Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/924/2024 du 06.08.2024 sur JTAPI/261/2024 ( ICC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2393/2023-ICC ATA/924/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 6 août 2024 4ème section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Alain MARTIGNIER, mandataire
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2024 (JTAPI/261/2024)
A. a. Le litige concerne les impôts communaux et cantonaux (ICC) 2011, 2012 et 2013.
Périodes fiscales 2011 et 2012
b. Par bordereaux du 4 juin 2015, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a taxé A______ et son défunt époux pour les impôts communaux et cantonaux (ICC) 2011 et 2012.
Pour 2011, la fortune imposable retenue était de CHF 64'770'786.-, le total des impôts avant imputations s’élevait à CHF 398'262.55 et la réduction cantonale liée au bouclier fiscal à CHF 306'879.05.
Pour 2012, la fortune imposable retenue s’élevait à CHF 64'882'282.-, le total des impôts à CHF 398'931.55 et la réduction cantonale liée au bouclier fiscal de CHF 312'783.65.
c. Le 25 juin 2015, cette dernière a élevé réclamation, par le biais de son mandataire, contestant les modalités de calcul du bouclier fiscal dont elle bénéficiait. Elle transmettait dans sa réclamation le détail des montants qu’elle estimait être corrects.
Pour 2011, elle retenait pour sa part comme fortune imposable CHF 61'054'247.- soit un impôt maximal de CHF 357'778.-.
Pour 2012, la fortune imposable s’élevait à CHF 61'150'900.- et l’impôt maximal dû à CHF 371'489.35.
d. Le 21 octobre 2015, l’AFC-GE a communiqué le détail de son calcul du bouclier fiscal, interpellant A______ sur le maintien ou non de ses réclamations.
e. Le 5 novembre 2015, cette dernière a répondu, communiquant les détails des montants qu’elle souhaitait que l’AFC-GE retienne, légèrement modifiés par rapport à ses réclamations, confirmant maintenir celles-ci.
Le calcul de l’AFC-GE ne correspondait pas au texte légal de l’art. 60 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et ignorait un point important de la jurisprudence relative à l’impôt confiscatoire. Il convenait de rectifier les chiffres mentionnés dans le tableau du 21 octobre 2015.
Elle retenait au titre de la fortune nette pour 2011 CHF 61'054'247.-, soit un impôt total maximal avant imputations de CHF 349'126.20.
Pour 2012, elle retenait une fortune déterminante de CHF 61'150'900.- et un impôt maximal de CHF 362'837.40.
f. Par décisions du 2 mars 2020, l’AFC-GE a admis les réclamations et notifié à la contribuable des bordereaux rectificatifs ICC 2011 et 2012. La décision mentionnait, dans sa motivation « (…) le département des finances décide de vous remettre un bordereau rectificatif qui tient compte de vos remarques ».
Deux bordereaux faisant état des chiffres suivants au titre de fortune nette étaient joints aux décisions : pour 2011, la fortune imposable retenue était de CHF 64'882'282.- et le total d’impôts avant imputations de CHF 376'316.35. La réduction cantonale liée au bouclier fiscal s’élevait désormais à CHF 327'877.25.
Pour 2012, la fortune imposable s’élevait à CHF 64'882'282, le total d’impôt avant imputations à CHF 376'316.35 et la réduction cantonale liée au bouclier fiscal à CHF 331'869.30.
g. Le 3 avril 2020, la contribuable a indiqué à l’AFC-GE qu’elle ne souhaitait pas recourir contre les décisions sur réclamation précitées, dès lors qu’elles lui donnaient entièrement satisfaction. Toutefois, selon elle, le calcul de l’impôt était erroné, car il ne correspondait pas à ces décisions. Elle demandait donc à l’AFC‑GE d’établir de nouveaux bordereaux rectificatifs conformes à ces décisions.
Période fiscale 2013
h. Le 6 février 2017, l’AFC-GE a taxé la contribuable et son défunt époux pour l’ICC 2013.
Elle retenait une fortune imposable de CHF 69'811'023.-, un total d’impôts avant imputations de CHF 428'512.15 et une réduction cantonale liée au bouclier fiscal de CHF 308'427.80.
i. Le 28 février 2017, A______ a formé réclamation contre ce bordereau, au motif que le calcul du bouclier fiscal était erroné.
Elle retenait pour sa part au titre de fortune imposable un montant de CHF 66'119'495.- soit un impôt total de CHF 348'021.- avant imputations.
j. Par décision du 3 août 2020, l’AFC-GE a admis la réclamation et notifié à la contribuable un bordereau rectificatif ICC 2013. La motivation de cette décision était identique à celle figurant dans les décisions du 2 mars 2020 précitées.
Les chiffres retenus étaient pour la fortune imposable de CHF 69'811'023.- et l’impôt total avant imputations s’élevait à CHF 398'712.55. La réduction cantonale liée au bouclier fiscal s’élevait à CHF 333'576.15.
k. Le 25 août 2020, A______ a à nouveau indiqué à l’AFC-GE qu’il lui semblait que le calcul de l’impôt était erroné. Selon elle, il ne correspondait pas à la décision qu’elle avait reçue. Elle n’allait pas interjeter recours contre la décision sur réclamation, car celle-ci lui donnait « entièrement satisfaction » mais demandait à l’AFC-GE d’établir un nouveau bordereau rectificatif qui soit conforme à la décision.
Le calcul de l’impôt ne correspondait pas à la décision, devant s’élever à CHF 348'021.- avant imputations, conformément aux détails de sa réclamation.
l. Par courriers des 8 juin et 21 décembre 2021, A______ a demandé à l’AFC-GE de se prononcer sur ses requêtes des 3 avril et 25 août 2020, en particulier de corriger les « erreurs mathématiques » constatées dans les bordereaux rectificatifs ICC 2011, 2012 et 2013.
m. De nombreux échanges de courriers ont eu lieu entre les parties entre les mois de février et juin 2022, l’AFC-GE adressant des demandes de renseignements concernant la société B______ « afin de [lui] permettre d’examiner votre réclamation » et A______ s’étonnant des demandes de renseignement, rappelant que les taxations 2011 à 2013 étaient entrées en force mais qu’elle demeurait dans l’attente de la rectification des bordereaux correspondants.
n. Le 28 juillet 2022, l’AFC-GE lui a répondu que « sa demande était en cours d’analyse auprès de la direction des personnes physiques et celle des affaires juridiques », justifiant le long délai de réponse par une surcharge de travail et les vacances scolaires.
o. Le 2 mai 2023, A______ a demandé à l’AFC‑GE de se prononcer sur ses requêtes des 3 avril et 25 août 2020, en particulier de corriger les « erreurs mathématiques » constatées dans les bordereaux rectificatifs ICC 2011, 2012 et 2013.
p. Le 27 juin 2023, la direction des personnes physiques de l’AFC-GE a répondu au mandataire d’A______, revenant sur la correspondance précitée et s’excusant du délai de réponse. Les bordereaux rectificatifs 2011, 2012 et 2013 étaient conformes à la jurisprudence en matière de calcul du bouclier fiscal telle qu’elle prévalait au moment de leur notification. L’art. 60 LIPP ne prévoyait pas l’exclusion de certains actifs dans le cadre de la détermination du rendement minimum de fortune. Le calcul avait ainsi été appliqué en conformité avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, soit en prenant en compte l’intégralité de la fortune pour déterminer le rendement minimum.
Juridiquement, le bordereau matérialisait la décision de taxation en tant que « résultat de l’application des normes fiscales ». Le courrier de couverture était une lettre-type standardisée ne déployant pas d’effet formel. Elle prenait acte de ses remarques quant au calcul du bouclier fiscal, mais ne pouvait pas tenir compte de ses griefs, qui étaient contraires à la jurisprudence prévalant à la date de la notification.
Comme la contribuable le relevait d’ailleurs, les taxations des années concernées étaient toutes entrées en force, raison pour laquelle elle clôturait les procédures de réclamation ouvertes à tort à la suite de ses courriers des 3 avril et 25 août 2020.
B. a. Par acte du 18 juillet 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) à l’encontre des décisions de l’AFC-GE du 27 juin 2023, concluant à ce que les décisions sur réclamation « fassent foi », et à ce que l’AFC-GE lui notifie de nouveaux bordereaux conformes à ces décisions, ou, le cas échéant, qu’elle lui accorde « une remise correspondant à des bordereaux rectifiés dans le sens de ces décisions, afin de contourner les contraintes informatiques ».
b. L’AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours, considérant que son courrier du 27 juin 2023 ne constituait pas une décision. Cela étant, elle informait le TAPI qu’une décision était en cours de notification à ce sujet.
c. Dans sa réplique, la contribuable a relevé que si une décision sur réclamation était accompagnée de bordereaux erronés, comme en l’espèce, et qu’aucun recours n’était recevable dans un tel cas, « aucune erreur de calcul de l’impôt ne serait contestable ». Elle s’opposait donc aux explications de l’AFC-GE mais suggérait d’attendre la notification de la décision annoncée par l’AFC-GE dans ses écritures.
d. Par jugement du 25 mars 2024, le TAPI a rejeté le recours.
Dans ses demandes des 3 avril et 25 août 2020, elle n’avait pas exposé la teneur des « erreurs mathématiques » qu’elle soulevait. Elle estimait que les calculs figurant dans les bordereaux joints aux décisions sur réclamation auraient dû correspondre à ce qu’elle avait exposé dans sa réclamation, puisque le département des finances lui avait remis des bordereaux rectificatifs en indiquant « tenir compte de ses remarques ». Selon le TAPI, ce motif relevait manifestement d’une question de fond et non d’une erreur de calcul au sens de la jurisprudence, de sorte que la contribuable aurait dû le faire valoir non par la voie de l’art. 58 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) mais par la voie ordinaire, ce qu’elle n’avait pas fait. L’AFC-GE aurait d’ailleurs dû déclarer irrecevables ses demandes des 3 avril et 25 août 2020 pour défaut de motivation. Dans son recours, l’intéressée ne faisait d’ailleurs état d’aucune erreur de calcul concrète, prétendant que les décisions sur réclamation avaient « validé ses calculs ». En réalité, elle semblait plutôt mécontente de la manière dont le bouclier fiscal avait été appliqué (soit calculé), ce qu’elle aurait dû contester par la voie du recours ordinaire. Enfin, la voie de la révision était également irrecevable, puisqu’elle aurait pu et dû faire valoir ces motifs par le biais d’un recours.
C. a. Par acte expédié le 16 avril 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à faire « dire à l’AFC-GE » qu’elle devait procéder à la correction des bordereaux 2011, 2012, et 2013, qu’à défaut, il convenait de lui accorder une remise pour le montant correspondant, de constater que le bouclier fiscal n’était pas l’objet du litige, de confirmer « qu’une décision formelle n’était pas une lettre d’accompagnement-type mais qu’elle avait force de loi et qu’un bordereau d’impôt accompagnant une décision ayant force de loi était une annexe de cette décision et devait y correspondre ».
Elle insistait sur le fait que le litige ne portait pas sur le calcul du bouclier fiscal.
Dans ses décisions sur réclamation, l’AFC-GE avait indiqué lui remettre des bordereaux rectificatifs tenant compte de ses remarques. Or, le calcul de l’impôt ne correspondait pas aux décisions, par lesquelles l’AFC-GE avait pourtant « validé [ses] calculs ».
Selon l’expérience de son mandataire, lorsqu’une réclamation était rejetée, seule une décision signée était notifiée, alors que lorsqu’il était fait droit à une réclamation, une décision signée était évidemment accompagnée d’un bordereau rectificatif « différent de celui contesté ». Dans son cas, l’AFC-GE avait décidé de faire droit à ses prétentions, mais lui avait remis, après près de cinq ans, des bordereaux identiques à ceux contre lesquels elle avait réclamé.
Lors de l’établissement des déclarations fiscales 2011, 2012 et 2013, le calcul du bouclier fiscal se faisait à cette époque en application d’une jurisprudence allemande et la méthode de l’AFC-GE avait fait l’objet de nombreuses réclamations, jusqu’à un arrêt du Tribunal fédéral (ci-après : TF) de 2018 réglant la question. Si leurs déclarations avaient été postérieures à l’arrêt du TF valant jurisprudence, il n’y aurait pas eu lieu de déposer des réclamations. Or, tel n’était pas le cas : au moment où ses réclamations avaient été rejetées, cette jurisprudence du TF n’existait pas.
Enfin, contrairement aux allégations de l’AFC-GE, le bordereau était effectivement une annexe de la décision, ce que précisait d’ailleurs cette dernière.
Le TAPI avait en outre erré en estimant qu’elle n’avait pas expliqué en quoi consistaient les « prétendues erreurs mathématiques ». Ses courriers des 25 juin et 5 novembre 2015 et du 28 février 2017 détaillaient de manière claire les « chiffres qui faisaient défaut sur les bordereaux ». Elle était consciente que le système informatique de l’AFC-GE ne pouvait pas émettre des bordereaux sur les chiffres qu’elle avait revendiqués et que l’AFC-GE avait validés par ses décisions sur réclamation.
b. L’AFC-GE s’en est remise à justice quant à l’issue de la procédure. Dans le cas où le recours de la contribuable serait admis, les frais de justice et/ou indemnités devaient être imputés au TAPI.
c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 LPFisc).
2. Le litige concerne l’ICC des années 2011 à 2013. La recourante estime que les bordereaux rectificatifs étaient erronés et qu’il s’agissait d’une erreur de calcul, l’AFC-GE n’ayant pas tenu compte de ses remarques et des chiffres qu’elle avait présentés.
2.1 Les art. 58 LPFisc et 150 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoient que les erreurs de calcul et de transcription figurant dans une décision ou un prononcé entré en force peuvent, sur demande ou d’office, être corrigées dans les cinq ans qui suivent la notification par l’autorité qui les a commises (al. 1). La correction de l’erreur ou le refus d’y procéder peuvent être attaqués par les mêmes voies de droit que la décision ou le prononcé (al. 2).
La notion d'erreur de calcul et de transcription étant identique en droit fédéral, il convient également de se référer à la jurisprudence et la doctrine relatives à l'art. 150 LIFD.
Par cette institution, on ne vise pas les erreurs concernant la formation de la volonté de l’autorité qui a rendu la décision, mais celles intervenues dans l’expression de cette volonté. Les notions d’erreurs de calcul et de transcription sont interprétées de manière restrictive et elles regroupent ce que l’on appelle également des « erreurs de chancellerie ». L’objet de la rectification est de permettre la correction d’erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul qui doivent résulter à l’évidence du texte de la décision, faute de quoi cela reviendrait à la modifier matériellement, ce qui n’est pas admissible. La correction d’une taxation en vertu de l’art. 150 LIFD trouve toujours son origine dans la faute commise par les autorités. Des erreurs de calcul ou de transcription commises par le contribuable ne peuvent être corrigées que si l’autorité fiscale les a reprises par inadvertance (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, ad art. 150 LIFD, p. 1807-1808 n. 1 et 3).
La notion d’erreurs de calcul ne comprend que les inadvertances qui se sont produites lors d’une opération mathématique, comme par exemple une addition erronée. Par contre, ne constituent pas une telle erreur des inadvertances commises lors du choix ou de l’effacement d’un code d’ordinateur ou l’application d’un ancien taux d’impôt, la modification intervenue étant restée lettre morte. On est en présence d’une erreur de transcription lorsque la personne concernée voulait écrire autre chose que ce qu’elle a écrit, lorsqu’elle a commis une erreur d’expression. Tel est par exemple le cas lorsque le revenu imposable est qualifié de fortune ou lorsqu’un nombre a été reporté de manière erronée d’un document dans un autre. En revanche, le fait que l’autorité se soit basée sur un état de fait erroné, non conforme aux pièces du dossier, ou sur une conception juridique inexacte, ne constitue généralement pas une erreur de transcription (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, op. cit., ad art. 150 LIFD, p. 1808 n. 5 et 6).
Les erreurs de transcription sont plus fréquentes, comme les dates erronées, les chiffres faux, manquants ou en trop, ainsi que les virgules mal placées. De telles erreurs sont faciles à mettre en évidence ; c’est pourquoi elles doivent pouvoir être corrigées de la manière la plus simple possible et sans limitation trop stricte dans le temps (Peter AGNER, Beat JUNG, Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2001, p. 443).
Les corrections de fond tendant à l'application des normes matérielles à l'état de fait ne peuvent pas être modifiées par cette procédure (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 680-681, § 24 ch. 17).
2.2 Le Tribunal fédéral a jugé que le droit fiscal harmonisé connaît un numerus clausus des voies de droit permettant de revenir sur une décision ou un jugement entré force. Il s’agit de la révision (en faveur du contribuable), la correction d’erreur de calcul et de transcription (en faveur du contribuable ou des autorités publiques) et enfin le rappel d’impôt (en faveur des autorités publiques). D'autres motifs d'annulation ou de modification sont exclus et ne peuvent être invoqués ni par le contribuable ni par les autorités fiscales. Dès lors, hormis la possibilité pour le fisc de reconsidérer une décision de taxation jusqu'à l'expiration du délai de réclamation, il n’y a pas de place pour une demande de reconsidération en droit fiscal harmonisé (arrêts 2C_200/2014 du 4 juin 2015 consid. 2.4.1 ; 2C_519/2011 du 24 février 2012 consid. 3.3).
2.3 L'art. 55 al. 1 LPFisc prévoit qu'une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a) ; lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître, ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ; lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).
L'art 55 al. 2 LPFisc dispose que la révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.
2.4 Une révision est par exemple exclue lorsque des éléments de faits essentiels n’ont pas été allégués en procédure de taxation (erreur de déclaration), respectivement dans le cadre de la réclamation ou d’un recours, par négligence du contribuable (ou de son représentant). Il en va de même lorsque le contribuable aurait – le cas échéant en ayant recours à un conseiller professionnel – pu découvrir immédiatement l’erreur de fait ou de droit commise par l’autorité fiscale dans la décision notifiée. Selon la jurisprudence, il est permis de poser quelques exigences relatives à la diligence dont le contribuable doit faire preuve pour sauvegarder ses intérêts dans la procédure de taxation. En principe, on admettra que le contribuable connaît sa situation financière, qu’il contrôle la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et qu’il signale en temps utile les vices dont elle est affectée (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, op. cit., p. 1803 n. 15 ad art. 147 LIFD).
2.5 Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du TF 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités), étant rappelé que, selon la jurisprudence constante, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêt du TF 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/1641/2017 du 19 décembre 2017 consid. 10b).
2.6 Selon un principe consacré, il incombe à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4 c.aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.4 ; ATA/655/2014 du 19 août 2014 consid. 13a).
2.7 En l’espèce, les corrections demandées par la recourante ne concernent pas une erreur de rédaction ou de calcul qui résulterait du texte des décisions de taxations litigieuses.
En particulier, l’AFC-GE n’a pas commis une erreur de calcul, puisque le résultat mathématique du calcul de l’impôt, respectivement des déductions est correct. La recourante ne l’allègue d’ailleurs pas. L’AFC-GE n’a pas non plus omis de mentionner un montant et n’a pas commis une erreur de transcription, n’ayant pas voulu écrire autre chose que ce qu'elle a écrit.
En faisant grief à l'AFC-GE de ne pas avoir retenu les montants qu’elle-même considérait comme adéquats dans le calcul du bouclier fiscal, la recourante lui reproche en réalité une mauvaise application du droit, en l'occurrence de l'art. 60 LIPP. L'autorité intimée confirme que, selon elle, l’application du bouclier fiscal était correcte, la fortune à retenir étant la fortune totale nette, contrairement à ce que la recourante alléguait.
Les montants mentionnés et considérés comme adéquats par la recourante dans ses déclarations fiscales et dans ses réclamations n’ont pas été repris tels quels par l’AFC-GE, cette dernière ayant retenu une valeur fiscale de la fortune supérieure à celle de la recourante, et ce pour les trois années fiscales considérées. S’agissant en particulier des bordereaux rectificatifs transmis par l’AFC-GE dans le cadre de la procédure de réclamation, ceux-ci tiennent effectivement compte des remarques de la recourante, puisque les déductions retenues après réclamations au titre du bouclier fiscal sont, pour les trois années concernées plus élevées que les montants retenus initialement retenus dans les décisions de taxation initiales (pour 2011, CHF 306'879.05, puis CHF 327'877.25 ; pour 2012 CHF 312'783.65 puis CHF 331'869.30 et pour 2013 CHF 308'427.80 puis CHF 333'576.15). Dans ces conditions, la recourante ne peut donc être suivie quand elle estime avoir reçu par erreur des bordereaux « identiques » aux bordereaux de taxation initiaux.
Contrairement à ce qu’invoque la recourante, l’AFC-GE n’a pas indiqué dans ses décisions sur réclamation qu’elle lui donnait intégralement raison sur les montants retenus mais bien qu’elle lui remettait un bordereau rectificatif qui « tenait compte de [ses] remarques ». En constatant que les montants retenus différaient des montants qu’elle avait exposés, la recourante aurait dû interjeter recours contre les bordereaux, lesquels forment un tout avec la décision. Dès lors, les bordereaux incriminés reflètent strictement la volonté de leur auteur. En d'autres termes, ils ne sont entachés d'aucune erreur de calcul ou de transcription qui serait réparable par la voie de la correction de l'art. 58 LPFisc. En réalité, l'erreur dont se prévaut la recourante tire son origine dans une divergence de nature juridique concernant l’application du bouclier fiscal. Sous cet angle, il ne s’agit pas d’erreurs de plume, de virgules décimales mal placées ou d’imprécisions et la recourante ne peut contourner la procédure ordinaire de recours qu’elle n’a pas suivie en souhaitant l’application de l’art. 58 LPFisc.
Il sera enfin retenu que la recourante n’a pas subi de préjudice du fait de la durée des délais de réponse de l’AFC-GE, celle-là ayant spontanément indiqué, dans ses courriers des 3 avril et 25 août 2020, qu’elle renonçait à recourir. Si elle estimait que l’autorité ne répondait pas en temps utile, elle disposait également de la possibilité de recourir pour déni de justice ou retard injustifié, ce qu’elle n’a pas fait. Dans ces conditions, l’ouverture à tort d’une seconde procédure de réclamation, par l’AFC‑GE, laquelle ne s’est que tardivement rendue compte de son erreur, ne porte pas à conséquence, étant précisé que la contribuable elle-même a expressément et à plusieurs reprises exposé qu’elle ne souhaitait pas recourir contre les décisions rendues sur réclamation, estimant que seule une erreur de calcul était à corriger.
Enfin, sous l’angle des motifs de révision, le TAPI a jugé à juste titre que les éléments invoqués étaient irrecevables, dès lors que la recourante aurait pu et dû les faire valoir par la voie de droit ordinaire. La recourante n’a d’ailleurs pas allégué qu’il existait des motifs de révision au sens de l’art. 55 al. 2 LPFisc.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d’A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Alain MARTIGNIER, mandataire de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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