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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1685/2024

ATA/891/2025 du 19.08.2025 sur JTAPI/12/2025 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉLAI
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.64d.al1
Résumé : Arrivée en Suisse depuis six ans, condition du long séjour non réalisée. Critique du délai d'exécution du renvoi.
En fait
En droit

C

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1685/2024-PE ATA/891/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Théo BADAN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 janvier 2025 (JTAPI/12/2025)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1978, est ressortissante des Philippines.

b. Le 8 novembre 2023, B______ a déposé une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) en faveur de A______. Dans son courrier d'accompagnement, elle expliquait que celle-ci vivait et travaillait à Genève depuis le 19 août 2019, qu'elle était indépendante financièrement en raison d'un emploi fixe en qualité d'employée domestique depuis janvier 2021, qu'elle était intégrée professionnellement et socialement, que son casier judiciaire était vierge et qu'elle n'avait pas de dettes. Elle parlait parfaitement l'anglais et suivait des cours de français dans le but d'atteindre le niveau de connaissances linguistiques A2 à l'oral.

À l'appui de la demande, elle a notamment transmis une copie de son passeport, un formulaire M complété et signé par son employeur, des preuves de son séjour en Suisse depuis 2019, un extrait de son casier judiciaire, un extrait du registre des poursuites, son contrat de travail et une preuve d'inscription à des cours de français.

c. Le 19 janvier 2024, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir son droit d'être entendu.

d. Dans ses observations du 22 mars 2024, A______ a exposé qu'elle résidait et travaillait à Genève depuis le 19 août 2019, que son employeur était entièrement satisfaite de son travail et avait confiance en elle ; elle était indépendante financièrement, participait à la vie économique en Suisse, respectait l'ordre juridique suisse et suivait des cours de français dans le but d'atteindre le niveau de français A2 à l'oral. Elle avait quitté les Philippines depuis 16 ans et n'y était retournée qu'une seule fois en vacances. Un départ de Suisse serait un réel déchirement pour elle et si elle devait quitter le territoire, elle souhaitait obtenir un délai de départ de six mois afin de pouvoir préparer son retour aux Philippines.

e. Par décision du 12 avril 2024, l'OCPM a refusé la demande d'autorisation de séjour de A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'une extrême gravité. Elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Elle résidait en Suisse depuis un peu plus de quatre ans et demi et n'avait pas démontré avoir atteint le niveau minimum de français requis. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait enfin pas été démontré qu’une réintégration aux Philippines aurait de graves conséquences pour elle.

Elle n'invoquait pas, et a fortiori, n'avait pas démontré l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

B. a. Par acte du 16 mai 2024, A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) concluant principalement à son annulation.

Elle séjournait et travaillait à Genève depuis le 29 août 2019. Bien qu'elle n'était pas très longue, cette durée devait être reconnue comme une longue période de vie dans un lieu donné, susceptible d'avoir une influence conséquente sur l'intégration d'une personne dans un État et au sein d'une communauté. Elle travaillait depuis plus de trois ans auprès de B______, en qualité d'employée domestique. Elle s'occupait en particulier de la prise en charge des enfants en bas âge de cette dernière, avec lesquels elle avait développé une relation privilégiée et tissé de forts liens. Son employeur avait une entière confiance en elle, qui s'était démarquée par ses excellentes compétences dans la garde d'enfants, compétence qu'elle n'avait pu trouver en personne d'autre. Il convenait de prendre en considération que le domaine de l'économie domestique connaissait une pénurie de main d'oeuvre et il ne fallait pas sous-estimer le besoin des personnes qui exerçaient dans ce secteur et leur contribution au développement de l'économie.

Elle percevait un salaire conforme aux règles applicables dans ce domaine et les cotisations sociales étaient payées. Elle était totalement indépendante financièrement et participait à la vie économique en Suisse. Elle n'émargeait pas à l'aide sociale. Son casier judiciaire était vierge et elle n'avait pas de dettes. Elle respectait les valeurs de la Constitution.

Elle avait achevé une première partie de ses cours de français en décembre 2023 et avait atteint le niveau A1. Dès janvier 2024, elle avait commencé des cours plus avancés pour atteindre le niveau A2 et se montrait toujours très motivée à améliorer davantage ses connaissances. Elle était parfaitement intégrée en Suisse et à Genève et avait développé des relations d'amitié fortes avec les personnes qu'elle avait rencontrées en Suisse.

Elle n'avait pas vécu aux Philippines depuis de nombreuses années. Elle avait quitté son pays d'origine seize ans auparavant et n'y était retournée qu'une seule fois depuis, pour des courtes vacances, de sorte que ses perspectives de réintégration y étaient très mauvaises. Elle serait confrontée à de grandes difficultés d'adaptation si elle devait retourner vivre dans ce pays. En outre, un retour constituerait un déchirement pour elle, la contraignant à abandonner la vie qu'elle s'était construite en Suisse, de même que pour les enfants dont elle s'occupait avec soin depuis plusieurs années maintenant.

À titre subsidiaire, si le tribunal venait à confirmer la décision litigieuse, il conviendrait alors d'examiner la question du délai de départ convenable qui devait lui être octroyé, afin qu'elle pût résilier les différents contrats qui la liaient, en particulier son contrat de travail et son contrat de bail. Elle devrait aussi pouvoir organiser son retour, notamment par le biais de l'ambassade des Philippines afin qu'elle ne se retrouvât pas du jour au lendemain dans un pays où elle ne disposait pas d'un logement et de ressources pour vivre.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que depuis son arrivée en Suisse, elle s'était rapidement intégrée à la communauté et adaptée au mode de vie ainsi qu'aux coutumes locales. Elle poursuivait ses efforts d'intégration. Son centre de vie était désormais en Suisse.

d. Par jugement du 7 janvier 2025, le TAPI a rejeté le recours.

L’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. Elle séjournait en Suisse depuis un peu moins de six ans, durée insuffisante pour justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, ce d’autant plus que ce séjour s’était déroulé dans l’illégalité, puis à la faveur d’une simple tolérance des autorités. Elle ne pouvait pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable.

Le délai de départ fixé dans la décision attaquée étant écoulé, l’OCPM devrait dès lors impartir un nouveau délai de départ raisonnable à la recourante, tenant compte des circonstances, pour lui permettre de préparer convenablement son retour dans son pays d’origine. Cela étant, il convenait de relever que le délai de deux mois imparti initialement n’apparaissait pas déraisonnable dans le cas d’espèce.

C. a. Par acte du 12 février 2025, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Elle a conclu principalement à son annulation, à l’annulation de la décision de l'OCPM du 12 avril 2014 et au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le 25 octobre 2024, elle avait perdu un premier frère, puis le 22 novembre 2024, un second frère. Considérant ses liens privilégiés et professionnels avec la Suisse, contrairement aux Philippines, elle ne s'était rendue à aucun des deux enterrements qui avaient eu lieu dans ce même pays.

Le TAPI n'avait pas procédé à un examen individuel de la situation. Elle avait quitté les Philippines il y avait seize ans. Le temps passé en Suisse représentait le tiers du temps passé hors des Philippines. Cette durée permettait de retenir qu'elle avait remplacé les codes culturels de son pays d'origine par d'autres codes, notamment avec ceux de la Suisse. Elle avait par ailleurs une situation personnelle et professionnelle qui la rattachait avec la Suisse. Ainsi, la condition de la durée de la présence en Suisse devait être considérée comme remplie.

C'était à tort que le TAPI avait retenu que les capacités financières et linguistiques ne démontraient pas son intégration alors qu'elle avait atteint le niveau A1 en français, qu'elle était totalement indépendante financièrement et qu'elle cotisait pour ses prestations du deuxième pilier, ce qui lui permettrait de garantir son indépendance durant la retraite. Elle avait par ailleurs développé des attaches particulières avec les enfants de son employeur, avec cette dernière, et elle avait été recommandée par de nombreuses familles avec lesquelles elle s'était également liée d'affection. Ses attaches en Suisse étaient d'autant plus importantes qu'elle n'avait plus d'attaches particulières avec son pays d'origine.

Elle s'était fortement éloignée de la culture et du tissu social de ce pays où elle n'était pas retournée à l'exception d'une unique occurrence en six ans à l'occasion de courtes vacances. Les versements d'argent à destination des Philippines ne signifiaient pas qu'elle gardait des attaches avec ce pays. Au contraire, elle avait entrepris diverses démarches en vue de son intégration en Suisse, que ce soit par son travail, par la prise de cours de français ou par le fait qu'elle avait pu développer diverses relations amicales afin de se créer un entourage. Le TAPI avait ainsi violé les art. 30 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) en retenant que leurs conditions n'étaient pas remplies.

