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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1974/2023

ATA/1297/2024 du 05.11.2024 sur JTAPI/1417/2023 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 10.12.2024, rendu le 06.01.2025, REJETE, 9C_701/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1974/2023-ICCIFD ATA/1297/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimées

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 (JTAPI/1417/2023)


EN FAIT

A. a. A______ a épousé B______(ci-après : l’épouse ou l’ex-épouse) le 7 mai 2005. Le couple n’a pas eu d’enfant.

b. Sur requête de mesures protectrices de l’union conjugale déposée par l’épouse le 6 mai 2019, le Tribunal civil de première instance de Genève (ci-après : TPI), par jugement du 27 février 2020, a autorisé les époux à vivre séparés, attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à A______ et condamné celui‑ci à verser à son épouse une contribution d’entretien mensuelle de CHF 1'626.-.

c. Sur appel de l’épouse, par arrêt du 2 juin 2020, la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la chambre civile) a modifié ledit jugement du TPI en prolongeant de deux mois le délai fixé à l’épouse pour libérer le domicile conjugal et en augmentant à CHF 1'900.- la contribution d’entretien devant être versée à cette dernière.

d. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), A______ est divorcé depuis le 25 septembre 2020.

B. a. Dans sa déclaration fiscale 2020 déposée le 7 février 2021, le contribuable a mentionné, sous la rubrique « Autres déductions sur le revenu » (code 59.30), un montant de CHF 14'261.- au titre de « Honoraires & frais pour conservation revenu ».

b. Dans sa déclaration fiscale 2021 déposée le 31 janvier 2022, il a mentionné, sous la rubrique « Autres déductions sur le revenu » (code 59.30), un montant de CHF 1’160.- au titre de « Honoraires & frais pour conservation revenu ».

c. Par bordereaux de taxation datés du 1er février 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2020 à CHF 3'883.05 sur la base d’un revenu imposable de CHF 37'970.- et d’une fortune nulle. Calculé sur un revenu imposable de CHF 45'400.-, l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2020 s’est élevé à CHF 323.45.

Ce faisant, l’AFC-GE a refusé la déduction des honoraires d’avocat de CHF 14'261.- au motif que, selon la jurisprudence, ces frais engagés dans une procédure concernant le droit de la famille n’étaient pas déductibles.

d. Par bordereaux de taxation datés du 10 février 2023, l’AFC-GE a fixé l’ICC 2021 à CHF 1'102.85 sur la base d’un revenu imposable de CHF 24'803.- et d’une fortune nulle. Calculé sur un revenu imposable de CHF 33’900.-, l’IFD 2021 s’est élevé à CHF 151.85. Pour le même motif que celui de l’année précédente, l’AFC-GE a refusé de déduire les frais d’avocat de CHF 1’160.-

C. a. Par courrier du 27 février 2023, A______ a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux de taxation ICC et IFD 2020 et 2021. L’AFC-GE avait abusivement interprété de manière élargie la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. Dans son cas, il s’agissait de défendre son revenu contre les prétentions de son ex-épouse en paiement d’une contribution d’entretien. En outre, l’AFC-GE avait contrevenu au principe de célérité en lui notifiant tardivement ses décisions de taxation 2020 et 2021. Faute de les avoir reçues en temps utile, il avait subi un préjudice financier, car il n’avait pas pu obtenir d’indemnité du service de l’assurance-maladie.

b. Par décisions datées du 9 mai 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation pour les motifs suivants : « L’arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2021 du 23 septembre 2022 confirme que les frais d’avocats engagés par un contribuable en lien avec une contribution d’entretien (pour lui-même ou pour ses enfants) ne sont pas déductibles en tant que frais d’acquisition du revenu. Les frais d’avocat constituent des frais d’acquisition du revenu déductibles uniquement quand ils permettent au contribuable de percevoir un revenu et non pour maintenir le niveau de son revenu imposable ».

D. a. Par acte du 9 juin 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation précitées, concluant à la « déduction des honoraires d’avocat et autres dépens » pour un total de CHF 17'000.-.

Contrairement à l’arrêt du Tribunal fédéral cité par l’AFC-GE, il s’agissait dans son cas non pas de revendiquer une contribution d’entretien, mais de défendre son revenu et d’éviter que le montant de la pension à payer ne soit augmenté. Il y avait un lien étroit entre les frais engagés et la défense de son niveau de revenu et de patrimoine, étant donné que la chambre civile avait relevé la nature pécuniaire du litige civil qui lui était soumis et augmenté le montant de la contribution d’entretien, tout en confirmant que les parts sociales de son logement en coopérative lui appartenaient en propre. En outre, dans l’arrêt susmentionné, le Tribunal fédéral avait relevé que, sur le principe, la jurisprudence rendue en application de l’art. 25 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) admettait que des frais d’avocat pouvaient constituer des frais d’acquisition du revenu.

Par ailleurs, il avait été au chômage entre la fin de 2019 et le début de 2022 et s’était trouvé dans une situation financière très pénible. Le retard de l’AFC-GE à rendre les décisions de taxation 2020 et 2021, contraire au principe de célérité, l’avait empêché de percevoir des indemnités du service de l’assurance-maladie

b. Le 20 juillet 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n’y avait pas lieu de s’écarter de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, traitant pour la première fois, de manière circonstanciée, de la question de la déductibilité des frais d’avocat engagés dans le cadre d’un litige de droit de la famille ayant notamment pour objet la fixation de la contribution d’entretien. L’arrêt en question mentionnait clairement que de tels frais d’avocat n’étaient déductibles, au titre de frais engagés en vue de l’acquisition du revenu, ni par le crédirentier, ni par le débirentier.

En ce qui concernait la violation du principe de célérité, les bordereaux litigieux avaient été émis en février 2023, soit deux ans après le dépôt de la déclaration fiscale de 2020 et un an après le dépôt de celle de 2021. Sous l’angle du principe de la bonne foi, le recourant ne pouvait pas se prévaloir d’une violation du principe de célérité, dans la mesure où il n’avait jamais relancé l’AFC-GE afin d’être taxé plus tôt.

c. Par jugement du 18 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le Tribunal fédéral avait jugé que l'art. 25 LIFD ne permettait ni au débirentier ni au crédirentier de déduire les frais d'avocat déboursés pour obtenir des contributions d'entretien. Si le Tribunal fédéral n’avait pas exclu que, sur le principe, des frais d’avocat puissent constituer des frais d’acquisition du revenu déductibles, les quatre arrêts auxquels il s’était référé n'étaient pas en lien avec le droit de la famille.

En ce qui concernait le grief selon lequel l’AFC-GE aurait violé le principe de célérité, les conclusions du contribuable ne portaient que sur la « déduction des honoraires d’avocats et dépens », si bien qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur ce point. Quoi qu'il en fût, il était contraire au principe de la bonne foi qu'un justiciable puisse valablement soulever le grief de violation du principe de célérité devant l'autorité de recours alors qu’il n’avait entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente afin que celle-ci traite sa cause avec diligence.

Selon le suivi des envois de La Poste, le pli recommandé contenant ce jugement a été reçu par A______ le samedi 23 décembre 2023.

E. a. Par acte posté le 23 janvier 2024 à 09h15, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à l'admission du recours et à la rectification de sa taxation 2020, en admettant la déduction « des honoraires d'avocat et autres dépens », et à ce que la chambre administrative se détermine sur la question de la violation du principe de célérité.

Il avait reçu le jugement attaqué le 22 (sic) décembre 2023 et le recours était recevable compte tenu de la suspension des délais de fin d'année.

Le TAPI avait repris l'argumentation de l'AFC-GE et était tombé dans les mêmes biais s'agissant de l'interprétation de la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'AFC‑GE avait par ailleurs déjà été désavouée en 2012 par la chambre administrative au sujet de la déductibilité des frais d'avocat en lien avec une contribution d'entretien.

S'agissant de la violation du principe de célérité, contrairement à ce qui était retenu dans le jugement attaqué, il s'était adressé par deux fois à l'AFC-GE pour se plaindre du délai pris à répondre à sa réclamation. Celle-ci était simple, et un délai de trois ans pour y donner suite n'était pas raisonnable, n'ayant pas à attendre le résultat d'une procédure à laquelle il n'était pas partie.

b. Le 8 mars 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Aucune des parties ne s'étant manifestée dans le délai imparti au 3 mai 2024 par le juge délégué pour formuler d'éventuelles requêtes ou observations complémentaires, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/79/2024 du 23 janvier 2024 consid. 1 ; ATA/660/2022 du 23 juin 2022 consid. 1).

2.             Se pose la question du respect du délai de recours.

Selon l’art. 62 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours contre une décision finale est de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1ère phr. LPA).

2.1 Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1re phr. LPA).

2.2 Les délais en jours fixés par la loi ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 1 let. c LPA). Cette règle ne s’applique toutefois pas dans les procédures soumises aux règles de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17 ; art. 63 al. 2 let. e LPA), ce qui est le cas de l'impôt cantonal et communal sur le revenu et la fortune des personnes physiques (art. 1 let. a de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

La LIFD ne prévoit pas non plus de suspension des délais (arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2023 du 31 mai 2023 consid. 4 et la jurisprudence citée).

2.3 Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

2.4 Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/436/2024 du 26 mars 2024 et les arrêts cités).

2.5 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2e phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

2.6 Les écrits doivent parvenir à l'autorité ou être remis à son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

2.7 En l’espèce, selon leurs les déclarations du recourant dans l'acte de recours, le jugement attaqué aurait été reçu le 22 décembre 2023. Il ressort toutefois du suivi des envois de La Poste que le jugement attaqué a été réceptionné par le recourant le samedi 23 décembre 2023.

Dès lors que, comme expliqué ci-dessus, il n'y a pas lieu de tenir compte des suspensions de délais, le délai de recours est arrivé à échéance le lundi 22 janvier 2024 (ceci même si le jugement avait été notifié le 22 décembre 2023, dès lors que dans ce cas le trentième jour du délai eût été un dimanche). Le recours, expédié le mardi 23 janvier 2024, est ainsi tardif.

Le recourant n'a pas invoqué un cas de force majeure au sens de l’art. 16 LPA qui l'aurait empêché de déposer son acte de recours en temps voulu. Il apparaît bien plutôt qu'il a cru pouvoir bénéficier des suspensions de délai de fin d'année, alors que tel n'était pas le cas.

Le recours sera ainsi déclaré irrecevable.

Il y a lieu de relever, cela étant, que l'argumentation du TAPI concernant la déduction de frais d'avocat était entièrement fondée. En effet, selon l'ATF 149 II 19, les frais d'avocat déboursés par un contribuable pour obtenir une contribution d'entretien ne constituent pas des frais d'acquisition du revenu déductibles, tandis que même sous l'ancienne jurisprudence de la chambre de céans qui admettait une telle déduction, les frais d'avocat destinés à éviter de payer une contribution d'entretien (ou une contribution plus élevée) n'étaient déjà pas déductibles, faute de concerner l'acquisition d'un revenu. 

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 janvier 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :