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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/623/2024

ATA/1055/2024 du 03.09.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/623/2024-FORMA ATA/1055/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 septembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure agissant par ses parents B______ et C______ recourante
représentée par Me Coraline DURET, avocate

contre

SERVICE D'AUTORISATION ET DE SURVEILLANCE DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2009, souffre de troubles dans sa santé psychique (phobie scolaire et anxiété) qui ont compromis sa scolarité dans des établissements scolaires et conduit ses parents B______ et C______ (ci-après : les parents) à organiser un enseignement à domicile.

b. Le 9 décembre 2023, B______ et C______ ont adressé au service d’autorisation et de surveillance de l’enseignement privé (ci-après : SASEP) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : DIP), une demande d’enseignement à domicile au degré du cycle d’orientation pour l’année 2023-2024, accompagnée de plusieurs documents.

c. Le 10 janvier 2024, le SASEP a indiqué à B______ et C______ que, compte tenu des éléments communiqués lors de l’entretien du 8 janvier 2024, leur projet d’enseignement à domicile était agréé sous conditions.

Devait y être ajouté un enseignement du français à domicile selon le programme de 10e année du cycle d’orientation, en conformité avec le cadre et les objectifs du plan d’études cadre romand (ci-après : PER), enseignement dont les modalités devaient lui être communiquées au plus tard à fin février 2024.

En fin d’année scolaire, A______ devrait passer des évaluations permettant d’attester un niveau d’acquisition suffisant dans les quatre disciplines suivantes : français, mathématiques, allemand et anglais. Elle serait convoquée en temps voulu pour passer les évaluations d’admission en 11e année.

Elle devrait également rendre, au plus tard à mi-mai 2024, deux travaux de recherche à la direction de l’établissement auquel elle serait rattachée, l’un en sciences humaines et sociales (géographie, histoire, citoyenneté) et l’autre en sciences de la nature (biologie, physique). Chaque travail devrait comprendre quatre pages A4, illustrations non comprises, être rédigé en français, compatible avec le PER et validé par la personne chargée du suivi.

d. Le 15 janvier 2024, B______ et C______ ont observé que la décision ne mentionnait pas la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) ni la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 (CDPH - RS 0.109) et invité le SASEP à indiquer de quelle manière il entendait prendre en compte ces textes, compte tenu que A______ ne parlait pas allemand et n’avait jamais étudié cette langue, n’avait pas étudié la biologie en français, étudiait presque exclusivement en anglais, et comment il entendait répondre aux exigences que les dispositions en matière d’éducation soient adaptées au milieu social, culturel, environnemental et économique de l’enfant, adaptées à ses besoins et aptes à le stimuler et le motiver personnellement.

e. Par décision du 23 janvier 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SASEP a : (1) maintenu l’exigence de l’examen d’anglais, commune à tous les élèves, même anglophones ; (2) dispensé à titre exceptionnel A______ de l’étude et de l’épreuve d’allemand, dans la mesure où elle n’avait jamais étudié cette langue ; (3) maintenu l’exigence d’inscription à un cours de français ; (4) dispensé A______ de l’examen de biologie pour peu qu’elle rende un travail de recherche en sciences de la nature (physique ou biologie).

f. Le 29 janvier 2024, B______ et C______ ont saisi le bureau de la médiation administrative.

Ils n’accepteraient aucune exigence supplémentaire concernant la formation de A______. Les décisions des autorités cantonales semblaient ne pas tenir compte de la santé, du bien-être et de la situation de leur fille. Elles avaient prescrit des exigences pour le niveau de 10e année alors que l’Institut H______ avait indiqué au terme de l’année scolaire 2022-2023 qu’elle ne remplissait pas les exigences de la 9e année.

B. a. Par acte remis au greffe le 21 février 2024, B______ et C______, agissant pour leur fille mineure A______, ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 23 janvier 2024, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation de la décision du 10 janvier 2024, à ce qu’il soit dit que l’enseignement à domicile de A______ est accepté sans exigence supplémentaire, en particulier qu’elle ne devait pas être soumise à une évaluation en anglais, ne devait pas être inscrite à un cours de français et ne devait pas rendre un travail de recherche en science de la nature. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au SASEP pour nouvelle décision.

