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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4281/2021

ATA/1130/2022 du 08.11.2022 sur JTAPI/642/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4281/2021-PE ATA/1130/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______,
représentés par Caritas Genève

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2022 (JTAPI/642/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1972, et Madame B______, née le ______1969, sont ressortissants du Brésil.

2) En juin 2009, lors d’un contrôle fortuit, un collaborateur de l’office cantonal de la population (ci-après : OCPM) a appris que M. A______ et Mme B______ vivaient de façon irrégulière en Suisse. Il les a alors invités à prendre contact avec lui.

3) Le 25 juin 2009, M. A______ a déclaré à l’OCPM qu’il était en Suisse depuis onze ans et à Genève depuis neuf ans, qu’il vivait de petits travaux et était titulaire du bail de l’appartement dans lequel il résidait à la rue C______ . Mme B______ a indiqué qu’elle vivait à Genève depuis huit ans, qu’elle était retournée au Brésil une fois et qu’elle effectuait du ménage chez des particuliers.

4) Le 17 novembre 2009, M. A______, Mme B______ et sa fille, Madame D______, née le ______ 1987, ressortissante du Brésil domiciliée à Genève sans titre de séjour, ont été convoqués dans les bureaux de l’OCPM pour un examen de situation.

M. A______ a déclaré qu’il était entré en Suisse le 24 mai 1997 et avait d’abord résidé à Lausanne avant de s’installer à Genève, en mai 2001. Depuis, il était retourné deux fois au Brésil, en 2007 et 2009, pour des séjours d'un mois afin de rendre visite à sa famille. Mme B______ a déclaré qu’elle était arrivée en Suisse le 29 novembre 2000. Elle était également retournée au Brésil en 2007, pour se marier avec M. A______, puis en 2009.

Ils avaient suivi leur scolarité obligatoire au Brésil. M. A______ avait travaillé dans divers domaines tels que la restauration. Mme B______ avait d’abord élevé ses enfants puis travaillé dans une usine de montage de télévisions. Ils étaient venus à Genève, où ils avaient des amis, dans le but de trouver un emploi. Les époux s’étaient rencontrés en Suisse en 2011. Depuis son arrivée en Suisse, il avait travaillé dans le domaine de la restauration, du bâtiment et du déménagement. Il travaillait pour l’agence immobilière E______ SA et avait une carte AVS depuis 1997 même ses employeurs ne l’avaient pas toujours déclaré. L’épouse avait travaillé dans le domaine de l’économie domestique mais souffrait d’une tendinite au poignet qui l’empêchait d’exercer une activité lucrative. Elle était retournée au Brésil en 2009 pour consulter un médecin, n’en ayant pas à Genève.

Au Brésil, M. A______ avait quatre enfants, sa mère et deux sœurs. Il entretenait des contacts avec deux de ses enfants pour lesquels il versait une pension alimentaire ainsi qu’avec sa mère. Mme B______ avait un enfant au Brésil, ses parents et deux sœurs avec qui elle entretenait des contacts réguliers. Sa fille D______, arrivée à Genève en août 2001, avait été scolarisée au cycle d’orientation pendant trois ans. Elle avait ensuite suivi la classe d’insertion de l’École supérieure de coiffure mais avait arrêté sa formation en cours d’année et travaillé dans le domaine de l’économie domestique. Mme B______ avait également une autre fille, F______, née le ______ 1984, qui vivait à Genève au bénéfice d’un permis B.

À l’issue de cet entretien, les intéressés ont été invités à déposer une demande d’autorisation de séjour et à produire diverses pièces.

5) Le 21 décembre 2009, les époux ont déposé une demande d’autorisation de séjour. Ils ont notamment joint une copie de leur passeport, de leur carte AVS, de leur certificat de mariage, de factures et de paiements effectués principalement entre 2007 et 2009, de nombreuses lettres de recommandation, des fiches de salaire du mari auprès de E______ SA de novembre 2008 à novembre 2009 ainsi que copie des versements que ce dernier avait effectués à destination du Brésil, relatifs au paiement de la pension alimentaire, le plus ancien datant du 20 janvier 2003.

6) Faisant suite à une demande de l’OCPM, l’Hospice général a attesté, le 15 janvier 2010, que les époux n’étaient pas aidés financièrement. L’Office des poursuites a indiqué, le 8 janvier 2010, qu’ils ne faisaient l’objet d’aucune poursuite en cours et d’aucun acte de défaut de biens.

7) M. A______ a encore adressé à l’OCPM de nouvelles lettres de recommandation et des extraits de son compte individuel AVS au 1er mars 2010 faisant état de cotisations versées de janvier à juin 1999 par le restaurant G______ à Lausanne, d’août à octobre 1999 par le restaurant H______ à Lausanne, en janvier et février 2003 par I______ à Genève et d’octobre à décembre 2008 par E______ SA. Son épouse n’a pu produire aucun document, la personne qui l’avait engagée à son arrivée en Suisse, ne souhaitant pas fournir de preuve par crainte d’encourir des problèmes.

8) Par décision du 6 septembre 2010, l’OCPM a refusé de délivrer l'autorisation de séjour sollicitée et de soumettre avec un préavis favorable le dossier à l’office fédéral des migrations, devenu le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé leur renvoi de Suisse.

La durée de leur séjour en Suisse, dont la continuité n’avait été prouvée à satisfaction que depuis 2003 pour M. A______ et depuis 2004 pour Mme B______, devait être relativisée par rapport aux nombreuses années passées dans leur pays d’origine, notamment toute la période de leur adolescence et leur vie de jeunes adultes. Ils ne pouvaient se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’ils ne puissent quitter la Suisse sans devoir être confrontés à des obstacles insurmontables. Ils n’avaient pas créé avec la Suisse d’attaches profondes et durables. Les relations de travail, d’amitié ou de voisinage qu’ils avaient nouées durant leur séjour en Suisse ne pouvaient pas non plus justifier une exception aux mesures de limitation du nombre d’étrangers. Leur situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de leurs concitoyens connaissant les mêmes réalités au Brésil.

9) Cette décision a été confirmée sur recours par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 15 novembre 2011, puis par arrêt du 25 septembre 2012 de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: chambre administrative).

10) Le 12 août 2013, M. A______ et Mme B______ ont quitté le territoire à destination du Brésil.

11) Le 6 septembre 2019, ils ont déposé une demande de régularisation de leurs conditions de séjour. Ils ont notamment fourni une attestation d'achat d'abonnements TPG, des justificatifs de transferts d'argent ainsi que des fiches salaires, des contrats de travail, des extraits de casier judiciaire et une attestation de connaissance de la langue français niveau A2 pour M. A______.

12) Par pli du 12 octobre 2020, ils ont transmis à l'OCPM des documents complémentaires, dont notamment une copie du nouveau contrat de bail du mari, un extrait du registre des poursuites accompagné d'un courrier de J______ sollicitant l'annulation et la radiation de la poursuite qui y était mentionnée ainsi que les fiches de salaire de M. A______ pour les mois de juillet à septembre 2020 et un certificat de salaire pour l'année 2019.

13) Par courrier du 28 juin 2021, l'OCPM les a informés de son intention de refuser leur demande et de prononcer leur renvoi de Suisse.

14) Exerçant leur droit d’être entendus, les époux ont indiqué qu'après être repartis au Brésil en août 2013, M. A______ était revenu en Suisse courant 2014 et Mme B______ fin 2013. Ils joignaient des documents dont des photographies afin de démontrer leur présence en Suisse entre 1999 et 2002 et en 2014 ainsi que vingt-deux lettres de recommandation rédigées en 2009, six lettres de soutien rédigées en 2021 et trois lettres rédigées par les filles de Mme B______, relevant notamment la bonne intégration du couple et attestant de leur présence à Genève entre 1999 et 2009 et entre 2015 et 2021.

15) Par décision du 16 novembre 2021, l'OCPM a refusé leur demande d'autorisation de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Ils avaient quitté la Suisse le 12 août 2013. Selon les justificatifs produits, ils ne démontraient valablement leur séjour qu'à partir du 2 août 2014, comptabilisant ainsi sept ans de séjour. Ils ne remplissaient pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. Ils n'avaient pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Bien qu'ils n'avaient jamais émargé à l'aide sociale, n'avaient pas de dettes et n'étaient pas connus des services de police, leur intégration correspondait à ce qui pouvait être raisonnablement attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Mme B______ n'avait pas fourni d'attestation de connaissance de la langue français niveau A2. Ils n'avaient pas non plus démontré une très longue durée de séjour ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Quand bien même ils démontreraient un séjour à partir de l'année 2001 pour lui et de l'année 1997 pour elle, leur départ le 12 août 2013 pour le Brésil avait mis un terme à leur précédent séjour. En outre, ils avaient fait fi de la décision de renvoi du 6 septembre 2010.

Ils avaient passé la majeure partie de leur vie au Brésil et leur réintégration n'aurait pas de graves conséquences sur leur situation personnelle. Ils n'avaient ni invoqué ni démontré l'existence d'obstacles au retour dans leur pays d'origine et le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution de leur renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé.

16) Par acte du 17 décembre 2021, les époux ont recouru contre cette décision auprès du TAPI.

À titre préalable, ils ont sollicité leur comparution personnelle. À titre principal, ils ont conclu à l'annulation de la décision querellée et, cela fait, au renvoi du dossier à l'OCPM pour qu'il le transmette au SEM avec préavis favorable. L'OCPM n'avait pas suffisamment instruit le dossier et avait abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant qu'ils ne remplissaient pas les conditions d'un cas de rigueur.

M. A______ était arrivé en Suisse en 1997, alors âgé de 25 ans. Il avait bientôt 50 ans et avait ainsi passé la moitié de sa vie en Suisse. Si on déduisait les dix-huit mois passés au Brésil entre l'été 2013 et l'année 2014, il comptabilisait vingt-deux années de séjour en Suisse. Il comprenait et parlait parfaitement le français. Il faisait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle et était investi dans la vie associative locale, donnant de son temps et de son énergie pour entrainer une équipe de football junior à Genève et dans son église. Les témoignages et photographies produites démontraient un séjour à partir de 1998. Il avait toujours été une personne enjouée et était décrit par ses amis comme quelqu'un de bien intégré, très apprécié de tous et toujours prêt à rendre service.

Mme B______ était arrivée à l'âge de 31 ans et, hormis quelques mois passés au Brésil en 2013, elle comptabilisait plus de vingt ans de séjour à Genève. Elle avait deux filles et cinq petits-enfants qui résidaient à Genève, dont l'un présentait des problèmes de santé (trisomie 21) et avait besoin de la présence de sa grand-mère pour soulager ses parents. Son centre d'intérêts et les membres de sa famille nucléaire se trouvaient à Genève. Le certificat médical du 5 octobre 2010 prouvait sa présence à Genève déjà à cette date. Les brèves interruptions de séjour ne constituaient pas un motif suffisant pour considérer que son séjour en Suisse avait été interrompu de manière significative.

Le fait de ne pas prendre en compte le précédent séjour du couple n'était pas fondé dès lors que l'autorité admettait systématiquement des dossiers dans lesquels des personnes demandant à régulariser leurs conditions de séjour avaient interrompu leur séjour durant des périodes assez longues (entre six et douze mois), ce d'autant plus qu'ils s'étaient conformés à la décision du 6 septembre 2010 avec leur départ en août 2013. S'ils avaient passé l'un comme l'autre toute leur enfance et leurs premières années de vie d'adulte dans leur pays d'origine et y conservaient des attaches, ils avaient passé la moitié de leur vie à Genève.

Ils ont produit, notamment, une attestation de connaissance de la langue française niveau A2 pour l’épouse du 15 octobre 2019 ainsi qu'un certificat médical du 1er décembre 2021 attestant du handicap de la petite-fille de celle-ci, K______ – dont le père est Monsieur L______, ressortissant français titulaire d'un permis C, marié à Mme D______ –, précisant qu'il était « très important que la grand-mère maternelle puisse avoir un permis de séjour afin de pouvoir s'occuper de leur petite-fille et soulager la maman ».

17) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Les époux ne satisfaisaient pas aux conditions strictes nécessaires à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité. La durée continue de leur séjour et leur intégration en Suisse ne revêtaient pas une importance suffisante. Ils n'avaient pas démontré qu'en cas de retour au Brésil, ils seraient exposés à des conditions socioéconomiques plus difficiles que celles auxquelles étaient confrontés leurs compatriotes restés au pays. Les années de séjour effectuées depuis 2014 étaient exclusivement dues à leur retour en Suisse nonobstant la décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi du 6 septembre 2010, exécutoire depuis le 25 septembre 2012. À cela s'ajoutait qu'ils étaient retournés vivre au Brésil pendant près de deux ans avant de revenir sur le territoire suisse. Ils ne remplissaient donc pas les conditions du cas de rigueur.

18) Par jugement du 16 juin 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Il n’était pas établi que les intéressés soient revenus en Suisse quelques mois seulement après leur départ pour le Brésil. Même à admettre qu’ils étaient revenus, comme ils l’alléguaient, respectivement fin 2013 et début 2015, leur séjour au Brésil ne constituait pas une interruption de séjour temporaire en Suisse. La durée de leur précédent séjour en Suisse n’était donc pas déterminante. La durée de leur séjour de sept ans environ depuis leur retour n’était pas encore très longue. Ils ne faisaient toujours pas preuve d’une intégration socio-professionnelle remarquable ni n’exposaient qu’en cas de retour au Brésil, ils seraient exposés à des difficultés de réintégration très graves. