Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/505/2025 du 06.05.2025 sur JTAPI/1212/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1594/2024-PE ATA/505/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 6 mai 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ et B______, enfants mineurs, agissant par leurs parents C______ et D______ recourants
représentés par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2024 (JTAPI/1212/2024)
A. a. C______, ressortissant de Côte d’Ivoire, né le ______ 1978, et D______, ressortissante de la République de Corée, née le ______ 1979, (ci‑après : les parents) sont mariés depuis le 25 avril 2009.
Deux enfants sont issus de leur union, A______, né le ______ 2008 à Pretoria (Afrique du Sud), et B______, née le ______ 2011 à Chêne‑Bougeries (GE) ; ils possèdent la nationalité coréenne et ivoirienne.
b. C______, directeur adjoint auprès du E______, est titulaire d’une carte de légitimation délivrée par le département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE). Il perçoit un salaire mensuel net d’environ USD 10’500.-.
D______, employée par le F______, est aussi titulaire d’une carte de légitimation délivrée par le DFAE. Elle perçoit un salaire mensuel net d’environ CHF 10’950.-, plus des allocations scolaires pour les enfants.
Les deux enfants sont également titulaires de cartes de légitimation.
c. Arrivés en Suisse en octobre 2009 avec leur fils, les parents se sont installés à Genève. Ils ont ensuite vécu en France voisine entre 2014 et 2018, tout en conservant leurs emplois et leurs activités à Genève ; les enfants étaient scolarisés en France. Ils sont ensuite revenus à Genève, se domiciliant à G______, où ils ont acquis un appartement en mars 2018. Les enfants ont intégré l’école genevoise à partir de la rentrée scolaire 2018.
B. a. Le 25 octobre 2023, les parents ont sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d’autorisations d’établissement en faveur de leurs enfants. Compte tenu des liens tissés par ceux-ci avec la Suisse, ils souhaitaient qu’ils puissent disposer d’une autorisation d’établissement pour pouvoir, à terme, acquérir la nationalité suisse.
b. Le 17 janvier 2024, l’OCPM les a informés de son intention de refuser de préaviser favorablement l’octroi d’une autorisation d’établissement auprès du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il leur a imparti un délai de 30 jours pour faire valoir leurs éventuelles observations écrites.
c. Le 8 février 2024, les parents ont persisté dans leur requête, en faisant valoir, notamment, la jurisprudence du Tribunal cantonal vaudois (PE.2019.0329 du 25 août 2020 et PE.2019.0294 du 20 février 2020) selon laquelle il y avait lieu de prendre en compte les dispositions de la loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0) pour interpréter les directives et commentaires du SEM - domaine des étrangers (état au 1er juin 2024, ci-après : Directives LEI).
d. Par décision du 18 mars 2024, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement l’octroi d’autorisations d’établissement auprès du SEM en faveur des enfants A______ et B______.
Les enfants disposaient toujours d’une carte de légitimation valable et ils n’étaient pas sur le point de la perdre parce qu’ils n’en rempliraient plus le motif de renouvellement. Ils ne se trouvaient ainsi pas dans une situation où ils n’auraient plus le droit à la carte de légitimation au sens du ch. 7.2.6.2 des Directives LEI. Disposant toujours de leur carte de légitimation et ne la perdant pas, ils ne pouvaient dès lors pas se prévaloir des dispositions du chapitre 7 de ces directives qui listait de manière exhaustive les conditions exceptionnelles permettant l’octroi d’une autorisation d’établissement à des titulaires d’une carte de légitimation.
Par ailleurs, en l'état du dossier, aucun motif relatif à des raisons majeures ne permettait l’octroi immédiat d’une autorisation d’établissement en application de l’art. 34 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Ni le fait de pouvoir se prévaloir d’une bonne intégration de la famille, non contesté, ni un éventuel désir de déposer une demande de naturalisation suisse, n’étaient des motifs permettant l’octroi anticipé d’une autorisation d’établissement.
Enfin, selon les juridictions fédérales, une carte de légitimation délivrée par le DFAE revêtait un caractère temporaire et ne conférait pas de droit de séjour durable en Suisse. Un étranger séjournant en Suisse au bénéfice d’une telle carte devait savoir que sa présence en Suisse était liée à la fonction occupée par lui-même ou le membre de sa famille.
C. a. Le 3 mai 2024, les enfants, agissant par leurs parents, ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de leur délivrer des autorisations d’établissement.
La jurisprudence du Tribunal cantonal vaudois était claire. Les enfants des fonctionnaires étrangers qui séjournaient en Suisse depuis au moins 12 ans au bénéfice d’une carte de légitimation pouvaient solliciter l’octroi d’une autorisation d’établissement, pour autant que les conditions de l’art. 34 LEI fussent réalisées. La modification du chiffre 7.2.6.2 des Directives LEI ne changeait rien à l’interprétation faite par le Tribunal cantonal vaudois, qui devait être appliquée au cas d’espèce. Leur famille faisait partie de cette catégorie de fonctionnaires internationaux qui séjournaient durablement en Suisse et y avaient acquis des attaches, ce que la décision querellée ne contestait au demeurant pas. Leurs enfants remplissaient la condition du séjour minimal pour l’octroi de la nationalité, le délai minimal pour demander l’octroi de la nationalité suisse étant dans leur cas de six ans.
b. Le 8 juillet 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Par jugement du 11 décembre 2024, après un nouvel échange d'écritures, le TAPI a rejeté le recours.
Selon la législation et sa systématique, le statut des enfants était réglé par leurs cartes de légitimation et ils n'étaient pas soumis au droit ordinaire des étrangers, et donc à la LEI.
C’était à juste titre que l’OCPM comprenait les Directives LEI dans un « sens strict » en retenant qu’elles indiquaient que ce n’était qu’à partir du moment où un ressortissant étranger ne pouvait plus juridiquement prétendre au maintien de sa carte de légitimation qu’il pouvait, éventuellement, pour autant que les conditions fussent remplies, bénéficier d’une autorisation de séjour ou d’établissement au sens de la LEI.
Les enfants étant à ce jour titulaire de cartes de légitimation et n’ayant donc pas perdu le droit à une telle carte, c’était à juste titre que l'OCPM avait refusé de donner une suite favorable à la demande formulée le 25 octobre 2023. Ils n'avaient d’ailleurs pas obtenu une autorisation de séjour indépendante après un séjour de dix ans.
La jurisprudence vaudoise citée par les intéressés, à savoir des arrêts de février et août 2020, ne leur était d’aucun secours, le Tribunal fédéral administratif (ci-après : TAF) ayant rejeté le raisonnement de cette instance dans un arrêt postérieur, d’avril 2023, ce qui avait d’ailleurs conduit à la modification des Directives LEI sur ce point.
D. a. Par acte du 22 janvier 2025, les enfants, agissant par leurs parents, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de leur délivrer des autorisations d’établissement.
En tant que ressortissants ivoiriens et coréens, ils ne pouvaient, certes, se prévaloir d'aucun traité ou accord d'établissement qui leur conférerait un droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement.
Dans l'ATAF F-3505/2021 du 17 avril 2023, le TAF avait admis que le séjour des intéressés au bénéfice d'une carte de légitimation ne pourrait être pris en compte que si leur situation était exceptionnelle. Il s'agissait en outre de personnes qui disposaient déjà d'autorisations de séjour au moment où ils avaient soumis une demande d'octroi anticipé d'autorisations d'établissement. Or, en l'occurrence, les enfants étaient toujours titulaires d'une carte de légitimation en raison de l'emploi de leurs parents.
Leur situation comportait tout de même l'élément principal souligné par cette jurisprudence, à savoir le caractère exceptionnel de leur intégration. A______ était arrivé en Suisse à l'âge d'un an et B______ était née à Genève. Adolescents, ils ne connaissaient pas de cadre de vie en dehors de la Suisse, leur court séjour de quatre ans en France voisine ne changeait rien à cela. Ils étaient des élèves brillants et excellaient dans leurs activités extrascolaires, de sorte que leur intégration au mode de vie suisse était exceptionnelle. À plus forte raison que leurs parents, fortement enracinés dans la vie locale, étaient propriétaires de leur appartement où la famille vivait. En termes pratiques et identitaires, A______ et B______ étaient des citoyens suisses, mais dépourvus des documents idoines. Ainsi, à l'aune de l'ATAF F-3505/2021 précité, leur séjour au bénéfice d'une carte de légitimation devait forcément être pris en compte.
Si le contraire devait être retenu, les enfants se trouvaient exactement dans les mêmes conditions que celles analysées dans le dossier vaudois (PE.2019.0294 précité), à savoir une fille âgée de 12 ans et ayant toujours vécu en Suisse au bénéfice d'une carte de légitimation. Rien ne justifiait d'écarter le raisonnement retenu dans ce dossier.
Il était vrai que le ch. 7.2.6.2 des Directives LEI avait été légèrement modifié depuis lors. Toutefois, dans les deux versions – celle en vigueur au moment de l'arrêt PE.2019.0294 précité et celle actuelle –, l'enfant pouvait obtenir une autorisation d'établissement après un séjour de respectivement douze et dix ans s'il avait vécu en Suisse de manière ininterrompue durant les cinq dernières années.
Il convenait également d'admettre que les parents faisaient parties de cette catégorie de fonctionnaires internationaux qui séjournaient durablement en Suisse et y avaient acquis des attaches, ce que le TAPI n'avait pas contesté.
De plus, les enfants remplissaient la condition du séjour minimal pour l'octroi de la nationalité – le délai minimal pour demander l'octroi de la nationalité suisse était dans leur cas de six ans selon le nouveau droit.
Enfin, aux termes de l'art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et de l'arrêt PE.2019.0294 précité, l'autorité de recours pouvait modifier la décision attaquée à l'avantage d'une partie et l'octroi d'une autorisation d'établissement en vertu de l'art. 34 LEI était potestative.
b. Le 17 février 2025, l'OCPM a conclu au rejet du recours, précisant que les arguments soulevés n'étaient pas de nature à modifier sa position.
c. Les recourants n'ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c LPA).
2. L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCPM du 18 mars 2024, confirmée par le TAPI, refusant de préaviser favorablement l'octroi d'une autorisation d'établissement auprès du SEM en faveur des enfants.
3. Selon l'art. 61 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (al. 1). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (al. 2 ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).
4. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Côte d’Ivoire et de Corée du Sud.
4.1 Les conditions d’admission fixées par la LEI ne sont toutefois pas applicables notamment aux membres des missions diplomatiques et permanentes et aux fonctionnaires d’organisation internationale ayant leur siège en Suisse, titulaires d’une carte de légitimation du DFAE (art. 30 al. 1 let. g et 98 al. 2 LEI ; art. 43 al. 1 let. b OASA). Le conjoint, le partenaire et les enfants de moins de 25 ans des personnes précitées sont admis pendant la durée de fonction de celles-ci au titre du regroupement familial, s’ils font ménage commun avec elles ; ils reçoivent alors également une carte de légitimation du DFAE (art. 43 al. 2 OASA).
Ces mécanismes s’inscrivent dans un complexe de privilèges, immunités et facilités octroyés en faveur du bénéficiaire institutionnel concerné et non pas à titre individuel, dans le but d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions dudit bénéficiaire institutionnel (art. 9 al. 1 de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte du 7 décembre 2007 - OLEH - RS 192.121). Pour le titulaire principal, ils dépendent de l’exercice effectif de la fonction officielle et sont accordés pour la durée de cette fonction (art. 9 al. 2 et 15 al. 1 OLEH). Pour les personnes autorisées à l’accompagner, ils prennent fin en même temps que ceux accordés au titulaire principal (art. 9 al. 2 OLEH).
4.2 Selon le message relatif à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu'État hôte du 22 juin 2007 (LEH - RS 192.12), la carte de légitimation DFAE ne donne le droit de séjourner en Suisse que pour la durée de leurs fonctions officielles, à l’issue desquelles ils doivent soit quitter le territoire suisse, soit présenter une demande de titre de séjour relevant du droit ordinaire. Dans ce dernier cas, ils sont alors entièrement soumis aux droits et obligations fixés par la législation applicable (FF 2006 p. 7635).
4.3 La carte de légitimation sert de titre de séjour en Suisse et remplace l'autorisation de séjour délivrée sur la base des dispositions ordinaires du droit des étrangers. Elle atteste d'éventuels privilèges et immunités dont jouit son titulaire et exempte ce dernier de l'obligation du visa pour la durée de ses fonctions (art. 17 al. 3 OLEH). Elle n'est d'ailleurs pas semblable à une autorisation du droit des étrangers qui confère certains droits aux étrangers qui en sont titulaires (comme par exemple, selon l'autorisation en cause, le droit d'exercer une activité lucrative ou le droit au regroupement familial), dès lors qu'elle ne fait que servir de titre de séjour en Suisse (« dient als Aufenthaltserlaubnis für die Schweiz » ; art. 17 al. 3 OLEH ; (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 6.1 et 6.2).
4.4 La jurisprudence retient qu’une carte de légitimation délivrée par le DFAE revêt un caractère temporaire et ne confère pas de droit de séjour durable en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2021 du 16 mars 2021 consid. 3.4). Un étranger séjournant en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation doit savoir que sa présence en Suisse est liée à la fonction occupée par lui-même ou le membre de sa famille ; le statut du détenteur d’une carte de légitimation est ainsi moins stable que celui d’un étranger bénéficiant d’une autorisation du droit des étrangers ou d’une admission provisoire (ATAF 2007/44 consid. 4.3 ; arrêt du TAF F-3505/2021 précité consid. 7.2 et les références citées).
4.5 Le séjour en Suisse au titre d'une carte de légitimation du DFAE n'est pas pris en compte pour le calcul des années nécessaires à l'obtention (anticipée) d'une autorisation d'établissement en raison du caractère temporaire de cette carte qui ne confère pas de droit de séjour durable en Suisse (arrêt du TAF F-3505/2021 précité consid. 7.2), sous réserve du cas d'échange obligatoire de l'autorisation de séjour ou d'établissement contre une carte de légitimation du DFAE (ch. 3.5.4.7 des Directives LEI).
Selon le ch. 7.2.2 des Directives LEI, qui, comme toute directive, ne lie pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/45/2024 du 16 janvier 2024 consid. 5.7), la carte de légitimation sert de titre de séjour en Suisse, atteste des éventuels privilèges et des immunités dont jouit son titulaire et exempte ce dernier de l'obligation du visa pour la durée de ses fonctions (art. 17 al. 3 OLEH).
Le titulaire de la carte de légitimation qui perd le droit à ce document doit quitter la Suisse dans le délai imparti (délai de courtoisie) par le DFAE ou solliciter le règlement de ses conditions de séjour selon les dispositions générales du droit des étrangers (ch. 7.2.4 des Directives LEI).
Le ch. 7.2.6.2 des Directives LEI précise que, sur demande, l'autorité migratoire peut délivrer à l'enfant âgé de plus de 21 ans une autorisation de séjour ou d'établissement indépendante du statut du titulaire principal s'il n'a plus droit à une carte de légitimation, en particulier parce qu'il ne fait plus ménage commun avec le titulaire principal. Cette autorisation est soumise à l'approbation du SEM (1er §).
Une autorisation de séjour indépendante peut également être délivrée à l'enfant âgé de moins de 21 ans s'il fonde sa propre famille, ou s'il acquiert par son travail en Suisse une autonomie financière suffisante et, de ce fait, ne vit plus en ménage commun avec le titulaire principal (2e §).
L'enfant qui perd le droit à une carte de légitimation (cf. ch. 7.2.7) peut obtenir une autorisation d'établissement après un séjour total de douze ans à compter du moment de l'octroi de sa carte de légitimation s'il a vécu en Suisse de manière ininterrompue les cinq dernières années (3e §).
L'enfant peut également obtenir une autorisation d'établissement après un séjour de dix ans dès l'obtention d'une autorisation de séjour indépendante s'il a vécu en Suisse de manière ininterrompue durant les cinq dernières années (4e §).
Cela peut être déjà le cas après cinq ans si l'enfant est ressortissant d'un pays avec lequel la Suisse a conclu un accord d'établissement ou en raison d'une pratique confirmée (cf. ch. 0.2.1.3.2). Pour l'obtention d'une autorisation d'établissement, l'enfant doit être intégré (art. 58a al. 1 LEI) et disposer notamment de connaissances linguistiques requises (art. 60 al. 2 OASA ; 5e §).
En vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_881/2021 du 9 mai 2022 consid. 4.2 et 4.3), les ressortissants d'États avec lesquels des conventions d'établissement ont été conclues doivent également prouver leurs compétences linguistiques (6e §).
Lorsque l'enfant a été domicilié en Suisse mais a étudié dans la zone frontalière voisine, ou qu'il a résidé dans la zone frontière tout en effectuant la majeure partie de sa scolarité en Suisse, il est assimilé à l'enfant ayant séjourné et étudié en Suisse. L'autorité migratoire peut lui accorder une autorisation de séjour ou d'établissement s'il satisfait aux conditions énoncées ci-dessus (7e §).
S'agissant des ressortissants des États membres de l'UE et de l'AELE, les dispositions de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), de son ordonnance du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) et des directives SEM II sont déterminantes (8e §).
Le ch. 7.2.7 des Directives LEI traite du décès, divorce ou transfert définitif du titulaire principal.
4.6 Selon l'art. 34 LEI, l’autorisation d’établissement est octroyée pour une durée indéterminée et sans conditions (al. 1). L’autorité compétente peut octroyer une autorisation d’établissement à un étranger aux conditions suivantes : a) il a séjourné en Suisse au moins dix ans au titre d’une autorisation de courte durée ou de séjour, dont les cinq dernières années de manière ininterrompue au titre d’une autorisation de séjour ; b) il n’existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63 al. 2 LEI ; c) l’étranger est intégré (al. 2).
L’autorisation d’établissement peut être octroyée au terme d’un séjour plus court si des raisons majeures le justifient (art. 34 al. 3 LEI).
L’étranger qui remplit les conditions prévues à l’al. 2 let. b et c LEI, et est apte à bien communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile peut obtenir une autorisation d’établissement au terme d’un séjour ininterrompu de cinq ans au titre d’une autorisation de séjour (art. 34 al. 4 LEI).
Cette disposition, rédigée de manière potestative, ne confère pas de droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_779/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.1).
4.7 Dans sa jurisprudence, le TAF a retenu que la naturalisation et l'octroi anticipé d'une autorisation d'établissement ne doivent pas nécessairement reposer sur le même principe, dans la mesure ou le processus de naturalisation n'est pas le même que celui d'un octroi anticipé d'une autorisation d'établissement. En effet, n'est pas automatiquement en quête de naturalisation un étranger souhaitant obtenir une autorisation d'établissement. En outre, même si la notion d'intégration est harmonisée dans les deux procédures, le délai de dix ans de la naturalisation justifie que celle-ci soit assortie de conditions matérielles moins strictes, un séjour d'une telle longueur impliquant en lui-même une intégration poussée. De l'autre côté, l'octroi anticipé d'une autorisation d'établissement peut être demandé après cinq ans de séjour ininterrompu, ce qui justifie la nécessité d'un standard d'intégration plus élevé, étant précisé dans ce contexte que les travailleurs au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE sont au bénéfice d'un statut précaire leur permettant uniquement d'occuper un emploi auprès d'une organisation internationale, ne participent ainsi pas au marché de l'emploi local et ne disposent dès lors en principe pas des mêmes opportunités d'intégration qu'un étranger soumis au régime ordinaire et mêlé à la population locale sur son lieu de travail. La prise en compte du séjour au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE par la LN prend alors son sens dans le contexte d'un séjour d'une durée de dix ans et n'a pas d'impact sur les Directives LEI et leur contenu concernant la procédure d'octroi anticipé d'autorisations d'établissement. En écartant ainsi une éventuelle contradiction entre les Directives LEI et la LN, la seule possibilité pour que le séjour des intéressés au bénéfice de cartes DFAE soit pris en compte serait que leur situation soit exceptionnelle, conformément au point 3.5.4.7 in fine des Directives LEI (arrêt du TAF F-3505/2021 précité consid. 7.3).
4.8 Le canton de Vaud a traité un dossier qui présente des similitudes au cas d'espèce (PE.2019.0294 précité). Il s'agissait de deux ressortissants kényans qui séjournaient en Suisse depuis 2006, tous deux fonctionnaires dans des organisations internationales et disposant de cartes de légitimation délivrées par DFAE. Parents de trois enfants, dont deux avaient acquis la nationalité suisse à la fin de l'année 2017 ou au début de l'année 2018, ils avaient acquis une villa en Suisse. Par l'intermédiaire de ses parents, la dernière enfant, née le ______ 2007, avait déposé une demande de permis d'établissement expliquant qu'elle était scolarisée dans une école privée à Lancy, qu'elle n'avait jamais vécu ailleurs qu'en Suisse, était bien intégrée et s'exprimait avec aisance en français et souhaitait acquérir par la suite la nationalité suisse.
La Cour de droit administratif et public a retenu que les Directives LEI – dans leur teneur à l'époque – prévoyaient des situations dans lesquelles l'autorité cantonale compétente pouvait octroyer aux enfants de fonctionnaires internationaux une autorisation de séjour ou d'établissement indépendante du statut du titulaire principal de la carte de légitimation du DFAE. Le paragraphe 3 des Directives LEI précisaient ainsi que l'enfant pouvait obtenir une autorisation d’établissement après un séjour total de douze ans à compter du moment de l’octroi de sa carte de légitimation s’il avait vécu en Suisse de manière ininterrompue les cinq dernières années, mais au plus tard après un séjour régulier et ininterrompu de dix ans (ou cinq ans suivant les accords bilatéraux ou à titre de réciprocité) à compter de l’octroi de l’autorisation de séjour indépendante (consid. 2b).
Le paragraphe 3 du ch. 7.2.6.2 des Directive LEI paraissait ainsi s'appliquer aux situations d'enfants qui, par la longue durée de leur séjour en Suisse (douze ans), pouvaient solliciter une autorisation d'établissement. Il était toutefois mentionné à la deuxième phrase du paragraphe 3 de la directive que la demande pouvait être faite au plus tard après un séjour régulier et ininterrompu de dix ans (ou cinq ans suivant les accords bilatéraux ou à titre de réciprocité) à compter de l’octroi de l’autorisation de séjour indépendante, ce qui pourrait laisser penser que seuls les enfants ayant obtenu au préalable une autorisation de séjour indépendante pourraient solliciter une autorisation d'établissement. La Cour de droit administratif et public a examiné si une interprétation aussi restrictive du paragraphe 3 7.2.6.2 des Directives LEI se justifiait dans ce cas (consid. 2c).
Après avoir rappelé le but, les conditions formelles de la LN, les types de séjours pris en compte dans le calcul de la durée minimale de séjour requise ainsi qu'examiné le message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la LN et cité un auteur de doctrine, il a été retenu qu'il n'apparaissait pas contraire au droit fédéral de considérer que le chiffre 7.2.6.2, paragraphe 3 des Directives LEI permettait aux enfants de fonctionnaires étrangers qui séjournaient durablement en Suisse (douze ans au minimum) au bénéfice d'une carte de légitimation de solliciter l'octroi d'une autorisation d'établissement, compte tenu de la longue durée de leur séjour en Suisse et pour autant que les autres conditions prévues par la loi soient réalisées (art. 34 LEI) (consid. 2d).
En l'occurrence, la Cour de droit administratif et public a admis que la famille des recourants faisait partie de cette catégorie de fonctionnaires internationaux qui séjournent durablement en Suisse et y avaient acquis des attaches. La fille cadette des recourants remplissait la condition du séjour minimal pour l'octroi de la nationalité – le délai minimal pour demander l'octroi de la nationalité suisse est dans son cas de six ans selon le nouveau droit (art. 9 al. 2 LN). À la date où le l'autorité avait rendu la décision attaquée, la fille des recourants ne séjournait certes pas depuis douze ans en Suisse. Sa situation s'était toutefois modifiée depuis lors puisqu'elle avait eu 12 ans au mois de septembre 2019 ; elle remplissait désormais les conditions des Directives 7.2.6.2, paragraphe 3, LEI pour solliciter l'octroi d'une autorisation d'établissement. Dans ces conditions, la décision attaquée qui lui refusait une autorisation d'établissement au seul motif invoqué qu'elle était titulaire d'une carte de légitimation délivrée par le DFAE ne pouvait pas être confirmée (consid. 2e).
Le recours a ainsi été admis et le dossier renvoyé à l'autorité compétente pour complément d'instruction et nouvelle décision (consid. 3).
d. En l'espèce, les enfants séjournent en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation délivrée par le DFAE à leurs père, directeur adjoint auprès du E______, et mère, employée par le F______.
Le raisonnement retenu par la Cour de droit administratif et public ne peut toutefois pas leur être appliqué. En effet, ils sont toujours titulaires d’une carte de légitimation du DFAE. Les conditions d’admission fixées par la LEI ne sont donc pas remplies (art. 30 al. 1 let. g et 98 al. 2 LEI ; art. 43 al. 1 let. b OASA). De plus, les Directives LEI sont claires. Elles précisent que seul l'enfant qui perd le droit à une carte une carte de légitimation peut obtenir une autorisation d'établissement après un séjour total de douze ans à compter du moment de l'octroi de sa carte de légitimation s'il a vécu en Suisse de manière ininterrompue les cinq dernières années. Or, comme vu ci-dessus, les recourants sont toujours titulaires d'une carte de légitimation. Il est toutefois exact que, selon les Directives LEI, un enfant pourrait également obtenir une autorisation d'établissement après un séjour de dix ans s'il a vécu en Suisse de manière ininterrompue durant les cinq dernières années. Néanmoins, cette possibilité est conditionnée au fait que l'enfant en question bénéficie d'une autorisation de séjour indépendante, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. Le TAF a d'ailleurs retenu, postérieurement à l'arrêt vaudois évoqué ci-dessus, que la naturalisation et l'octroi anticipé d'une autorisation d'établissement ne doivent pas nécessairement reposer sur le même principe (arrêt du TAF F-3505/2021 précité consid. 7.3). Il ne convient dès lors pas de prendre en compte les dispositions de la nouvelle LN pour interpréter le sens des Directives LEI.
Le second cas traité par la Cour de droit administratif et public (PE.2019.0329 précité) concerne des ressortissants étrangers dont la carte de légitimation, établie par le DFAE, avait été retirée et une autorisation de séjour UE/AELE leur avait été délivrée. Or, comme vu ci-dessus, les enfants sont toujours au bénéfice d'une carte de légitimation. Cette jurisprudence ne leur est donc non plus d'aucun secours.
Enfin, dans la mesure où les recourants ne sont pas soumis à la LEI, la qualité et le degré de leur intégration au sens de l'art. 34 LEI ne sont pas pertinents dans l'examen de leur droit à une autorisation d'établissement, étant précisé, qu'en tout état de cause, l'al. 3 de cet article concerne l'hypothèse de la personne qui, après un séjour préalable de plusieurs années, a quitté provisoirement la Suisse et veut y revenir (FF 2002 p. 3547) ou lorsque des motifs de politique générale à haut niveau le justifient (Directives LEI ch. 3.5.3.1), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que le TAPI a confirmé le refus de délivrer une autorisation d’établissement aux recourants.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
5. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des parents, pris solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2025 par A______ et B______, enfants mineurs, agissant par leurs parents C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de C______ et D______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.