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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1525/2023

ATA/438/2024 du 27.03.2024 ( PROF ) , SANS OBJET

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1525/2023-PROF ATA/438/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ intimée



EN FAIT

A. a. A______ est spécialisée dans le traitement des addictions et la prise en charge de troubles alimentaires et comportementaux.

Son médecin répondant est le Dr B______.

b. Elle dispose de 24 lits pour les hospitalisations et d’une centaine de places pour l’accueil en hôpital de jour.

c. À la suite de l’inspection inopinée, le 21 avril 2023, par le Groupe risque pour l’état de santé et inspectorat (ci-après : GRESI), rattaché au service de la médecin cantonale, celle-ci a rendu, le 28 avril 2023, une décision faisant interdiction à la clinique de prendre en charge des nouveaux patients et de procéder à des nouvelles admissions pour des soins stationnaires.

Il n’existait pas de système d’assurance-qualité ou s’il existait, il n’était pas connu du personnel rencontré lors de l’inspection. Les procédures d’admission, les procédures médico-soignantes, les plans de traitement, les procédures en matière de prescription et d’administration des médicaments, les procédures de sevrage en matière d’opiacés ou d’alcool et les procédures en cas d’urgence semblaient inexistantes.

En outre, le Dr C______, autorisé à pratiquer comme médecin praticien, figurait comme médecin assistant, sans cependant être lié à une formation. D______ et E______ ne figuraient pas dans le registre fédéral et n’avaient pas d’autorisation de pratiquer. F______ et G______ étaient inconnues de leurs registres et le GRESI n’avait pas connaissance de leur titre de psychologue-psychothérapeute. H______, I______, J______ et K______ étaient autorisés à pratiquer sous surveillance, ce qui signifiait qu’ils étaient en formation. Le GRESI demandait la preuve de leur inscription à une formation postgrade, leur taux d’activité et celui de leur psychologue formateur, précisant que le nombre de psychologues sous surveillance d’un pair était limité. Enfin, L______ avait été engagée en 2016 en qualité d’infirmière, mais n’était diplômée que depuis 2019.

La médecin cantonale invitait la clinique à prendre position sur ces points et précisait qu’une inspection complémentaire était prévue le 10 mai 2023.

B. a. Par acte déposé le 5 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, la clinique a recouru contre cette décision, demandant l’annulation de l’interdiction de prendre en charge de nouveaux patients et de procéder à de nouvelles admissions pour des soins stationnaires.

Elle s’est déterminée de manière détaillée, pièces à l’appui, sur chacun des reproches formulés.

b. Dans sa réponse, la médecin cantonale a constaté qu’au vu des pièces et explications fournies par la recourante, la situation du Dr C______, de D______, E______, L______ était en ordre. Il manquait des précisions et documents concernant les autres employés cités dans sa décision. Nombre de procédures avaient entretemps été mises à jour, toilettées, voire élaborées, ce qui démontrait qu’elles étaient inexistantes ou lacunaires lors du contrôle du 21 avril 2023.

Lors d’un nouveau contrôle, qui avait eu lieu le 16 mai 2023, de nombreuses améliorations avaient été constatées. Le système d’assurance-qualité restait insuffisant. Le GRESI avait constaté que l’une des deux psychologues autorisées à effectuer des psychothérapies sous sa responsabilité avait quitté la clinique au courant du mois de mai 2023 sans être remplacée, de sorte que la clinique ne répondait pas aux exigences légales en la matière.

L’autorité intimée a sollicité le retrait de l’effet suspensif au recours.

c. La recourante s’y est opposée.

d. Dans une duplique spontanée, l’autorité intimée a souligné que la production par la clinique de nouvelles pièces en lien avec les thématiques ciblées dans sa décision du 21 avril 2023 démontrait que celle-ci était alors fondée. Certains documents devaient encore être repris, conformément aux remarques directement formulées à la clinique par le GRESI le 27 juin 2023.

Les démarches de reconnaissance des diplômes français de K______, G______ et F______ étaient encore en cours. M______ avait commencé à travailler en février 2023 et n’avait été engagée à 80 % qu’à compter du 1er juillet 2023, de sorte que ce n’était qu’à partir de cette date qu’elle pouvait agir comme formatrice. La clinique mettait en place peu à peu l’encadrement nécessaire à son activité, mais celui-ci restait encore insuffisant. L’attestation de formation continue fournie par H______ n’équivalait pas à une formation postgrade.

e. Se déterminant sur la duplique spontanée, la recourante a insisté sur le fait que la question du retrait de l’effet suspensif devait être appréciée au moment de la décision sur celui-ci et non au moment où la décision avait été rendue. La médecin cantonale reconnaissait désormais qu’il existait les procédures visées par la décision querellée. Les modifications qui avaient été demandées étaient mineures et allaient être soumises le 28 août 2023, soit le délai imparti par le GRESI. K______, G______ et F______ disposaient des formations et compétences requises pour pratiquer la psychothérapie. La demande de reconnaissance de leurs diplômes français serait traitée lors de la séance de la commission des professions de la psychologie (ci-après : PsyCo), qui siègerait le 28 août 2023. L’encadrement des psychologues en formation était assuré conformément à la loi.

f. Par décision du 14 août 2023, la chambre administrative, statuant sur mesures provisionnelles, a interdit à la clinique de confier à K______, G______ et F______ des tâches et responsabilités de psychothérapeute tant que leur diplôme français n’était pas reconnu et rejeté la requête de retrait de l’effet suspensif pour le surplus.

g. Dans sa réplique sur le fond, la recourante a relevé que l’autorité intimée reconnaissait que l’ensemble des documents relatifs aux processus étaient conformes aux exigences légales. La PsyCo avait demandé que F______, dont le diplôme de psychologue français avait été reconnu en juillet 2022, suive certaines formations complémentaires afin que son diplôme de psychothérapeute français puisse être reconnu. L’intéressée s’était inscrite à ces cours et travaillait désormais sous la supervision de M______. Le dossier de G______, dont le diplôme de psychologue avait été reconnu en mai 2022, allait être examiné par la PsyCo fin octobre 2023. Cette commission avait reconnu le titre de psychothérapeute de K______ le 29 août 2023.

Désormais, chaque patient été vu par un médecin le jour de son admission en hospitalisation complète. L’encadrement des psychologues en formation était conforme à la loi.

h. Invitée à se prononcer sur ces éléments nouveaux, la médecin cantonale a reconnu que la documentation et le système d’assurance-qualité répondaient désormais aux exigences légales, sous réserve de la mise à jour de l’organigramme de la clinique, qui ne reflétait pas clairement les liens hiérarchiques et fonctionnels. Moyennant cette dernière correction, la clinique serait « à jour avec la documentation attendue ». S’agissant d’un point mineur, l’autorité considérait que le système d’assurance-qualité était en ordre.

L’ensemble du statut et des formations requises du personnel (médecin, infirmières, psychologues) était réglé, hormis ceux de K______, G______ et F______. Le premier devait encore obtenir l’autorisation de pratiquer cantonale. La situation de F______ était désormais légale. Celle de G______ ne l’était pas, celle-ci n’étant pas au bénéfice d’un droit de pratique cantonal.

Les deux psychothérapeutes, engagées à titre de formatrice pour un taux total de 90 %, étaient en nombre insuffisant pour former K______, G______, F______, H______, I______, J______ et O______, psychologues.

Il convenait donc, en l’état, que la clinique cesse de confier à des psychologues-psychothérapeutes en formation des tâches et responsabilités de psychologues-psychothérapeutes dûment autorisés à pratiquer tant que ceux-ci n’étaient pas au bénéfice d’une autorisation de pratiquer.

i. La clinique a, dans une nouvelle écriture, exposé qu’elle avait engagé P______ en qualité de psychologue-psychothérapeute le 3 octobre 2023 à un taux de 90 %. Celle-ci disposait d’un titre postgrade de psychothérapeute reconnu par la PsyCo le 16 mars 2023 et d’un droit de pratique cantonal. Les nouvelles conclusions de la médecin cantonale étaient irrecevables. Q______ avait été engagé en qualité de psychologue-psychothérapeute en formation à compter du 31 octobre 2023 à un taux de 90 %. R______ avait quitté la clinique.

Ce qui était déterminant était de savoir si la décision rendue était toujours fondée, ce qui n’était pas le cas. La dernière « mesure corrective » consistant à modifier l’organigramme avait été apportée par la clinique à satisfaction, de sorte qu’il convenait d’annuler la décision querellée.

j. Par décision du 22 janvier 2023, l’office cantonal de la santé (ci-après : OCS) a levé l’interdiction faite à la clinique de prendre en charge des nouveaux patients, respectivement d’admettre de nouveaux patients pour des soins stationnaires, retenant que l’établissement s’était désormais mis en conformité sur tous les points requis.

Dans un courrier du même jour, l’OCS a demandé à la chambre administrative de dire que le recours était devenu sans objet, de rayer la cause du rôle et de condamner la recourante aux frais de la procédure.

k. La recourante a relevé que la nouvelle décision faisait entièrement droit à ses conclusions, de sorte qu’il fallait retenir qu’elle avait obtenu gain de cause. La clinique avait adopté la totalité des mesures correctrices sollicitées par le GRESI. L’indemnité de procédure à fixer devait tenir compte de l’activité substantielle déployée par son conseil.

l. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur la question des frais et dépens.

EN DROIT

1.             Il ressort de l’état de faits précité que la recourante a donné suite à l’ensemble des exigences et remarques formulées par la médecin cantonale, de sorte que le 22 janvier 2024 l’interdiction de prendre en charge des nouveaux patients et de procéder à des nouvelles admissions en soins stationnaires a été levée.

Le recours est ainsi devenu sans objet, ce sur quoi les parties s’accordent.

2.             Reste à se prononcer sur les frais de la procédure.

2.1 La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). Elle statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA).

2.2 L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b ; ATA/1042/2021 précité ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire (ATA/1042/2021 précité ; ATA/1031/2018 du 2 octobre 2018 consid. 2b).

2.3 L’émolument n’excède en général pas CHF 10'000.-. Toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, dans les contestations d’une ampleur extraordinaire ou présentant des difficultés particulières, l’émolument peut dépasser cette somme, mais sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 et 2 RFPA).

2.4 En l’espèce, il faut relever, avec la recourante, que l’autorité intimée a levé l’interdiction prononcée le 28 avril 2023. Toutefois, cette levée ne revient pas à annuler la décision précitée. En effet, ce n’est que parce que la recourante s’est conformée aux exigences posées par son autorité de surveillance que l’interdiction prononcée a pu être levée. Partant, si la recourante a finalement obtenu ce qu’elle recherchait, à savoir la levée de l’interdiction d’accueillir des nouveaux patients, il n’en demeure pas moins que les points soulevés dans les rapports successifs du GRESI ont mis en exergue des carences tant dans la documentation relative aux différentes procédures à suivre que dans la reconnaissance de diplômes étrangers de professionnels de la santé et dans l’encadrement des psychologues-psychothérapeutes en formation. La décision querellée était ainsi fondée, de sorte que la recourante ne peut pas se voir allouer d’indemnité de procédure.

En revanche, quand bien même elle n’obtient pas gain de cause au sens de l’art. 87 LPA, il convient de tenir compte de la très bonne collaboration de la recourante tout au long de la procédure, celle-ci ayant donné rapidement suite aux remarques de l’autorité intimée et requis, notamment, les reconnaissances de diplômes nécessaires et s’étant, également dans des délais brefs, conformée au taux d’encadrement des psychologues-psychothérapeutes en formation. Cette collaboration a également conduit au fait que la chambre de céans n’ait plus à se prononcer sur le fond du litige, devenu sans objet.

Il se justifie ainsi de renoncer, exceptionnellement, à la perception d’un émolument.

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Constate que la cause est devenue sans objet ;

Raye la cause du rôle ;

Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat de la recourante, ainsi qu'à la direction générale de la santé.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

la juge déléguée :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :