définitif. Ce principe était en outre expressément rappelé dans le formulaire d'inscription. En cochant la case figurant à côté de ce rappel, A______ avait confirmé en avoir pris connaissance et l'avait accepté. Même s'il était indéniable que les problèmes personnels rencontrés par le recourant avaient pu influencer sa décision, une dérogation n'était pas possible.
L'art. 18 al. 1 du règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève du 29 juin 2016 (RGymCG - C 1 10.71) laissait toutefois ouverte la possibilité d'un changement de profil au moment du passage d'une année à l'autre, sous réserve d'éventuels rattrapages et examens.
c. Par réplique du 17 juillet 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Des règles générales comme l'art. 14 RAES-II devaient pouvoir faire l'objet de dérogations dans des situations particulières où leur application rigide entraînerait une inégalité de traitement ou un préjudice disproportionné pour l'administré. Tel était le cas en l'espèce, s'agissant d'une correction – justifiée et formulée bien avant le début de l'année scolaire – d'un choix initial intervenu dans un contexte personnel difficile. Cette correction, conforme aux intérêts académiques et aux souhaits de formation du recourant, ne remettrait pas en cause l'organisation scolaire et ne créerait pas d'injustice pour les autres élèves. À l'inverse, un refus serait disproportionné.
d. Lors d'une audience de comparution personnelle des parties tenue le 6 août 2025, les parents du recourant ont indiqué avoir utilisé toutes les sources d'information proposées par le DIP pour se renseigner sur les options possibles, et en avoir souvent discuté avec A______. Ce dernier avait d'emblée énormément apprécié l'étude du latin mais, s'il le choisissait comme troisième langue, il devait renoncer à l'anglais et donc accepter d'être éloigné de ses camarades, ce qui lui posait un problème. Ses parents avaient essayé de le rassurer, lui disant que d'autres solutions étaient disponibles pour progresser en anglais. La semaine précédant les inscriptions, la mère d'A______ était en déplacement à l'étranger et son père était absorbé par la prise en charge de sa sœur cadette, gravement atteinte dans sa santé. Il semblait que, pendant cette semaine, A______ ait beaucoup discuté avec ses camarades et se soit laissé convaincre de choisir l'anglais comme troisième langue afin d'être avec eux dans le collège le plus proche pour la première année du collège. A______ avait rempli le formulaire avec sa mère. Il l'avait été conformément à ses souhaits, dans la conscience que le choix de l'anglais ne lui permettrait pas de poursuivre l'étude du latin. Sa mère, étonnée de son choix, avait attiré son attention sur le fait qu'il était en principe définitif. A______ avait par la suite dit à ses parents que, le jour de l'inscription, il avait pleuré.
Dans les semaines suivant l'inscription, il avait manifesté de plus en plus de souffrance et de regrets par rapport à son choix. Il s'en était ouvert à son professeur de latin et, après avoir discuté avec celui-ci, avait décidé de demander une modification de ses choix. Il avait fait la demande personnellement. C'est en mai 2025 qu'il avait exprimé à ses parents qu'il pensait avoir fait une erreur et qu'il souhaitait pouvoir en parler avec eux et avec son professeur de latin, tous ensemble.
La représentante du DIP a expliqué que l'inscription à l'enseignement secondaire II ne pouvait se faire qu'en ligne.
Une fois le formulaire rempli, un accusé de réception était adressé aux parents.
La dernière semaine de juin, soit après que les résultats scolaires définitifs étaient connus, les parents étaient informés de l'acceptation ou non des demandes d'inscription. L'attribution des élèves à un établissement scolaire intervenait ensuite dans le courant de l'été, après prise en considération de toute une série de facteurs, dans le cadre d'un « lissage des effectifs ». Les établissements désignés adressaient ensuite directement aux parents une convocation pour la rentrée scolaire.
e. Sur demande du juge délégué, le DIP a encore indiqué à la chambre administrative, par courrier du 7 août 2025, avoir reçu pour la rentrée 2025 5'139 demandes d'inscription pour les filières généralistes (soit le collège et l'ECG), le CFP Commerce et le CFPP, dont 2'796 pour le collège et 1'403 pour l'ECG. Le nombre de demandes de modification d'inscriptions ne pouvait être déterminé, dès lors qu'elles pouvaient être formées par courriel, courrier ou téléphone et être adressées aux établissements ou administrations du collège ou de l'ECG. Ces demandes ne faisaient pas toutes l'objet d'une décision dès lors que certaines familles se contentaient d'une réponse orale ou par courriel les informant de l'impossibilité d'une modification.
La DGES II ne dérogeait jamais à l'application de l'art. 14 RAES-II.
f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Est litigieux le refus de l’autorité intimée de modifier le choix de l’OS lors de l’inscription au collège du recourant pour la rentrée 2025-2026.
2.1 L'art. 11 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 144 II 233 consid. 8.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2021 du 29 mars 2022 consid. 6.2 ; 2C_115/2021 du 21 février 2022 consid. 5.1 ; 2C_183/2021 du 23 novembre 2021 consid. 4.1, non publié aux ATF 148 I 89), cette disposition oblige l'état à protéger les enfants de toute forme de violence ou de traitement dégradant. À cet égard, ils ont « droit à une protection particulière » en tant que groupe social ; leur développement sur les plans émotionnel, psychique, corporel et social doit être protégé de manière appropriée, quel que soit leur âge. L'art. 11 Cst. impose également aux autorités d'application du droit de prendre en compte les besoins de protection particuliers des enfants et des jeunes. Sous cet angle, l'art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) ne fait pas de l'intérêt supérieur de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte dans l'examen de la proportionnalité lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence. Ce que recouvre exactement le droit à une protection particulière de l'intégrité des enfants et des jeunes ne peut toutefois pas être déterminé de manière abstraite et intemporelle, mais dépend des circonstances d'espèce.
2.2 Selon l'art. 10 al. 1 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), l'école publique a pour buts, dans le respect de la personnalité de chacun, notamment, de donner à chaque élève le moyen d'acquérir les meilleures connaissances et compétences dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former (let. a), d'aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques (let. b), et de veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation des élèves (let. c).
2.3 L'art. 85 al. 1 LIP prévoit que, pour le degré secondaire II, les conditions d'admission, de promotion et d'obtention des titres sont fixées par voie réglementaire. Le règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31) est applicable aux élèves et apprentis inscrits en formation gymnasiale (art. 1 let. c REST).
2.4 Le RGymCG fixe les dispositions régissant l’admission et la promotion des élèves, les conditions d’examens et d’obtention des titres, en précisant, le cas échéant, celles qui sont contenues dans d’autres lois et règlements (art. 1 al. 1 RGymCG). La formation gymnasiale est une formation de culture générale qui donne notamment accès aux études universitaires (al. 3). Elle fait suite à la 11e année de la scolarité obligatoire et comprend quatre années numérotées de 1 à 4 (al. 4).
Selon l’art. 4 RGymCG, le collège dispense un enseignement dans les disciplines réparties en disciplines fondamentales, options spécifiques, options complémentaires, disciplines obligatoires et disciplines particulières (al. 1). Les disciplines fondamentales proposées sont les suivantes : français, allemand, italien, anglais, latin, mathématiques (niveau normal et avancé), physique, biologie, chimie, histoire, géographie, philosophie, arts visuels, musique (al. 2). Les options spécifiques pouvant être proposées sont les suivantes : grec, latin, allemand, italien, anglais, espagnol, physique et applications des mathématiques, biologie et chimie, économie et droit, arts visuels, musique (al. 3).
Le chapitre III du règlement règle les modifications de niveau ou d’option, d’abandon d’option et abandon de disciplines aux art. 18ss RGymCG.
Selon l’art. 18 RGymCG, certaines modifications peuvent être apportées au choix initial du profil gymnasial, sous réserve d'éventuels rattrapages et examens. Ces changements ne peuvent intervenir que lors d'une inscription, au moment du passage d’une année scolaire à l'autre.
2.5 Les conditions d'admission sont régies par le RAES-II (art. 12 RGymCG). Selon l’art. 14 RAES-II, le choix d’option et de profil effectué lors des inscriptions est définitif.
2.6 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).
Une décision ou un arrêté viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante.
2.7 Le principe de la proportionnalité (art. 5 et 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 146 I 157 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_92/2023 du 12 février 2024 consid. 4.3).
2.8 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 150 V 12 consid. 4.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_383/2023 du 20 février 2025 consid. 5.2). La chambre de céans suit la même approche (ATA/298/2025 du 25 mars 2025 consid. 6.3 ; ATA/1394/2024 du 28 novembre 2024 consid. 3.8 et l'arrêt cité).
2.9 Il est établi dans le cas d'espèce que le formulaire d'inscription communiqué le 27 mars 2025 au DIP correspondait au choix d'option et de profil qui était à cette date celui du recourant. Celui-ci était alors conscient que ce choix, dont le caractère définitif résultait du formulaire et lui avait de surcroît été rappelé par sa mère, ne lui permettrait ni de poursuivre l'étude du latin ni de commencer celle du grec ancien. Il a ensuite réalisé, au terme d'un processus de réflexion personnel et de discussions avec son professeur de latin et ses parents, que ce choix n'était pas en harmonie avec ses aspirations personnelles, et en particulier avec sa passion pour la culture et les langues anciennes. Il a alors adressé au DIP, en mai 2025, une demande de modification d'option et de profil.
Le DIP a rejeté cette demande en application de l'art. 14 RAES-II, dont le texte stipule que le choix exprimé lors de l'inscription est définitif. Considérant que cette disposition ne lui laissait aucune marge de manœuvre, il n'a pas procédé à un examen de la proportionnalité de la mesure.
