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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3361/2020

ATA/680/2024 du 04.06.2024 sur JTAPI/1296/2021 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;CORRECTION DE VALEUR;MAXIME INQUISITOIRE;NÉGLIGENCE GRAVE
Normes : LHID.53.al1; LPFisc.59.al1; LPFisc.59.al2
Résumé : Admission partielle du recours d’une société, ayant son siège dans un autre canton suisse et un établissement stable dans le canton de Genève, contre le jugement confirmant le prononcé des rappels d’impôts ICC et les amendes y relatives pour négligence, à la suite de la communication par l’autorité fiscale du canton du siège des taxations prononcées dans celui-ci, qui comprenaient des éléments non imposés dans les taxations genevoises en force. Renvoi au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision, sous une réserve concernant une reprise d’un montant relativement faible admise par la contribuable, en raison de l’absence, dans le dossier, d’éléments de faits et de preuve nécessaires pour admettre les rappels d’impôts litigieux et a fortiori les amendes correspondantes, notamment les comptes de la société et les annexes aux déclarations fiscales ainsi que la question de la négligence grave qu’invoque la contribuable à l’égard de l’administration fiscale genevoise au vu des éléments qu’elle avait déclarés et que cette dernière n’avait pas instruit, contrairement à l’autorité fiscale du canton du siège.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3361/2020-ICC ATA/680/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par FIDINTER TREUHAND AG, soit pour elle
Michel JAGGI et Christian MARTY, mandataires

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2021 (JTAPI/1296/2021)


EN FAIT

A. a. À la suite de l’abandon de la jurisprudence fédérale appliquée dans l’arrêt précédent (ATA/1158/2022 du 15 novembre 2022), par le Tribunal fédéral dans son arrêt 9C_14/2023 du 21 novembre 2023 destiné à publication, renvoyant la présente cause à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), celle-ci est désormais tenue d’examiner les conditions régissant l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt et celle en soustraction fiscale.

b. A______ (ci-après : A______) est une société anonyme ayant son siège dans le canton de Zurich et disposant de succursales dans plusieurs cantons, dont le canton de Genève. Elle a notamment pour but la vente et la location de solutions informatiques, dans le domaine de l’impression notamment.

c. A______ a respectivement déposé, en octobre 2012, septembre 2013 et septembre 2014, auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), ses déclarations fiscales pour les années 2011 à 2013, en y joignant différentes annexes, non produites dans la présente cause, telles que les bilans, les comptes de profits et pertes [ci-après : compte de P&P], et les annexes A, B, C G et J. L’annexe B concernait les provisions, l’annexe C portait sur les prestations versées aux membres de l’administration et aux autres organes et l’annexe G, pour les années 2012 et 2013, avait trait au capital propre dissimulé et intérêts non admis / insuffisants.

B. a. Conformément auxdites déclarations fiscales, l’AFC-GE a émis, pour les années 2011 à 2013, les bordereaux suivants concernant les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) :

 

Part GE

Total CH

Bordereau 2011 du 06.12.2012 :

 

 

Bénéfice net retenu [déclaré]

40'544.-[43'995.-]

930'364.-[1'009'559.-]

Capital propre

130'375.-

7'821'270.-

Bordereau 2012 du 05.03.2014 :

 

 

Bénéfice net

92'227.-

1'993'016.-

Capital propre

173'688.-

8'574'286.-

Bordereau rectificatif 2013 du 28.05.2015 :

 

 

Bénéfice net

114'558.-

2'427'289.-

Capital propre

244'293.-

9'211'575.-

C. a. D'après les déclarations déposées et les avis de taxations ICC, le bénéfice net imposable de chacune de ces périodes a été fixé comme suit :

2011

 

 

Bénéfice selon compte de résultat

1'088'213.-

 

Part privée déclarée des frais B______

80'000.-

Résultat fiscal

1'168'213.-

Pertes antérieures retenues [déclarées]

- 237'849.- [158'654.-]

Bénéfice net imposable retenu [déclaré] : total + part GE retenue [déclarée]

930'364.- [1'009'559.-]

40'544.-[43'995.-]

 

2012

 

 

Bénéfice selon compte de résultat

1'953'016.-

Part privée déclarée des frais B______

40'000.-

Résultat fiscal / bénéfice net imposable : total + part GE

1'993'016.-

92'227.-

 

2013

 

 

Bénéfice selon compte de résultat

2'387'289.-

Part privée déclarée des frais B______

40'000.-

Résultat fiscal / bénéfice net imposable : total + part GE

2'427'289.-

114'558.-

b. Les bordereaux ICC 2011 et 2012 ont été respectivement notifiés les 6 décembre 2012 et 5 mars 2014, sans être contestés. Concernant l’année 2013, la réclamation de A______ a été intégralement admise par l’AFC-GE, qui a rectifié, le 28 mai 2015, la taxation ICC 2013 en retenant les montants précités qui avaient été déclarés par la contribuable dans sa déclaration fiscale. Le bordereau rectificatif ICC 2013 n’a pas été contesté. Ces trois bordereaux ICC 2011 à 2013 sont ainsi entrés en force.

D. a. Par courrier du 25 juillet 2016, reçu le lendemain, le Kantonales Steueramt du canton de Zurich (ci-après : AFC-ZH) a transmis à l’AFC-GE les taxations corrigées concernant la contribuable pour les années 2011 et 2012, en expliquant qu’il était apparu, depuis leur envoi du 8 juin 2016 concernant les taxations (avec la répartition fiscale intercantonale) de 2011 et 2012, que la répartition du bénéfice net imposable avait été effectuée avec des parts erronées.

Les éléments suivants ressortaient desdites taxations corrigées :

2011

 

Bénéfice net selon déclaration fiscale

1'168'213.-

Correction part privée des frais B______ (distribution dissimulée de bénéfice à B______)

21'650.-

Salaire excessif versé à C______(charge non justifiée par l’usage commercial)

12'354.-

1/3 de marchandises sur les systèmes de copie (capital investi ; correction de valeur non justifiée par l'usage commercial)

4'469'047.-

Pertes reportées entre 2007 et 2010, après correction de la part privée des frais de B______ pour 2009 et 2010

- 107'354.-

Provision pour impôts supplémentaires

- 980'000.-

Bénéfice net imposable

4'583'910.-

Dont part attribuée au canton de Genève (5,447 %) :

199'758.-

 

2012

 

Bénéfice net selon déclaration fiscale

1'993'016.-

Correction part privée des frais B______

(distribution dissimulée de bénéfice à B______)

17'650.-

Part privée de voyage en Asie (distribution dissimulée de bénéfice à B______)

23'000.-

Salaire excessif versé à C______(charge non justifiée par l’usage commercial)

12'514.-

Location de personnel (provision non justifiée par l'usage commercial)

214'500.-

Acquisition de services IT (provision non justifiée par l'usage commercial)

200'000.-

Modification du 1/3 de marchandises sur les systèmes de copie (capital investi ; dissolution de réserves latentes taxées)

- 136'143.-

Provisions fiscales supplémentaires

- 70'000.-

Bénéfice net imposable

2'254'537.-

Dont part attribuée au canton de Genève (5,784 %) :

104'329.-

Compte tenu de ces corrections, le capital propre pour 2011 était fixé à CHF 11'310'317.-, dont une part de CHF 188'543.- pour le canton de Genève, et, pour 2012, à CHF 12'271'690.-, dont une part de CHF 248'624.- pour le canton de Genève.

b. Le 19 septembre 2016, l'AFC-GE a reçu la copie de la décision de taxation de l'AFC-ZH du 1er septembre 2016 pour les ICC concernant la période 2013, qui retenait notamment ce qui suit :

2013

 

Bénéfice selon P&P

2'427'289.-

Modification du 1/3 de marchandises

57'381.-

Provision fiscale sur 1/3 de marchandises

- 12'624.-

Provision sur la location de personnel, dissolution de réserves latentes déjà taxées

- 97'500.-

Provision sur l’acquisition, augmentation non justifiée par l'usage commercial

150'000.-

Provision pour impôts supplémentaires

- 11'550.-

Salaire excessif pour C______

12'066.-

Frais excessifs pour B______, estimation

20'000.-

Provision fiscale pour les reprises précitées liées à C______et B______

- 7'055.-

Bénéfice total imposable

2'538'007.-

Dont part imposable dans le canton de Genève (4,720 %) :

119'794.-

Le capital imposable était fixé à CHF 12'987'631.-, dont une part imposable dans le canton de Genève de 2,652 %.

E. a. Par courrier du 13 janvier 2017, intitulé « Décomptes finaux du canton de Genève pour 2011 à 2013 », A______ a invité l’AFC-GE à établir les décomptes finaux (Schlussrechnungen) pour 2011 à 2013 correspondant aux taxations susmentionnées de l’AFC-ZH qu’elle joignait à son courrier. Elle lui a transmis, d’une part, la décision de taxation (Einschätzungsentscheid) de l’AFC-ZH du
1er septembre 2016 concernant l’année 2013 et, d’autre part, les deux propositions de taxations (Einschätzungsvorschlag) de l’AFC-ZH datées du 25 juillet 2016 concernant les ICC des années 2011 et 2012 ; ces documents contenaient les mêmes données chiffrées que ceux susmentionnés envoyés par l’AFC-ZH à l’AFC-GE.

F. a. Trois années plus tard, par courrier recommandé du 25 mai 2020, l'AFC‑GE a informé A______ de l'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt et de soustraction fiscale pour les ICC des années 2011 à 2013. Il ressortait des nouvelles répartitions intercantonales transmises par l’AFC-ZH que ses taxations des années 2011 à 2013 étaient insuffisantes. Elle indiquait vouloir, sur la base des éléments nouveaux en sa possession, taxer pour 2011 un bénéfice de CHF 199'758.- et un capital de CHF 188'543.-, pour 2012 un bénéfice de CHF 104'329.- et un capital de CHF 248'624.- et pour 2013 un bénéfice de CHF 119'794.- et un capital de CHF 344'432.-.

G. a. Sans réaction de A______, l'AFC-GE a émis le 17 juillet 2020 des bordereaux de rappels d'impôt ICC pour 2011 à 2013 retenant les éléments suivants :

 

 

 

Part GE

Total CH

Bordereau de rappel 2011 :

 

 

Bénéfice net

199'758.-

4'583'910.-

Capital propre

188'535.-

11'310'317.-

Bordereau de rappel 2012 :

 

 

Bénéfice net

104'329.-

2'254'537.-

Capital propre

248'585.-

12'271'690.-

Bordereau de rappel 2013 :

 

 

Bénéfice net

119'784.-

2'538'007.-

Capital propre

344'435.-

12'987'631.-

b. Dans l’avis de taxation ICC rectifié de 2011, l’AFC-GE a retenu les montants communiqués par l’AFC-ZH en juillet 2016, à savoir CHF 4'583'910.- à titre de bénéfice net total imposable et CHF 107'354.- à titre de pertes reportées. Cela a conduit l’AFC-GE à retenir un résultat fiscal total de CHF 4'691'264.- (4'583'910.- + 107'354.-).

Ce montant représentait la somme des deux éléments déclarés par la contribuable (à savoir CHF 1'088'213.-, à titre de bénéfice net selon compte de pertes et profits, et CHF 80'000.-, à titre de part privée aux frais de B______) ainsi que du montant évalué à CHF 3'523'051.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale.

Un montant évalué à CHF 3'499’047.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale a également été ajouté à la taxation de 2011 du capital propre de la contribuable. Contrairement à la somme déclarée de CHF 7'821’270.-, le capital propre total est ainsi passé à CHF 11'310’317.- à la suite de la communication de juillet 2016 de l’AFC-ZH. À la différence entre ces deux montants était ajoutée une reprise de CHF 10'000.- déjà prise en compte lors de la taxation initiale.

c. Dans l’avis de taxation ICC rectifié de 2012, l’AFC-GE a retenu le montant communiqué par l’AFC-ZH en juillet 2016, à savoir CHF 2'254'537.- à titre de bénéfice net total imposable, qui a en conséquence été pris en compte par l’AFC-GE comme résultat fiscal total. Ce montant représentait la somme des deux éléments déclarés par la contribuable (à savoir CHF 1'953’016.-, à titre de bénéfice net selon compte de pertes et profits, et CHF 40'000.-, à titre de part privée aux frais de B______) ainsi que du montant évalué à CHF 261’521.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale.

Un montant évalué à CHF 3'707'404.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale a également été ajouté à la taxation de 2012 du capital propre de la contribuable. Contrairement à la somme déclarée de CHF 8'574’286.-, le capital propre total est ainsi passé à CHF 12'271’690.- à la suite de la communication de juillet 2016 de l’AFC-ZH. À la différence entre ces deux montants était ajoutée une reprise de CHF 10'000.- déjà prise en compte lors de la taxation initiale.

d. Dans l’avis de taxation ICC rectifié de 2013, l’AFC-GE a retenu le montant communiqué par l’AFC-ZH en septembre 2016, à savoir CHF 2'538'007.- à titre de bénéfice net total imposable, qui a en conséquence été pris en compte par l’AFC-GE comme résultat fiscal total. Ce montant représentait la somme des deux éléments déclarés par la contribuable (à savoir CHF 2'387'289.-, à titre de bénéfice net selon compte de pertes et profits, et CHF 40'000.-, à titre de part privée aux frais de B______) ainsi que du montant évalué à CHF 110’718.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale.

Un montant évalué à CHF 3'786'056.- par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale a également été ajouté à la taxation de 2013 du capital propre de la contribuable. Contrairement à la somme déclarée de CHF 9'211'575.-, le capital propre total est ainsi passé à CHF 12'987'631.- à la suite de la communication de septembre 2016 de l’AFC-ZH. À la différence entre ces deux montants était ajoutée une reprise de CHF 10'000.- déjà prise en compte lors de la taxation initiale à la suite de la réclamation de A______.

e. Les suppléments d'impôts étaient de CHF 36'951.15 pour 2011, CHF 2'863.60 pour 2012 et CHF 1'288.75 pour 2013. Ces montants représentaient la différence entre l’impôt fixé dans la taxation initiale correspondante et celle effectuée à la suite du rappel d’impôt, étant précisé que la taxation 2013 avait été définitivement fixée en mai 2015, à la suite de la réclamation de la contribuable.

H. a. Outre les bordereaux de rappels d’impôts précités, l'AFC-GE a, le 17 juillet 2020, notifié à A______ des bordereaux d'amendes ICC d'une quotité de 1/3 pour négligence s'élevant à CHF 12'317.- pour 2011, CHF 954.- pour 2012 et CHF 429.- pour 2013.

En comptabilisant des charges non justifiées commercialement, la contribuable n’avait pas déclaré la totalité de son bénéfice imposable et avait ainsi bénéficié, à tort, d’une imposition favorable. La quotité de l’amende était fixée au minimum légal, à savoir un tiers des impôts soustraits.

I. a. Dans sa réclamation du 17 août 2020, la contribuable a contesté toutes les décisions précitées de l’AFC-GE.

Produisant notamment différents échanges avec l'AFC-ZH, elle indiquait que cette dernière avait, en juin 2015, demandé différentes informations en vue de procéder aux taxations 2011 et 2012, que les discussions subséquentes avaient principalement porté sur l'évaluation du système de copie et qu'un accord avait finalement été trouvé sur la comptabilisation d'un abattement de 1/3 sur le stock de marchandises sur ce système de copies mais que, en contrepartie, les réserves latentes imposées pourraient être dissoutes à partir de la période fiscale 2015 au moyen d'un amortissement immédiat admissible de 80 %. Elle avait accepté cet accord uniquement pour des motifs d’économie administrative et produisait un échange de courriels avec l’AFC-ZH entre le 29 septembre 2015 et le 12 mai 2016, selon lequel l’amortissement immédiat ne poserait fiscalement aucun problème à l’avenir.

Dans la lettre du 10 juin 2015, l’AFC-ZH avait sollicité un complément d’information auprès de la contribuable concernant sept points. Parmi ceux-ci figuraient les corrections de valeur en lien avec des appareils loués et propres (« Mietgeräte » et « Eigengeräte »), des provisions, des frais de management au profit d’une société liée à A______, la part privée des frais de B______ – dont le montant avait diminué entre 2009 et 2010 en passant de CHF 200'000.- à CHF 50'000.- – et la distribution de dividendes.

Dans un courriel du 28 septembre 2015 et à la suite d’une discussion du 31 juillet 2015 entre l’AFC-ZH et la contribuable, cette dernière avait défini une approche (« Systematik ») pour l’amortissement immédiat des installations louées (« Mietgeräte-Anlagen »), en ce sens que les adaptations des programmes devraient intervenir d’ici novembre 2015 et que les installations louées (« Mietanlagen ») pourraient être réévaluées pour le 31 décembre 2015 selon la nouvelle approche. En résumé, une fois les différences comptabilisées, les installations louées seraient évaluées, à la fin de l’année, dans les comptes commerciaux à raison de 20 % à chaque fois. En outre, la modification de l’évaluation des installations louées n’avait aucune influence sur l’évaluation des stocks (occasions) qui étaient maintenus sans changement. Cette approche a été vérifiée et confirmée dans un courriel du 21 octobre 2015 par l’AFC-ZH qui acceptait pour l’avenir l’application de l’amortissement immédiat pour les appareils loués (« Mietgeräte »).

Selon la contribuable, la chronologie et les négociations précitées avec l’AFC-ZH montraient qu’elle aurait été incapable d'anticiper dans le délai de réclamation contre les bordereaux genevois d'éventuels écarts par rapport à la taxation qui allait intervenir dans le canton de Zurich. C'était de façon amiable qu'elle lui avait transmis le 13 janvier 2017 les propositions d'évaluations 2011 à 2013 de
l'AFC-ZH. Le fait que les décisions et bordereaux finaux lui soient transmis après plus de trois ans et demi avait entraîné des conséquences importantes s'agissant des intérêts moratoires. La compétence pour la taxation appartenait principalement au canton du siège. Si l'autorité fiscale d'un autre canton décidait de son propre chef de conduire une procédure de taxation, en violation de la maxime inquisitoire, elle ne pouvait pas ultérieurement corriger ses manquements dans le cadre d'une procédure de rappel d'impôt, voire d’amende. Contestant avoir commis une soustraction par intention ou par négligence, elle concluait à l'annulation, dans leur totalité, des rappels d'impôt et amendes et, subsidiairement, à ce que l'AFC-GE renonce à percevoir des intérêts moratoires. Elle ne pouvait de bonne foi pas s’attendre à une procédure pour rappel d’impôt trois ans et demi après la communication de la décision fiscale zurichoise.

La correction des déclarations fiscales 2011 à 2013 de la contribuable, acceptée uniquement pour des motifs d’économie administrative, aurait parfaitement été possible dans le cadre de la taxation genevoise, comme le démontrait la procédure du canton du siège (Zurich) ; elle n’avait pas eu lieu car l’AFC-GE avait, d’une part, ignoré la norme régissant la coordination des procédures dans les relations intercantonales, selon laquelle le canton du siège transmettait aux autorités fiscales des autres cantons le contenu de la taxation, y compris la répartition intercantonale et d’éventuelles modifications apportées à la déclaration d’impôts. D’autre part, l’AFC-GE avait enfreint le principe de la maxime inquisitoire. La contribuable soulignait avoir toujours rempli correctement et entièrement ses obligations fiscales, en se montrant coopérative dans les procédures de taxation, comme le prouvait son courrier du 13 janvier 2017 communiquant les décisions fiscales zurichoises à l’AFC-GE.

Elle se montrait uniquement disposée à payer les impôts supplémentaires résultant des négociations avec l’AFC-ZH, malgré l’entrée en force des taxations genevoises, la violation de la norme régissant la collaboration intercantonale et celle du principe de la maxime inquisitoire. Pour le cas où l’AFC-GE ne renonçait pas à percevoir les amendes et les intérêts moratoires, elle se réservait le droit de former recours au motif que selon la jurisprudence fédérale, si une autorité fiscale avait sciemment omis de clarifier une certaine circonstance, elle ne pouvait pas percevoir de rappel d’impôts. Outre l’art. 39 al. 2 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), elle invoquait les art. 53 al. 1 dernière phr. LHID et art. 59 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) pour s’opposer aux rappels d’impôts. En effet, tous les calculs de l’AFC-ZH se référaient à des questions d’évaluation qui ne pouvaient pas faire l’objet d’une procédure de rappel d’impôts.

b. Par décision sur réclamation du 24 septembre 2020, l’AFC-GE a rejeté la réclamation de la contribuable contre les bordereaux en rappel d’impôt pour l’ICC des années 2011 à 2013, ainsi que contre les bordereaux amende pour l’ICC des années 2011 à 2013, et maintenu les taxations et amendes y relatives.

Elle avait constaté, sur les nouvelles répartitions reçues du canton de Zurich pour les années 2011 à 2013, que la part revenant à Genève était supérieure à celle communiquée dans les déclarations fiscales. Cette différence provenait de la reprise de charges non justifiées commercialement décelées par le canton du siège (Zurich). Ces nouveaux éléments l’avaient conduite à ouvrir des procédures en rappel d’impôt et soustraction d’impôts concernant les taxations desdites années, entrées en force. Dans le cas d’espèce, la nature des reprises (à savoir charges non justifiées commercialement, frais privés, amortissements) effectuées par le canton de Zurich, canton du siège, nécessitaient des investigations poussées pour se rendre compte que les déclarations fiscales déposées n’étaient pas correctes. De plus, aucun élément ressortant de la déclaration d’impôt ne lui permettait de douter des éléments déclarés. Les règles sur les rapports intercantonaux en matière d’impôts directs ne l’empêchaient de procéder ni à la taxation avant celle du canton du siège, ni au rappel d’impôts compte tenu desdits nouveaux faits portés à sa connaissance. Il appartenait à la contribuable de préserver ses droits en faisant réclamation dans le délai légal contre les taxations genevoises de 2011 à 2013 et en indiquant que le canton du siège n’avait pas encore procédé aux taxations définitives.

En comptabilisant des charges non justifiées par l’usage commercial, les organes de la société n’avaient pas respecté l’obligation de remplir les déclarations fiscales de manière conforme à la vérité et complète. De ce fait, les taxations entrées en force étaient incomplètes et insuffisantes. Ce comportement illicite avait engendré une perte financière pour la collectivité et un lien de causalité existait entre ce comportement et le dommage en résultant. Les amendes étaient donc maintenues, la quotité ayant été fixée au minimum légal. Les intérêts sur rappels d’impôts étaient également maintenus compte tenu des dispositions applicables.

J. a. Dans son recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), la contribuable a expliqué avoir déposé des déclarations fiscales des années 2011 à 2013 dans le canton de son siège (Zurich) ainsi que dans les autres cantons où elle disposait d’un établissement stable, notamment Genève, au cours des mêmes années, à savoir respectivement en 2012, 2013 et 2014. Elle a contesté avoir eu l’obligation, pour préserver ses droits, de former réclamation contre les taxations effectuées dans les cantons de ses établissements stables, avant celles du canton du siège. Il appartenait, au contraire, à l’autorité fiscale du canton de l’établissement stable soit de procéder aux investigations nécessaires et dans ce cas de collaborer avec le canton du siège, comme le recommandait la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI), puis de taxer sur cette base, soit d’émettre une taxation provisoire dans l’attente de la proposition de répartition du canton du siège si elle ne souhaitait pas procéder à des investigations. Comme l’AFC-GE avait rendu ses décisions de taxation sans attendre la décision de taxation du canton du siège et que celles-là étaient entrées en force, la seule question à examiner portait sur la réalisation ou non des conditions du rappel d’impôt et de soustraction fiscale.

Le fait d’avoir rendu une décision définitive sans attendre le résultat de la procédure de taxation du canton du siège comme le recommandait la directive n° 16 de la CSI, constituerait une négligence grave de l’AFC-GE rompant le lien de causalité entre la déclaration fiscale considérée incomplète et la taxation insuffisante, de sorte que les conditions du rappel d’impôt n’étaient pas réunies. Si l’hypothèse contraire devait être admise, la contribuable contestait avoir déposé une déclaration incomplète ou non conforme à la vérité car les corrections de l’AFC-ZH avaient essentiellement porté sur des questions d’évaluation du système de copie, qu’elle avait discutées avec cette autorité et qu’elle avait admises, au stade de la procédure de taxation, pour des motifs d’économie de procédure. Dans ces circonstances, le rappel d’impôt était aussi exclu en vertu des art. 53 LHID et 59 al. 2 LPFisc.

Les conditions de la soustraction fiscale n’étaient pas non plus remplies. Elle avait déposé une déclaration d’impôt complète, en y joignant les annexes exigées, en particulier les comptes audités, déclaration qui était conforme à la vérité. Les éléments déclarés correspondaient aux postes du bilan et du compte de résultat déposés à l’appui de sa déclaration d’impôt. Elle n’avait donc pas violé l’obligation légale prévue à l’art. 26 LPFisc. En outre, la correction principale effectuée par l’AFC-ZH, à savoir la correction de valeur comptabilisée sur son système de copie, ne représentait pas une irrégularité dans la comptabilité : il s’agissait d’une question d’évaluation susceptible d’être discutée avec l’autorité fiscale. Ladite correction ne constituait donc pas la constatation de la violation des principes du droit comptable, de sorte que l’élément objectif de la soustraction fiscale faisait défaut. Sur le plan subjectif et comme le démontrait le fait que l’AFC-ZH ne l’avait pas poursuivie pour soustraction fiscale, il n’y avait pas d’intention d’obtenir un avantage indu. La comptabilisation de la correction de valeur sur le système de copie était une question d’appréciation ; le fait que cette appréciation ait fait l’objet d’une discussion avec l’autorité de taxation zurichoise ne pouvait être reproché aux organes de la société, ni ne démontrait une intention de commettre une soustraction.

Enfin, malgré le retard pris par l’AFC-GE pour procéder aux taxations litigieuses, elle ne s’opposait plus à la facturation des intérêts moratoires pour le cas où les rappels d’impôts seraient maintenus.

b. Devant le TAPI, l’AFC-GE a maintenu sa position et précisé que selon la circulaire de la CSI n° 21 (p. 3), seul le canton du siège de la société pouvait en général déterminer les prestations à charge de la société et celles qui étaient fournies en faveur de ses actionnaires. Les charges déclarées par la contribuable et rejetées par l’AFC-ZH consistaient en des salaires excessifs et des frais privés non admissibles ainsi qu’en des provisions non justifiées commercialement, ce qui ne constituaient aucunement des inexactitudes flagrantes contenues dans les déclarations fiscales de la contribuable, qu’elle aurait pu remarquer. Il était également douteux qu’il puisse s’agir d’inexactitudes simplement décelables par elle puisqu’elles avaient été découvertes seulement à la suite des investigations complémentaires exercées par l’AFC-ZH, l’autorité fiscale du canton du siège.

Les reprises effectuées par cette autorité fiscale avaient abouti à une augmentation du capital propre et du bénéfice net tels que déclarés par la contribuable. Faute d’avoir déterminé son capital propre de manière adéquate et déclaré son bénéfice net réel dans ses déclarations fiscales de 2011 à 2013, celles-ci n’étaient ni complètes, ni précises au sens de l’art. 59 al. 2 LPFisc qui n’était ici pas applicable. Les moyens de preuve recueillis par l’AFC-ZH avaient permis d’établir que les bordereaux et avis de taxation de 2011 à 2013, entrés en force sur la base des déclarations fiscales correspondantes, constituaient des taxations incomplètes au sens de l’art. 59 al. 1 LPFisc. Il existait donc un lien de causalité naturelle et adéquate entre les charges commercialement non justifiées, déclarées par la contribuable pour 2011 à 2013, et le caractère incomplet des décisions de taxation genevoises de 2011 à 2013 ; le fait que ces décisions genevoises aient été qualifiées de définitives et non de provisoires par l’AFC-GE n’interrompait pas ce lien de causalité. Cette dernière n’avait aucune obligation d’attendre le résultat de la procédure de taxation zurichoise pour rendre ses propres décisions de taxation : elle n’avait donc contrevenu à aucune disposition légale, ni fait preuve de négligence, et encore moins de négligence grave. Le caractère incomplet des taxations genevoises résultait des déclarations fiscales déposées à Genève par la contribuable pour les années 2011 à 2013.

c. Dans sa réplique devant le TAPI, la contribuable a rappelé, s’agissant des charges non justifiées commercialement invoquées par l’AFC-GE, que les corrections effectuées par l’AFC-ZH avaient essentiellement porté sur la méthode d’évaluation du système de copies.

En conséquence, les corrections en lien avec les frais privés de B______, alors président du conseil d’administration de la société, étaient marginales, les reprises faites par l’AFC-ZH sur les parts privées représentaient 0,4 % du total des corrections effectuées en 2011, 9 % en 2012 et 8 % en 2013, comme cela était attesté par les documents de l’AFC-ZH qu’elle joignait à sa réplique. Elle avait bien comptabilisé une part privée, significative, pour les frais du précité pris en charge par la société et s’appuyait sur les montants suivants en CHF pris en compte par l’AFC-ZH, comme le démontraient lesdits documents produits.

2011

 

2012

Frais totaux de B______

180'608.-

Frais totaux de B______

92'811.-

Part privée déjà comptabilisée

80'000.-

Part privée déjà comptabilisée

40'000.-

Part privée ajoutée par AFC-ZH

10'000.-

Part privée ajoutée par AFC-ZH

6'000.-

Part privée supplémentaire ajoutée par AFC-ZH pour frais de véhicule

11'650.-

Part privée supplémentaire ajoutée par AFC-ZH pour frais de véhicule

11'650.-

Total de ces ajouts par AFC-ZH

21'650.-

Total de ces ajouts par AFC-ZH

17'650.-

% des corrections totales effectuées par AFC-ZH

0,4 %

% des corrections totales effectuées par AFC-ZH

9 %

Pour 2013, l’AFC-ZH, se basant sur les corrections effectuées en 2011 et 2012, avait compté une part privée supplémentaire estimée à CHF 20'000.- par rapport aux frais privés déjà comptabilisés.

Que ce soit en lien avec l’amortissement du système de copies ou des frais privés de B______, les corrections par l’AFC-ZH étaient le résultat d’une appréciation qu’elle avait faite sur la base des éléments dûment déclarés par la contribuable. Il s’agissait uniquement d’une procédure de taxation qui ne justifiait pas l’ouverture d’une enquête pour soustraction d’impôt. En outre, elle avait spontanément annoncé à l’AFC-GE en janvier 2017 les corrections effectuées par l’AFC-ZH et demandé la correction correspondante des taxations genevoises, en pensant de bonne foi que l’AFC-GE lui notifierait, dans un délai raisonnable, de nouvelles décisions de taxation intégrant les éléments annoncés, ce qui lui aurait évité un montant important d’intérêts de retard. Dès lors, il ne se justifiait pas d’ouvrir une procédure en rappel d’impôt et en soustraction fiscale, avec le prononcé d’amende pour soustraction fiscale. Elle aurait accepté les bordereaux rectificatifs si l’autorité fiscale n’avait pas initié une procédure pénale à son encontre. La juridiction vaudoise de dernière instance avait déjà jugé que les corrections effectuées sur les parts privées comptabilisées étaient uniquement un problème d’évaluation de la part privée enregistrée, qui ne pouvait aboutir à la commission d’une soustraction.

d. Par jugement du 20 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours de la contribuable.

Il a écarté l’argument selon lequel les bordereaux émis de l’AFC-GE étaient provisoires dans l’attente des taxations émises par le canton du siège social de la contribuable. La transmission du contenu de sa déclaration fiscale et de sa taxation par l’autorité fiscale du domicile ou du siège, prévue à l’art. 39 al. 2 LIFD, ne dispensait pas les contribuables de leurs propres obligations de déclarations, notamment les obligations de procédure prévues par le droit du canton d’assujettissement, étant précisé que, selon l’art. 2 al. 2 de l’ordonnance sur l'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs dans les rapports intercantonaux du 9 mars 2001 (OLHID - RS 642.141), son obligation de déposer la déclaration d’impôt était allégée en ce sens qu’elle pouvait être remplie par la remise d’une copie de la déclaration d’impôt de son canton de domicile ou de siège. La circulaire de la CSI n°16 du 31 août 2001 relative à l’OLHID (ch. 22) prévoyait que chaque autorité fiscale était en droit de procéder aux investigations nécessaires à la taxation ; le fait que, pour les personnes morales, c’était en principe le canton du siège qui procédait à la taxation n’empêchait pas les autres cantons d’appliquer leur propre législation pour la détermination du bénéfice et du capital imposable. Ainsi, aucune disposition légale n’obligeait le canton de Genève à attendre la taxation du canton du siège (Zurich) avant d’émettre ses propres bordereaux. Leur caractère provisoire allégué par la contribuable ne découlait ni du droit fédéral, ni du droit cantonal.

Les bordereaux litigieux étant entrés en force et compte tenu du numerus clausus des motifs légaux permettant de revenir sur une taxation entrée en force, le TAPI a considéré que l’AFC-GE pouvait en l’espèce se prévaloir d’un motif de rappel d’impôts tendant à aggraver la situation fiscale de la contribuable. L’AFC-GE n’avait pas été en mesure, sur la seule base des déclarations et compte déposés, de se rendre compte immédiatement que les amortissements effectués par la contribuable n’étaient pas conformes, ni que les parts privées et les salaires versés auraient justifié des corrections. Ce n’était qu’après avoir reçu des informations relatives aux taxations émises par le canton de Zurich qu’elle avait pu déceler des insuffisances dans ses propres taxations, ce qui justifiait l’ouverture des procédures de rappels d’impôts litigieuses. Le seul fait que l’AFC-GE n’ait pas attendu que le canton du siège (Zurich) ait émis ses propres taxations avant de statuer ne saurait être considéré comme une négligence grave l’empêchant de procéder à des rappels d’impôts sur la base des constatations effectuées par ce dernier. L’ouverture de cette procédure se justifiait d’autant plus pour l’année 2013, dont elle avait laissé entrer en force le bordereau du 28 mai 2015 alors qu’elle avait reçu la demande de renseignement de l’AFC-ZH du 10 juin 2015 portant notamment sur les points ayant ultérieurement fait l’objet de reprises.

Le TAPI a nié l’existence de simples questions d’évaluation excluant le rappel d’impôt au sens de l’art. 59 al. 2 LPFisc, dans la mesure où aucun élément figurant dans les déclarations et les comptes annexés ne permettait d’imaginer que l’ensemble des déductions n’étaient pas conformes.

Sur le fond, la contribuable ne contestait pas le bien-fondé des reprises qu’elle avait expressément acceptées dans le canton de Zurich. Le seul fait que l’AFC-GE ait tardé à émettre les bordereaux litigieux ne constituait pas un motif pertinent, étant précisé que la prescription absolue de 15 ans n’était pas acquise. Le TAPI a donc confirmé les rappels d’impôts tant dans leur principe que dans leur montant.

Le TAPI a également confirmé les amendes infligées à la contribuable pour soustraction consommée, tant dans leur principe que dans leur quotité. Les conditions y relatives étaient réalisées, la contribuable ayant laissé entrer en force des taxations qui s’étaient avérées être insuffisantes. À l’argument de la contribuable selon lequel elle n’avait pas été poursuivie pour soustraction par l’AFC-ZH, le TAPI a relevé que, à l’inverse du canton de Genève, le canton du siège avait corrigé les éléments imposables au stade de la taxation. Ce dernier était dès lors confronté au plus à une tentative de soustraction, qui n’était punissable que si elle était commise intentionnellement. L’AFC-GE avait retenu une simple négligence, ce qui était cohérent avec les décisions rendues par l’AFC-ZH. C’était en raison de cette négligence que les amendes litigieuses avaient été fixées au minimum prévu par la loi.

K. a. Par acte expédié le 18 janvier 2022, la contribuable a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre ledit jugement, en concluant à son annulation ainsi qu’à celle des bordereaux de rappel d’impôts et d’amendes du 17 juillet 2020 pour les années 2011 à 2013. Elle s’en remettait à justice pour les intérêts moratoires sur rappel d’impôt, auxquels elle ne s’opposait plus dans l’hypothèse où les bordereaux de rappel d’impôt étaient maintenus.

Elle reprenait la même argumentation que celle portée devant l’AFC-GE et le TAPI, avec certaines précisions. L’AFC-GE n’avait pas tenu compte des arguments qu’elle avait soulevés dans sa réclamation, en particulier qu’elle n’avait pas eu l’intention de se soustraire à ses obligations fiscales et qu’elle s’était déclarée disposée à payer les impôts supplémentaires découlant de la taxation zurichoise. Contrairement à ce qui était indiqué dans le jugement litigieux, elle n’avait jamais prétendu que les taxations initiales de l’AFC-GE étaient provisoires ; elle soutenait au contraire qu’elles étaient entrées en force et qu’elles ne pouvaient être rectifiées par la voie du rappel d’impôt puisque les conditions de celui-ci n’étaient pas réalisées. Il revenait à l’autorité fiscale du canton de l’établissement stable de choisir entre deux options évoquées plus haut ; si celle-ci ne souhaitait pas procéder à des investigations, une taxation provisoire devait être émise dans l’attente de la proposition de répartitition intercantonale du canton du siège. L’autre option impliquait pour l’autorité fiscale du canton de l’établissement stable de procéder aux investigations nécessaires, le cas échéant en collaboration avec l’autorité fiscale du canton du siège, avant de taxer. La présente cause ne portait au surplus pas sur une question de double imposition intercantonale effective. Quant à la position de l’AFC-GE, selon laquelle la contribuable aurait dû contester les taxations initiales genevoises, notamment celle de 2013 intervenue en mai 2015, pour préserver ses droits, elle entrait en contradiction avec l’exigence d’un intérêt actuel et concret au recours auprès du TAPI contre la décision sur réclamation rendue en mai 2015 au sujet de la taxation de 2013, intérêt qui faisait alors défaut avant l'émission des taxations zurichoises.

S’appuyant sur un arrêt du Tribunal fédéral rendu en 2021, elle estimait avoir respecté les conditions de transparence posées par ce dernier. En effet, les reprises avaient porté sur des amortissements, des provisions figurant dans les comptes de la société et les parts privées de B______, clairement indiquées comme telles dans la déclaration d’impôt. L’AFC-ZH n’avait pas décelé des charges « dissimulées » dans les comptes généraux, mais elle avait investigué sur des points de taxation et remis en cause les évaluations qu’elle avait effectuées. Il n’y avait ainsi pas eu dissimulation de sa part. Comme elle l’avait déjà indiqué, les corrections effectuées par l’AFC-ZH portaient essentiellement sur des questions d’évaluation du système de copie. Or, les amortissements comptabilisés ressortaient clairement des comptes de la société sous la rubrique « Abschreibungen ». Ils s’élevaient à CHF 13'613'392.54 selon les comptes déposés avec la déclaration fiscale de 2011, tandis qu’ils se montaient à CHF 10'149'311.58 en 2010. Une différence de l’ordre de CHF 3'500'000.- d’une année à une autre aurait dû attirer l’attention du taxateur et le pousser à mener des investigations sur la « différence importante » ente les amortissements comptabilisés en 2010 et ceux de 2011. Dans ces circonstances, si l’autorité fiscale décidait de ne pas investiguer ce point, les conditions du rappel d’impôt n’étaient pas réalisées, les exigences de transparence posées par le Tribunal fédéral ayant été respectées.

Il en allait de même pour les parts privées de B______, clairement annoncées dans ses déclarations fiscales concernées pour un montant de CHF 80'000.- en 2011 et de CHF 40'000.- en 2012 et 2013. Le fait que l’AFC-GE ait décidé de ne pas investiguer de manière approfondie ces points ne pouvait lui être opposé dans une procédure pour rappel d’impôt. S’agissant des provisions, il s’agissait de questions d’évaluation qui ne pouvaient être revues dans le cadre d’une procédure pour rappel d’impôt. L’AFC-GE avait décidé de ne pas mener des investigations, de sorte que les taxations entrées en force lui étaient opposables. Quant aux autres corrections de l’AFC-ZH, elles portaient sur des points relativement mineurs, comme par exemple la correction liée au salaire excessif de C______, qui représentait CHF 12'354.- en 2011, à savoir 0,26 % du bénéfice imposable global s’élevant à CHF 4'583'910.- dont 4,35 % était imposable dans le canton de Genève.

Comme il n’avait pas été constaté que la déclaration était incomplète ou non conforme à la vérité, mais qu’il s’agissait uniquement de questions d’évaluation portant sur des éléments visibles, déclarés de manière transparente, le rappel d’impôt était aussi exclu pour ce motif en vertu des art. 53 LHID et 59 al. 2 LPFisc.

Elle s’opposait, à toutes fins utiles, aux amendes prononcées pour soustraction fiscale au motif que les conditions de celle-ci n’étaient pas réunies, pour les raisons déjà évoquées dans ses écritures précédentes. La négligence ne pouvait pas non plus être retenue à son encontre. Les corrections effectuées dans le cadre de la procédure de taxation zurichoise portaient sur des questions d’évaluation sur des éléments qui ressortaient des déclarations fiscales s’agissant des parts privées de B______ et des comptes de la société s’agissant des amortissements ou provisions effectués, clairement comptabilisés comme tels. Ainsi, elle avait respecté les exigences de transparence des comptes et de la déclaration. Les corrections effectuées étaient le résultat d’une évaluation opérée par l’autorité fiscale, de sorte qu’il n’y avait ni intention ni négligence de sa part dans le cadre de l’établissement des comptes ou des déclarations fiscales. Le fait que l’AFC-ZH n’avait pas ouvert une procédure en soustraction était l’indice que l’autorité du canton du siège avait estimé qu’elle agissait dans le cadre d’une procédure de taxation ordinaire, et non pour le motif – non prouvé – selon lequel elle aurait commis une faute par négligence et non de manière intentionnelle, ce qui aurait dû conduire à une décision de non-lieu rendue après ouverture et instruction d’une procédure en soustraction.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, en précisant sa position.

Les reprises faites par l’AFC-ZH n’avaient pas uniquement porté sur l’évaluation du système de copie, mais également sur des charges non admises par l’usage commercial, telles que les salaires excessifs, les frais privés, les provisions concernant la location de personnel et celles relatives à l’acquisition de services informatiques. Ces provisions n’avaient pas été réévaluées mais exclues par l’AFC‑ZH. Il en allait de même pour les frais privés et les frais du voyage en Asie. Les reprises ne concernaient pas uniquement des éléments déclarés mais sous‑évalués au sens de l’art. 53 LHID. Elles avaient conduit à une augmentation tant du capital propre que du bénéfice net déclarés par la contribuable. Cette dernière n’avait donc pas déterminé adéquatement son capital propre, ni déclaré son bénéfice net réel, dans ses déclarations fiscales, de sorte que celles-ci n’étaient ni complètes ni précises au sens de l’art. 59 al. 2 LPFisc. Il ne s’agissait ainsi pas d’inexactitudes flagrantes contenues dans les déclarations fiscales, qu’elle aurait dû remarquer, étant précisé que l’AFC-ZH les avait découvertes seulement à la suite d’investigations complémentaires. Elle n’était dès lors pas tenue de procéder à des investigations plus poussées que celles conduites durant la procédure de taxation ordinaire ; elle n’avait aucune raison de le faire. Elle n’avait donc commis aucune négligence grave. Il y avait un lien de causalité naturelle et adéquate entre les charges commercialement non justifiées déclarées par la contribuable et le caractère incomplet des taxations genevoises entrées en force pour 2011 à 2013. Les moyens de preuve recueillis par l’AFC-ZH avaient permis d’établir que les taxations genevoises entrées en force étaient incomplètes au sens de l’art. 59 al. 1 LPFisc. L’AFC-ZH avait recalculé l’assiette de l’impôt après avoir rejeté les charges déclarées mais non admissibles et repris les éléments taxables mal estimés par la contribuable. Une imposition insuffisante due à des déclarations fiscales inexactes de la contribuable justifiait de procéder au rappel d’impôt des taxations correspondantes entrées en force. Par ailleurs, l’élément constitutif objectif de la soustraction fiscale était réalisé par le fait que les déclarations fiscales n’étaient ni complètes ni précises, ce qui constituait une violation des obligations incombant à la contribuable en vertu de l’art. 26 al. 2 LPFisc.

c. La recourante a répliqué et persisté dans ses conclusions.

C’était dans le cadre usuel du processus de taxation que l’AFC-ZH lui avait demandé des informations complémentaires sur l’évaluation du système de copies et sur les frais privés de l’actionnaire, informations qui ressortaient des déclarations fiscales et des comptes qu’elle avait remis aux autorités fiscales. En omettant de faire des investigations, l’AFC-GE avait pris le risque de ne pas pouvoir rouvrir les taxations dans le cadre du rappel d’impôt. Elle était certes en droit de rendre des décisions de taxation définitives, mais elle devait alors en assumer les conséquences sur le plan procédural du rappel d’impôt. Elle avait eu d’autres possibilités, telles que rendre une décision de taxation provisoire ou émettre une taxation définitive en réservant une éventuelle nouvelle répartition intercantonale comme l’avait fait le canton de Lucerne. L’AFC-GE aurait aussi pu accepter de corriger les taxations en force sans prononcer d’amende, ce qu’elle avait été disposée à admettre, précisant qu’elle avait initié la procédure de recours principalement en raison des amendes prononcées à son encontre par l’AFC-GE, et non pas en soi contre la correction des taxations. D’ailleurs, seule cette autorité cantonale prononçait des amendes de ce type de configuration ; les autres cantons dans lesquels elle avait un établissement stable avaient uniquement modifié la taxation. De plus, le raisonnement de
l’AFC-GE relatif aux raisons pour lesquelles l’AFC-ZH n’avait pas ouvert de procédure en soustraction fiscale ne reposait sur aucun fait.

En prononçant les amendes litigieuses, l’AFC-GE contrevenait à l’esprit de l’OLHID et des recommandations de la CSI, qui avaient pour but de simplifier le processus de taxation en matière de taxation intercantonale, et non de sanctionner les sociétés lorsque le canton du siège modifiait la répartition intercantonale par rapport à la déclaration déposée. Il n’était en particulier pas prévu que les contribuables devaient maintenir les taxations ouvertes en attendant la décision du canton du siège. Au contraire, il était préconisé que le canton du siège effectue le travail de taxation et fasse une proposition de répartition aux autres cantons dans un esprit de collaboration mutuelle. En outre, la position de l’AFC-GE exigeant de former une réclamation contre les décisions des cantons des établissements stables en attendant la décision du canton du siège, entraînait des complications administratives disproportionnées pour les sociétés ayant des établissements stables dans différents cantons, surtout si le siège se trouvait dans le canton de Zurich où le processus de taxation était relativement lent. Cela ne correspondait pas à la procédure préconisée par l’OLHID et revenait à compliquer inutilement le processus de taxation intercantonale.

d. Par arrêt du 15 novembre 2022 (ATA/1158/2022), la chambre administrative a admis le recours de la contribuable et annulé le jugement litigieux, les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende du 17 juillet 2020 ainsi que les décisions sur réclamation du 24 septembre 2020.

L. a. Par arrêt 9C_14/2023 du 21 novembre 2023, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de l’AFC-GE, annulé l’arrêt cantonal et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.

La jurisprudence fédérale, selon laquelle le canton de taxation accessoire (ici Genève) perdait d’emblée le droit de procéder à un rappel d’impôt lorsqu’il avait rendu une décision de taxation définitive sans attendre celle du canton du siège (ici Zurich) et qu’il prenait connaissance d’éléments pour lui inconnus à l’issue de la procédure de taxation du canton principal (consid. 5.1), ne pouvait être maintenue. La jurisprudence de l’ATF 139 I 64 devait être abandonnée en tant qu’elle posait le principe que le canton (de domicile) secondaire qui avait rendu une décision de taxation définitive avant le canton de domicile ou du siège était déchu du droit de procéder à l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt (et a fortiori en soustraction fiscale), même si les conditions en étaient, le cas échéant, réunies (consid. 5.2.4). Comme la chambre administrative avait considéré que l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt et en soustraction n’était par principe pas possible, elle n’avait donc pas examiné l’ensemble des conditions régissant ces procédures, ni procédé à des constatations de fait y relatives. Il n’appartenait pas au Tribunal fédéral d’établir les faits comme le ferait une autorité de première instance, ni de se prononcer pour la première fois sur les griefs de la contribuable concernant le rappel d’impôt et la procédure en soustraction d’impôt. Le Tribunal fédéral a pour ces raisons renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle procède en ce sens et rende une nouvelle décision.

Dans sa motivation, le Tribunal fédéral a mis en lumière plusieurs éléments dont les suivants. En dépit du rôle de « canton leader » du canton du siège, déduit notamment de l’art. 39 al. 2 LHID, chaque canton restait habilité à effectuer sa propre appréciation des faits et à procéder ensuite à sa propre taxation et à sa propre répartition. Ni l’art. 39 LHID ni l’art. 2 OLHID n’imposaient au canton secondaire d’attendre la taxation définitive du canton principal (consid. 5.2.1). Une partie de la doctrine s’opposait au principe péremptoire de son ancienne jurisprudence lorsque, par exemple, des éléments imposables dans le cadre d’une activité lucrative indépendante ne figuraient pas dans les documents remis par le contribuable au canton de taxation secondaire, tels que des revenus en espèce qui n’auraient pas été déclarés, ou lorsque l’insuffisance de taxation dans ce canton n’apparaissait pas manifeste (consid. 5.2.2). Il existait un numerus clausus des moyens permettant de revenir sur une décision de taxation entrée en force en matière fiscale. En cas de modification en défaveur du contribuable, seul entrait en ligne de compte le rappel d’impôt. Les motifs permettant de procéder à un rappel d’impôt étaient énumérés de manière exhaustive tant en matière d’impôt fédéral direct que d’ICC (consid. 5.2.3).

b. À la suite de cet arrêt, les parties ont été invitées à se déterminer.

c. La recourante a maintenu ses conclusions et son argumentation susmentionnée, soulignant entre autres que les parts privées de B______ avaient été mentionnées dans ses déclarations fiscales et que les amortissements effectués sur le système de copie et les provisions ressortaient des comptes produits. Les autres corrections effectuées par l’AFC-ZH portaient sur des points relativement mineurs, comme par exemple celle liée au salaire excessif de C______ en 2011, de CHF 12'354.- représentant 0,26 % du bénéfice imposable global en 2011. Comme il n’avait pas été constaté que ses déclarations fiscales étaient incomplètes ou non conformes à la vérité, vu qu’il s’agissait uniquement de question d’évaluation portant sur des éléments visibles, déclarés de manière transparente, le rappel d’impôt était aussi exclu en vertu des art. 53 LHID et 59 al. 2 LPFisc.

d. L’AFC-GE a maintenu sa position en s’appuyant sur le jugement litigieux.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La recevabilité du recours a déjà été admise dans l’arrêt précédent ATA/1158/2022 précité, sans être remise en cause devant le Tribunal fédéral, si bien qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

2.             Le présent litige porte sur la conformité au droit des décisions de rappel d’impôt ICC de 2011 à 2013 et des amendes y relatives, compte tenu du changement de jurisprudence opéré par le Tribunal fédéral dans son arrêt 9C_14/2023 précité, destiné à publication, admettant partiellement le recours de l’AFC-GE contre l’ATA/1158/2022 précité.

Désormais, en cas de société assujettie dans le canton de son siège et dans d’autres cantons abritant un de ses établissements stables, le canton du domicile secondaire peut rectifier une taxation définitive, à la suite de la taxation intervenue après coup dans le canton du siège, si les conditions du rappel d’impôt sont réalisées.

3.             Il convient d’examiner si l’AFC-GE peut, sur la base des nouvelles répartitions reçues de l’AFC-ZH en juillet et septembre 2016 pour les années 2011 à 2013, modifier les taxations ICC 2011 à 2013 entrées en force.

3.1 Selon l’art. 53 al. 1 LHID, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts. Un rappel d’impôt est exclu lorsqu’il n’y a que sous-évaluation des éléments imposables. L’art. 59 al. 1 LPFisc a une teneur similaire. L’art. 59 al. 2 LPFisc dispose que lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant ses éléments imposables et que le département en a admis l’évaluation, un rappel d’impôt est exclu, même si cette évaluation était insuffisante. Il s’agit d’une réglementation similaire à celle prévue par l’art. 151 LIFD, inapplicable in casu vu que le litige concerne uniquement les ICC, mais dont la jurisprudence s'y rapportant reste pertinente.

3.2 Le rappel d'impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d'impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel. Un motif de rappel d'impôt peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuves qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.3 et 6.1.4).

3.3 Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD ; art. 42 al. 1 LHID ; art. 31 al. 1 LPFisc). Il doit ainsi remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 et 2C_102/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.1).

De jurisprudence constante, il ressort des art. 57 et 58 LIFD que le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable et que les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l'exigent (principe de l'autorité du bilan commercial ou de déterminance ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 précité consid. 7.2). Il en va de même pour l'ICC (art. 24 LHID ; art. 11 et 12 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

3.4 Selon la jurisprudence, l'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d'impôt est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En d'autres termes, l'autorité fiscale ne doit se livrer à des investigations complémentaires au moment de procéder à la taxation que si la déclaration contient indiscutablement des inexactitudes flagrantes. Des inexactitudes qui ne sont que décelables, sans être flagrantes, ne permettent pas de considérer que certains faits ou moyens de preuve étaient déjà connus des autorités au moment de la taxation. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d'impôt font défaut. Cette rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères, à savoir une négligence grave imputable à l'autorité fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 précité consid. 6.1.4 et les arrêts cités).

3.4.1 L’autorité fiscale doit, en vertu de la maxime inquisitoriale, procéder à des investigations supplémentaires lorsqu’il ressort de manière évidente du dossier que les éléments de faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Ne commet pas de négligence grave, l’autorité de taxation qui n’a pas connaissance d’informations à disposition d’un autre secteur de l’administration, sauf s’il est établi que ces informations ont effectivement été communiquées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1225/2012 du 6 juillet 2013 consid. 3.1 et 3.2).

3.4.2 En cas de libellé très général des rubriques des comptes fournis en annexe des déclarations d’impôt et malgré l’importance des montants réclamés en déduction du bénéfice, le Tribunal fédéral a rappelé qu’une rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères et que même dans de telles circonstances qui auraient pu conduire l’autorité fiscale à instruire davantage, on ne pouvait pas retenir que l’absence d’instruction complémentaire résulterait d’une négligence grave. Retenir une telle négligence dans ce cas aurait pour effet d’imposer aux autorités fiscales de systématiquement procéder à un examen approfondi des comptes du contribuable, chaque fois qu’une rubrique est libellée en termes généraux, sous peine de ne plus pouvoir procéder à un rappel d’impôt en cas de découverte ultérieure. Une telle exigence ne tenait pas compte du fait que l’autorité fiscale pouvait en principe se fier au contenu de la déclaration déposée et serait en outre inconciliable avec les impératifs d’une administration de masse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 précité consid. 7.4).

3.4.3 Dans une autre affaire plus ancienne et après un survol de la casuistique relative au rappel d’impôt, le Tribunal fédéral a examiné si le montant d’un élément de revenu, déclaré dans la fortune du contribuable et non dans le revenu imposable, constituait une inexactitude flagrante, exigeant des investigations complémentaires avant de procéder à la taxation, ou s’il s’agissait d’une inexactitude certes décelable mais non flagrante, avec pour conséquence que l’origine des fonds ne pouvait être considérée déjà connue des autorités au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2012 du 8 août 2012 consid. 5.3 à 5.5). Le Tribunal fédéral a pris en compte tant le point de vue du contribuable que celui de l’autorité fiscale. Dans sa déclaration fiscale, le contribuable n’avait donné aucune précision sur la nature et l’origine des nouveaux éléments de fortune indiqués, alors qu’il lui revenait, à tout le moins, de signaler la nature desdits montants : il ne devait pas qualifier ces montants sur le plan juridique, mais seulement indiquer, dans sa déclaration fiscale et au titre de la fortune, l’origine et la cause des fonds reçus. En l’omettant, il avait manqué à son obligation de remplir sa déclaration fiscale de manière complète. Du point de vue de l’autorité fiscale, le montant porté à la fortune du contribuable était certes considérable, mais compte tenu des dettes déclarées, la fortune nette imposable demeurait modeste et n’était pas de nature à attirer l’attention. En pareilles circonstances, le Tribunal fédéral a jugé que l’inexactitude était certes décelable, mais pas indiscutablement flagrante au point de considérer que le manque d’attention de l’autorité fiscale avait interrompu le rapport de causalité entre la déclaration lacunaire et la taxation qui en est résultée. L’existence d’un motif de rappel d’impôt a ainsi été admise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2012 précité consid. 5.5).

3.5 En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références citées).

3.6 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). L’autorité établit les faits d’office ; elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties (art. 19 LPA). Les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes notamment (art. 22 LPA).

4.             En l’espèce, l’AFC-GE a ouvert, pour les ICC de 2011 à 2013, une procédure de rappel d’impôt et de soustraction fiscale après avoir reçu en 2016 les taxations ordinaires correspondantes de l’AFC-ZH, canton du siège de la contribuable ayant des établissements stables dans d’autres cantons dont celui de Genève.

4.1 Alors que les déclarations fiscales remises par la société aux deux administrations fiscales semblent être identiques compte tenu des allégations de la contribuable dans son recours devant le TAPI et de la possibilité prévue à l’art. 2 al. 2 OLHID lui permettant de déposer à Genève une copie de la déclaration remise dans le canton de son siège (Zurich), seule l’AFC-ZH a procédé à des investigations. Celles-ci ont porté sur la valeur de l’amortissement lié au système de copie, discutée avec l’AFC-ZH et qui aurait fait l’objet d’un accord entre cette autorité et la contribuable comme expliqué par celle-ci dans sa réclamation du 17 août 2020, sur le montant déclaré des frais privés encourus par B______, alors président de son conseil d’administration, ainsi que sur les autres points indiqués dans la lettre du 10 juin 2015, adressée par l’AFC-ZH à la contribuable et produite par celle-ci lors de sa réclamation, notamment les provisions et la distribution de dividendes.

À ce premier constat s’ajoute la position soutenue de manière constante par la contribuable, depuis sa réclamation et tout au long de la procédure, selon laquelle, contrairement à l’AFC-ZH, l’AFC-GE n’aurait pas dûment instruit, lors de la procédure de taxation genevoise, les éléments annoncés dans ses déclarations fiscales auxquelles étaient joints les comptes financiers de la société et les annexes susmentionnées. Hormis des points qu’elle considère relativement mineurs, vu les montants en cause, tels que la correction liée au salaire excessif de C______ de l’ordre de CHF 12'000.-, la contribuable affirme, à l’appui des taxations zurichoises qu’elle avait elle-même également transmises à l’AFC-GE et d’un échange de courrier et courriels avec l’AFC-ZH produit lors de sa réclamation, que les corrections de l’AFC-ZH ont essentiellement porté sur la méthode d’évaluation de son système de copie, ce qui ne constituerait pas une violation des principes du droit comptable, ce d’autant plus que l’AFC-ZH lui aurait assuré, dans le cadre d’un échange de courriels susmentionné survenu entre septembre et octobre 2015, que l’amortissement immédiat convenu en lien avec la correction de valeur de son système de copie ne poserait fiscalement aucun problème à l’avenir. Elle allègue avoir comptabilisé les amortissements et provisions dans les comptes de la société joints à la déclaration fiscale, notamment sous la rubrique « Abschreibungen » à hauteur de CHF 13'613'392.54 pour les amortissements déclarés en 2011 et de CHF 10'149'311.58 en 2010, dont la différence était notable. Elle soutient également, à l’appui des pièces au dossier, avoir annoncé une part significative des frais privés de B______ dans la déclaration fiscale de 2011 à hauteur de CHF 80'000.- et dans celle de 2012 à concurrence de CHF 40'000.-, alors que les reprises y relatives effectuées par l’AFC-ZH étaient de CHF 21'650.- en 2011 et de CHF 17'650.- en 2012, soit des montants relativement faibles qui résulteraient d’une réévaluation par l’AFC-ZH. La contribuable considère ainsi avoir été transparente et respecté son obligation de remplir une déclaration de manière conforme à la vérité et complète, précisant que les éléments déclarés correspondent aux postes du compte de P&P déposé à l’appui de sa déclaration fiscale. En n’investiguant pas la question de l’amortissement et des frais privés de B______ lors de la procédure de taxation genevoise, l’AFC-GE aurait commis une négligence grave rompant le lien de causalité nécessaire à l’admission d’un motif de rappel d’impôt.

En outre, la position de la contribuable est corroborée par les taxations zurichoises transmises à l’AFC-GE, en ce sens que le supplément d’impôts litigieux le plus important, s’élevant à CHF 36'951.15, concerne l’année 2011. C’est en effet dans la taxation zurichoise de 2011 qu’est prise en compte la somme de CHF 4'469'047.- à titre de correction de valeur non justifiée par l’usage commercial, liée au système de copie de la contribuable et que la différence en terme d’impôts impayés, avant et après la communication des taxations zurichoises, est la plus importante. En 2011, l’AFC-ZH a fixé le bénéfice net imposable à CHF 4'583'910.- (avec une part genevoise de CHF 199'758.-), alors que le montant déclaré à ce titre par la contribuable pour 2011 avait été de CHF 1'009'559.- (avec une part genevoise déclarée de CHF 43'995.-). À ce sujet, il y a lieu de préciser que l’AFC-GE avait retenu, dans la taxation de 2011 entrée en force, des montants inférieurs car elle avait évalué les pertes de la contribuable à CHF 237'849.- alors que celles-ci avaient été déclarées à hauteur de CHF 158'654.- et que l’AFC-ZH les a fixées à CHF 107'354.- dans sa taxation de 2011. En revanche, pour les années 2012 et 2013, les suppléments d’impôts litigieux portent sur des montants relativement faibles, à savoir respectivement de CHF 2'863.60 et CHF 1'288.75. Le caractère mineur de ces impôts impayés résulte aussi de la comparaison des montants retenus à titre de bénéfice net imposable, avant et après la communication des taxations zurichoises. En effet, par rapport aux montants retenus par l’AFC-GE dans les taxations entrées en force pour les ICC 2012 et 2013, s’élevant respectivement à CHF 1'993'016.- (avec une part genevoise de CHF 92'227.-) et CHF à 2'427'289.- (avec une part genevoise de CHF 114'558.-), le bénéfice net imposable a été fixé par l’AFC-ZH à CHF 2'254'537.- (avec une part genevoise de CHF 104'329.-) en 2012 et à CHF 2'538'007.- (avec une part genevoise de CHF 119'794.-) en 2013.

Il découle de ces éléments que la thèse soutenue par la contribuable au sujet de la réévaluation des montants déclarés liés à son système de copie et aux frais privés de B______ apparaît comme étant une hypothèse crédible, susceptible, si elle était établie, de s’opposer au rappel d’impôt en vertu des art. 53 al. 1 dernière phr. LHID et 59 al. 2 LPFisc. La contribuable a non seulement transmis spontanément en janvier 2017 les taxations zurichoises qui semblent être fondées sur les mêmes déclarations fiscales que celles présentées par la contribuable à l’AFC-GE en vertu de l’art. 2 al. 2 OLHID, mais elle a également étayé sa position en produisant, dans sa réclamation devant l’AFC-GE, ses échanges avec l’AFC-ZH concernant les corrections effectuées par celle-ci, notamment en lien avec la comptabilisation du système de copie qui semble constituer la rectification la plus importante à l’origine des rappels d’impôts litigieux. Le courriel du 28 septembre 2015 adressé par la contribuable à l’AFC-ZH, produit dans la réclamation, mentionne par exemple l’existence d’une discussion qui semble avoir eu lieu le 31 juillet 2015 entre la contribuable et l’AFC-ZH sur l’accord allégué au sujet du montant qui aurait été déclaré à titre d’amortissement en lien avec le système de copie. Par ailleurs, la chambre administrative note au sujet des deux provisions reprises par l’AFC en 2012, qu’en 2013, celle afférente à la location de personnel a été admise et déduite du bénéfice en tant que dissolution de réserves latentes déjà taxées, contrairement à celle relative à l’acquisition, non justifiée commercialement tant en 2012 qu’en 2013, sans qu’on comprenne les raisons, hormis une influence éventuelle de l’accord allégué par la contribuable avec l’AFC-ZH.

4.2 Dans ces circonstances, il y a lieu de clarifier et d’instruire l’allégation de la contribuable concernant une potentielle réévaluation du montant déclaré à titre d’amortissement lié au système de copie, en particulier d’établir l’origine, les raisons et l’influence de cet éventuel accord sur les taxations zurichoises de 2011 à 2013. Un complément d’instruction s’impose également s’agissant des reprises relatives aux montants déclarés à titre de frais privés de B______ dans les déclarations fiscales, dans la mesure où une simple réévaluation de ces montants ne permettrait pas à l’AFC-GE de procéder à un rappel d’impôts sur ces derniers en vertu des art. 53 al. 1 dernière phr. LHID et 59 al. 2 LPFisc.

En effet, l’AFC-GE a le fardeau de la preuve quant aux éléments augmentant la charge fiscale de la contribuable, à savoir in casu les éléments démontrant l’existence d’un motif de rappel d’impôt. Or, comme exposé plus haut, la contribuable soulève, de manière plausible, la question d’un éventuel défaut d’instruction de l’AFC-GE lors de la procédure de taxation de 2011 à 2013, en tous les cas s’agissant de la valeur corrigée liée au système de copie et des frais privés de B______. Ni le jugement du TAPI ni les décisions de l’AFC-GE ne permettent de comprendre les motifs qui ont empêché cette dernière d’identifier les inexactitudes qu’en revanche l’AFC-ZH a été capable de corriger lors de la procédure de taxation. Les rectifications de l’AFC-ZH portent sur des montants annoncés dans les déclarations fiscales de 2011 et 2012 s’agissant des frais privés de B______, ce qui est attesté par les pièces du dossier. La contribuable affirme que les amortissements, à l’origine de la correction de valeur liée au système de copie, ont été également déclarés, ce qui découlerait des comptes de la société annexés à ses déclarations fiscales. Or, ni ces comptes, ni d’ailleurs les annexes susmentionnées indiquées dans les déclarations de 2011 à 2013, ne figurent dans le dossier de la présente cause, y compris dans celui produit par les parties devant le TAPI.

Cela étant, le TAPI a nié, dans le jugement querellé, l’existence de simples questions d’évaluation au motif qu’aucun élément figurant dans les déclarations et les comptes annexés ne permettait d’imaginer que l’ensemble des déductions n’étaient pas conformes. Il a admis le motif de rappel d’impôt en considérant que l’AFC-GE ne pouvait pas, sur la seule base des déclarations et comptes déposés, se rendre immédiatement compte que les amortissements effectués par la contribuable n’étaient pas conformes, ni que les parts privées auraient justifié des corrections. Ces conclusions ne reposent toutefois pas, vu les pièces importantes manquantes au dossier telles que les comptes et les annexes jointes aux déclarations fiscales, sur des faits dûment établis, alors qu’il s’agit de faits déterminants pour l’issue du litige, en particulier s’agissant de la répartition du fardeau de la preuve.

Par ailleurs, l’allégation de l’AFC-GE, selon laquelle les reprises de l’AFC-ZH ne porteraient pas uniquement sur des éléments déclarés et sous-évalués, mais concerneraient aussi des charges inadmissibles, doit être démontrée. À cet égard, en sus des comptes et annexes manquants au dossier de la présente cause, la motivation contenue dans les avis de taxation ICC rectifiés de 2011 à 2013 n’est pas suffisante, faute d’être détaillée, et ce même malgré les taxations zurichoises de 2011 à 2013 transmises à l’AFC-GE. En effet, l’AFC-GE se limite à faire référence à un montant évalué par le service de contrôle de l’AFC-GE compte tenu de la nouvelle répartition intercantonale, sans autre explication, alors que l’AFC-ZH a procédé à des investigations a priori sur la base des mêmes déclarations fiscales que celles qui auraient été déposées devant elle. Pour les raisons susévoquées, outre les clarifications nécessaires pour savoir si les corrections de l’AFC-ZH résultent de simples questions de réévaluation de valeurs dûment déclarées par la contribuable, il appartenait également au TAPI d’instruire et d’établir, de manière circonstanciée, l’existence ou non d’une négligence grave imputable à l’AFC-GE lors de la procédure de taxation ICC de 2011 à 2013, susceptible de rompre le lien de causalité nécessaire pour confirmer les rappels d’impôts litigieux. Le TAPI a omis d’établir les éléments objectifs pertinents, parmi lesquels figurent indubitablement les comptes et annexes annoncés dans les déclarations fiscales que la contribuable aurait déposées tant auprès de l’AFC-GE que de l’AFC-ZH, ainsi que les circonstances ayant conduit cette dernière à instruire la situation fiscale de la contribuable de 2011 à 2013 contrairement à l’AFC-GE, conformément à la maxime inquisitoire portant sur les faits pertinents (art. 19 LPA), le cas échéant en sollicitant les informations ou pièces utiles des parties, voire en les convoquant à une audience pour clarifier les points nécessaires, voire peu clairs découlant de leurs écritures.

4.3 Afin de préserver un deuxième degré de juridiction cantonale aux parties, la chambre de céans renverra dès lors, sous la réserve liée au salaire excessif évoquée ci-dessous, la présente cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision concernant tant les rappels d’impôts litigieux que les amendes prononcées (art. 69 al. 3 LPA). En effet, la contribuable, si elle était prête à payer les suppléments d’impôts découlant des rappels litigieux, s’est toujours fermement opposée au prononcé d’amendes, y compris pour négligence, estimant avoir toujours agi de manière transparente et dans un esprit de collaboration avec l’autorité fiscale, sans qu’aucune faute lui soit imputable au sens des
art. 53 al. 1 dernière phr. LHID et 59 al. 2 LPFisc, soulignant que le fait que
l’AFC-GE ait choisi de ne pas procéder à une instruction complémentaire, contrairement à l’AFC-ZH, ne devait pas lui être imputé.

Il n’est en revanche pas contesté que la reprise effectuée par l’AFC-CH de l’ordre de CHF 12'000.- à titre de salaire excessif de C______ est un motif justifiant (partiellement du moins) les rappels d’impôts litigieux ; sur ce point, le recours doit être rejeté. Quant aux intérêts moratoires éventuellement dus, ils ne font pas l’objet des décisions attaquées, de sorte qu’ils sont exorbitants au présent litige.

En conséquence, le recours de la contribuable contre le jugement querellé, confirmant les décisions sur réclamation ainsi que les rappels d’impôts et amendes des ICC 2011 à 2013, sera partiellement admis. Le jugement attaqué sera ainsi confirmé en tant qu'il maintient les rappels d’impôts ICC 2011 à 2013 et les amendes y relatives s’agissant des reprises liées au salaire excessif versé par la contribuable à C______. Pour le surplus, ledit jugement sera annulé et la cause renvoyée au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants précités.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument limité de CHF 500.- sera mis à la charge de la contribuable (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, faute d’y avoir conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

confirme le jugement querellé, les décisions sur réclamation du 24 septembre 2020, les rappels d’impôts ICC de 2011 à 2013 et les amendes y relatives, en tant qu’ils concernent les reprises fiscales liées au salaire excessif au sens des considérants ;

annule, pour le surplus, le jugement querellé ainsi que les décisions sur réclamation du 24 septembre 2020, les rappels d’impôts ICC de 2011 à 2013 et les amendes y relatives ;

renvoie la présente cause au Tribunal administratif de première instance pour complément d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à FIDINTER TREUHAND AG, mandataire de A______, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :