Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1323/2024 du 12.11.2024 sur JTAPI/344/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/732/2023-PE ATA/1323/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 novembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A_____ recourant
représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 avril 2024 (JTAPI/344/2024)
A. a. A_____, né au Maroc le ______1969, est ressortissant d’Espagne.
b. Le 31 mars 2004, il a épousé B_____, ressortissante espagnole née le ______ 1977. Le couple a trois enfants : C_____, né le ______ 2007, D_____, né ______ 2010, et E_____, né le ______ 2016.
c. Le 22 mars 2018, F_____ à Carouge a déposé une demande d’autorisation pour frontalier en faveur de A_____ domicilié rue G_____ , à H_____ (France).
d. Dès le 3 avril 2018, A_____ a bénéficié d’un permis de séjour pour frontalier (permis G) valable jusqu’au 2 avril 2023.
e. Le 1er juillet 2019, il a été engagé par I_____ (ci-après : I_____), succursale de Versoix, en qualité de chef d’équipe.
f. Le 8 juillet 2021, A_____ a annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) son arrivée (seul) à Genève et sa prise de domicile chez M. J_____ au __, rue K_____, L______.
Il a notamment produit un contrat de bail du 16 juin 2021 portant sur la location d’une chambre meublée sans jouissance de la cuisine ni de la salle de bain, qu’il devait laisser libre deux week-ends par mois, au loyer mensuel de CHF 350.- et un formulaire M de demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi tamponné par I_____, succursale en France (Saint-Genis-Pouilly) le 3 juillet 2021, selon lequel il occupait un poste de chef d’équipe pour un salaire mensuel de CHF 6'300.- et était domicilié à Genève à l’adresse précitée.
g. L’OCPM lui a alors délivré une autorisation de séjour avec activité lucrative (permis B-CE) valable jusqu’au 7 juillet 2026.
h. Par courriel du 5 juillet 2022, M_____, responsable contrat de maintenance chez I_____, a indiqué à l’OCPM qu’elle n’avait jamais signé ni tamponné le formulaire M du 3 juillet 2021 et n’en avait pas connaissance. Ce formulaire était daté d’un samedi et tamponné par la succursale française de I_____ alors que l’entreprise ne faisait tamponner et signer un formulaire M que par son représentant en Suisse, ses salariés étant employés sous contrat de travail suisse. De plus, cette représentation suisse ne travaillait pas le samedi.
i. Par courriel du 23 juin 2022, I_____ avait demandé à l’OCPM une copie de ce formulaire M en indiquant qu’elle n’était pas au courant du changement d’adresse de A_____ en Suisse ni de son changement de permis G en permis B.
j. Le 26 juin 2022, A_____ a annoncé à l’OCPM son changement d’adresse au __, route de L_____ dans une chambre meublée au loyer mensuel de CHF 620.-, chez N_____ et O______.
k. Le même jour, I_____ a résilié le contrat de travail de l’intéressé avec effet au 31 août 2022.
l. Le 1er septembre 2022, A_____ s’est inscrit auprès de l’assurance-chômage.
m. Le 21 septembre 2022, la caisse de chômage UNIA a sollicité une enquête de la part de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) afin de vérifier si A_____ résidait effectivement dans le canton de Genève. Selon les pièces de son dossier, le doute persistait dans la mesure où sa femme et ses enfants résidaient en France.
n. Par courriel du 11 octobre 2022, la Mairie de H_____ (France) a indiqué à l’OCPM que A_____ résidait au __, rue G_____, H_____. Un logement lui avait été attribué en janvier 2017 et la boîte aux lettres était à son nom.
o. À teneur d’un rapport d’enquête de l’OCPM du 12 octobre 2022 (rapport d’entraide administrative interdépartementale), au vu des faits vérifiés et des informations collectées lors des investigations, l’enquêteur n’était pas en mesure de certifier une présence permanente et régulière de l’intéressé à son adresse à L_____, alors que ce dernier avait déclaré y être domicilié depuis le 26 juin 2022.
p. Par courrier du 19 décembre 2022, l’OCPM a fait part à A_____ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation de séjour, au motif qu’il n’avait pas démontré avoir établi et maintenu le centre de ses intérêts et sa résidence effective à Genève depuis son arrivée annoncée le 8 juillet 2021.
q. Par courrier du 17 janvier 2023, l’intéressé a fait valoir qu’il habitait à Genève depuis le 1er juillet 2021, d’abord chez M. J_____ puis chez N_____, dès le 1er juillet 2022. Le logement familial loué à H_____ était provisoire et il ne menait aucune vie sociale ni activités en France. Le centre de toutes ses relations professionnelles et personnelles, de même que celles de sa famille, se trouvait à Genève. Son épouse et ses enfants se déplaçaient à Genève pour passer des moments en famille. Il avait inscrit ses enfants à des cours d’arabe à Genève afin qu’ils se familiarisent avec la Suisse et se fassent des amis genevois, en vue de leur futur déménagement. C’était également à Genève qu’il avait commencé une formation de CFC d’automaticien. Il avait préparé l’affiliation de son épouse et ses enfants à une assurance-maladie suisse. Enfin, il cherchait activement un logement plus grand et un emploi en vue d’un regroupement familial en Suisse.
r. Par décision du 24 janvier 2023, l’OCPM a constaté la caducité de l’autorisation de séjour de A_____ depuis le 30 juillet 2017, soit six mois après la date indiquée (janvier 2017) dans le rapport d’entraide administrative interdépartementale du 12 décembre (recte : octobre) 2022, en application de l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Son départ de Suisse était enregistré à la même date.
B. a. Par acte du 23 février 2023, A_____ a recouru (procédure A/732/2022) contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI). Il sollicitait l’audition de quatre témoins pour prouver sa domiciliation à Genève, soit Messieurs P______, Q______, R______ et S______.
Depuis l’annonce de son arrivée, le 8 juillet 2021, il vivait à Genève avec le projet de faire venir son épouse et leurs enfants, le temps qu’il trouve un emploi et un logement adapté. L’appartement de H_____ n’était qu’une solution transitoire et il recherchait activement un logement familial adéquat à Genève. Son centre de vie s’y trouvait et son épouse et ses enfants se déplaçaient en Suisse pour passer des moments en famille. Aucune vie sociale et familiale n’était possible à H_____, l’appartement n’ayant que deux chambres. Ses enfants se rendaient au centre islamique de Genève. Il fréquentait les restaurants, cafés, boulangeries genevois et tous les gens qui le connaissaient, notamment ses voisins, attestaient de sa présence effective dans le canton de Genève. Il avait annoncé son départ de France et passait l’essentiel, voire l’intégralité de ses appels téléphoniques depuis la Suisse. Il disposait d’un véhicule immatriculé à Genève et d’un macaron et avait déjà fait l’objet de multiples contraventions pour mauvais stationnement. Il avait également contracté une assurance-maladie et complémentaire en Suisse et ses relevés bancaires démontraient que toutes ses dépenses étaient effectuées dans le canton de Genève. Il avait demandé à son assurance-maladie, en juillet 2022, des propositions en vue d’assurer les autres membres de la famille. Il avait suivi une formation d’automaticien auprès de l’École de la mécatronique industrielle, durant l’année scolaire 2022-2023, et avait récemment trouvé un emploi. Son fils apprenait l’arabe auprès de la Fondation culturelle islamique à Genève. S’il avait été absent lors des heures de passages de l’enquêteur de l’OCPM chez lui, les 11 et 12 octobre 2022 (12h et 7h), c’était parce qu’il était en cours. En déduire qu’il ne vivait pas à Genève était dès lors arbitraire. Ainsi, l’OCPM avait prononcé à tort la caducité de son autorisation de séjour.
Il a produit une attestation de logement de N_____, des témoignages écrits attestant de sa présence en Suisse, la résiliation de son contrat de travail, des factures de T______, des captures d’écrans d’appels téléphoniques effectués d’octobre 2022 à janvier 2023, des contraventions reçues à Genève, son contrat d’assurance RC pour véhicule automobile, une copie de son macaron, une attestation d’inscription à une mesure en faveur de l’emploi à L_____, une attestation du 24 octobre 2022 de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue certifiant qu’il était inscrit dans le dispositif Qualifications+ dans le but d’obtenir un Certificat fédéral de capacité « Automaticien CFC », une attestation de scolarité du 21 octobre 2022 auprès de l’école CFP Technique en filière Automaticien, dual (CFC), dès le 31 aout 2022, pour l’année 2022-2023, des factures de primes d’assurance-maladie LAMal et complémentaires LCA, un formulaire de demande de logement à la Fondation L_____, des relevés bancaires auprès de l’AC______, une promesse d’engagement du 15 février 2023 de U______ dès le 6 mars 2023, des copies d’échanges de courriels avec son futur employeur, des factures de téléphone détaillées et une copie du programme de ses cours, des factures établies à son nom, à son adresse à H______ (France) par la Fondation culturelle islamique de Genève, école arabe de Genève, pour le frais de scolarité 2020/2021 de D_____.
b. Le 6 mars 2023, il a été engagé par V______, jusqu’au 5 septembre 2023.
c. Par décision du 4 mai 2023, annulant et remplaçant celle du 24 janvier 2023, l’OCPM a prononcé la caducité de l’autorisation de séjour de A_____ depuis le 9 juillet 2021, soit le lendemain de son prononcé, en application des art. 61 al. 2 LEI et 79 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Son départ était enregistré à la même date.