Le but de l'art. 14 RAES-II consiste à permettre au département de connaître à un stade relativement précoce les intentions des personnes susceptibles de commencer une filière de l'enseignement secondaire II l'année scolaire suivante, de manière à pouvoir organiser la rentrée scolaire. À cette fin, il convient d'éviter que les personnes inscrites – soit quelque 4'200 élèves potentiels pour le collège et l'ECG – reviennent sur les choix effectués. Les opérations de planification en vue de la prise en charge des nouveaux élèves, auxquels s'ajoutent les élèves redoublant la première année du collège ou de l'ECG et ceux changeant d'orientation, sont en effet d'une grande complexité et ne sauraient s'accommoder d'incertitudes sur les choix des élèves. Il existe donc un intérêt public important au respect du caractère définitif des inscriptions, justifiant la limitation de la liberté de choix des élèves et de leurs parents.
Au regard des principes constitutionnels rappelés sous considérant 2.1 ci‑dessus, comme des buts assignés à l'école publique par le législateur genevois (consid. 2.2 ci-dessus), il ne peut toutefois être considéré que l'art. 14 RAES-II – disposition de rang règlementaire – devrait être interprété de manière absolue, en ce sens que l'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration ainsi qu'à la bonne organisation de la rentrée scolaire devrait dans tous les cas prendre le dessus sur l'intérêt privé de l'élève à pouvoir modifier les choix effectués. Une telle interprétation purement littérale ne prendrait en effet pas suffisamment en compte le besoin de protection de l'enfant, sous l'aspect du respect de sa personnalité et de sa liberté de choix, ainsi que d'un développement harmonieux et conforme à ses capacités et aspirations de ses apprentissages. Il convient en particulier de souligner à cet égard que la période pendant laquelle il peut être procédé aux inscriptions ne dure que quelques jours, et qu'un enfant d'une quinzaine d'années, dont le développement psychologique n'est pas encore achevé, peut parfois être amené à prendre une décision très lourde de conséquences de manière impulsive, en se fondant sur des considérations à court terme plus que sur la réflexion qu'il aura nourrie auparavant. Pour utiles qu'elle soit, l'aide et l'assistance des parents ne permettra pas toujours de pallier ce risque.
Il convient donc de retenir que, nonobstant sa teneur littérale, l'art. 14 RAES‑II ne dispense par le DIP de vérifier, sous l'angle du respect du principe de la proportionnalité, que les intérêts de l'enfant ne sont pas touchés de manière excessive, au regard de l'intérêt public à la bonne organisation de la rentrée scolaire, par l'impossibilité de modifier les choix effectués.
Dans le cas concret, les conséquences pour le recourant du principe de l'intangibilité des inscriptions seraient très lourdes, puisqu'il se verrait empêché de poursuivre, respectivement de commencer, l'apprentissage de matières qui le passionnent, et pour lesquelles il n'existe guère de solutions de substitution privées. Le fait que des études en latin et en grec ancien correspondraient mieux aux compétences et à la personnalité du recourant trouve une assise objective dans l'opinion de son professeur de latin, selon laquelle ces options seraient « plus souhaitables » pour un profil comme le sien. La possibilité, mise en exergue par le DIP, de changer de choix et de profil lors du passage en deuxième année du collège doit être considérée illusoire dans son cas : à la difficulté déjà considérable de rattraper une année d'enseignement dans deux langues anciennes s'ajoute en effet le fait qu'il accomplira sa deuxième année du collège en immersion en Allemagne ou en Suisse allemande. La demande de modification a par ailleurs été formée avant la fin de l'année scolaire 2024/2025, soit à un moment où il était encore possible pour le DIP de la prendre en considération sans que cela n'entraîne trop de complications dans l'organisation de la rentrée. Enfin, l'instruction a permis d'établir que le choix exprimé lors des inscriptions, qui a surpris son entourage, a vraisemblablement été inspiré par des considérations à court terme (possibilité de poursuivre ses études dans un environnement proche et familier, plus grande facilité dans la troisième langue choisie) issues de discussions récentes avec des camarades, dont il n'a pu suffisamment discuter avec ses parents, sa mère étant absente pour raisons professionnelles et son père devant prendre soin de sa sœur cadette. Il s'agit donc d'une décision impulsive, qu'il a rapidement regrettée. À l'inverse, son nouveau choix est mûrement réfléchi. Il implique par ailleurs un refus de la facilité, puisqu'il n'existe que peu d'établissements scolaires dans lesquels sont enseignés le latin et le grec et qu'il devra ainsi probablement quitter ses camarades.
Ces considérations conduisent à retenir que, dans les circonstances très particulières du cas d'espèce, l'intérêt de l'élève à pouvoir modifier ses choix d'option et de profil doivent l'emporter sur l'intérêt public à l'intangibilité du choix initial.
Le recours sera ainsi partiellement admis et le DIP invité à rectifier l'inscription du recourant en ce sens que son choix d'OS est « grec débutant » et son choix de langue 3 (DF 3) le latin.
3. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Les parents du recourant ayant agi en personne, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2025 par A______ , agissant par ses parents B______ et C______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 28 mai 2025 ;
au fond :
l'admet partiellement ;
invite le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse à rectifier les choix d'option et le profil d'A______, dans le sens des considérants ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à B______ et C______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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