Subsidiairement, l'art. 64d LEI avait été violé. Le délai de départ de deux mois fixé initialement ne permettait pas d'effectuer les démarches nécessaires pour quitter un pays dans lequel elle était établie depuis bientôt six ans. Elle devrait entamer des démarches tant administratives que personnelles pour retourner aux Philippines. Un délai de deux mois ne permettait par ailleurs pas de se délier du contrat de travail conclu avec B______. Un délai de départ de six mois, à tout le moins, paraissait approprié.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours, informant la recourante, s'agissant du nouveau délai de départ qui serait cas échéant imparti, que celui-ci ne serait fixé qu'une fois l'arrêt de la chambre de céans entré en force. La pratique de l'OCPM consistait à octroyer un délai de trois mois, l'intéressée pouvant par la suite discuter des modalités de son départ avec le service compétent.

c. Le 19 mars 2025, la recourante a indiqué ne pas avoir de requête ou observation à formuler.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision de l'OCPM, confirmée par le TAPI, refusant d'accorder à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur et ordonnant son renvoi de Suisse.

2.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/700/2025 du 24 juin 2025 consid. 4.6 ; directives LEI, ch. 5.6).

2.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/700/2025 précité consid. 4.9).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci‑après : ATAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

2.5 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

S'agissant de l'intégration, le Tribunal administratif fédéral a considéré que, d'une manière générale, lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (ATAF F‑646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

2.6 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

2.7 En l'espèce, la recourante allègue être arrivée en Suisse le 29 août 2019, soit depuis six ans aujourd'hui. C'est ainsi de manière bien fondée que la TAPI a retenu qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un séjour de longue durée, la durée de ce séjour devant en outre être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance. Le fait que la recourante aurait passé le tiers de son temps en Suisse en comparaison avec son pays d'origine n'est pas un élément à prendre en compte selon la jurisprudence suscitée s'agissant de cette condition.

La condition du long séjour faisant défaut, il y a lieu d'examiner si les autres critères d'évaluation seraient de nature à admettre qu'un départ de ce pays la placerait dans une situation excessivement rigoureuse.

L'intégration socio-professionnelle de l'intéressée ne peut être qualifiée d'exceptionnelle ou de particulièrement réussie au sens de la jurisprudence. Comme l'a relevé à juste titre le TAPI, l'intégration professionnelle de la recourante, qui travaille dans le secteur de l'économie domestique, ne saurait être qualifiée de remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. Cette activité ne présente pas non plus un degré de réussite tel qu'il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d'origine.

Même si elle parvient à subvenir à ses besoins, la recourante n’a jamais émargé à l’aide sociale, n’a pas de dettes et dispose du niveau de français A1, voire A2, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Si elle a effectivement dû créer des liens avec les membres de la famille pour laquelle elle travaille, ainsi que des amitiés depuis son arrivée en Suisse, il n'apparaît pas non plus qu'elle se soit investie dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.

L'intéressée est âgée de 47 ans et ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine n'apparaissent pas compromises. Elle a vécu dans son pays d’origine toute son enfance et son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité, ainsi que la majeure partie de sa vie d’adulte, quand bien même son curriculum vitae indique qu'elle a quitté son pays d'origine pour Singapore (2009-2014), puis pour la Russie (2014 à 2019) avant d'arriver à Genève en 2019. Elle maîtrise ainsi à l'évidence la langue et les codes culturels de son pays d'origine. Elle y a par ailleurs manifestement conservé des attaches familiales, notamment du fait des nombreux versements d'argent à destination des Philippines qu'elle a effectués depuis le 1er octobre 2019, en grande partie au profit d'une certaine « C______ » et des photographies de l'enterrement de l'un de ses frères qu'elle a reçues. Elle connaît ainsi les us et coutumes de son pays d'origine et en parle la langue.

À son retour dans son pays d’origine, elle pourra mettre à profit son expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises en Suisse. Sa réintégration socioprofessionnelle aux Philippines ne devrait ainsi pas lui demander un effort insurmontable.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'OCPM n'a pas violé le droit ni abusé de son large pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé la délivrance d'une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait prononcer son renvoi. La recourante ne se prévaut, à juste titre, pas d’un autre motif que celui qui vient d’être examiné qui pourrait rendre illicite, inexigible ou impossible l’exécution de son renvoi.

Enfin, comme l'a relevé le TAPI et l'OCPM, le délai de départ fixé dans la décision attaquée étant écoulé, l’OCPM devra impartir un nouveau délai de départ raisonnable à la recourante au moment où la décision querellée sera entrée en force, tenant compte des circonstances, pour lui permettre de préparer convenablement son retour dans son pays d’origine.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 janvier 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Théo BADAN, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d' État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.