Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1433/2024 du 09.12.2024 ( EXPLOI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1940/2024-EXPLOI ATA/1433/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 9 décembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
DÉPARTEMENT DE L’ÉCONOMIE ET DE L’EMPLOI intimé
A. a. A______ exploite une entreprise en raison individuelle de chauffeur de taxi.
b. Le 13 février 2021, il a présenté une demande d’aide « pour cas de rigueur » dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.
c. Par décision du 10 mars 2021, le département du développement économique, devenu depuis lors le département de l’économie et de l’emploi (ci‑après : le département), a accordé à A______ une aide financière de CHF 10'934.30 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020. Ce montant tenait compte d’un chiffre d’affaires de CHF 12'500.-, de coûts totaux incluant le salaire du chef d’entreprise de CHF 44'628.- et de coûts fixes de CHF 16'162.80 pour l’année 2020.
d. Le 26 octobre 2021, A______ a présenté une demande d’aide complémentaire pour la période de janvier à juin 2021.
e. Le 26 novembre 2021, le département lui a indiqué qu’il ne lui était pas possible de donner suite à sa demande, faute pour lui d’avoir indiqué qu’il avait bénéficié de l’aide « pour cas de rigueur »
f. Le 27 novembre 2021, A______ a formé une nouvelle demande d’aide complémentaire.
g. Par décision du 23 décembre 2021, le département lui a accordé une aide financière complémentaire de CHF 5'476.- pour la période de janvier à juin 2021. Ce montant prenait en compte les bénéfices des exercices 2018 et 2019 pour déterminer la charge salariale à additionner aux coûts totaux communiqués pour 2021. Pour la période de janvier à juin 2021, le chiffre d’affaires pris en compte était de CHF 12'370.-, les coûts totaux, incluant le salaire du chef d’entreprise, de CHF 22'795.- et les coûts fixes de CHF 6'896.-.
h. Par décision du 24 mars 2022, le département a accordé à A______ une aide complémentaire de CHF 5'467.-, compte tenu que le recul de son chiffre d’affaires avait été supérieur à 70%, et lui a indiqué qu’avec ce montant il avait épuisé son droit aux aides.
i. Par décision du 7 février 2024, le département a réclamé à A______ le remboursement de CHF 5'467.10.
Il ressortait des états financiers 2020 qu’il avait remis et de l’avis de taxation que le chiffre d’affaires s’élevait à CHF 24'335.- après prise en compte de allocations pour perte de gain (ci-après : APG) perçues pour un total de CHF 11'835.-. Les coûts totaux étaient de CHF 18'863.- et les coûts fixes de CHF 16'162.80.
Pour tenir compte de la situation propre aux sociétés de personnes dont le salaire du chef d’entreprise n’apparaissait pas comptablement dans les coûts totaux, le département se basait sur les bénéfices réalisés par l’entreprise lors des exercices 2018 et 2019 pour déterminer la charge salariale à additionner au montant de coûts totaux 2020. Dans son cas, la charge s’élevait à CHF 25'033.-, correspondant à la moyenne de ses bénéfices pour 2018 et 2019.
En tenant compte de chiffres d’affaires revus pour 2018 et 2019 de CHF 57'669.60 et CHF 51'669.60, d’un chiffre d’affaires revu pour 2020 de CHF 24'335.-, de coûts totaux incluant son salaire de CHF 43'896.- et de coûts fixes revus de CHF 26'599.‑, l’aide à laquelle il avait droit s’élevait à CHF 16'400.88, correspondant au plafond de 30% du chiffre d’affaires moyen auquel son entreprise pouvait nouvellement prétendre.
Le recul du chiffre d’affaires recalculé s’élevait à 55.49%, et non plus 77.14%, de sorte que l’entreprise pouvait bénéficier du rehaussement du plafond à 30%, mais non du rehaussement à 40%. La différence entre l’aide perçue (CHF 21'868.-) et l’aide exigible (CHF 16'400.90), soit CHF 5'467.10, devait être remboursée.
j. Le 4 mars 2024, A______ a élevé réclamation contre cette décision.
La somme de CHF 12'500.- qu’il avait déclarée pour l’année 2020 au titre du chiffre d’affaires avait également été retenue par l’administration fiscale au titre de produit d’exploitation. C’était par erreur que le département y avait ajouté les APG. L’administration fiscale considérait celles-ci comme une recette séparée du chiffre d’affaires qui portait sur les revenus générés par son activité de taxi.
k. Par décision du 15 mai 2024, le département a rejeté la réclamation et confirmé la décision du 7 février 2024.
Le chiffre d’affaires comprenait l’ensemble des recettes de l’entreprise, y compris les APG. Cela valait pour l’imposition comme pour le droit aux aides Covid-19.
B. a. Par acte remis à la poste le 7 juin 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à un réexamen de l’ensemble de son dossier d’aide financière et à ce que la chambre administrative « valide ou non » la demande de remboursement partiel.
Les éventuelles indemnités Covid-19 ne faisaient pas partie du revenu de l’activité indépendante, selon un document de l’office cantonal des assurances sociales qu’il produisait. Il n’avait pas demandé la troisième tranche d’aide.
À cela s’ajoutait que l’activité de chauffeur de taxi n’était pas encore revenue au niveau d’avant la pandémie. La troisième allocation lui avait permis de rattraper ses retards dans le paiement de factures. Son épouse avait subi deux opérations importantes et était sans travail depuis un an. S’en était suivie une perte de revenus pour la famille, qui comptait deux adultes et deux enfants, et l’avait mis dans l’impossibilité de payer toutes ses primes d’assurance et ses cotisations AVS en 2024.
Il ne pouvait rembourser cette troisième tranche sans précipiter sa famille dans la précarité. À la lecture du courrier du département, il avait fait un malaise cardiaque pour lequel un médecin lui avait prescrit un traitement anti-stress de six mois, un examen cardiologique et l’avait dirigé vers un psychiatre.
b. Le 5 juillet 2024, le département a conclu au rejet du recours.
Seule la qualification des indemnités pour perte de gain était litigieuse. Celles-ci faisaient partie du chiffre d’affaires.
c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
d. Le 9 août 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 19 al. 2 de la loi 12'938 du 30 avril 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 - LAFE-2021 ; art. 27 al. 5 du règlement d'application de la LAFE-2021 - RAFE-2021 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision par laquelle le département a exigé du recourant la restitution de CHF 5'467.10 à titre de trop-perçu d’aides Covid-19 pour cas de rigueur.
2.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.
2.2 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid‑19 (loi Covid-19 - RS 818.102). Cette loi est applicable au cas d’espèce dans ses versions des 1er janvier, 1er juillet et 19 octobre 2021.
À son art. 12 al. 1, celle-ci prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises et les modalités de l’intervention de la Confédération à la demande des cantons. L’art. 12 al. 1bis, introduit le 18 décembre 2020, prévoit qu’il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts. Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un chiffre d’affaires de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).
Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ou OMCR-20 ; RS 951.262). Cette ordonnance est ici applicable dans ses versions des 14 janvier, 19 juin et 1er octobre 2021.
Selon l’art.1 al. 1 OMCR-20, en vertu de l’art. 12 de la loi Covid-19 et dans les limites du crédit d’engagement approuvé par l’Assemblée fédérale, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton si les conditions énoncées sont réunies.
L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1 OMCR‑20). Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020 selon la version du 14 janvier 2021 puis avant le 1er octobre 2020 à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021 (art. 3 al. 1 let. a OMCR-20), cette condition étant quoi qu’il en soit réalisée en l’espèce, et a réalisé en 2018 et en 2019 un chiffre d’affaires moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b OMCR-20). Toujours à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021, l’art. 3 al. 3 OMCR-20 prévoit que le chiffre d’affaires au sens de cette ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante. Cette disposition vise toutefois à préciser les modalités de la prise en compte du chiffre d’affaires des sociétés mères d’un groupe (voir ATA/474/2023 du 24 avril 2023 consid. 9a).
2.3 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la aLAFE-2021.
À teneur de l’art. 1 aLAFE-2021, la loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (al. 3).
Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).
Selon l’art. 3 al. 1 aLAFE-2021, peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (let. a), ou dont le chiffre d’affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (let. b) ou dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (let. c).
L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1 aLAFE‑2021).
L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8 aLAFE-2021), dont le chiffre d’affaires est inférieur à 60% du chiffre d’affaires antérieur (art. 9 à 11 aLAFE-2021), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 12a LAFE-2021).
L’indemnité – versée aux établissements dont l'activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales – n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1 aLAFE-202).
Aux termes de l'art. 14 aLAFE-2021, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire. La demande est adressée au département sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles attestant des coûts fixes du bénéficiaire (al. 1). Sur la base des pièces justificatives fournies, le département constate si le bénéficiaire remplit les conditions d’octroi de l’aide financière, calcule le montant de celle-ci et procède au versement (art. 14 al. 3).
Selon l'art. 15 aLAFE-2021, intitulé « obligation de renseigner », le bénéficiaire de l’aide et/ou son mandataire collaborent à l’instruction du dossier et renseignent régulièrement le département afin de lui présenter une image fidèle et transparente de l'évolution des charges du bénéficiaire (al. 1) ; le demandeur autorise en tout temps le contrôle du respect des conventions collectives ou usages applicables ainsi que le paiement effectif des charges sociales (al. 2) ; le département peut en tout temps effectuer des contrôles dans les locaux du bénéficiaire et y consulter les livres, ou tout document utile, et être renseigné sur l'état de comptes bancaires ou postaux (al. 3).
2.4 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ROLG 2021 p. 31 ; ci-après : aRAFE-2021).
Selon l’art. 3 aRAFE-2021, sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du chiffre d’affaires définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40%, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (al. 2).
L'aide financière est à fonds perdu (art. 4 al. 1 aRAFE-2021). Elle consiste en une participation de l'État de Genève destinée à endosser les coûts fixes non couverts de l'entreprise.
Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton de Genève pour endiguer l’épidémie de covid-19, ont dû cesser totalement ou partiellement leur activité suite à la fermeture de leur établissement pour au moins 40 jours en le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 (art. 8 al. 1 aRAFE-2021). Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui peuvent démontrer que la baisse de leur chiffre d’affaires 2020 enregistrée se situe entre 25% et 40% du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19 (art. 14 al. 1 aRAFE-2021).
Selon l'art. 17 aRAFE-2021, l'entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet notamment au département d'obtenir des données sur l'entreprise nécessaires à l'étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d'autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L'entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le département, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l'octroi d'une aide s'engagent à faire parvenir au département, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l'aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d'octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).
Les montants indûment perçus, conformément à l'art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021). Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du département tout évènement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 24 al. 2 aRAFE-2021).
2.5 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la LAFE-2021, qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.
L’aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l’État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l’entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 LAFE-2021).
Peuvent comme précédemment prétendre à une aide les entreprises qui doivent cesser totalement ou partiellement leur activité en raison des mesures prises par les autorités, l’aide n’étant octroyée que pour la période durant laquelle l’activité a été totalement ou partiellement interdire (art. 4 al. 1 let. a et 7 al. 1 LAFE-2021), ainsi que celles dont la baisse du chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 4 al. 1 let. c et 9 al. 1 let. a LAFE-2021).
Les dispositions relatives aux modalités du dépôt des demandes, à l’obligation générale de renseigner et à la participation financière indûment perçue sont reprises aux art. 15, 16 et 17 LAFE-2021.
2.6 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le RAFE-2021, qui a abrogé l’aRAFE‑2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.
2.7 La LAFE-2021 a ensuite été modifiée le 2 juillet (ROLG 2021, p. 454) puis le 7 octobre 2021 (ROLG 2021, p. 536). Le RAFE-2021 a en conséquence été modifié le 7 juillet 2021 (ROLG 2021, p. 466). Ces modifications sont toutefois sans effet sur la résolution du présent litige.
2.8 De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu'un intérêt public particulièrement important l'impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).
2.9 Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).
2.10 La chambre de céans a retenu, au sujet de la notion de chiffre d’affaires et de sa détermination, que, vu l’absence de définition de celui-ci dans les lois et ordonnances applicables en matière de Covid‑19, l’autorité pouvait, à juste titre, considérer que le chiffre d’affaires résultait de la somme des ventes de biens ou de services d’une entreprise au cours d’un exercice comptable. Cette manière de faire, en ce qu’elle permettait d’identifier les seules pertes en lien avec les mesures adoptées pour lutter contre l’épidémie, n’était pas choquante et permettait d’appréhender l’activité réelle de l’entreprise dans le respect de l’art. 3 al. 3 LAFE‑2021 (ATA/474/2023 du 24 avril 2023 consid. 9).
2.11 La comptabilité commerciale des entreprises est indispensable à l’État pour connaître les bases d’imposition et effectuer les taxations appropriées. Parfois, les règles fiscales, qui reflètent les préoccupations de prélèvements publics, divergeront des règles comptables, qui se concentrent sur la gestion de l’entreprise. Des ajustements seront alors nécessaires en fonction du public visé par les états financiers (Rémy BUCHELER, Abrégé de droit comptable, 2015, p. 5 n. 4).
La notion de chiffre d’affaires n'est pas définie explicitement par le droit comptable. Cette même notion est utilisée dans le cadre du droit de la révision sans définition législative explicite. Il ne comprend pas uniquement le chiffre d’affaires résultant des ventes et des prestations de services, notion régulièrement mentionnées dans la loi. En effet, les sources de revenus sont bien plus larges. Selon la chambre fiduciaire, « le chiffre d’affaires englobe en principe tous les revenus du compte de résultat. En font partie tous les produits d'exploitation, produits hors exploitation et produits exceptionnels, notamment les produits d'intérêts, de dividendes et de licences. Dans le cas de produits exceptionnels, il convient le cas échéant de procéder à une différenciation ». Tous les revenus tirés par l'entreprise de ses activités, quelles qu'elles soient, sont ainsi pertinents pour l'appréciation de sa situation économique (Rémy BUCHELER, op. cit., p. 56 et 57).
2.12 Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, dès lors qu’il n’apparaît pas, à teneur de la législation précitée, que les APG ne devraient pas être comptés dans le chiffre d’affaires, rien ne s’oppose à ce que le département, qui indique de manière convaincante se fonder sur le Manuel suisse d’audit, procède de la sorte et les intègre au chiffre d’affaires (ATA/1388/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.1 ; ATA/711/2023 du 29 juin 2023 consid. 3.9 ; ATA/146/2022 du 8 février 2022 consid. 2e).
2.13 En l’espèce, ni le montant du salaire du recourant ni les celui des coûts totaux ne sont litigieux. Le recourant conteste que les APG qu’il a perçues doivent être additionnées à son chiffre d’affaires.
Or, selon la jurisprudence constate de la chambre de céans citée plus haut, les APG font bien partie du chiffre d’affaires. Cette conclusion apparaît en outre logique et aisément compréhensible dans la mesure où les APG remplacent un gain perdu et se substituent à lui dans les produits de l’entreprise. L’administration fiscale d’ailleurs a également pris en compte les APG. La décision litigieuse apparaît ainsi exemple de reproches.
Le fait que le département se soit initialement fondé sur les indications fournies par le recourant pour verser les aides, puis ait réexaminé la situation financière, est propre au mécanisme rapide des aides financières Covid et résulte de la loi.
Le fait que l’office cantonal des assurances sociales ne compte pas les APG, comme le fait valoir le recourant, n’est pas pertinent dès lors qu’il s’agit de calculer le revenu soumis à cotisations sociales et non le chiffre d’affaires déterminant pour une aide étatique ou la taxation fiscale.
Les variations conjoncturelles de son activité professionnelle et les difficultés économiques éprouvées par le recourant sont pareillement sans effet sur l’issue du litige, étant précisé que le recourant peut demander au département d’établir un plan de remboursement qui tienne compte de sa situation financière.
Il découle de ce qui précède que la décision litigieuse est conforme au droit. Le recours sera en conséquence rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 200.- tenant compte de sa situation économique sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2024 par A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 15 mai 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l’économie et de l’emploi.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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