La décision procédait d’un excès et d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité et violait les art. 28 et 29 CDE garantissant le droit à l’éducation, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) garantissant le respect du droit à la vie familiale, 14 CEDH interdisant toute discrimination, 24 CPHD garantissant aux handicapés un droit à l’éducation inclusive et sans discrimination, 8 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) interdisant les discriminations, 20 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées du 13 décembre 2022 (LHand - RS 151.3) prescrivant aux cantons de veiller à ce que les enfants handicapés bénéficient d’un enseignement de base adapté à leurs besoins spécifiques et encourage leur intégration dans l’école régulière, à la loi générale sur l’égalité et la lutte contre les discriminations du 30 mars 2023 (LED - A 2 90) interdisant toute discrimination directe ou indirecte fondée sur une caractéristique personnelle, 10 al. 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) définissant les buts de l’école publique, 12 LIP prescrivant au DIP de lutter contre les discriminations, 24 LIP prévoyant des aménagements spécifiques pour les élèves en grande difficulté.

Ils avaient tout tenté et l’enseignement à domicile constituait l’ultima ratio. Avec l’appui des thérapeutes, ils avaient opté pour D______, que A______ avait intégrée en novembre 2023. Depuis lors, et pour la première fois depuis 2021, elle semblait retrouver une certaine stabilité et son évolution, bien que lente, était favorable. Le programme était complet et diversifié et ils pouvaient accompagner A______ dans son éducation.

A______ était parfaitement bilingue anglais/français et elle exerçait la langue française par différents moyens : un cours de peinture de deux heures le mardi soir à l’atelier E______ à la Jonction dès janvier 2024, un cours de céramique de 90 minutes le lundi au studio F______ à Chêne, des activités d’éducation physique structurées une fois par semaine avec un entraîneur dans un gymnase privé et, pendant les mois d’hiver, une fois par semaine du patinage au Parc I______, ainsi que des discussions hebdomadaires avec sa psychothérapeute.

Les exigences du SASEP portaient sur un niveau supérieur à celui dans lequel A______ se trouvait.

Rien ne justifiait d’imposer de telles conditions supplémentaires, car le programme prévu pour A______ respectait les exigences cantonales et lui permettait de poursuivre sa scolarité malgré sa fragilité. Aucune autre option ne lui avait été proposée, notamment l’enseignement spécialisé.

Les exigences imposées rendraient purement et simplement impossible et illusoire la possibilité de poursuivre l’enseignement à domicile et en ligne, et partant toute scolarité adéquate.

b. Le 22 mars 2024, le SASEP a conclu au rejet du recours.

Les importantes difficultés de santé psychique de A______ n’étaient pas contestées. Elles avaient été au centre des discussions avec ses parents.

L’enseignement à domicile tel que pratiqué dans le canton impliquait l’apprentissage des disciplines figurant dans le PER, dont le français, ce qui garantissait que cet enseignement puisse être reconnu et certifié par le DIP.

Les activités mises en place et invoquées par les recourants pour l’apprentissage du français ne constituaient pas des cours de français au sens où l’entendait le PER. Les discussions du 8 janvier 2024 avaient porté sur la nécessité d’avoir des relations sociales en présence d’un enseignant et d’intégrer des leçons de français dans le programme conçu par les parents, à raison d’une à deux heures par semaine. Il n’avait jamais été question que A______ suive cinq heures de cours de français par semaine. La dotation horaire dans l’enseignement individuel à domicile pouvait être moins importante qu’à l’école dans une classe composée de nombreux élèves.

Le DIP n’était pas responsable de la charge de travail du programme de l’école à distance choisie par les recourants. Les 55 devoirs hebdomadaires de 52 minutes en moyenne chacun, représentant 47 h par semaine paraissaient en effet une charge invraisemblable et surtout inadaptée à la situation de A______. Il appartenait aux parents d’aménager la charge de ces cours et des évaluations en ligne.

L’enseignement spécialisé n’avait jamais été évoqué. Il était question de phobie scolaire, soit de l’incapacité de se rendre dans une école. Il appartenait aux recourants de former une demande d’enseignement spécialisé s’ils s’y estimaient fondés.

Le SASEP était entré en matière à titre exceptionnel sur la demande de scolarisation à domicile, compte tenu des circonstances particulières d’espèce. Il avait accepté exceptionnellement de dispenser A______ d’étudier et d’être évaluée en allemand, dans la mesure où elle n’avait jamais étudié cette langue, laquelle n’était par ailleurs pas obligatoirement étudiée dans l’enseignement secondaire II. Il était prêt à aménager, de manière exceptionnelle compte tenu de la situation de A______, les modalités concrètes de passation des évaluations de français, allemand et mathématiques. Sur la base d’un certificat médical délivré peu avant les examens, il pourrait être envisagé de lui permettre de subir les évaluations de fin d’année non pas avec les autres élèves scolarisés à domicile mais de manière individuelle dans les locaux de la direction générale de l’enseignement obligatoire, le cas échéant en présence de sa psychologue. Le cas échéant, si elle n’était pas en mesure selon le certificat médical de se présenter à l’une ou l’autre des évaluations de fin d’année scolaire (mai-juin), il pourrait être envisagé qu’elle les passe à mi‑août.

Le lien établi par les recourants entre la décision contestée et la dégradation de l’état de santé de A______ était formellement contesté. Aucune inégalité de traitement n’avait été commise.

c. Le 23 mai 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Il ressortait du certificat médical du psychiatre de A______ que toute adjonction d’heures et/ou de cours supplémentaires serait néfaste pour son état de santé.

Le programme d’enseignement de A______ avait été établi en collaboration avec les professionnels de la santé mais aussi avec elle. Le département démontrait pouvoir faire preuve de souplesse et devait prendre en compte sa situation personnelle. Il avait été informé régulièrement de son état de santé. Celui-ci s’était globalement péjoré. Elle avait été hospitalisée trois semaines en février 2024, puis repris progressivement les cours en ligne dès le 15 mars 2024, puis eu des devoirs dès le 6 mai 2024. Suite à cela, elle avait souffert d’une période de violents vomissements et de graves douleurs à l’estomac, qui l’avaient contrainte à s’absenter de l’école plusieurs jours. Elle avait néanmoins continué de fréquenter l’école sous la surveillance stricte des professionnels de la santé et, lorsque cela était possible, de fréquenter le centre d’accueil de la clinique de son psychiatre. Il était difficile d’avoir une vision claire de la suite de sa scolarité.

Les parents avaient déposé à la fin du mois d’avril une demande d’autorisation d’enseignement à domicile pour l’année scolaire 2024-2025 et indiqué qu’ils fourniraient au DIP des indications sur le programme au plus tard le 31 août 2024. Le programme serait établi en vertu des droits fondamentaux de A______, notamment à l’éducation, à la santé, ainsi qu’au bien-être et à son intérêt supérieur, avec le soutien de son entourage médical.

Le 13 mai 2024, la doyenne du cycle d’orientation de la Florence leur avait adressé un courrier les informant que A______ devrait passer les examens cantonaux d’anglais, de français, de mathématiques et d’allemand en mai ou juin 2024.

Le même jour, les parents de A______ lui avaient répondu qu’ils consulteraient les prestataires médicaux de A______ pour savoir si sa situation lui permettait de passer ces examens, et l’avaient informée qu’une procédure judiciaire était en cours à ce sujet.

Le 17 mai 2023, la doyenne avait insisté pour que Johanna passe les examens et demandé qu’on les planifie.

Après avoir consulté les prestataires médicaux de A______, ses parents avaient indiqué qu’elle ne serait pas en mesure de se présenter à ces examens.

Récemment, A______ avait été inscrite à l’école privée G______ pour la rentrée 2024-2025. Dans cette attente, elle poursuivait sa formation en ligne.

Le DIP opérait des distinctions inopportunes lorsqu’il soutenait que la phobie scolaire était une incapacité par comparaison avec les conditions de l’enseignement spécialisé. Ajoutées au programme d’enseignement en ligne, les exigences du DIP avaient prescrit à A______ des exigences bien plus grandes que celles de l’école en ligne. Si elle était scolarisée dans une école privée, elle ne serait pas soumise aux mêmes exigences. La pression résultant des exigences accrues et onéreuses du DIP – auxquelles n’étaient pas soumis les élèves des écoles privées – avait conduit à participer à la péjoration de son état de santé en février 2024, lorsqu’elle avait dû être hospitalisée plus de trois semaines et avait complètement perdu l’usage de la parole.

d. Le 24 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et les pièces qu’elles ont produits.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Ses parents ont indiqué que A______ était inscrite dans une école privée pour la rentrée 2024-2025. Se pose ainsi la question de l’intérêt actuel au recours, le litige portant sur une décision concernant l’année scolaire 2023-2024, entre-temps achevée.

1.1 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel n'existe plus au moment du dépôt du recours, celui‑ci est déclaré irrecevable. Lorsque cet intérêt disparaît durant la procédure, la cause est radiée du rôle comme devenue sans objet (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et les arrêts cités).

Il est exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1), lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79) ou encore lorsqu'en raison de l'importance de principe de la question soulevée, il y a un intérêt public suffisant à ce que celle-ci soit résolue (ATF 135 I 79 consid. 1.1 = SJ 2009 I 330 et 331 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.261/2003 du 22 janvier 2004 consid. 1.1).

1.2 En l’espèce, l’année scolaire 2023-2024 s’est achevée et A______ est inscrite dans une école privée, de sorte que l’évaluation de ses connaissances est désormais assurée. La recourante ne soutient pas que la décision du SASEP ou encore le fait ne pas avoir subi d’évaluations du DIP à la fin de l’année scolaire 2023-2024 lui aurait porté préjudice, par exemple dans la suite de sa scolarité. Il pourrait ainsi être considéré qu’elle n’a plus d’intérêt au recours.

Toutefois, il n’est pas exclu qu’elle puisse se trouver un jour en situation de devoir à nouveau quitter l’école en cours d’année, en raison des troubles dont sa santé psychique est affectée, et de demander une scolarisation à domicile. Elle indique d’ailleurs l’avoir fait dans un premier temps en vue de la rentrée scolaire 2024‑2025, avant d’être admise dans une école privée. Il n’est ainsi pas exclu que la problématique se représente. La recourante conserve donc un intérêt actuel à faire contrôler le bien-fondé de la décision litigieuse pour le cas où une décision de même nature devrait à nouveau être prononcée.

Sa qualité pour recourir sera admise.

2.             Sans y conclure formellement, la recourante propose l’audition des parties et de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, l’histoire scolaire de A______, l’évolution de son état de santé, ses compétences de locutrice bilingue, la nature et la composition du programme d’enseignement à distance et son inscription dans une école privée à la rentrée 2024‑2025 ne sont pas remises en cause. Le détail de l’entretien du 8 janvier 2024 de ses parents avec le SASEP sont sans portée pour la solution du litige, les positions respectives étant suffisamment documentées. Le dossier est complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas ordonné d’actes d’instruction.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du SASEP du 23 janvier 2024 imposant à la recourante de subir un examen d’anglais, de suivre des cours de français et de subir un examen de français, et de rendre un travail de recherche en sciences de la nature (biologie ou physique) en lieu et place de l’examen de sciences de la nature.

3.1 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) et non réalisée en l’espèce.

3.2 À teneur de l’art. 19 Cst., le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. Au niveau cantonal, l’art. 24 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) dispose que le droit à l’éducation, à la formation et à la formation continue est garanti (al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

3.3 L’art 62 Cst. prévoit que l’instruction publique est du ressort des cantons (al. 1). Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques (al. 2). Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur 20e anniversaire (al. 3). Si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l'âge de l'entrée à l'école, la durée et les objectifs des niveaux d'enseignement et le passage de l'un à l'autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (al. 4). La Confédération règle le début de l'année scolaire (al. 5). Les cantons sont associés à la préparation des actes de la Confédération qui affectent leurs compétences ; leur avis revêt un poids particulier (al. 6).

3.3.1 Selon son art. 1, la LIP régit l’instruction obligatoire, soit la scolarité et la formation obligatoires jusqu’à l’âge de la majorité pour l’enseignement public et privé (al. 1). Elle régit également l’intégration et l’instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l’âge de 20 ans révolus (al. 2). Elle s’applique aux degrés primaire et secondaire I (scolarité obligatoire) et aux degrés secondaire II et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles (ci-après : degré tertiaire B) dans les établissements de l’instruction publique (al. 3).

L’instruction publique comprend le degré primaire, composé du cycle élémentaire et du cycle moyen (art. 4 al. 1 let. a LIP). Selon l’art. 60 LIP, le degré primaire dure huit ans et comprend deux cycles d’une durée de quatre ans chacun, à savoir le cycle élémentaire (années 1 à 4) et le cycle moyen (années 5 à 8).

3.3.2 L’art. 37 al. 1 LIP prévoit que tous les enfants et jeunes en âge de scolarité obligatoire et habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de ladite loi, au programme général établi par le DIP conformément à l’accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06) et à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07).

Le DIP, avec le concours des services concernés, veille à l’observation de l’obligation d’instruction, telle que définie à l’art. 1 LIP (art. 38 al. 1 LIP). Les parents sont tenus, sur demande du DIP, de justifier que leurs enfants, jusqu’à l’âge de la majorité, reçoivent l’instruction obligatoire fixée par la loi (art. 38 al. 2 LIP).

La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet (art. 55 al. 1 LIP). Tout enfant, dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet, doit être inscrit à l’école dans les trois jours qui suivent son arrivée à Genève (art. 57 al. 1 LIP).

3.3.3 La scolarisation des enfants en âge de scolarité obligatoire est régie par le règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993 (REP - C 1 10.21), respectivement par le règlement du cycle d'orientation du 9 juin 2010 (RCO - C 1 10.26).

La scolarisation dans une école privée est régie par le règlement relatif à l’enseignement privé du 10 mai 2023 (REPriv - C 1 10.83).

Les enfants dont les besoins éducatifs particuliers ont été établis par une procédure d’évaluation standardisée (ci-après : PES) bénéficient de prestations de pédagogie spécialisée, régies par le règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 (RPSpéc - C 1 12.05).

3.3.4 Selon son art. 1, le REPriv s’applique à l'enseignement privé relevant de la scolarité et de la formation obligatoires par analogie avec la LIP (al. 1). Selon l’al. 2 de la même disposition, sont concernés : (a) les écoles privées visées à l’art. 41 al. 1 LIP déployant leur activité dans (1°) la scolarité obligatoire des degrés primaire et secondaire I et (2°) la formation professionnelle ; (b) l'enseignement à domicile dispensé aux enfants qui sont soumis à la scolarité obligatoire au sens de la loi et qui sont domiciliés dans le canton. Selon l’al. 3, pour les élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés au bénéfice d'une mesure d'enseignement spécialisé, l'enseignement à domicile est régi par l'art. 9 al. 5 et 6 RPSpec.

3.3.5 Sous le titre III « enseignement à domicile », l’art. 23 REPriv prévoit que l’enseignement à domicile doit permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et compétences prévues dans le plan d'études romand (al. 1). Un enseignement dispensé exclusivement à distance n’est pas autorisé (al. 2).

Selon l’art. 24 REPriv, la direction générale de l'enseignement obligatoire est l'autorité compétente chargée d'appliquer le titre III du REPriv (al. 1). La compétence de la direction générale de l'office médico-pédagogique (ci‑après : OMP) est réservée s'agissant de l'enseignement à domicile des élèves dont un besoin de pédagogie spécialisée a été reconnu au terme d'une PES (al. 2).

Tous les frais inhérents à l'enseignement à domicile sont à la charge des parents, à l'exception de ceux afférents aux contrôles de fin d'année (art. 25 REPriv).

Au chapitre des conditions d’octroi, l’art. 26 REPriv dispose que le programme d'enseignement doit inclure les domaines disciplinaires, les capacités transversales et la formation générale tels que découlant du PER (al. 1). Lorsque la langue principale de l'enseignement n'est pas le français, le programme doit comporter un nombre suffisant de cours en français, permettant aux élèves d’être intégrés dans la société locale. Les modalités sont fixées par une directive départementale (al. 2). L'élève doit bénéficier d'activités régulières exercées dans un cadre collectif permettant sa socialisation en dehors du cercle familial (al. 3). L'enseignement et l'éducation respectent les droits fondamentaux de l'enfant et doivent répondre à l'intérêt de l'enfant (al. 4).

L’enseignement à domicile se déroule en principe sur l'entier de l'année scolaire (art. 27 al. 1 REPriv). L’entrée en enseignement à domicile n'est pas autorisée en cours d'année scolaire, sauf pour les élèves qui s’établissent en cours d'année scolaire dans le canton ou qui font l'objet d'un octroi d'une mesure d’enseignement spécialisé en cours d’année scolaire (art. 27 al. 2 REPriv).

Selon l’art. 28 REPriv, la ou les personnes chargées de l’enseignement à domicile doivent démontrer qu’elles sont en possession d'un titre permettant l'accès à une filière bachelor au sein des hautes écoles suisses telles que définies à l'art. 2 al. 2 de la loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles du 30 septembre 2011 (al. 1). Elles doivent démontrer qu’elles ont suffisamment de disponibilité pour assurer la mise en œuvre effective du programme d’enseignement présenté (al. 2). Les parents fournissent les informations et attestations nécessaires à cet effet (al. 3).

Selon l’art. 30 REPriv, les parents qui entendent donner eux-mêmes ou faire donner un enseignement à domicile à leur enfant, en sollicitent l'autorisation auprès de la direction générale, respectivement de l'office pour les enfants à besoins éducatifs particuliers ou handicapés (al. 1). Les parents doivent préciser quelles sont la ou les personnes chargées de l’enseignement ainsi que les mesures prises pour assurer à l’enfant tant un enseignement correspondant aux objectifs du plan d'études romand que des activités de socialisation hors du cadre familial (al. 3). La demande d’autorisation d’enseignement à domicile doit être déposée au plus tard le 30 avril de l'année en cours, sauf pour les élèves concernés par l'art. 27 al. 2 (al. 4).

Dans le cadre de l'examen de la demande d’autorisation d’enseignement à domicile, la direction générale, respectivement l’office, vérifie que l'enseignement proposé répond aux objectifs du plan d'études romand, ainsi qu'aux besoins de l’enfant tant au niveau de sa scolarité que de sa socialisation (art. 31 al. 1 REPriv). À cet effet, la direction générale, respectivement l’office, peut solliciter auprès des parents tout renseignement ou document utile à l'appréciation de la situation (al. 2).

L'enseignement à domicile est en principe autorisé pour la durée d'une année scolaire (art. 32 al. 1 REPriv). L'autorisation d’enseignement à domicile peut en tout temps être assortie de conditions ou retirée, si l'une des conditions d'octroi n'est pas ou plus remplie (art. 32 al. 2 REPriv). Tout changement de la ou des personnes chargées de l'enseignement ou tout changement dans le programme d'enseignement ou de socialisation doit être immédiatement annoncé à la direction générale, respectivement à l'office (art. 32 al. 3 REPriv). Les parents peuvent renoncer en tout temps à l'enseignement à domicile, par l'inscription de leur enfant en école privée ou dans l'enseignement public. Ils en informent sans délai la direction générale, respectivement l'office (art. 32 al. 4 REPriv).

3.3.6 Sous la note marginale « instruction obligatoire – surveillance », l’art. 43 LIP prévoit que le DIP vérifie en tout temps que l’instruction obligatoire dans les écoles privées ou à domicile est conforme aux dispositions légales et réglementaires (al. 1). Les écoles privées proposant un enseignement à des élèves en âge de scolarité obligatoire doivent dispenser un nombre suffisant de cours en français, permettant aux élèves d’être intégrés dans la société locale (al. 4). Le département peut exiger de la direction de l’école privée, respectivement des parents en cas de scolarisation à domicile, les renseignements et les documents nécessaires et charger un de ses représentants de visiter les locaux, d’assister à l’enseignement et de procéder à l’évaluation des élèves (al. 5). Si le département constate que l’enseignement donné dans une école privée ou à domicile est insuffisant, il prend les mesures destinées à garantir le droit à l’éducation de l’élève; il met notamment en demeure les parents de les envoyer dans une autre école, de les confier à d’autres professeurs ou de les scolariser à l’école publique (al. 6).

Au chapitre IV consacré à la « surveillance de l’enseignement à domicile », l’art. 34 REPriv prévoit que la direction générale, respectivement l’office, s’assure, au moins une fois par année, que l’enseignement dispensé à domicile est suffisant (al. 1). A cette fin, la direction générale, respectivement l’office, peut exiger en tout temps des parents les renseignements et les documents nécessaires et exceptionnellement charger une personne la représentant d'assister à l'enseignement (al. 2). Les élèves sont soumis en fin d'année scolaire à des évaluations, qui peuvent avoir lieu sous la forme d'examens ou de travaux de recherche organisées par la direction générale, respectivement l'office. Les modalités de ces évaluations sont définies dans une directive départementale (al. 3). En cas de doute, l'élève peut être soumis en tout temps à des évaluations intermédiaires (al. 4). Si l’enseignement apparaît insuffisant, la direction générale, respectivement l'office, met en demeure les parents de prendre les mesures appropriées (al. 5). Si l’enseignement reste insuffisant après la mise en demeure, la direction générale, respectivement l'office, peut retirer l’autorisation d’enseignement à domicile. Elle octroie alors un court délai aux parents pour justifier de l'inscription de leur enfant en école privée ou dans l'enseignement public (al. 6). À défaut, elle procède à un signalement au service de protection des mineurs (art. 7).

Lorsque la direction générale pressent chez un élève un besoin susceptible de faire l’objet d’une mesure individuelle en pédagogie spécialisée, elle le signale aux parents et leur propose sa collaboration pour le dépôt d'une demande auprès du service de la pédagogie spécialisée (art. 35 REPriv).

Les parents sont tenus de collaborer en tout temps avec la direction générale, respectivement l'office (art. 36 al. 1 REPriv). Si l'obligation de renseigner ou de communiquer n'est pas respectée, la direction générale, respectivement l'office, peut limiter, assortir de conditions ou retirer l’autorisation d’enseignement à domicile (art. 36 al. 2 REPriv). Dans ce dernier cas, la direction générale, respectivement l’office, octroie un court délai aux parents pour justifier de l'inscription de leur enfant en école privée ou dans l'enseignement public (art. 36 al. 3 REPriv). À défaut, la direction générale, respectivement l’office, procède à un signalement au service de protection des mineurs (art. 36 al. 4 REPriv).

Au chapitre V consacré à l’évaluation, l’art. 37 REPriv prévoit que les évaluations effectuées en fin d'année scolaire permettent d'évaluer l'atteinte des objectifs de l'année de scolarité considérée (al. 1). Les modalités d'évaluation sont définies par une directive départementale (al. 2). La direction générale, respectivement l'office, informe les parents du résultat des évaluations ainsi que de la validation, la non-validation ou la validation par dérogation de l'année scolaire (al. 3). Les élèves instruits à domicile ne peuvent en principe pas doubler leur année scolaire (al. 5).

L'élève scolarisé à domicile qui intègre l'enseignement public obligatoire régulier en cours de scolarité est placé en principe dans l'année de scolarité et le type de classe qui correspond à son âge et à son niveau de formation antérieur (art. 39 al. 1 REPriv).

Les élèves ayant terminé en enseignement à domicile leur 11e année d'enseignement obligatoire sont admis au sein du degré secondaire II sous réserve de la réussite des tests ou concours d'admission décrits dans le règlement relatif à l'admission dans l'enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (art. 40 REPriv).

4.             En l’espèce, la recourante ne conteste pas qu’elle est en âge de scolarité obligatoire, selon l’art. 55 LIP, et que sa scolarisation à domicile est régie par le REPriv, conformément à l’art. 1 al. 2 let. b REPriv.

La recourante ne discute pas que sa scolarisation à domicile soit soumise à autorisation du DIP, conformément à l’art. 30 REPriv. Elle a d’ailleurs déposé deux demandes successives, pour les années 2023-2024 et 2024-2025, et ses parents ont échangé avec le SASEP au début de l’année 2024 au sujet des modalités de ce type d’enseignement et des conditions de l’autorisation.

La décision attaquée se fonde sur les exigences du PER, conformément à ce que prévoit l’art. 26 al. 1 REPriv, et il appartenait au SASEP de vérifier que le programme s’enseignement prévu par les parents de la recourante se conforme au PER, comme prévu par art. 31 al. 1 REPriv, ce que la recourante ne remet pas en question.

Le SASEP a examiné le programme d’enseignement élaboré par les parents de la recourante. Au terme d’une pesée des intérêts prenant en compte la situation particulière de cette dernière, il a accepté qu’une part importante de son enseignement ait lieu en ligne auprès d’un site d’éducation anglophone, procédant ainsi à une interprétation large de l’art. 23 al. 2 REPriv – qui exclut un enseignement dispensé exclusivement à distance – en faveur du projet de la recourante. Il a toutefois exigé, dans un premier temps, que le programme d’enseignement à domicile soit complété par l’enseignement, en présence d’un enseignant, de l’allemand et du français, et que ces disciplines fassent l’objet d’un examen de fin d’année au DIP. Dans un second temps, le SASEP a accepté de dispenser la recourante de l’enseignement de l’allemand, compte tenu qu’elle n’avait jamais étudié cette langue, mais a maintenu l’exigence de l’enseignement du français, de l’examen de français, de l’examen d’anglais et de la remise d’un travail de recherche en sciences de la vie.

La recourante se plaint de ces exigences.

Elle conteste l’exigence de l’enseignement et de l’évaluation du français, expliquant être parfaitement bilingue anglais/français, et même multilingue (tsigane, roumain, serbe passif), suivre un enseignement scolaire anglophone et pratiquer par ailleurs le français à l’occasion d’activité créatrices et sportives ou encore auprès de sa thérapeute. Elle perd de vue que, selon l’art. 26 al. 2 REPriv, lorsque la langue principale de l'enseignement n'est pas le français, le programme doit comporter un nombre suffisant de cours en français, permettant aux élèves d’être intégrés dans la société locale. Contrairement à ce qu’elle a semblé comprendre dans un premier temps, le SASEP n’exigeait pas un enseignement du français conforme à la dotation usuelle de l’enseignement francophone, mais quelques heures de cours de français par semaine. La recourante ne peut par ailleurs pas être suivie lorsqu’elle soutient que les cours de peinture, de céramique ou d’éducation physique équivaudraient à l’enseignement du français. S’ils peuvent effectivement constituer une occasion de pratiquer la langue, ils ne sont de toute évidence pas à même d’apporter un savoir structuré sur la grammaire et la littérature françaises comme le ferait un cours de langue dispensé par un enseignant qualifié.

La recourante conteste devoir subir un examen d’anglais. Elle fait valoir qu’elle est anglophone et que l’enseignement qu’elle suit en ligne est dispensé en anglais. Ainsi que le fait valoir l’intimé, cette circonstance ne la dispense toutefois pas de se soumettre à l’évaluation prévue par l’art. 37 REPriv, au même titre d’ailleurs que tous les élèves anglophones de l’enseignement public ou privé, étant observé que l’examen ne devrait pas dans ces circonstances présenter pour la recourante de grandes difficultés.

La recourante se plaint de devoir rendre un travail en sciences, alors même qu’elle doit rendre de nombreux devoirs à son école en ligne. Elle perd de vue que l’intimé l’a dispensée d’examen et que la préparation d’un travail écrit ne paraît pas constituer une exigence disproportionnée au regard des nombreux travaux qu’elle indique devoir rendre en ligne.

La recourante se plaint que des conditions lui soient imposées alors que le programme qu’elle a élaboré avec ses parents respecte les exigences cantonales. Elle perd de vue que tel n’est précisément pas le cas, ainsi qu’il a été vu plus haut, qu’il s’agisse de l’enseignement du français ou de l’évaluation des disciplines. En réalité, la recourante a bénéficié d’aménagements importants, le SASEP ayant renoncé à tester ses connaissances acquises dans de nombreuses autres disciplines, et ce alors même que l’art. 34 REPriv prévoit qu’elle soit soumise en fin d'année scolaire à des évaluations pouvant avoir lieu sous la forme d'examens ou de travaux de recherche organisés par le DIP (al. 3) et qu’elle pourrait même être soumise en tout temps à des évaluations intermédiaires (al. 4).

La recourante se plaint que les exigences du SASEP alourdiraient de manière insupportable un programme d’enseignement en ligne déjà chargé, ce qui menacerait de porter préjudice à sa santé psychique, déjà fragile. Elle ne peut être suivie. Elle ne pouvait ignorer, pour avoir formé une demande de scolarisation à domicile, que son programme d’études devait être avalisé par le SASEP, et qu’il ne pourrait être autorisé que s’il était conforme aux exigences réglementaires cantonales. Ce programme a d’ailleurs fait l’objet de discussions entre ses parents et le SASEP. Il lui appartenait donc d’anticiper le respect des conditions légales lors de la constitution de son programme en ligne, et l’acceptation de son programme d’études nécessitaient des compléments, il lui appartenait de redimensionner le volume de l’enseignement suivi en ligne. À cet égard, la recourante ne contredit pas l’intimé lorsque celui-ci observe que le programme en ligne qu’elle explique avoir établi avec ses parents et ses thérapeutes apparaît déjà particulièrement lourd, a fortiori lorsque l’on tient compte de son état de santé psychique. Le fait que ses thérapeutes aient pu attester que les exigences du SASEP rendraient illusoire de poursuivre sa scolarité à domicile et en ligne et ainsi, vu les expériences passées, de poursuivre toute scolarité adéquate, ne lui est pour ces motifs d’aucun secours, dès lors qu’il lui appartient de s’adapter aux exigences légales.

La recourante se plaint qu’aucune autre option, notamment l’enseignement spécialisé, ne lui ait été proposée. Cet argument tombe à faux : la recourante n’indique pas avoir demandé à bénéficier de l’enseignement spécialisé, et elle ne rend pas vraisemblable que cette voie pourrait lui être ouverte, alors qu’elle n’est affectée d’aucun déficit dans ses facultés d’apprentissage mais souffre d’une phobie scolaire l’ayant momentanément empêchée de fréquenter un établissement scolaire.

La recourante fait encore valoir le coût des exigences posées par le SASEP. Elle oublie ce faisant, que selon art. 25 REPriv, tous les frais inhérents à l'enseignement à domicile sont à la charge des parents, à l'exception de ceux afférents aux contrôles de fin d'année. Elle ne dit mot par ailleurs des coûts respectifs de l’enseignement en ligne qu’elle a choisi et de l’enseignement du français que le SASEP lui demande de suivre à raison de quelques heures par semaine.

Contrairement à ce que soutient la recourante, il ressort finalement de la procédure que le SASEP a procédé à une pesée des intérêts tout en nuances entre l’application stricte de la réglementation et la nécessité de trouver pour elle une solution éducative. En attestent entre autres les aménagements successifs consentis par le SASEP et l’attention portée aux demandes des parents de la recourante.

Pour le surplus, la recourante n’expose nullement en quoi la règlementation applicable et la décision finalement prononcée par le SASEP auraient porté atteinte aux droits que lui reconnaissent la CEDH, la CDE, la LED et la LHand.

Elle n’expose pas en particulier quelle atteinte exactement elle subirait du fait de l’application des conditions légales posées pour l’enseignement à domicile, soit en quoi l’exigence de l’enseignement de quelques heures de français porterait par exemple atteinte à son droit à l’éducation, à sa vie familiale, à son droit à une éducation inclusive. Elle n’expose pas par ailleurs en quoi elle souffrirait d’un handicap. S’il fallait admettre l’existence d’une atteinte, celle-ci serait fondée sur une base légale suffisante, poursuivrait un intérêt public à ce que les enfants scolarisés à domicile disposent d’une formation conforme aux standards et serait proportionnée.

La décision attaquée apparaît ainsi en tous points conforme à la loi. Elle n’est constitutive ni d’excès ni d’abus du pouvoir d’appréciation de l’intimé.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourantes, soit pour elles de leurs parents pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2024 par A______, enfant mineure agissant par ses parents B______ et C______, contre la décision du service d’autorisation et de surveillance de l’enseignement privé du 23 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de B______ et C______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Coraline DURET, avocate de la recourante, ainsi qu'au service d'autorisation et de surveillance de l'enseignement prive.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :