Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1056/2024 du 03.09.2024 ( LOGMT ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/662/2024-LOGMT ATA/1056/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 3 septembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé
A. a. A______ a pris à bail dès le 15 décembre 2006 un logement de 6 pièces au 1er étage de l’immeuble sis chemin B______ ______ à Vernier, qu’elle occupait avec son conjoint C______ et ses fils D______, E______ et F______.
b. Elle a bénéficié depuis le 3 septembre 2010 d’une allocation de logement mensuelle de CHF 500.- versée par de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci‑après : OCLPF) sur la base d’un revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) annuel global de CHF 106'745.-, comprenant uniquement son revenu du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, documenté par un certificat de salaire pour l’année 2009 et des fiches de salaire pour l’année 2010.
Les 28 mars 2011 et 20 avril 2012, l’allocation a été portée à CHF 456.50, pour un RDU global de CHF 110'553.-. Le certificat de salaire de A______ pour l’année 2010 faisait état d’un revenu annuel brut de CHF 82'245.-.
En 2013, 2014 et 2015, l’allocation a été portée à CHF 500.- pour un RDU annuel global de CHF 110'553.- composé du seul revenu de A______.
En 2016 et 2017, l’allocation a été portée à CHF 434.50, sur la base d’un RDU annuel global de CHF 110'553.- composé du seul revenu de A______. Le 31 janvier 2017, A______ avait demandé le renouvellement de l’allocation sans annoncer de modification dans la situation financière du groupe de personnes occupant le logement pour la période concernée.
En 2018 et 2019, A______ avait demandé le renouvellement de l’allocation, sans modification de la situation financière des personnes occupant le logement, et l’allocation a été portée à CHF 500.- pour un RDU global de CHF 91'178.- comprenant les revenus de A______, ceux de son fils D______ pour CHF 12'827.- et les allocations familiales.
c. Par décision du 17 février 2020, entrée en force, l’OCLPF a supprimé le droit à l’allocation logement dès le 31 janvier 2020.
Les personnes occupant le logement réalisaient un RDU global de CHF 138'448 : A______ avait un revenu annuel brut de CHF 89'385.-, son fils D______ percevait des allocations chômage de CHF 61'593.- et elle recevait des allocations familiales.
Les intéressés étaient invités à produire les certificats de salaire et de la caisse de chômage de 2019 pour tous les occupants du logement.
d. Le 4 mars 2020, A______ a produit une copie de son certificat de salaire pour l’année 2019, indiquant un salaire annuel brut de CHF 91'452.-, celui de son fils D______ indiquant un salaire annuel brut de CHF 47'649.35, et celui de son fils E______ indiquant un salaire annuel brut de CHF 12'238.-.
e. Par décision du 22 avril 2020, l’OCLPF a réclamé la restitution de CHF 11'365.‑, correspondant à l’allocation de logement perçue indûment entre le 1er février 2017 et le 31 janvier 2020.
Les intéressés n’avaient pas communiqué spontanément et en temps utile la modification des revenus réalisés par le groupe de personnes occupant le logement. En 2017, ils avaient annoncé un RDU total de CHF 91'178.- mais réalisé un RDU de CHF 112'990.-. En 2018, ils avaient annoncé un RDU total de CHF 91'178.- mais réalisé un RDU de CHF 136’648.-. En 2019, ils avaient annoncé un RDU total de CHF 138’448.- mais réalisé un RDU de CHF 143’459.-.
f. Le 5 mai 2020, A______ a formé une réclamation contre cette décision.
Elle n’avait pas transmis de déclarations inexactes à l’OCLPF. Elle l’avait informé d’une baisse de son loyer de CHF 188.- par mois dès le 1er février 2020. Tout changement en lien avec ses revenus était connu de l’OCLPF dès lors que l’administration fiscale cantonale en avait connaissance.
g. Le 25 mai 2020, l’OCLPF a réclamé aux intéressés la copie de leurs fiches de salaire depuis janvier 2020 ainsi que la copie du contrat de travail, des fiches de salaire, d’allocations chômage et de prestations de l’Hospice général pour D______ et E______.
h. Par décision du 29 juillet 2020, remplaçant celle du 17 février 2020 et entrée en force, l’OCLPF a supprimé le droit à l’allocation logement dès le 1er février 2020.
Les intéressés avaient réalisé un RDU global de CHF 130'275.-, composé du salaire brut de CHF 86'294.- et des indemnités chômage de CHF 3'120.- de A______, des indemnités chômage de CHF 39'850.- de D______ ainsi que des allocations familiales.
i. Le 27 janvier 2023, l’OCLPF a imparti aux intéressés un délai de 20 jours pour acquitter la somme de CHF 11'365.- indûment perçue au titre de l’allocation logement. La décision du 22 avril 2020 n’avait pas été contestée et le montant était dû. Aucune plainte pénale ne serait déposée si le montant réclamé était acquitté dans le délai imparti.
j. Le 31 janvier 2023, A______ a contesté la demande du 27 janvier 2023.
Elle avait reçu deux courriers qu’elle avait contestés. Elle avait envoyé copie de tous les documents, y compris de sa prise en charge par la banque alimentaire. Elle s’était montrée honnête. Elle avait un loyer de CHF 2'562.-, des primes d’assurance maladie, des impôts et différentes charges à assumer avec un revenu mensuel de CHF 6'000.- pour la famille. Elle souhaitait pouvoir payer un loyer moins cher mais ne pouvait trouver un autre appartement en raison de poursuites.
k. Par décision sur réclamation du 13 février 2024, l’OCLPF a maintenu la demande de restitution mais réduit à titre exceptionnel son montant de moitié, le portant à CHF 5'624.60.
Le traitement de la réclamation avait été ralenti par la pandémie de COVID-19.
La décision était fondée sur les attestations RDU de 2019 et 2020, lesquelles étaient les seuls documents pertinents et ne pouvaient être remises en question.
Pour la période du 1er février 2017 au 31 janvier 2018, la différence entre les revenus déclarés et réalisés était inférieure à CHF 10'000.-, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de prendre une décision rétroactive pour cette période. La décision du 22 avril 2020 était annulée en tant qu’elle visait cette période.
Pour la période du 1er février 2018 au 31 janvier 2020, la différence globale entre le socle RDU retenu et les revenus et réalisés était supérieure à CHF 20'000.-. Ils ne l’avaient pas avisé des revenus réalisés par D______, soit plus de CHF 61'000.- de salaire en 2018 et plus de CHF 47'000.- en 2019, ni du salaire de E______ en 2019, de plus de CHF 20'000.-.
Le montant réclamé était réduit de moitié, à titre exceptionnel, et un arrangement de paiement pouvait être demandé.
B. a. Par acte remis à la poste le 21 février 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, demandant que soit étudiée sa demande de remise de dette.
Elle se trouvait dans une situation difficile et était dans l’incapacité de rembourser le montant réclamé. Elle était suivie par le service social de la commune de Vernier et bénéficiait d’une aide pour l’épicerie solidaire car elle n’arrivait pas à finir les mois. Elle avait un loyer de CHF 2'555.-, une prime d’assurance maladie de CHF 560.-, des impôts pour CHF 1'500.-, un abonnement de téléphone et divers arrangements avec ses créanciers. Elle ne parvenait pas à y faire face avec son salaire de CHF 6'200.- par mois.
Elle souhaitait changer d’appartement mais ne le pouvait pas car elle avait des poursuites. Son fils D______ était allé vivre chez sa grand-mère à la suite d’une dispute en janvier 2018. Son fils E______ avait eu des « jobs » de livreur à vélo et avait travaillé dans la même entreprise qu’elle durant un mois pour payer ses cours du soir.
Elle avait voulu être honnête avec l’OCLPF en annonçant une baisse de loyer de CHF 170.- dès le 1er février 2020. Elle n’avait en aucun cas voulu tricher.
b. Le 2 avril 2024, l’OCLPF a conclu au rejet du recours.
La conclusion sur la remise était irrecevable. Une demande de remise ultérieure serait examinée.
Le devoir d’information avait été violé. La recourante avait été avertie chaque année de son devoir d’aviser l’OCLPF de tout changement dans les revenus du groupe. Elle avait persisté à former des demandes de renouvellement sans annoncer les modifications substantielles des revenus.
c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 6 mai 2024.
d. Le 24 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante demande la remise du remboursement qui lui est réclamé.
2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la contestation, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATF 142 I 455 consid. 4.4.2 et les références citées).
2.2 En l’espèce, la décision attaquée ordonne le remboursement de CHF 5'624.60 au titre des allocations de logement indûment perçues en 2019 et 2020. Elle ne se prononce pas sur une remise, et il ne ressort pas de l’opposition formée le 5 mai 2020 que la recourante aurait demandé une remise de la somme due. Dans son courrier du 31 janvier 2023, la recourante fait certes état de sa situation financière difficile mais ne demande pas non plus de remise.
La conclusion excède ainsi le cadre du litige et est irrecevable, étant observé que l’OCLPF a déclaré dans sa réponse que la recourante avait la possibilité de lui adresser une demande de remise sur laquelle elle statuerait.
3. La recourante soutient qu’elle n’a pas contrevenu à son devoir d’information.
3.1 Si le loyer d’un immeuble admis au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) constitue pour le locataire une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs, ce locataire peut être mis au bénéfice d’une allocation de logement (art. 39A al. 1 LGL).
Le Conseil d’État détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci (art. 39A al. 3 LGL).
3.2 Le bénéficiaire de l’allocation doit informer, sans délai, le service compétent de toute modification significative de sa situation ou de celle de l’un des membres du groupe de personnes occupant le logement, propre à changer le montant de l’allocation ou à la supprimer, notamment en cas de début ou cessation d’activité ou de changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement. Le service compétent examine les justificatifs concernant la nouvelle situation du bénéficiaire dans un délai de 30 jours au maximum et fixe le nouveau montant de l’allocation ou la supprime. La décision du service compétent prend effet au plus tôt le 1er jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire (art. 29 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01).
3.3 Le locataire ayant reçu indûment une allocation doit la restituer dans les 30 jours dès la notification de la décision du service compétent (art. 32 RGL). Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de 5 ans (art. 34C RGL).
3.4 En l’espèce, la recourante ne discute pas les chiffres résultant du RDU pour les années 2019 et 2020. Elle fait valoir son honnêteté pour avoir déclaré la baisse de son loyer. Elle ne soutient toutefois pas qu’elle aurait avisé en temps utile l’OCLPF des changements dans les revenus du groupe familial, tout particulièrement l’augmentation des revenus de ses fils, tels qu’ils ont résulté par la suite des attestations de RDU. Elle ne prétend pas par ailleurs qu’elle aurait ignoré son devoir d’informer. Elle ne rend ainsi pas vraisemblable qu’elle n’aurait pas violé son devoir d’informer.
La recourante fait encore valoir que son fils D______ aurait quitté le logement depuis janvier 2018. Elle n’a toutefois jamais allégué auparavant que celui-ci n’habiterait plus le logement familial, ne l’a notamment pas indiqué dans les demandes de renouvellement de l’allocation de logement. Il ressort des attestations annuelles 2019 et 2020 que celui-ci est toujours intégré dans la famille pour le calcul du RDU. Il résulte par ailleurs des fiches de salaire établies par son employeur, par exemple le 16 janvier 2020, de son bordereau de taxation du 8 juillet 2020 ainsi que de l’application « Calvin » de gestion de la population de l’office cantonal de la population et des migrations qu’il a son domicile chez sa mère au chemin B______ ______ à Vernier.
La recourante échoue partant à rendre vraisemblable que l’OCLPF aurait établi incorrectement le groupe familial occupant l’appartement et son revenu global.
C’est ainsi conformément à la loi que l’OCLPF a réclamé le remboursement des allocations de logement indûment perçues.
Entièrement, mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2024 par A______ la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 13 février 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. RODRIGUEZ ELLWANGER
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| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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