L’intéressé n’avait pas été en mesure de justifier à satisfaction de droit avoir établi et maintenu le centre de ses intérêts et sa résidence effective chez M. J_____ au __, rue K_____, L______ depuis son arrivée à Genève annoncée le 8 juillet 2021. Il n’avait jamais résidé aux adresses indiquées à l’OCPM depuis juillet 2021. Les justificatifs fournis permettaient certes de constater une activité professionnelle sur sol suisse mais en aucun cas une domiciliation effective et réelle à Genève. Il résidait en réalité au __, rue de G______, H_____, en France, où un logement, dont la boîte aux lettres portait son nom, lui avait été attribué en 2017, selon les renseignements obtenus auprès de la Mairie de H_____. Au vu de ces éléments, le centre de ses intérêts était demeuré en France.
d. Par courrier du 5 mai 2023, l’OCPM a informé le TAPI qu’il annulait sa décision du 24 janvier 2023 au motif qu’elle contenait une erreur matérielle, à savoir que l’intéressé n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour en 2017. La procédure A/732/2923 devenait dès lors sans objet et une nouvelle décision serait prochainement notifiée.
e. Par courrier du 23 mai 2023, faisant suite à l’interpellation du TAPI relative à la suite de la procédure A/732/2023, A_____ a indiqué qu’il voulait la poursuivre dans la mesure où le dispositif de la nouvelle décision de l’OCPM était identique à l’ancien. L’erreur de plume ayant fait débuter son permis le 30 juillet 2017 au lieu du 9 juillet 2021 ne modifiait pas le contenu de la décision. Il invitait dès lors le TAPI à considérer que son recours concernait également la décision du 4 mai 2023.
Il avait fait l’objet d’un contrôle de l’Hospice général dont il était ressorti qu’il était domicilié route de L_____ , L______, et qu’il se rendait le week-end en France auprès de sa famille. Il souhaitait toutefois trouver un logement convenable à Genève pour que cette dernière puisse s’installer à ses côtés et avait entrepris des démarches en ce sens.
Il a notamment joint le rapport d’enquête effectué par l’Hospice général le 10 mars 2023, dont la teneur est la suivante : « L'usager se présente au SEC. Il nous déclare louer une chambre à coucher au sein de l'immeuble situé à l'adresse susmentionnée (ie : route de L_____ , L_____) qui appartient à la famille NO_____. Selon ses dires, l'intéressé occupe cette chambre durant la semaine (du lundi au vendredi) et retrouve, uniquement les week-ends, ses enfants ainsi que son épouse en France voisine. Le bénéficiaire nous explique vouloir, dans un avenir proche, définitivement s'installer à Genève avec sa famille lorsque cela sera financièrement possible. M. A_____ nous affirme notamment travailler au sein de la société « V______ » depuis le 6 mars 2023 et ce, jusqu'au 5 septembre 2023 (CDD renouvelable). Une copie du contrat de travail en question nous est également remise par l'intéressé, lors de l'entrevue.
L'usager nous permet ensuite l'exécution de la visite domiciliaire à la route de L_____ , L______, en nous communicant le code de l'interphone de l'immeuble (12BA1). La chambre, située au rez-de-chaussée, est composée d'un lit simple, un réfrigérateur contenant plusieurs aliments, un bureau avec un ordinateur et une armoire. Plusieurs vestes, sous-vêtements, pantalons ainsi que des pulls et T‑shirts du bénéficiaire sont également constatés au sein de l'armoire de la pièce. La visite domiciliaire corrobore les déclarations de l'intéressé ».
Il a également produit un courrier de la « Fondation L_____ » du 3 avril 2023, confirmant avoir enregistré son dossier d’inscription pour un logement de cinq pièces, valable une année, tout en précisant qu’elle avait plus de 400 dossiers en attente et lui conseillant dès lors d’entreprendre des recherches auprès d’autres fondations et régies de la place.
f. Par nouvel acte du 2 juin 2023, A_____ a recouru contre la décision de l’OCPM du 4 mai 2023. Il a repris en substance les faits et arguments invoqués dans son précédent recours.
g. Par courrier du 8 juin 2023, le TAPI a informé les parties que, dans la mesure où la décision du 4 mai 2023 n’avait pas rendu le recours sans objet, il continuerait de le traiter sous le n°de cause A/732/2023.
h. Par décision du 22 juin 2023, le TAPI a joint les deux causes sous le numéro de cause A/732/2023.
i. Par courrier reçu par le TAPI le 29 juin 2023, A_____ a fait valoir qu’il avait trouvé un appartement dans lequel il allait « faire venir » son épouse et son fils E_____, dans l’attente de trouver un logement de cinq pièces minimum. Une demande d’autorisation de séjour avait également été déposée en faveur de sa femme et son fils (formulaires M datés 20 juin 2023).
Il a notamment joint la copie d’un contrat de bail du 14 juin 2023 d’une durée de six mois, renouvelable, portant sur un appartement meublé de trois pièces sis au __, rue W______, L______, au loyer de CHF 1'240.-, charges comprises.
j. Par formulaire électronique du 7 juillet 2023, il a annoncé son changement d’adresse à l’adresse précitée, dès le 1er juillet 2023. Cette annonce concernait également son épouse et son fils E_____.
k. Dans ses observations du 11 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.
Son affiliation à la LAMal de même que l’immatriculation de son véhicule en Suisse étaient la conséquence de son enregistrement - en tant que résident - dans le registre des habitants au moment de la délivrance de son autorisation de séjour. Quant aux retraits d’argent et repas pris à Genève, ils allaient de pair avec l’exercice d’une activité professionnelle à Genève. Ces éléments ne suffisaient donc pas à prouver une domiciliation effective.
La chambre louée par l’intéressé correspondait davantage à une résidence secondaire lui permettant de séjourner de temps à autre à proximité de son lieu de travail, à l’instar de nombreux travailleurs frontaliers, tout en conservant son domicile principal et le centre de ses intérêts en France auprès de sa famille.
Pour le surplus, la question de savoir si le recourant remplissait désormais les conditions légales pour obtenir une autorisation de séjour fondée sur l’ALCP ne relevait pas de la présente procédure. Il en allait de même de la demande de regroupement familial déposée en faveur de son épouse et ses enfants.
l. Dans sa réplique, A_____ a fait valoir qu’il avait démontré par pièces être domicilié en Suisse, où il disposait d’une assurance‑maladie et d’un véhicule, avait effectué sa formation, effectuait ses achats et ses sorties en famille ainsi que la plupart de ses appels et où ses enfants suivaient des cours de religion. Ces éléments cumulés avec le fait qu’il cherchait un logement convenable pour l’ensemble de sa famille afin qu’elle puisse définitivement s’installer avec lui prouvaient qu’il avait maintenu l’ensemble de ses intérêts et son domicile à Genève, depuis son arrivée.
Il allait être engagé en contrat de durée indéterminée par son employeur dès le mois de septembre 2023 ce qui allait lui permettre de trouver un logement adapté de cinq pièces pour sa famille. L’OCPM estimait que les pièces produites n’avaient pas de force probante suffisante mais n’indiquait pas quels documents auraient permis de prouver sa résidence effective à Genève.
m. Le 15 décembre 2023, l’intéressé a fait parvenir au TAPI, à sa demande, des pièces complémentaires, notamment ses trois dernières fiches de salaire (septembre à novembre 2023), une attestation de scolarité du 21 octobre 2022 au CFP TECHNIQUE, des polices d’assurance-maladie V______ pour les années 2023-2024 et une attestation de scolarité de son fils E_____ auprès de l’école L_____ pour l’année scolaire 2023-2024.
n. Entendu par le TAPI le 19 décembre 2023, A_____ a déclaré que, dès qu’il avait commencé à travailler, il avait eu le souhait de s’établir en Suisse, avec sa famille à terme. C'était pour cette raison qu'en juillet 2021, il avait fait une demande de permis B, alors qu’il avait trouvé une chambre à Genève pour se loger. Il avait commencé à faire des recherches pour trouver un appartement familial à partir de 2021. Entre 2021 et juin 2023, il dormait la semaine dans sa chambre à Genève et retrouvait sa famille le week-end. Il était exact que le trajet entre sa chambre, rue Jean Jacquet, et son travail au X______ était plus long que celui entre son domicile français et ledit lieu de travail. Il rentrait néanmoins tous les soirs de la semaine dans sa chambre à Genève. Durant la semaine, il avait essentiellement des contacts téléphoniques avec sa famille mais il arrivait parfois que son épouse et ses enfants viennent lui rendre visite à Genève.
Ses deux fils ainés étaient scolarisés en France. Cela avait également été le cas de son fils cadet, jusqu'à l'année scolaire 2022-2023. Son épouse exerçait une activité professionnelle d'aide-ménagère en France, à raison de deux jours et demi par semaine. Cette activité s'exerçait à différents endroits : vers H_____, Gex et Ferney‑Voltaire.
Il contestait ne pas avoir informé son employeur de son changement de domicile. Lorsqu’il avait adressé le formulaire M à l'OCPM, cette information y figurait et le formulaire avait été contresigné par son employeur. Par ailleurs, il avait confirmé un à deux mois plus tard, par courriel, son changement d'adresse au service des ressources humaines de son employeur. Il verserait ce courriel à la procédure. Le 31 août 2022, il avait été licencié pour raisons économiques. Il s’était inscrit à la formation CFP technique avant de perdre son emploi. Il s'agissait d'une formation en emploi avec des cours d'une demi-journée une fois par semaine. Lorsqu’il avait perdu son emploi, il avait demandé au directeur de l'école s’il pouvait suivre cette formation à plein temps, tout en s'inscrivant parallèlement au chômage. Ce dernier lui avait répondu que c'était possible. Il n'avait toutefois pas pu poursuivre sa formation à la suite d’une décision de l’assurance-chômage, ce qui expliquait ses 186 absences non excusées figurant sur la pièce 28 versée à la procédure. Après la perte de son emploi, il avait immédiatement entrepris des recherches en vue de retrouver un travail en Suisse, dans l'intention de s'y installer définitivement avec sa famille. C'était également ce qui avait motivé la formation au CFP technique. Son employeur U______ était une filiale d'une société espagnole. Le siège de cette société se trouvait à Zoug, mais son lieu de travail avait toujours été au X______. Son contrat, d’abord de durée déterminée durant six mois, était désormais de durée indéterminée.
Il vivait avec sa femme et son fils cadet dans un appartement à L_____. Ses fils ainés vivaient toujours dans l'appartement de H_____ avec le frère et la sœur de sa femme qui s’y étaient installés en juin 2023, lors de leur déménagement à L_____. Sa femme retrouvait ses fils aînés les mercredis, le week-end et quand elle le pouvait. Cette situation n’allait pas durer, car il les ferait venir en Suisse dès qu’il aurait trouvé un appartement plus grand. Un de ses fils était scolarisé à Ferney‑Voltaire et l'autre à Prévessin, au lycée. Il allait obtenir son baccalauréat à la fin de l'année scolaire 2023-2024. Il souhaitait que ses fils puissent terminer leur année scolaire en France puis continuer leur scolarité en Suisse, une fois qu’il aurait trouvé un logement adapté. Il avait fait une demande auprès de l'antenne de L_____ afin de trouver un emploi pour son épouse mais on lui avait répondu qu’il fallait qu’elle soit titulaire d’un permis. Il avait donc déposé une demande de permis B pour son épouse et pour son fils et obtenu des attestations de séjour les concernant, ce qui avait permis à son fils d'être scolarisé à Genève. Le bail de l'appartement de H_____ était à son nom et celui de son épouse. C’était lui qui payait le loyer mensuel de EUR 1'200.-, charges comprises. Il ne recevait aucune subvention pour ce logement. Il avait perçu les allocations familiales en Suisse jusqu'à la perte de son emploi en août 2022. Ensuite, en raison de ses problèmes avec le chômage, il n’avait plus rien perçu. Sa femme percevait des allocations en France depuis janvier ou mars 2023. Il verserait une pièce y relative à la procédure. Il payait son assurance-maladie suisse, depuis juin 2021. Lorsqu’il s’était inscrit au chômage, il avait reçu un courrier de l’AFC lui demandant de déposer sa déclaration d'impôts pour l'année 2021. Or, il pensait qu'avec son permis B, il n’aurait qu'à régler l'impôt à la source.
Le prononcé de la caducité de son permis B l’avait empêché de percevoir des allocations de l’assurance-chômage pendant six mois. Il avait alors dû emprunter de l'argent pour payer ses factures. Si les enquêteurs ne l’avaient pas trouvé à son domicile chez N______, c’était parce qu’il était en formation. Dès qu’il avait appris que l'enquêteur de l'Hospice général le cherchait, il s’était annoncé. L'OCPM ne lui avait jamais laissé d'avis de passage dans sa boîte aux lettres. Après la perte de son emploi, il avait continué à habiter à Genève chez N______. Il y dormait toutes les nuits et y faisait ses recherches d'emploi. En raison de tous ces problèmes, le divorce avait même été évoqué avec son épouse. Il avait versé à la procédure et devant l’OCPM tous les justificatifs en sa possession permettant d'attester de son séjour à Genève et ne comprenait pas pourquoi cela n’était pas été considéré comme suffisant. Il avait des amis à Genève qu’il voyait régulièrement, notamment tous les samedis et dimanches à la gare de Cornavin.
La représentante de l’OCPM a requis du recourant qu’il verse à la procédure des copies lisibles de ses contrats de travail de durée déterminée et indéterminée auprès de U______.
À l’issue de l’audience, le TAPI a imparti au justiciable un délai au 12 janvier 2024 pour produire les pièces mentionnées supra ainsi que toutes pièces utiles et ses éventuelles observations. À réception, un bref délai serait imparti à l'OCPM pour se déterminer.
o. Par écritures du 16 février 2024, l’intéressé a persisté à soutenir être domicilié en Suisse, ce qu’il avait démontré. Si tel n’avait pas été le cas, il serait déraisonnable d’y assumer des frais considérablement plus élevés qu'en France.
Ses recherches d’un logement adapté pour toute la famille, depuis 2021, avaient finalement porté leurs fruits et, le 12 février 2024, il avait trouvé un appartement de quatre pièces sis route de Y______ , à Z______ (Genève) lui permettant d'accueillir l'ensemble de sa famille. Il relevait pour le surplus que, en raison de la décision de l’OCPM, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) avait nié son droit à l'indemnité de chômage dès le 1er septembre 2022 au motif qu'il ne remplissait pas la condition de la domiciliation en Suisse depuis son inscription au chômage. De ce fait, il n'avait bénéficié d'aucune indemnité journalière pendant plusieurs mois. La procédure contre cette décision de l'OCE était toujours pendante.
Il a produit, notamment, une copie de ses contrats de travail auprès de U______ AG, une copie de son recours du 21 février 2023 contre la décision de l’OCE et une lettre de la AA______ du 12 février 2024 lui confirmant l’attribution d’un appartement de quatre pièces sis route de Y______ 2A, Z______
p. L’OCPM a indiqué que la délivrance d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur du justiciable et des membres de sa famille serait examinée lorsque le TAPI aurait statué.
q. Par jugement du 15 avril 2024, le TAPI a rejeté le recours.
Les pièces produites, bien que certaines mentionnent une adresse à Genève, ne signifiaient pas qu’elles établissaient le domicile effectif de l’intéressé en Suisse. Au contraire, de nombreux éléments conduisaient à retenir que le justiciable avait conservé le centre de ses intérêts en France. La chambre louée auprès de M. J_____, puis de N_____ ne permettait pas d’accueillir une famille. A_____ n’avait informé ni CBE ni la commune de H_____ de son prétendu déménagement en Suisse. L’intéressé avait indiqué qu’il rejoignait sa famille le week-end en France. Ainsi, s’il travaillait en Suisse et y dormait occasionnellement, il avait conservé son lieu de vie et le centre de ses intérêts en France où se trouvaient son épouse et ses enfants, qui y étaient scolarisés.
C. a. Par acte expédié le 17 mai 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A_____ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation ainsi que celle des décisions de l’OCPM prononçant la caducité de son autorisation de séjour et la suppression de la date de départ des registres de l’OCPM le 9 juillet 2021. Il a requis la prolongation de son autorisation de séjour. Préalablement, il a sollicité son audition ainsi que celle de quatre témoins.
Il a repris les arguments déjà exposés. Son épouse et les enfants venaient passer un à deux soirs par semaine à Genève pour manger au restaurant. Il s’est référé aux auditions menées par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : CJCAS), dans le cadre du litige qui l’oppose à l’OCE.
Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en ne retenant pas, sur la base des pièces qu’il avait produites, qu’il avait son centre d’intérêts en Suisse. Le TAPI avait également violé son droit d’être entendu en ne procédant pas aux auditions qu’il avait sollicitées. La CJCAS ayant procédé à ces auditions, il en ressortait un faisceau d’indices concordants en faveur de son domicile genevois.
Le TAPI avait violé l’art. 61 al. 1 LEI. Il n’avait pas constitué un domicile en France après le 8 juillet 2021. Il ne retournait en France que les week-ends pour y retrouver sa famille.
Il a produit les procès-verbaux de l’audition par la CJCAS de R______, S______, de N_____ et de Q______.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique, le recourant a, notamment, relevé que le TAPI avait omis de tenir compte de sa pièce 38. Une manière simple et rapide d’établir son domicile était d’entendre les témoins dont il avait requis l’audition.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant sollicite son audition ainsi que celle « des témoins cités dans la présente écriture ».
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, le recourant a été entendu par le TAPI. Il a donc été fait droit à sa requête. Par ailleurs, il a pu exposer ses arguments et produire toute pièce qu’il estimait utile tant devant l’OCPM que le TAPI et la chambre administrative. Il ne sera ainsi pas procédé une nouvelle fois à son audition. Il ne précise pas le nom des témoins dont il souhaiterait l’audition, de sorte qu’il ne peut être fait suite à cette demande. Pour le surplus, le recourant a produit les procès-verbaux de l’audition de Q______, de R______, de S______ et de N______, entendus par la CJCAS, qui instruit, dans le cadre d’un litige l’opposant à l’assurance-chômage, son lieu de résidence. Ces procès-verbaux, dont il se prévaut au demeurant, font partie des éléments que la chambre administrative appréciera.
Au vu de ce qui précède, il ne sera pas donné suite aux actes d’instruction complémentaires sollicités, étant relevé que la chambre administrative dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige.
3. Celui-ci porte sur la caducité de l’autorisation de séjour accordée le 8 juillet 2021 au recourant, l’OCPM retenant que ce dernier ne s’était pas établi à Genève à compter de cette date.
3.1 En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.
Ainsi, l'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE/AELE, la LEI ne s'appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l'ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (Directives OLCP-1/2024 éditées par le SEM, chiffre 1.2.3, p. 11). Les conditions au maintien d'une autorisation de séjour étant plus larges selon la LEI, l'art. 61 al. 2 LEI est applicable (ATA/1793/2019 consid. 3b).
3.2 Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse. Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEI).
3.3 L’extinction de l’autorisation de séjour au sens de l’art. 61 LEI s’opère de jure. L'éventuelle décision de l'autorité administrative ou judiciaire a un caractère purement déclaratoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2024 du 29 août 2024 consid. 4.2). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).
Une autorisation ne peut subsister lorsque l'étranger passe l'essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s'il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2 ; 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.1). Un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier (ATA/1793/2019 du 10 décembre 2019 et les références citées).
3.4 Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3).
3.5 En l’espèce, le recourant se prévaut de plusieurs éléments qui établiraient sa résidence à Genève. Il a notamment produit des factures de téléphonie et la correspondance avec son assurance-maladie contractée en Suisse, avec sa banque AC______ et son ancien employeur I_____, son permis de circulation, son assurance RC, des amendes d’ordre, une attestation de l’office de l’orientation, de la formation professionnelle et continue et de l’office régional de placement. Ces documents lui ont été adressés c/o J_____, rue K_____ à Genève, respectivement à la route de L_____. Cette dernière adresse a également été indiquée par l’intéressé à la Poste Suisse, comme celle-ci l’a confirmé par courriel du 7 octobre 2022. M. J_____ a indiqué, par courriel du 28 juin 2022 à l’OCPM, que le loyer lui était versé en espèces par le recourant. Ces éléments constituent certes des indices en faveur d’un domicile ou lieu de résidence du recourant en Suisse. Cela étant, l’adresse suisse a chaque fois été communiquée par le recourant lui-même à ses cocontractants, dont aucun n’avait à vérifier si elle correspondait au centre des intérêts de celui-ci.
À noter que le recourant n’a pas annoncé à son employeur son changement de résidence en juillet 2021. La pièce 38 qu’il produit et reproche au TAPI d’avoir ignorée est un courriel adressé le 20 mai 2022 à « AB______ @Barcelona ». Même à supposer que la destinataire du courriel était une employée de I_____, il ne date que du mois de mai 2022. Jusqu’à fin avril 2022, I_____ lui a d’ailleurs envoyé ses fiches de salaire à son adresse à H_____. Dans un courriel du 5 juillet 2022, I______, après avoir reçu de l’OCPM copie du formulaire M, daté du 4 juillet 2021, portant la signature de l’entreprise, a indiqué à ce service qu’elle n’avait jamais requis ni signé ce formulaire. Celui-ci avait été tamponné par la succursale française, le samedi 3 juillet 2022. Or, ce type de documents étaient tamponnés et signés par les représentants suisses de la société, leurs salariés étant soumis au droit suisse. I______ indiquait également, dans un courriel du 1er juillet 2022 à l’OCPM, que la voiture que la société avait mise à disposition du recourant n’avait jamais « dormi » en Suisse à sa connaissance. Ces éléments plaident contre l’établissement d’un lieu de résidence en Suisse.
Il en va de même des déclarations du recourant lui-même devant le TAPI, en tant que celui-ci a indiqué que le trajet entre sa chambre, rue J______à L_____, et son lieu de travail au X______ était plus long que celui entre son domicile français et ledit lieu de travail. Il n’est ainsi pas crédible lorsqu’il soutient qu’il rentrait néanmoins tous les soirs de la semaine dans sa chambre à Genève.
Le recourant a annoncé à l’OCPM un changement d’adresse le 27 juin 2022, à la route de L_____. N_____ a déclaré à la CJCAS que son locataire avait quitté la chambre louée en juin 2023.
Par courriel du 22 octobre 2022, la Mairie de H_____ a confirmé que le recourant résidait au __, rue G_____ à H_____ dans un logement lui ayant été attribué en 2017 et que la boîte aux lettres comportait son nom. Le recourant ne conteste pas que son épouse et ses enfants ne l’ont pas rejoint à Genève. Il ressort, par ailleurs, du rapport d’entraide administrative interdépartementale du 12 octobre 2022 que lors des deux passages des enquêteurs, une fois à midi, l’autre à 7h00, le recourant ne se trouvait pas à l’adresse sise 16, rue K_____ à L_____. N_____ avait déclaré qu’elle ne le rencontrait pas régulièrement. Compte tenu de l’indication précitée de la Mairie de H_____, le rapport conclut qu’il ne pouvait être certifié que le recourant avait une présence permanente et régulière à l’adresse L_____.
L’attestation du 16 novembre 2022 produite par le recourant, émanant de N_____, qui affirme avoir « croisé à de nombreuses reprises » le recourant, « à différentes heures de la journée », est contredite par les propos tenus par celle-ci dans le cadre du rapport précité. La précitée a déclaré, devant la CJCAS, avoir « croisé [le recourant] régulièrement sur les lieux », mais qu’à partir de novembre 2022, elle était allée vivre ailleurs. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir vu son épouse et ses enfants. Elle avait cru comprendre qu’il allait leur rendre visite en France. Vu les déclarations contradictoires de N______ quant à la régularité avec laquelle elle avait croisé le recourant à son adresse L______, ces affirmations à cet égard n’apportent pas d’éléments probants. En tant que celle‑ci a indiqué à la CJCAS que le recourant voyait sa famille en France, elle tend plutôt à confirmer que le centre des intérêts, à tout le moins affectifs, de celui-ci se trouvait en France.
Les attestations produites sous pièces 3 à 3quater par le recourant, sont stéréotypées (« A______ habite bien en Suisse avec l’intention de continuer à y séjourner ») et ont manifestement été rédigées par la même personne, vu les caractères d’impression utilisés et leur caractère général. Leur valeur probante est donc faible. Le témoin Q______, entendu en avril 2024, a déclaré à la CJCAS que le recourant était un client de son restaurant depuis deux à quatre mois. Il avait signé une attestation pour lui, car il pensait qu’il s’agissait du « panier » qu’utilisaient les ouvriers de la construction pour se faire dédommager par leur employeur. Ce témoignage n’est donc d’aucun secours au recourant : il se rapporte à une période postérieure à celle déterminante pour l’issue du litige et le témoin reconnaît avoir signé une attestation en faveur du recourant – indiquant que celui-ci prenait souvent ses repas « du midi et/ou du soir » chez lui – afin d’aider celui-ci à obtenir un défraiement de son employeur.
Le témoin R______ a déclaré à la CJCAS qu’il était un ami du recourant, qu’il ne connaissait toutefois pas son adresse à L_____, avait rencontré ses enfants « sans faire connaissance plus que cela », savait que sa famille vivait en France et que le recourant souhaitait s’établir avec elle à Genève. Ce témoignage n’apporte pas d’éléments déterminants, sous réserve du souhait – au demeurant non litigieux en l’espèce – du recourant de s’établir à terme avec sa famille en Suisse. Enfin, la témoin S______, également entendue par la CJCAS, a déclaré connaître le recourant depuis plus d’une année. Il venait prendre son petit déjeuner deux à trois fois par semaine à la boulangerie dans laquelle elle travaillait. Elle ne travaillait cependant pas tous les matins. Il était parfois venu avec ses enfants. Ce témoignage établit une certaine présence du recourant à Genève depuis plus d’une année le matin. Toutefois, il ne se rapporte, pour l’essentiel, pas non plus à la période déterminante qui est celle de juillet 2021 à mai 2023.
Il ressort également du rapport de « contrôle terrain » établi le 10 mars 2023 par l’Hospice général, que le recourant avait déclaré vouloir, « dans un avenir proche » s’installer avec sa famille à Genève, n’occupant la chambre meublée qu’il louait que durant la semaine et retrouvant sa famille le week-end en France. Ce rapport retient aussi que le recourant venait de trouver un emploi, depuis le 6 mars 2023.
Enfin, les enfants du recourant étaient scolarisés en France. Selon les déclarations du recourant, son épouse exerçait une activité professionnelle d'aide-ménagère en France (vers H_____, Gex et Ferney‑Voltaire), à raison de deux jours et demi par semaine. C’est lui qui s’acquittait du loyer et était titulaire du bail. Vu la taille du logement loué par le recourant auprès de M. J_____, puis de N______, à savoir une chambre meublée (chez M. J_____ sans jouissance de la cuisine ni de la salle de bains, chambre qu’il devait libérer deux week-ends par mois), le recourant n’était pas en mesure d’y accueillir sa famille. Dans ses dernières écritures devant le TAPI, il a d’ailleurs indiqué n’avoir trouvé un appartement (de quatre pièces sis route de Y______, à Z______) lui permettant d'accueillir l'ensemble de sa famille que le 12 février 2024.
Ainsi, si le recourant travaillait et dormait ponctuellement à Genève depuis juillet 2021, comme de nombreux frontaliers, il a maintenu son lieu de vie et le centre de ses intérêts en France. L’OCPM n’a donc pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant n’avait pas déplacé, entre juillet 2021 et mai 2023, le centre de ses intérêts de France en Suisse.
Comme l’a indiqué l’OCPM, la question de savoir s’il pourra être donné suite à la nouvelle demande d’autorisation de séjour du recourant et de sa famille, déposée en juin 2023, dépasse le cadre du présent litige et fera l’objet d’une autre décision.
Partant, le recours, mal fondé, sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 avril 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Butrint AJREDINI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière : |
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.