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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3016/2021

ATA/1262/2022 du 13.12.2022 sur JTAPI/413/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3016/2021-ICCIFD ATA/1262/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2022 (JTAPI/413/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______ (ci-après : le contribuable), domicilié en France, a eu deux enfants de son mariage avec Madame B______ : C______, né le ______ 2016, et D______, né le ______ 2018.

Le contribuable a déposé une requête en divorce le 21 juin 2019.

2) Durant l’année 2019, le contribuable a exercé son activité salariée à Genève, raison pour laquelle il a été soumis au régime de l’impôt à la source (ci-après : IS).

3) Le 10 mai 2020, il a sollicité de l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) la rectification de son imposition, faisant valoir la déduction de ses frais professionnels effectifs (statut de « quasi-résident »), des charges de famille pour ses enfants mineurs, une déduction de CHF 2'884.- pour des cotisations à la prévoyance liée et une déduction de CHF 4'900.- pour une pension alimentaire.

4) Dans sa déclaration fiscale 2019, remise à l'AFC-GE en janvier 2021, il a notamment fait état d’une pension alimentaire de CHF 9'195.- et du fait qu’il faisait ménage commun avec ses enfants durant cette année.

Il a notamment joint :

-          une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire rendue par le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains (France) le 22 mai 2019, à teneur de laquelle il lui était notamment interdit d’entrer en relation avec son épouse et de s’approcher du domicile du couple ;

-          une ordonnance de non-conciliation rendue par le Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 12 mars 2020 dans le cadre de la procédure de divorce, autorisant les époux à vivre séparés, fixant la résidence des enfants au domicile de Mme B______, ordonnant un examen médico-psychologique des parents et des enfants, constatant que les parents exerçaient l’autorité parentale conjointe, accordant au contribuable un droit de visite s’exerçant tous les samedis de 10h à 18h durant le premier mois, élargi par la suite à un week-end sur deux et condamnant ce dernier à verser mensuellement une pension alimentaire de EUR 400.- à son épouse et une contribution d’entretien de EUR 500.- pour les enfants. Il résultait notamment de cette ordonnance que Mme B______ avait quitté le domicile conjugal le 14 mai 2019, que les enfants résidaient avec leur mère depuis près d’un an de manière exclusive, que le contribuable n’avait pas eu de nouvelles de leur part depuis la séparation et que son épouse représentait la « figure d'attachement principale » des enfants, de sorte qu’il n’était pas dans l'intérêt de ceux-ci que leur résidence fût son propre domicile.

5) Le 18 janvier 2021, l'AFC-GE lui a notamment demandé de lui remettre les justificatifs pour le versement de la pension alimentaire en 2019.

6) Il n’a pas donné suite à cette requête.

7) Par bordereaux du 10 mai 2021, l'AFC-GE l’a taxé selon le barème de base en lui refusant tant les charges de famille pour ses enfants que la déduction pour pension alimentaire, au motif que ces derniers avaient été à charge de leur mère et qu’il n’avait pas justifié le versement de cette pension.

8) Le 20 mai 2021, il a formé réclamation contre ces bordereaux.

Ses enfants avaient été à sa charge en 2019. À cet égard, il produisait les factures de leur assurance « complémentaire santé », une « attestation d’élection de domicile » auprès de la mairie d’Annemasse (France) pour lui-même et ses enfants, une attestation de scolarisation de ces derniers auprès d’une école située dans cette ville et son bordereau d’impôt français pour l’année 2021, fondé sur ses revenus de 2019.

9) Par décisions du 5 août 2021, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Au vu des faits ressortant de l’ordonnance de non-conciliation précitée du 12 mars 2020, il ne faisait pas ménage commun avec ses enfants au 31 décembre 2019. Par conséquent, les charges de famille, les déductions y relatives et le barème réduit ne pouvaient pas lui être accordés.

10) Par acte du 7 septembre 2021, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l’encontre de ces décisions, concluant implicitement à leur annulation.

C’était de manière arbitraire que l'AFC-GE avait décidé de « changer » le barème de son imposition. Elle s’était fondée sur une ordonnance de
non-conciliation « caduque, car entachée de nombreuses erreurs, comme par exemple le taux de change ».

Malgré le fait qu’il ne voyait pas ses enfants, il en avait la charge, parce qu’il était « le responsable légal » et qu’il « assumai[t] ses responsabilités comme l’envoi de colis à [ses] enfants pour leur bien-être ». Pour 2019, le fisc français « avait mis ses enfants à [sa] charge ».

Son imposition devait être rectifiée en application des dispositions légales régissant les déductions pour pensions alimentaires, frais médicaux des enfants et les charges de famille pour ces derniers.

Il a notamment produit un courriel que son épouse lui avait adressé le 3 septembre 2021, à teneur duquel il avait subvenu aux besoins de ses enfants « en leur envoyant régulièrement des colis et des lettres, ce dernier contenait des vêtements, de l'argent et des jouets » (sic).

11) Par jugement du 25 avril 2022, le TAPI a rejeté le recours.

S’agissant des charges de famille, le contribuable n’avait pas fait ménage commun avec ses enfants du 12 mai au 31 décembre 2019. Il n’avait par ailleurs produit aucun document propre à établir qu’il avait d’une quelconque manière participé à leur entretien, étant rappelé que ce n’était qu’en mars 2020 qu’il avait été condamné à leur verser une contribution d’entretien. Les cadeaux qu’il leur aurait envoyés ne pouvaient manifestement pas être considérés comme de l’entretien au sens des art. 35 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 39 al. 2 let. a de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Il ne pouvait dès lors être mis au bénéfice d’aucune charge de famille pour ses enfants, ni, par conséquent, des déductions sociales y relatives (pour frais médicaux et assurances).

Le contribuable ne pouvait pas non plus prétendre au barème réduit en se fondant sur les art. 36 al. 2 LIFD et 41 al. 2 LIPP, puisqu’il s’était séparé de son épouse en mai 2019. Dans la mesure où, au 31 décembre 2019, il ne faisait pas ménage commun avec ses enfants, il ne contribuait pas à leur entretien pour l’essentiel, de sorte qu’il ne pouvait pas non plus bénéficier de ce barème en vertu des art. 36 al. 2bis LIFD et 41 al. 3 LIPP.

12) Par acte du 13 mai 2022, le contribuable a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, concluant à son annulation.

La mairie d’Annemasse attestait que ses enfants étaient domiciliés chez lui. Ils étaient inscrits à l’école d’Annemasse et non à Publier, ville de résidence de son ex-femme. L’administration fiscale française avait retenu que les enfants étaient à sa charge en 2019 et lui avait versé EUR 790.-. Elle avait également admis une déduction de EUR 8'000.- au titre de pension alimentaire au bénéfice de son ex-épouse « seule ». L’ordonnance de non conciliation n’avait pas été notifiée et un changement de magistrat avait été ordonné.

Il a produit un avis français d’impôt sur les revenus 2019 du 29 avril 2021.

13) Par écriture spontanée du 27 juin 2022, le recourant a complété son recours et ses conclusions en ce sens qu’il devait être constaté qu’il avait la garde de ses deux enfants en 2019 et que les charges de famille devaient être déduites de son imposition pour l’année 2019.

L’ordonnance de non conciliation, rendue en fin d’année 2020, était largement postérieure à la période d’imposition litigieuse et n’était que provisoire, puisqu’elle avait été rendue dans l’attente d’un rapport d’expertise. Avant le prononcé de l’ordonnance, le juge n’avait pas d’acte de séparation antérieure, et donc de résidence séparée des époux. Il était donc toujours dans les liens du mariage, de sorte qu’il convenait d’appliquer les déductions sociales à sa charge.

La mère avait soustrait les enfants à leur père. Il avait toutefois toujours subvenu en quasi-totalité à leurs besoins matériels.

14) Par réponse du 27 juin 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Sur la première page de l’avis français d’impôt sur les revenus 2019 du 29 avril 2021, il apparaissait que le contribuable avait été mis au bénéfice, par le fisc français, d’un nombre de parts de 1. Cela signifiait que le fisc français l’avait considéré comme seul et sans enfants à charge. Il apparaissait, en revanche, que le fisc français avait accepté la déduction de pensions alimentaires à hauteur de EUR 8'000.-. Le contribuable n’avait toutefois produit aucun justificatif de versement de cette prétendue pension alimentaire, de sorte qu’il ne pouvait en être tenu compte.

15) Par réplique du 30 août 2022, le contribuable a renvoyé le contenu de son écriture spontanée du 27 juin 2022.

16) Le 31 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la déduction pour charge de famille concernant les deux enfants du recourant, ainsi que sur le barème applicable pour l’année 2019.

3) a. Selon l’art. 42 al. 2 LIFD, en cas de divorce ou de séparation judiciaire ou effective, les époux sont imposés séparément pour l’ensemble de la période fiscale.

Selon la jurisprudence, pour que l'on admette la séparation de fait, il ne doit plus y avoir de ménage commun et les moyens financiers ne doivent plus être gérés en commun. Ces conditions sont cumulatives. Une séparation de fait suppose ainsi que les époux aient renoncé à la vie commune. Partant, aussi longtemps que chaque époux a un domicile propre tout en maintenant la communauté conjugale, il n'y a pas de vie séparée. Par ailleurs, l'imposition séparée suppose l'absence de mise en commun des moyens d'existence des époux s'agissant notamment des dépenses afférentes à l'appartement et au ménage; autrement dit, l'assistance d'un époux par l'autre ne se fait plus que sous la forme de subsides d'un montant déterminé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2013 du 21 juillet 2014 consid. 8.1 et références citées).

b. L'art. 33 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) contient une liste de déductions générales que le contribuable peut soustraire de son revenu. Conformément à l'art. 33 al. 1 let. c LIFD, sont déductibles du revenu les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

L'art. 35 al. 1 let. a LIFD prévoit que sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l'entretien ; lorsque les parents sont imposés séparément, cette déduction est répartie par moitié s'ils exercent l'autorité parentale en commun et ne demandent pas la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant selon l'art. 33 al. 1 let. c LIFD.

Selon le commentaire de la LIFD, compte tenu des termes de la seconde phrase de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD (« cette déduction » ) et du texte de la première phrase de cette disposition qui subordonne l’octroi de la pleine déduction pour enfant à l’exigence que le contribuable assure l’entretien de l’enfant, l’exercice en commun de l’autorité parentale, qui est une condition nécessaire du partage de la déduction, ne saurait écarter l’exigence d’une participation des deux parents titulaires de cette autorité à l’entretien de l’enfant (Christine JAQUES, Commentaire de la LIFD, 2017, n. 11 ad art. 35 LIFD). L’art. 35 al. 1 let. a 1ère phrase ne subordonne pas l’octroi de la déduction à la condition que les parents assurent cet entretien en totalité ou pour une part au moins prépondérante, il suffit qu’ils en assurent l’entretien (ATF 94 I 231 ; JAQUES, op. cit., n. 15 ad art. 35 LIFD).

c. Conformément à l'art. 9 al. 2 let. c de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990
(LHID - RS 642.14), l'art. 33 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), prévoit que « [s]ont déduites du revenu la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille ».

L’art. 39 al. 1 LIPP prévoit une déduction sociale de CHF 13'000.- pour chaque charge de famille ; lorsque le contribuable fait valoir pour la charge de famille une déduction pour frais de garde des enfants conformément à l’art. 35, ce montant est réduit à CHF 10'000.- (let. a). La déduction s’élève à CHF 6'500.- pour chaque demi-charge de famille ; lorsque le contribuable fait valoir pour la
demi-charge de famille une déduction pour frais de garde des enfants conformément à l’art. 35, ce montant est réduit à CHF 5’000.-. Lorsqu’une personne est à charge de plusieurs contribuables, la déduction est répartie entre ceux-ci (let. b). Pour l'année fiscale 2019, la déduction pour charge de famille prévue à
l’art. 39 al. 1 LIPP était adaptée comme suit : CHF 9'980.- pour une charge entière et CHF 4'990.- pour une demi-charge (art. 12 al. 1 du règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 9 novembre 2016 -
RCEPF - D 3 08.05).

À teneur de l'art. 39 al. 2 let. a LIPP, constitue une charge de famille chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas CHF 15'333.- (charge entière) ou CHF 23'000.- (demi-charge), pour celui des parents qui en assure l'entretien. Pour l'année fiscale 2019, la déduction pour charge de famille s'élevait à CHF 9'980.- (charge entière) et à CHF 4'990.- (demi-charge) (art. 12 al. 1 du règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 9 novembre 2016 - RCEPF - D 3 08.05).

d. Le système de déduction et d'imposition des contributions d'entretien est identique en matière d'impôt fédéral direct et en matière d'impôts cantonal et communal (arrêts du Tribunal fédéral 2C_544/2019 du 21 avril 2020 consid. 8 ; 2C_200/2011 du 14 novembre 2011 consid. 6).

Selon l’information fiscale n° 2/2011 du 16 février 2011 de l’AFC-GE
(ci-après : l’information n° 2/2011), la notion d'assurer l'entretien d'un enfant doit être comprise de la manière suivante en matière de charge de famille :

- en cas de versement d'une pension alimentaire, le parent qui assure l'entretien de l'enfant est celui qui bénéficie du versement de la pension alimentaire ;

- lorsqu'il n'y a pas de versement d'une pension alimentaire et qu'un seul des parents assure l'entretien de l'enfant, c'est lui qui bénéficiera de la déduction pour charge de famille ;

- lorsqu'il n'y a pas de versement de pension alimentaire et que les deux parents assurent l'entretien de l'enfant, la déduction pour charge de famille est partagée entre eux de manière paritaire.

e. Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (art. 35 al. 2 LIFD et
65 al. 1 LIPP).

4) a. L'art. 36 al. 2 LIFD prévoit pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) un barème d'imposition réduit pour les époux vivant en ménage commun, tandis que le barème ordinaire, fixé à l'art. 36 al. 1 LIFD, est applicable aux autres contribuables.

Conformément à l'art. 36 al. 2bis LIFD, l'al. 2 s'applique par analogie aux époux vivant en ménage commun et aux contribuables veufs, séparés, divorcés ou célibataires qui vivent en ménage commun avec des enfants ou des personnes nécessiteuses dont ils assument pour l'essentiel l'entretien. Le montant de l'impôt ainsi fixé est réduit de CHF 251.- par enfant et par personne nécessiteuse.

b. Le 21 décembre 2010, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a émis à l'intention des administrations cantonales de l’IFD la circulaire n° 30 relative à l'imposition des époux et de la famille selon la LIFD (ci-après : la circulaire n° 30).

Selon cette circulaire, l’application du barème parental suppose que le contribuable vive avec l’enfant ou la personne nécessiteuse dans le même ménage et qu’il pourvoie à l’essentiel de son entretien. Ces deux conditions sont impératives. Le barème parental ne peut pas être divisé entre plusieurs contribuables. Si les parents sont séparés de fait ou de droit, le barème parental est toujours accordé exclusivement à un seul d’entre eux. L’attribution de l’autorité parentale commune ne doit pas mener à une application multiple du barème parental aux époux vivant en ménage commun ainsi qu’aux contribuables veufs, séparés, ou célibataires qui vivent avec des enfants ou des personnes nécessiteuses dans le même ménage (ch. 13.4.1, p. 23).

L’application du barème parental suppose, outre la vie en commun, que le contribuable ou le couple pourvoie à l’essentiel de l’entretien de l’enfant ou de la personne nécessiteuse. Pour les enfants mineurs de parents séparés ou non mariés vivant ensemble, « l’essentiel » signifie que le parent qui pourvoit à plus de la moitié des frais d’entretien de l’enfant peut demander l’application du barème parental. Si des parents séparés ou non mariés vivant ensemble (concubins) demandent des contributions d’entretien pour l’enfant mineur, il faut partir de l’idée que le parent qui reçoit les contributions sur lesquelles il doit payer l’impôt auxquelles s’ajoutent ses propres contributions pourvoit à l’essentiel de l’entretien de l’enfant et a droit à l’application du barème parental. C’est en général le parent qui détient l’autorité parentale. Le parent qui verse les contributions peut, en contrepartie, déduire ces contributions de son revenu (ch. 14.4.2, p. 23 et 24).

c. À teneur de la circulaire n° 30, pour les parents séparés, divorcés ou non mariés qui ont chacun leur propre ménage, il faut distinguer, pour attribuer le barème parental, selon que les parents exercent l’autorité parentale en commun ou non. Si seul l’un des parents détient l’autorité parentale, il faut partir de l’idée qu’il pourvoit à l’essentiel de l’entretien de l’enfant et qu’il a droit à l’application du barème parental (ch. 13.4.2, p. 24)

En cas d’autorité parentale commune, le parent qui reçoit les contributions d’entretien est imposé selon le barème parental. Si aucune contribution d’entretien n’est demandée pour l’enfant, il faut distinguer selon que les parents ont la garde alternée de l’enfant ou non. S’il n’y a pas de garde alternée, le parent qui vit avec l’enfant est imposé selon le barème parental. En cas de garde alternée, il faut partir de l’idée que le parent qui a le revenu net le plus élevé pourvoit à l’essentiel de l’entretien de l’enfant et bénéficie en conséquence du barème parental
(ch. 13.4.2, p. 24).

5) a. Dans le canton de Genève, la question du barème d'imposition applicable est réglée à l'art. 41 LIPP. L'art. 41 al. 1 LIPP instaure un calcul de l'impôt en fonction d'un taux d'imposition par tranche. L'art. 41 al. 2 LIPP instaure non pas un barème pour couple mais prévoit l'application d'un taux réduit à 50 % du taux applicable pour les époux vivant en ménage commun (« splitting »). L'art. 41 al. 3 LIPP autorise l'application de l'art. 41 al. 2 LIPP aux contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait faisant ménage commun avec leurs enfants mineurs ou majeurs ou un proche qui constituent des charges de famille, au sens de l'art. 39 al. 2 LIPP, et dont ils assurent pour l'essentiel l'entretien.

b. L’information n° 2/2011 s'inspire de la jurisprudence rendue en matière de barème fiscal applicable aux contribuables divorcés en cas de garde alternée (ATF 133 II 205). Selon son ch. 2.1, peuvent notamment bénéficier du « splitting » les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait qui font ménage commun avec leurs enfants mineurs ou majeurs ou un proche qui constituent des charges de famille au sens de l'art. 39 al. 2 LIPP et qui en assurent pour l'essentiel l'entretien.

En cas de versement d'une pension alimentaire, le parent qui assure pour l'essentiel l'entretien de l'enfant est celui qui bénéficie du versement de la pension alimentaire. Le débiteur de la pension peut, en revanche, la déduire de ses revenus. Lorsqu'il n'y a pas de versement d'une pension alimentaire et que les parents vivent en concubinage ou pratiquent une garde alternée sur leur enfant mineur, le parent qui assure pour l'essentiel l'entretien est, en règle générale, celui qui dispose du revenu brut le plus élevé. Dans un souci d'harmonisation avec le droit fédéral et suite à plusieurs jurisprudences, c'est le revenu net le plus élevé qui est déterminant dès la période fiscale 2015.

En revanche et nonobstant ce qui précède, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies, c'est le parent qui dispose du revenu net le plus bas qui est considéré comme le parent qui assure pour l'essentiel l'entretien de l'enfant :

- les parents disposent de l'autorité parentale commune sur l'enfant ;

- ils pratiquent une garde alternée ;

- il n'y a pas de versement de pension alimentaire ;

- les frais nécessaires à l'entretien de l'enfant sont partagés entre eux de manière égale et cela ressort, en principe, du jugement de divorce.

Dans les autres cas, le parent qui assure pour l'essentiel l'entretien est, généralement, celui qui fait ménage commun avec l'enfant.

6) Les déductions sociales et les barèmes ont pour but d'adapter de manière schématique la charge d'impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l'imposition selon la capacité économique de l'art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Ce sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur fédéral a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement (ATF 141 II 338 consid. 4.5 ; 133 II 305 consid. 5.1 et 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 précité consid. 4.3).

La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l'art. 127 Cst. Le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises qu'il n'est pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d'un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur est autorisé à choisir des solutions schématiques. S'il n'est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n'aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l'égard de certaines catégories de contribuables
(ATF 128 I 240 consid. 2.3). À cela s'ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées (ATF 120 Ia 329 consid. 4c à 4e ;
118 Ia 1 consid. 3c) et qu'il existe un risque de créer de nouvelles inégalités (ATF 133 II 305 consid. 5.1 ; 132 I 157 consid. 4.2).

7) En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment
(ATF 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3).

8) a. En l’occurrence, s’agissant d’abord de la déduction pour charge de famille, force est de constater qu’au 31 décembre 2019, le recourant était séparé de son épouse depuis le mois de mai 2019. Cela ressort de l’ordonnance de non conciliation du 12 mars 2020, selon laquelle le recourant avait lui-même déclaré n’avoir pas revu ses enfants depuis le 12 mai 2019, date à laquelle son épouse avait quitté le domicile familial avec eux. Le recourant ne le conteste pas. Il fait toutefois valoir que, dans la mesure où la séparation des époux n’avait été autorisée judiciairement qu’à compter de la date de l’ordonnance de non conciliation, soit le 12 mars 2020, et non antérieurement, il doit être considéré comme une personne mariée au sens du droit fiscal. Ce raisonnement perd toutefois de vue que les époux sont imposés séparément au sens de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD non seulement en cas de séparation judiciaire mais également en cas de séparation effective (art. 42 al. 2 LIFD). Or, conformément à la jurisprudence précitée, une séparation de fait suppose que les époux aient renoncé à la vie commune et qu’ils ne gèrent plus en commun les moyens financiers, ce qui est le cas en l’occurrence. C’est partant à juste titre que la juridiction précédente a considéré que le recourant était séparé au 31 décembre 2019. Le fait qu’une décision judiciaire n’ait été prononcée qu’en mars 2020 n’y change rien. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend le recourant, le fait que ladite décision se limite à ordonner des mesures provisoires ne change rien au fait qu’elle apporte des éléments pertinents – et non contestés – s’agissant de la situation des époux durant la période fiscale 2019. La chambre de céans relèvera d’ailleurs qu’il ne ressort pas du dossier que cette ordonnance ait été remise en cause par l’intéressé.

Ainsi, et dans la mesure où les époux étaient séparés au 31 décembre 2019, c’est la deuxième phrase de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD qui trouve application. Cette disposition implique de déterminer si, au 31 décembre 2019, les époux exerçaient l’autorité parentale conjointe, assuraient l’entretien des enfants et si une contribution d’entretien était versée.

S’agissant d’abord du versement d’une contribution d’entretien durant la période fiscale 2019, il ressort certes de l’avis français d’impôt sur les revenus 2019 que le fisc français aurait accepté la déduction de pensions alimentaires à hauteur de EUR 8'000.-. Le recourant n’a toutefois apporté aucun justificatif de versement d’une telle contribution, alors que la preuve lui en incombait. Ainsi, en l’absence d’éléments probants, il n’est pas possible de retenir qu’une telle contribution a été versée en 2019.

En ce qui concerne l’autorité parentale, il n’est pas contesté que, durant la période fiscale 2019, celle-ci était exercée conjointement. L’ordonnance de
non-conciliation du 12 mars 2020 a notamment retenu qu’il n’existait aucun motif grave permettant à l’épouse d’exercer de manière exclusive l’autorité parentale, l’intéressée ne remettant pas en cause les capacités éducatives du recourant.

Reste donc à examiner si, conformément à l’art. 35 al. 1 let. a LIFD, le recourant assurait l’entretien des enfants, étant rappelé que, selon
l’art. 35 al. 2 LIFD, les conditions d’octroi de la déduction sociale doivent être réunies au 31 décembre de la période fiscale considérée.

En l’occurrence, il est constant qu’à la date déterminante du 31 décembre 2019, le recourant ne vivait plus en ménage commun avec ses enfants. Il n’est pas non plus contesté qu’il ne les avait plus revus depuis le 12 mai 2019, date à laquelle ils avaient quitté le domicile familial avec leur mère. Devant la chambre de céans, le recourant n’a apporté aucune pièce justifiant de ce qu’au 31 décembre 2019, il participait, même partiellement, à leur entretien. Ni l’inscription des enfants à l’école d’Annemasse pour la rentrée 2019, ni leur affiliation à l’assurance individuelle française ne suffisent à retenir que le recourant assurait leur entretien. N’est pas non plus pertinent, faute d’être suffisamment étayé, le fait qu’il leur aurait envoyé des colis postaux contenant des cadeaux, des vêtements ou de l’argent. Quant au paiement de factures d’électricité afférentes au logement familial que les enfants ont quitté en mai 2019, il n’atteste pas non plus d’une participation du recourant à l’entretien des enfants au 31 décembre 2019. Ainsi, et en l’absence de pièces justificatives probantes, il convient de retenir que les conditions d’octroi de la déduction sociale IFD prévue à l’art. 35 al. 1 let. a 2ème phrase n’étaient, à cette date, pas réunies.

La même conclusion s’impose s’agissant de la déduction sociale prévue à l'art. 39 al. 2 let. a LIPP pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC). Il sera à cet égard rappelé que selon l’information n° 2/2011, le partage de la déduction sociale implique, lorsqu'il n'y a pas de versement de pension alimentaire, que les deux parents assurent l'entretien de l'enfant. Or, comme on l’a vu, tel n’était pas le cas au 31 décembre 2019 (cf. art. 65 al. 1 LIPP).

b. Quant au barème applicable, il est constant qu’à la date déterminante du 31 décembre 2019, le recourant ne faisait plus ménage commun avec son épouse et ses enfants. Or, il s’agit là d’une condition nécessaire à l’application du barème réduit, tant sous l’angle de l’IFD (art. 36 al. 2 LIFD cum art. 36 al. 2bis LIFD) que sous l’angle de l’ICC (art. 41 al. 3 LIPP cum art. 41 al. 2 LIPP), de sorte qu’un tel barème ne saurait lui être appliqué.

Le refus d’attribuer les demi-charges de famille au recourant et de lui appliquer le barème privilégié sera ainsi confirmé.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 700.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, s’il est formé après le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :