Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/298/2025 du 25.03.2025 ( MARPU ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1711/2024-MARPU ATA/298/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 25 mars 2025 |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Guillaume ÉTIER, avocat
contre
VILLE DE GENÈVE
et
B______ SA intimées
représentée par Mes Guillaume FRANCIOLI et Federica PANETTI, avocats
A. a. A______ SA (ci-après : A______) est une société sise à C______, inscrite depuis le ______ 1978 au registre du commerce (ci‑après : RC) du canton de Vaud. Elle compte parmi ses buts statutaires l'exploitation d'une centrale d'alarme, toutes activités et interventions dans le domaine de la sécurité ainsi que la surveillance de chantiers.
b. B______ SA (ci-après : B______) a son siège à D______ et est inscrite depuis le ______ 2023 au RC du canton de Genève. Elle a pour buts statutaires le conseil, l'étude, la vente, l'installation, l'explicitation, la location, la maintenance de produits, d'appareils et de systèmes dans le domaine de la fermeture, de la sécurité, de la surveillance et de la détection.
B. a. Le 30 janvier 2024, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a invité quatre entreprises, dont A______ et B______, à participer à un appel d'offres portant sur la surveillance du Muséum d'histoire naturelle (ci-après : MHN - mandat de contrôle d'accès), dans le cadre de l'extension et de la transformation de celui-ci (frais de surveillance par des tiers - CFC 561). Les documents d'appel d'offres étaient joints et devaient être retournés remplis au plus tard le 28 février 2024. Le marché était estimé à CHF 140'000.- hors taxes (ci-après : HT).
L'invitation ne mentionnait aucune date de fin du marché. Selon le planning des travaux du MHN, ceux-ci se termineront en mars 2027.
b. Parmi les attestations demandées, décrites comme « obligatoires au sens des art. 32 et 33 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) » figurait notamment un extrait du RC « démontrant que l'entreprise est active depuis plus de trois ans ». Le seul critère d'adjudication était le prix, qui était ainsi pondéré à 100%.
Les soumissionnaires devaient notamment chiffrer la présence de deux agents de sécurité pour la période considérée et prévoir le matériel permettant l'accès au chantier. Les prestations à fournir étaient décrites dans un tableau. Il s'agissait, pour les prestations de base, de :
- création de la plateforme de gestion (forfait initialisation à partir des listes des employés transmises par chaque entreprise pas besoin de passerelles de gestion auprès des différents organes concernés par les entreprises : caisses paritaires, autorités, base de données) ; accès à la plateforme à distance (avec visualisation de logs d'accès et du nombre de personnes présentes en temps réel) ; création de badges pour les ouvriers (jusqu'à 200 ; ch. 110) ;
- mise à disposition d'un service de dépannage, d'intervention d'urgence et de maintenance des installations du lundi au vendredi de 06h00 à 18h00 sur jours ouvrables ; tous les soirs, les jours fériés, les samedis et les dimanches, le portillon (devant de préférence être équipé d'un cylindre) devait être ouvert de manière à pouvoir laisser l'intervention éventuelle du service du feu (ch. 210) ;
- installation d'un tourniquet « full automatique individuel », avec système « anti passback », permettant le passage autonome des ouvriers, avec lecteur de badge intégré ; bouton libération d'urgence sous alarme ; accès forcé sous alarme ; tourniquet devant être rabattable en cas d'intervention du service du feu (ch. 310) ;
- installation d'un portillon à un vantail ou deux vantaux pivotants (hauteur de 1.5 à 2 m ; longueur totale pour installation du portillon et du tournique côte à côte = 473 cm) ; portillon devant être rabattable en cas d'intervention du service du feu (ch. 320) ;
- fourniture d'un coffret accès mobile pour portillon ; bouton accès livraison et ouverture permanente ; accès forcé sous alarme ; liaison 4G ; interphonie via application dédiée (ch. 330) ;
- présence d'un agent permanent sur le chantier (1. Ouverture du chantier ; 2. Gestion et contrôle des badges d'accès ; 3. Gestion, contrôle et surveillance de l'utilisation du portillon matériel ; 4. Rondes de surveillance à différents moments de la journée ; 5. Contrôle au niveau du parking ; 6. Fermeture du chantier ; 7. Rapport à l'huissier du MHN [ch. 410-001]) et présence d'un agent supplémentaire permanent sur le chantier (ch. 410-003).
Certaines prestations, correspondant à des options, figuraient entre parenthèses (ch. 110.005 [badges supplémentaires], 210.002 [mise à disposition du service de dépannage, intervention d'urgence et maintenance des installations pour un mois supplémentaire], 310.003 location pour un mois supplémentaire du tourniquet], 320.003 location pour un mois supplémentaire du portillon matériel, 330.003 [location pour un mois supplémentaire du coffret pour portillon, 410.003, 410.004, 410.006 présence d'un second agent, éventuellement pour un mois supplémentaire). Ces options n'ont pas été comptabilisées dans l'évaluation de la valeur du marché.
c. Seules A______ et B______ ont rendu des offres dans le délai imparti, pour des montants respectifs de CHF 329'113.70 (incluant les prestations entre parenthèses) et CHF 188'094.- (n'incluant pas les prestations entre parenthèses). Après correction par la ville, l'offre de A______ a été ramenée à CHF 201'923.23.
Le montant de l'offre de B______ incluant les options s'élève à CHF 275'754.‑.
d. Par décisions du 6 mai 2024, la ville a adjugé le marché à B______ et a informé A______ que le marché ne lui avait pas été attribué. Il résultait du tableau d'analyse joint que B______, dont l'offre se montait à CHF 188'094.-, avait reçu la note de 5 au seul critère d'adjudication, A______, dont l'offre se montait à CHF 201'923.23.- , recevant la note de 3.
La décision communiquée à A______ indiquait que la société pouvait atteindre un collaborateur de la ville pour tout complément d'information.
C. a. Par acte remis à la poste le 17 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d'adjudication, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif, principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité à titre de réparation de son dommage (qu'elle a chiffrée dans une écriture subséquente à CHF 13'329.55) et subsidiairement à l'attribution du marché.
Préalablement, elle a demandé à ce que la ville produise les critères et la liste des employés lors de la phase de préqualification précédant les invitations du 31 janvier 2024, le procès-verbal d'ouverture des offres, l'offre complète de B______ et tout document permettant de comprendre comment les montants retenus dans le tableau comparatif avaient été calculés. Elle a également requis l'audition des parties.
Son droit d'être entendue avait été violé, la décision d'adjudication étant insuffisamment motivée.
Les soumissions dépassaient le seuil de CHF 250'000.- applicable à une procédure sur invitation. Le marché aurait donc dû faire l'objet d'une procédure ouverte ou sélective. En outre, l'appel d'offres exigeait la production d'un extrait du RC démontrant que l'entreprise était active depuis plus de trois ans, ce qui n'était pas le cas de B______. Celle-ci aurait par conséquent dû être exclue.
L'adjudication avait été décidée sur le seul critère du prix. Or, tel n'aurait pas dû être le cas, le marché ne portant pas sur l'adjudication de biens largement standardisés.
b. La ville a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif et du recours. Elle a remis la liste des candidates de l'appel d'offres, le procès-verbal d'ouverture, l'extrait de l'offre de B______ (caviardée partiellement) et un comparatif des offres établi par son mandataire.
Il était demandé un extrait du RC. Même si la soumission indiquait que l'extrait du RC devait démontrer que l'entreprise était active depuis plus de trois ans, elle ne faisait que répéter la condition de l'art. 33 al. 3 RMP, cette obligation ne couvrant toutefois que les marchés de construction. Pour les marchés de service, la loi ne prévoyait pas de critère de durée. Une telle exigence n'était pas pertinente en l'occurrence.
Le marché avait été estimé à CHF 140'000.-. Elle avait demandé aux candidats de chiffrer certains postes sans les inclure dans le montant de l'offre (ch. 110.003, 110.005, 210.002, 300.003 recte : 310.003, 320.003, 330.003, 410.003, 410.004, 410.006). Il s'agissait de remettre des éléments chiffrés pour d'éventuelles prolongations. La recourante avait à tort additionné ces postes. C'est pourquoi son offre avait été recalculée. Les offres remises restaient dans la cible des seuils soumis à la procédure sur invitation. En outre, les griefs portant sur l'appel d'offres étaient irrecevables car tardifs.
c. B______ a conclu au rejet de la requête d'octroi de l'effet suspensif. Elle a produit son offre.
Le recours était irrecevable, faute pour la recourante d'avoir un intérêt digne de protection. Celle-ci était notamment forclose à se prévaloir du grief selon lequel le marché aurait dû faire l'objet d'une procédure ouverte.
Les prestations demandées étaient suffisamment précises pour que chaque soumissionnaire puisse proposer une offre identique, à l'exception du prix, de sorte que l'appel d'offres portait sur des prestations largement standardisées, pour lesquelles le seul critère du prix pouvait être fixé.
d. Le 1er juillet 2024, la ville a adjugé provisoirement et dans l'urgence à E______ un marché de gré à gré portant sur la surveillance du chantier du MHN, marché qui avait été provisoirement attribué, avant cela, à la recourante.
Dans un courrier du 3 juillet 2024 adressé à la recourante, elle a indiqué que le recours que celle-ci avait déposé ne devait pas lui permettre de prolonger une adjudication qu'elle n'avait pas obtenue. En effet, le mandat de surveillance prévu par l'appel d'offres « devrait se terminer d'ici décembre 2024 ».
e. Après que la recourante a répliqué, la chambre administrative a octroyé l’effet suspensif au recours par décision du 11 juillet 2024.
f. La ville a précisé que l'exécution des prestations en cause ne nécessitait pas de compétences particulières. Compte tenu du nombre de chantiers qu'elle réalisait, ces prestations étaient très standards et ne variaient pas d'un chantier à l'autre. Il s'agissait de mettre en place un contrôle des accès au chantier et des prestations de surveillance. Il suffisait que l'entreprise soit apte à la surveillance du chantier et en mesure de fournir le personnel adéquat pour exécuter la prestation. Le matériel de surveillance pour les accès était standard et ne nécessitait aucune particularité pour l'exécution du marché.
g. B______ a conclu au rejet du recours, relevant que la jurisprudence n'avait pas tranché la question de savoir s'il était possible de recourir contre une invitation à soumissionner. En toute hypothèse, la recourante avait agi d'une façon contraire à la bonne foi en attendant la notification de la décision attaquée pour contester le choix de l'adjudicateur d'avoir recours au seul critère du prix.
h. La recourante a indiqué que la ville avait adjugé le marché à E______, de gré à gré, pour le mois de juillet 2024. Au vu de l'octroi de l'effet suspensif, la ville continuerait à faire exécuter les prestations par E______. Or, celle-là avait souligné, dans son courrier du 3 juillet 2024, que le mandat de surveillance prévu par l'appel d'offres devait se terminer d'ici décembre 2024. L'octroi de l'effet suspensif risquait d'être rendu superflu par l'exécution complète des prestations avant le prononcé de la décision au fond, l'autorité continuant à adjuger la réalisation de celles-ci en divisant le marché. Ainsi, en cas d'admission du recours, il y aurait lieu, en sus de l'adjudication à elle-même de la part restante du marché, de constater le caractère illicite de la décision et de lui octroyer une indemnité.
i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. e et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).
La qualité pour recourir de la recourante, contestée par les intimées, doit être admise. En effet, compte tenu de l'octroi de l'effet suspensif, le contrat portant sur le marché en cause n'a pas encore été conclu (et rien ne permet d'affirmer que le chantier est terminé, les travaux du MHN devant se terminer, selon le planning établi par la ville, en mars 2027) et l'intéressée a été classée en seconde position, si bien que, conformément à la jurisprudence constante en matière de marchés publics, elle conserve des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours (ATF 141 II 14 consid. 4.1 et 4.6 ; ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 2.2 et les références citées). Par ailleurs, elle soulève plusieurs griefs susceptibles de conduire à l’annulation de la décision litigieuse et n'est pas forclose à s'en prévaloir, contrairement à ce que prétendent les intimées pour certains des griefs et comme cela sera exposé ci-après.
Le recours est donc recevable, si bien qu'il convient d'entrer en matière.
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d'adjudication du marché à B______.
3. La recourante demande la production de plusieurs documents et sollicite l'audition des parties.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d’avoir accès au dossier lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 135 I 279 consid. 2.3). Il comprend également le droit d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
3.2 En l'espèce, le pouvoir adjudicateur a produit son dossier, qui contient notamment le procès-verbal d'ouverture des offres, la liste des candidates de l'appel d'offres et un extrait partiellement caviardé de l'offre de l'adjudicataire. Celle-ci a également produit son offre. Ces documents ont été transmis à la recourante. Il a donc été fait droit aux demandes de celle-ci sur ces points.
Il n'apparaît pas nécessaire d'entendre les parties. En effet, la recourante estime que leur audition serait nécessaire pour qu'elle puisse interroger la ville et l'adjudicataire sur les « vices matériels et procéduraux de la cause ». Or, ces points ont été longuement discutés par les parties dans leurs écritures respectives et la recourante n’indique pas quels éléments supplémentaires et utiles à la solution du litige les parties n'auraient pas pu apporter par écrit. Ainsi, et dans la mesure également où celles-ci se sont exprimées de manière circonstanciée sur l'ensemble du litige et ont produit les pièces auxquelles elle se sont référées dans leurs écritures, la chambre de céans dispose de tous les éléments lui permettant de statuer en toute connaissance de cause.
Par conséquent, il ne sera pas procédé aux actes d'instruction sollicités.
4. La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue.
4.1 Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).
4.2 En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication doivent être sommairement motivées (ATA/51/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.2).
Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble des explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (ATA/51/2025 précité consid. 3.2 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 378 n. 799 s. et les références citées).
Dans la phase finale de l'évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur attribue des notes aux offres qui n'ont pas été exclues, au regard de chacun des critères d'adjudication. Ces différentes notes doivent faire l'objet d'une brève motivation, susceptible d'être fournie au soumissionnaire souhaitant des explications plus détaillées au sujet de son éviction ou à l'autorité de recours. L'entité adjudicatrice opère ensuite la synthèse de ces évaluations en les intégrant dans un tableau comparatif, regroupant l'ensemble des offres et les notes retenues auxquelles sont appliqués les facteurs de pondération pour les différents critères (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2d et la référence citée).
Selon la jurisprudence de la chambre administrative, le prix d'adjudication ainsi que la méthode de pondération des critères d’adjudication font partie des éléments nécessaires à la bonne compréhension d'une décision d'adjudication. L'une de ces deux indications doit au moins figurer dans une décision d'adjudication afin que l'autorité adjudicatrice respecte son devoir légal de motivation sommaire (ATA/1192/2021 précité consid. 3).
4.3 En l'espèce, la décision attaquée indique le nom de l'adjudicataire ainsi que le montant de l'adjudication (CHF 188'301.55 TTC) et précise que l'offre de l'adjudicataire a été jugée économiquement la plus avantageuse. Une grille d'évaluation y est annexée d'où ressortent le montant de l'offre de chaque soumissionnaire, le seul critère d'évaluation (critère du prix), la note attribuée, la pondération du critère (100%), le total de points obtenus par chaque soumissionnaire et son classement. Au vu de ces éléments, la décision attaquée répond aux exigences de motivation sommaire spécifiques aux marchés publics.
La recourante se plaint néanmoins du fait que la décision n'indique pas comment les montants retenus dans le tableau ont été calculés, ni pourquoi les prix devisés pour le matériel n'apparaissaient pas avoir été pris en compte, ni pour quelle raison il n'avait pas été possible d'obtenir au moins trois offres, ni, finalement, ce qui permettait de considérer que la société adjudicatrice remplissait les conditions d'attribution alors qu'elle n'était pas inscrite au RC depuis plus de trois ans.
Or, compte tenu des exigences de motivation sommaire de la décision, l'autorité adjudicatrice n'était pas tenue d'y faire figurer ces éléments. En outre, après la notification de la décision, la recourante n'a pas demandé d'explications supplémentaires à l'autorité adjudicatrice, alors qu'elle ne pouvait ignorer cette possibilité, la décision attaquée la mentionnant expressément. Elle n'est dès lors pas fondée à se plaindre de ne pas avoir reçu de réponses à ces questions avant le dépôt de son recours. Enfin, la ville a apporté, devant la chambre de céans, des explications complémentaires au sujet des points critiqués par la recourante, si bien que celle-ci a pu se déterminer à leur propos.
Par conséquent, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu, mal fondé, sera écarté.
5. La recourante se plaint du fait que l'adjudicataire aurait dû être exclue de la procédure, faute pour elle d'être inscrite au RC depuis plus de trois ans et d'exercer une activité de surveillance de chantiers.
5.1 L'art. 57 RMP a une teneur similaire à l’art. 61 al. 1 LPA, selon lequel le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées).
5.2 La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). En matière de marchés publics, si le contrat n’est pas encore conclu, l’autorité de recours peut, soit statuer au fond, soit renvoyer la cause au pouvoir adjudicateur dont elle annule la décision, au besoin avec des instructions impératives (art. 18 al. 1 AIMP).
5.3 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs autres objectifs, soit notamment assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ainsi que permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a, b et d AIMP).
5.4 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur. Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité et de la régularité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté (ATA/1168/2024 du 8 octobre 2024 consid. 6.3 et les références citées).
5.5 Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires, dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/1383/2024 du 26 novembre 2024 consid. 5.2 ; ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).
5.6 On distingue les critères d'aptitude ou de qualification, qui servent à s'assurer que le soumissionnaire dispose des capacités suffisantes afin de réaliser le marché (art. 13 al. 1 let. d AIMP), des critères d'adjudication ou d'attribution qui se rapportent en principe directement à la prestation requise et indiquent au soumissionnaire comment l'offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie (ATF 145 II 249 consid. 3.3 ; 141 II 353 consid. 7.1 ; 140 I 285 consid. 5 et les références citées).
Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).
Aux termes de l’art. 33 RMP, l'autorité adjudicatrice définit des critères d'aptitude conformément à l'art. 24. Elle peut exiger des soumissionnaires des justificatifs attestant leur capacité sur les plans financier, économique, technique, organisationnel et du respect des composantes du développement durable, tels que : a) preuve que le candidat exerce une activité en rapport avec celle dont relève la soumission, par exemple sous forme d'un extrait du registre du commerce ou d'un registre professionnel ; b) déclaration indiquant l'effectif de la main-d'œuvre permanente et le nombre d'apprentis ; c) extrait du registre des poursuites et faillites ; d) pièces comptables ; e) certificat de qualité (al. 1). Pour les marchés de construction, les entreprises doivent être actives depuis plus de 3 ans (al. 3).
5.7 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 = JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d'aptitude et d'adjudication arrêtés dans l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s'y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l'égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S'il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s'il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATA/51/2025 précité consid. 5.5 et les arrêts cités).
5.8 En l'espèce, les documents d'appel d'offres indiquent expressément que les candidats devaient fournir un extrait du RC démontrant que l'entreprise est active depuis plus de trois ans. Or, pour les motifs qui suivent, cela ne suffit pas encore à retenir qu'une telle condition était requise. D'une part, la mention du caractère obligatoire de l'attestation figure dans un contrat d'entreprise type remis aux soumissionnaires. Ce contrat se rapporte à des travaux de construction pour lesquels les entreprises doivent être actives depuis plus de trois ans, conformément à l'exigence fixée par l'art. 33 al. 3 RMP, laquelle n'est posée que pour les marchés de construction. Or, le marché en cause porte sur des prestations de service, auxquelles l'art. 33 al. 3 RMP n'est pas applicable. La mention de cette condition résulte ainsi d'une inadvertance du pouvoir adjudicateur, celui-ci ayant remis un contrat type d'entreprise aux soumissionnaires. D'autre part, la ville a expliqué que les documents d'appel d'offres ne faisaient que répéter la condition de l'art. 33 al. 3 RMP et qu'une telle exigence n'était pas pertinente pour le marché en cause. Ces explications permettent de comprendre que la ville n'avait pas la volonté d'exiger des soumissionnaires qu'elles soient actives depuis plus de trois ans. Au vu de ces éléments et dès lors que l'art. 33 al. 3 RMP ne s'applique qu'aux marchés de construction, il n'était pas requis, pour obtenir le marché, que les soumissionnaires aient une existence d'au moins trois ans. Par conséquent, le fait que l'adjudicataire soit active depuis moins longtemps ne constituait pas un motif d'exclusion de la procédure.
La chambre de céans observe cependant qu'en fournissant aux soumissionnaires des documents types relatifs à des marchés de construction, alors que le marché en cause ne porte pas sur la construction d’un ouvrage, la ville a créé une confusion entraînant une controverse évitable sur la question de savoir s’il était requis des soumissionnaires qu’elles soient actives depuis plus de trois ans. Ceci est d'autant plus problématique compte tenu du caractère formaliste de la procédure de passation des marchés publics. La chambre de céans renoncera certes à admettre le grief, au vu des explications de la ville et sous peine de formalisme excessif prohibé par l'art. 29 Cst., mais attire l'attention de celle-ci sur le fait qu'il lui appartiendra de ne pas reproduire cette erreur lors de l’organisation de futurs marchés qui, comme en l’espèce, ne portent pas sur des prestations de construction.
Enfin, selon son extrait du RC, l'adjudicataire est notamment active dans la maintenance de produits, d'appareils et de systèmes dans le domaine de la fermeture, de la sécurité, de la surveillance et de la détection. Il ressort également de son site Internet (https://B______.ch/, page consultée le 12 mars 2025), qu'elle propose des solutions « pour des chantiers éthiques et sûrs ». Ces éléments permettent aisément de retenir qu'elle est active dans le domaine de la surveillance et de la sécurité des chantiers et qu'elle est donc a priori apte à exécuter les prestations demandées. Rien ne justifiait ainsi son exclusion de ce point de vue.
Mal fondé, le grief sera en conséquence écarté.
6. La recourante se plaint du fait que l'adjudication a été décidée sur le seul critère du prix. Les intimées se prévalent quant à elles de l'irrecevabilité de ce grief, en raison de sa tardiveté.
6.1 Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3). L'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 5).
6.1.1 Selon le Tribunal fédéral, l'expression « biens largement standardisés » inclut aussi les prestations de service (arrêt du Tribunal fédéral 2C_802/2021 du 24 novembre 2022 consid. 3.1), conception qui est aussi reprise dans l'AIMP du 15 novembre 2019 (AIMP-2019, non encore en vigueur à Genève : l'art. 29 al. 4 AIMP-2019 parle de prestations largement standardisées). En effet, dans le cas d'ouvrages ou de services standardisés, les autres critères d'adjudication n'ont que peu de poids par rapport aux coûts ; comme, dans ce type d'appel d'offres, les différentes offres ne peuvent se distinguer a priori que de manière insignifiante, sauf en ce qui concerne le prix, celui-ci doit avoir une importance décisive (arrêt du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3). Il n'est pas arbitraire d'admettre que plus le degré de difficulté d'une tâche est faible, plus le prix doit avoir de l'importance (arrêts du Tribunal fédéral 2C_802/2021 précité consid. 3.3 ; 2P.34/2005 du 24 mai 2005 consid. 2.3).
Les prestations largement standardisés sont celles dont la standardisation est si poussée qu'hormis le prix, il ne faut pas s'attendre à des différences considérables, en particulier de qualité. La standardisation « étendue » (« weitgehende Standardisierung ») peut résulter soit de normes pertinentes, soit d'une spécification très détaillée dans l'appel d'offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_802/2021 précité consid. 3.1).
6.1.2 Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur les marchés publics visent les mêmes buts et reprennent des principes de base globalement identiques (art. 2 de la loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 LMP - RS 172.056.1 et 1 AIMP), la chambre de céans admet la possibilité de s'inspirer des principes dégagés en droit fédéral des marchés publics (ATA/1383/2024 du 26 novembre 2024 consid. 5.5). Selon le message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics du 15 février 2017, l'adjudication des marchés portant sur des biens largement standardisés sur la base du seul critère du prix le plus bas (cf. art. 29 al. 4 LMP, qui parle de prestations largement standardisées) peut être admise en particulier lorsque des normes généralement reconnues définissent la qualité du produit d’une manière suffisamment précise ou que les aspects écologiques sont déjà pris en compte au niveau des spécifications techniques. Tel peut être le cas lors de l’acquisition de matériaux de construction, de combustibles ou de carburants. L’adjudicateur dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation (FF 2017 1695, 1801).
6.1.3 Faute d’être précisément défini dans la loi, le terme « prestations standardisées » est une notion juridique indéterminée qu’il incombe à l’adjudicateur d’interpréter et d’appliquer de manière individuelle et concrète (Domenico DI CICCO, Le prix en droit des marchés publics, 2022, p. 146). Pour déterminer si une prestation est largement standardisée, ce n'est pas tant la prestation en tant que telle qui est centrale, mais bien la description de cette prestation dans l'appel d'offres (Domenico DI CICCO/Vincent PERRITAZ, la jurisprudence en marchés publics entre 2022 et 2024, in Jean Baptiste ZUFFEREY/Martin BEYELER/Stefan SCHERLER éd., Marchés publics 2024, 2024, n. 87).
En présence de prestations largement standardisées, le pouvoir adjudicateur a la faculté de retenir l'offre du moins-disant, soit de se fonder uniquement sur le critère du prix (tel est le cas lorsque l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres ne mentionnent aucun critère). Concrètement, le pouvoir adjudicateur doit être en mesure de s'assurer, par une configuration détaillée du marché, que la prestation répond à ses besoins, sans qu'il soit nécessaire pour lui d'appliquer d'autres critères que le prix (Étienne POLTIER, op. cit., p. 310 s.).
6.1.4 Selon la fiche d'informations « prestations standardisées » d'avril 2021 édictée par la Conférence des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement (DTAP), les spécifications techniques ou les exigences à l’égard de la prestation (notamment les aspects écologiques) doivent être décrites de façon suffisamment détaillée et la qualité du produit ou de la prestation doit déjà pouvoir se déduire des normes et standards reconnus. Une telle uniformisation ou standardisation de l’objet du marché résulte notamment des prescriptions réglementaires détaillées (p. ex. législation sur la protection de l’environnement, normes internationales, p. ex. ISO, DIN). La description des prestations dans l’appel d’offres ou les documents d’appel d’offres doit être suffisamment claire et détaillée pour que les prestations proposées puissent être aisément comparées et que, pour l’essentiel, les offres ne se distinguent plus entre elles que par le prix.
6.2 Selon la jurisprudence, les irrégularités affectant l'appel d'offres doivent – en principe – être soulevées sans attendre une décision du pouvoir adjudicateur au risque de se voir opposer la tardivité ou forclusion de la contestation, pour des questions liées au principe de la bonne foi. Tel est le cas lorsque l'irrégularité dont il est question était décelable à la seule lecture des documents d'appel d'offres (ATA/1197/2024 du 15 octobre 2024 consid. 6.2 et les arrêts cités).
La forclusion tirée du principe de la bonne foi ne peut toutefois être opposée à une partie que pour les irrégularités qu'elle a effectivement constatées ou, à tout le moins, qu'elle aurait dû constater en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances. Or, l'on ne saurait exiger des soumissionnaires qu'ils procèdent à un examen juridique approfondi de l'appel d'offres et des documents de l'appel d'offres, vu leurs connaissances généralement limitées en la matière et le délai relativement court qui leur est imparti pour déposer leurs offres. Il convient, au contraire, de ne pas se montrer trop strict à cet égard et de réserver les effets de la forclusion aux seules irrégularités qui sont particulièrement évidentes ou manifestes. Cette solution offre par ailleurs l'avantage de garantir une certaine effectivité à la protection juridique dont doivent bénéficier les soumissionnaires, l'expérience enseignant que, par crainte de compromettre leurs chances d'obtenir un marché, très rares sont ceux qui, en pratique, contestent l'appel d'offres ou les documents de l'appel d'offre avant l'adjudication (ATF 141 II 307 consid. 6.7 = JdT 2016 I p. 20, 27 ; ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; ATA/1197/2024 précité consid. 7.5).
Contrairement aux décisions d'appel d'offres en procédure ouverte ou sélective, l'invitation à présenter une offre n'est pas une décision sujette à recours (art. 15 al. 1bis AIMP a contrario), ce qui vaut donc aussi des documents d'« appel d'offres » y associés. Il s'en ensuit que les griefs qui concerneraient l'invitation peuvent en principe être examinés lors du recours contre la décision d'adjudication (ATA/593/2022 du 7 juin 2022 consid. 4 ; Étienne POLTIER, op. cit., n. 811).
6.3 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 150 V 12 consid. 4.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_383/2023 du 20 février 2025 consid. 5.2). La chambre de céans suit la même approche (ATA/1394/2024 du 28 novembre 2024 consid. 3.8 et l'arrêt cité).
7. Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend l'adjudicataire, la chambre de céans a déjà tranché la question de savoir s'il était possible de recourir contre une invitation à soumissionner et les documents y relatifs, dans l'ATA/593/2022 précité (consid. 4). Elle y a répondu par la négative, si bien que les griefs de la recourante qui concernent en l'occurrence l'invitation peuvent être examinés dans la présente procédure, dirigée contre la décision d'adjudication.
Le grief sera donc déclaré recevable.
7.1 En l'espèce, l'adjudication a été prononcée sur un unique critère, celui du prix, le pouvoir adjudicateur s'étant fondé sur l'art. 43 al. 5 RMP, selon lequel l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas.
7.1.1 La première question qui se pose est celle de savoir si cette disposition s'applique aussi aux prestations de service, comme celles portant sur le contrôle d'accès à des chantiers, qui font l'objet du marché litigieux.
La réponse à cette question est positive. En effet, le Tribunal fédéral a récemment confirmé que l'expression « biens largement standardisés » inclut aussi les prestations de service (arrêt du Tribunal fédéral 2C_802/2021 précité consid. 3.1), ce dont il n'y a pas lieu de s'écarter.
Par ailleurs, si l'art. 43 al. 5 RMP ne mentionne certes que les biens largement standardisés, à l'exclusion des prestations de service, une interprétation exclusivement littérale de la loi n'est pas suffisante pour en dégager la véritable portée, dès lors que les services font partie intégrante des prestations visées par un marché public. Il convient donc d'en dégager la véritable portée selon les autres méthodes d'interprétation. Une interprétation historique n'entre pas en ligne, en l'absence de travaux préparatoires des règlements édictés par le Conseil d'État comme le RMP.
Selon une interprétation téléologique, le but de l'art. 43 al. 5 RMP est de permettre la fixation d'un unique critère aisément évaluable, celui du prix, lorsque les différentes offres, en fonction du type de marché, ne peuvent se distinguer a priori que de manière insignifiante. Il existe donc une volonté de simplifier la procédure d'évaluation des offres et de réduire les coûts de la procédure de passation, lorsque cela est possible. Un tel but n'est pas étranger aux marchés de service. Dès lors, et dans la mesure où certaines prestations de service peuvent être largement standardisées, comme certains biens, il n'y a pas lieu de restreindre la possibilité prévue par l'art. 43 al. 5 RMP aux seuls biens. À cela s'ajoute que la LMP et l'AIMP 2019, en leur art. 29 al. 4, prévoient que les prestations standardisées, et non pas seulement les biens largement standardisés, peuvent être adjugées sur la base du seul critère du prix total le plus bas. Il se justifie ainsi d'admettre que l'art. 43 al. 5 RMP s'applique également aux prestations de service.
Pour le surplus, comme le relève la recourante, jusqu'en 2013 (ATA/713/2013 du 29 octobre 2013), la chambre de céans considérait certes que l'art. 43 al. 5 RMP (anciennement al. 4) n'était pas applicable aux marchés portant sur des services. Or, cette jurisprudence doit céder le pas à celle du Tribunal fédéral mentionnée ci‑avant. La recourante ne peut donc pas tirer argument de l'ancienne jurisprudence de la chambre de céans.
7.1.2 La seconde question à trancher est celle de savoir si le marché en cause peut être considéré comme un marché de prestations de service largement standardisées.
Selon la ville, l’exécution des prestations demandées ne nécessite pas de compétences particulières. Celles-là ne varient pas d’un chantier à l’autre et le matériel de surveillance pour les accès est standard.
Or, si le degré de difficulté des tâches en cause n’apparaît certes pas très élevé, seule est décisive, pour déterminer si une prestation est largement standardisée, la description très détaillée de la prestation dans l’appel d’offres ou l’existence de normes reconnues sur laquelle elle se fonde. En l’occurrence, la prestation consistant en la création de la plateforme de gestion ne saurait être considérée comme décrite de façon suffisamment détaillée dans l’appel d’offres, étant relevé que la ville ne soutient d’ailleurs pas le contraire. En effet, la description de cette plateforme est relativement sommaire, puisqu'il y est seulement indiqué qu'il n'y a pas besoin de passerelles de gestion auprès des différents organes concernés par les entreprises (caisses paritaires, autorités, base de données) et que l'accès à la plateforme à distance doit inclure la visualisation de logs d'accès et du nombre de personnes présentes en temps réel. Il n’est ainsi pas exclu que des différences de qualité puissent être observées sur cette plateforme. En outre, aucune norme reconnue ou prescription réglementaire détaillé n’est citée dans la description de la prestation ni ne régit celle-ci.
La description de la hotline et du service de dépannage (avec maintenance des installations) est également sommaire, puisqu'il y est uniquement fait mention des horaires de ce service et du fait que le portillon doit être ouvert de manière à pouvoir laisser l'intervention éventuelle du service du feu.
Ces éléments ne permettent dès lors pas de retenir que toutes les prestations à fournir seraient largement standardisées. On perçoit en outre aisément l’intérêt qu’une surveillance de chantier soit – notamment – effectuée par une entreprise bien organisée et qui dispose d’agents d’intervention compétents et bien instruits, et donc à l’ajout d’autres critères que le prix, quand bien même ils seraient secondaires.
Par ailleurs, la ville a résilié un contrat qui la liait à la recourante depuis le début de l'année 2024 et qui portait sur la surveillance provisoire du chantier du MHN au motif que l'intéressée ne donnait pas satisfaction dans l'exécution de ses prestations (voir son courrier du 3 juillet 2024). Ainsi, et indépendamment de ce qui précède, de telles circonstances tendent à démontrer l'existence d'un intérêt important à ce que d'autres critères que le prix soient pris en compte dans l'attribution d'un marché portant sur la surveillance d'un chantier.
Par conséquent, la ville ne pouvait pas adjuger le marché sur le seul critère du prix.
Le grief sera dès lors admis et la décision attaquée annulée.
8. Un autre grief, soulevé par la recourante, est bien fondé. Bien que le recours doive déjà être admis pour les motifs exposés ci-avant, ce grief doit être examiné compte tenu de l'incidence que son admission est susceptible d’avoir sur la suite de la procédure. Celui-ci porte sur la violation des dispositions relatives aux valeurs‑seuils, étant précisé que les intimées soutiennent qu'il serait irrecevable, faute d'intérêt pratique pour la recourante à s'en prévaloir.
8.1 Chaque autorité adjudicatrice définit, de manière formelle et transparente, les limites des marchés qu'elle entend adjuger en utilisant des critères ou indices tels que le périmètre, la durée, la portée transversale de l'adjudication ou les motifs organisationnels qui justifient son choix (art. 7A al. RMP).
8.2 Selon l'art. 8 RMP, un marché est soumis aux traités internationaux si sa valeur estimée dépasse les seuils de l'annexe 1 let. a et b. En deçà, le marché n'est pas soumis aux traités internationaux (al. 1). L'estimation de la valeur du marché sert également à déterminer quelle est la procédure d'adjudication applicable, et cela conformément à l'annexe 2 (al. 2). L'art. 9 RMP prévoit que si un marché de construction, de fournitures ou de services contient des options sur des marchés ultérieurs, la valeur globale est déterminante (al. 4). La valeur des marchés est estimée hors taxe (al. 8).
8.3 L'art. 11 RMP prévoit que pour les marchés soumis aux traités internationaux, l'autorité adjudicatrice choisit entre la procédure ouverte et la procédure sélective. Si les conditions de l'art. 15 al. 3 RMP sont réalisées, elle peut passer le marché de gré à gré (al. 1). Pour les marchés non soumis aux traités internationaux, le choix de la procédure se fait conformément à l'annexe 2 (al. 2). Selon celle-ci, pour les marchés de fournitures ou de services jusqu'à CHF 250'000.-, la procédure applicable est celle sur invitation. Dès CHF 250'000.-, la procédure applicable est la procédure ouverte ou sélective.
La procédure sur invitation consiste à inviter directement et sans publication les candidats à présenter une offre. L'autorité adjudicatrice doit demander, dans la mesure du possible, au moins 3 offres (art. 14 RMP et 12 al. 1 let. bbis AIMP).
8.4 Les valeurs seuils servent à déterminer le niveau de concurrence requis lors de la passation de marchés et permettent aux adjudicateurs de choisir l'outil de passation le plus adapté à chaque marché. Elles visent à garantir la proportionnalité des efforts administratifs et des dépenses des ressources étatiques (Jean‑Michel BRAHIER, Les seuils et les multiples problèmes qui s'y rattachent, in Jean Baptiste ZUFFEREY/Martin BEYELER/Stefan SCHERLER éd., Marchés publics 2024, 2024, n. 3 s.). L'adjudicateur est en principe libre de choisir la méthode d'évaluation qui lui convient, en vertu de son pouvoir d'appréciation, pour autant que celle-ci aboutisse à une estimation suffisamment sûre. L'adjudicateur peut se fonder notamment sur ses expériences, sur celle d'autres autorités, sur des listes de prix publiées ou sur les conditions prévalant sur le marché. L'estimation du marché consiste à estimer le montant prévisionnel du marché à conclure, soit le montant du futur contrat. Il s'agit d'estimer, non pas les coûts de la prestation si elle était fournie le jour où elle est estimée, mais les prix qui pourraient être offerts pour les soumissionnaires au moment du dépôt de leurs offres. Ce coût doit couvrir l'entier de la rémunération des prestations demandées dans l'appel d'offres (ibid., n. 133 s.).
Lorsque l'adjudicateur procède à l'estimation de la valeur du marché, il doit prendre en compte la valeur estimée des prestations à acquérir et des options portant sur des acquisitions complémentaires. La valeur estimée des prestations correspond à la valeur estimée de la dépense future de l'adjudicateur. Les appels d'offres peuvent contenir des options, qui sont des prestations supplémentaires éventuelles que l'adjudicateur se réserve le droit de commander ou non. Ces options doivent être incluses dans l'estimation de la valeur d'un marché. L'art. 15 al. 3 LMP prévoit d'ailleurs que pour l’estimation de la valeur d’un marché, l’ensemble des prestations à adjuger ou des rémunérations qui sont en étroite relation d’un point de vue matériel ou juridique doivent être prises en compte. Tous les éléments des rémunérations sont pris en compte, y compris ceux qui sont liés aux options de prolongation et aux options concernant des marchés complémentaires, de même que l’ensemble des primes, émoluments, commissions et intérêts attendus, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée. L'option peut concerner la durée contractuelle ou des prestations matérielles. L'appel d'offres doit décrire les options prévues. L'option porte ainsi sur des marchés subséquents au marché initial, mais dont l'exécution est encore incertaine (ibid., n. 166 ss.)
8.5 À elle seule, l'erreur dans l'estimation de la valeur du marché ne suffit pas à interrompre la procédure. Le pouvoir adjudicateur est en droit de se tromper, aussi longtemps qu'il est de bonne foi (arrêt du TAF B-4657/2009 du 20 juillet 2010 consid. 2.7.3). La valeur du marché qui ressort de la décision d'adjudication n'est pas déterminante (arrêt du TAF B-4657/2009 du 20 juillet 2010 consid. 2.7.2) ; seule la valeur estimée par l'adjudicateur avant sa mise en soumission l'est. Ainsi, le simple fait que toutes les offres reçues soient supérieures aux estimations faites n'implique pas la reconnaissance d'une erreur. En revanche, un écart important, à savoir une différence significative entre le montant du marché estimé par l'administration et la moyenne des offres remise est de nature à remettre en cause les estimations initiales (Jean-Michel BRAHIER, op. cit., n. 205 et 207).
8.6 Lorsque l'adjudicateur sous-estime la valeur du marché à la suite d'un calcul effectué de manière imprudente, l'irrégularité peut aboutir à choisir une procédure d'adjudication erronée, insuffisamment ouverte à concurrence (Jean-Michel BRAHIER, op. cit., n. 208).
Dans un obiter dictum publié à l’ATF 141 II 353, le Tribunal fédéral a indiqué que l'on pouvait envisager des situations dans lesquelles un intérêt public prépondérant commanderait de mettre à néant un marché public même en l'absence d'erreurs graves ayant une incidence sur le sort final de l'adjudication contestée, par exemple si la fausse procédure a été appliquée (consid. 8.5).
8.7 L’intérêt digne de protection dont dépend la qualité pour recourir consiste dans l’utilité pratique inhérente à ce que la partie recourante peut, en obtenant gain de cause, influencer directement sa situation factuelle ou juridique. Le recours ne sert pas à faire contrôler abstraitement la légalité objective de l’activité étatique mais plutôt à procurer un avantage pratique à la partie recourante. Le simple objectif d’empêcher l’adverse partie d’accéder à un avantage censément illicite ne suffit pas à conférer la qualité pour recourir si cet objectif ne se rattache pas à un avantage digne de protection pour la partie recourante (ATF 141 II 307 consid. 6.2 = JdT 2016 I p. 20, 23 ; ATF 141 II 14 consid. 4.4).
L’intérêt du soumissionnaire non retenu consiste principalement dans la perspective d’obtenir lui-même l’adjudication à la place de l’adjudicataire. Il peut donc faire contrôler la décision attaquée au regard de toutes les règles de droit qui, en fait ou en droit, ont une incidence sur sa situation en ce sens que le succès du recours lui est utile pratiquement. Lorsque le soumissionnaire soulève des griefs de procédure, il n’a un intérêt digne de protection que si le succès du recours améliore sa situation. Si, par exemple, dans une procédure sur invitation, le nombre des fournisseurs appelés à présenter une offre est excessivement faible, celui dont l’offre n’a pas été retenue ne peut pas avoir d’intérêt digne de protection à ce que davantage de fournisseurs puissent participer à la procédure ; en effet, ses chances d’obtenir l’adjudication ne seraient alors pas accrues mais au contraire diminuées. La situation est différente lorsque ce soumissionnaire dénonce des vices de procédure ou de compétence graves au point d’entraîner la répétition de l’ensemble de la procédure. Dans une nouvelle procédure, ce même soumissionnaire pourrait présenter une nouvelle offre et accroître ainsi ses chances d’obtenir l’adjudication ; ainsi, il est autorisé à conclure à la mise en œuvre d'une procédure ouverte (en lieu et place d'une procédure sélective) et la qualité pour recourir doit lui être reconnue (ATF 141 II 307 consid. 6.3, 6.4 et 6.6 = JdT 2016 I p. 20, 24 ss.).
Si le recours est recevable, l'autorité judiciaire doit appliquer le droit d’office lorsque des indices d’irrégularités ressortent des argumentations présentées ou du dossier ou que des vices sont évidents. La correction de vices évidents par les autorités de recours doit assurer que la justice ne soit pas rendue sur la base de prémisses erronées (ATF 141 II 307 consid. 6.7 = JdT 2016 I p. 20, 27).
8.8 En l'espèce, il convient au préalable de préciser que l'intérêt de la recourante à se plaindre du fait que le pouvoir adjudicateur ait organisé une procédure sur invitation, qui lui est favorable, plutôt qu'ouverte n'est pas évident. Toutefois, dans la mesure où le recours doit déjà être admis pour un autre motif et où la correction de vices évidents, comme celui dénoncé par la recourante, par les autorités de recours doit assurer que la justice ne soit pas rendue sur la base de prémisses erronées, il se justifie d'entrer en matière sur le grief.
Le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure sur invitation, la valeur du marché, estimée à CHF 140'000.- HT, ne dépassant pas, selon ses calculs, CHF 250'000.-.
Il ressort des explications de la ville que celle-ci a demandé aux candidats de chiffrer certains postes sans les inclure dans le montant de l'offre, lesquels n'ont ainsi pas été pris en compte dans l'estimation de la valeur du marché. Il s'agissait, selon ses explications, de remettre des éléments chiffrés pour d'éventuelles prolongations.
Il n'est pas contesté que ces éléments portent sur d'éventuelles prolongations, liées à la durée contractuelle ou à des prestations matérielles (badges supplémentaires ; mise à disposition du service de dépannage, intervention d'urgence et maintenance des installations pour un mois supplémentaire ; location pour un mois supplémentaire du tourniquet ; location pour un mois supplémentaire du portillon matériel ; location pour un mois supplémentaire du coffret pour portillon ; présence d'un second agent, éventuellement pour un mois supplémentaire). Il s'agit donc d'options. Or, les options doivent être incluses dans l'estimation de la valeur d'un marché, conformément à ce que suggère l'art. 9 RMP, en tant que cette disposition indique que la valeur globale est déterminante dans l'estimation de la valeur du marché, et conformément à la doctrine précitée. La ville ne pouvait donc pas ignorer ces montants.
L'écart entre le montant du marché estimé par la ville et la moyenne des offres remises, comprenant les options, est important. Les offres des soumissionnaires, avec lesdites options, se montent à CHF 275'754.- et CHF 329'113.70, soit une moyenne de CHF 302'433.85 correspondant à un dépassement de 116% de la valeur estimée. Cette différence significative est de nature à remettre en cause les estimations initiales. En outre, l'erreur de calcul commise par la ville, qui n'est pas due à une simple inadvertance de sa part mais à une mauvaise application du droit, a eu une incidence importante sur le déroulement de la procédure, puisqu'elle a conduit au choix d'une procédure erronée. En effet, tant la moyenne des offres avec les options que chaque offre prise individuellement sont supérieures (nettement pour la moyenne et très nettement pour l'offre de la recourante) au seuil de CHF 250'000.-. La ville aurait donc dû mettre en œuvre une procédure ouverte ou sélective au lieu d'une procédure sur invitation. Ce vice, qui est important, était facilement décelable.
La cause sera donc renvoyée à la ville pour organisation d'une nouvelle procédure tenant compte, dans l'estimation de la valeur du marché, des options portant sur des acquisitions complémentaires ou des prolongations.
9. Enfin, la recourante conclut au versement d'une indemnité de CHF 13'329.55 à titre de réparation de son dommage.
9.1 Si le contrat est déjà conclu et que le recours est jugé bien fondé, l'autorité de recours constate le caractère illicite de la décision (art. 18 al. 2 AIMP). Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation de son dommage, limité aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP).
9.2 En l'espèce, la chambre de céans a restitué l'effet suspensif au recours, si bien que le contrat n'a pas été conclu. Par conséquent, la recourante ne peut prétendre à aucune indemnité à titre de réparation de son éventuel dommage.
Le fait que la ville ait adjugé provisoirement et dans l'urgence à E______ un marché de gré à gré portant sur la surveillance du chantier du MHN n'y change rien, ce d'autant moins que rien n'indique que les prestations couvertes par le marché litigieux auraient déjà été toutes réalisées. En effet, selon le planning des travaux du MHN, ceux-ci se termineront en principe en mars 2027. En outre, la ville a indiqué, dans sa réponse au recours, que la réouverture du MHN était prévue dans le courant du printemps 2025 et que les travaux se poursuivraient dans les parties non accessibles au public.
10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de B______ (art. 87 al. 1 LPA). Aucun émolument ne sera mis à la charge de la ville, qui en est dispensée de par la loi (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de la ville à hauteur de CHF 1'000.- et de B______ à hauteur de CHF 500.- (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2024 par A______ SA contre la décision de la ville de Genève du 6 mai 2024 ;
au fond :
l'admet partiellement ;
annule la décision d'adjudication de la ville de Genève du 6 mai 2024 ;
renvoie le dossier à la ville de Genève pour organisation d'un nouveau marché, au sens des considérants ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de B______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ SA, à la charge de la ville de Genève à hauteur de CHF 1'000.- et de B______ SA à hauteur de CHF 500.- ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Guillaume ÉTIER, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, à Mes Guillaume FRANCIOLI et Federica PANETTI, avocats de B______ SA, ainsi qu’à la commission de la concurrence.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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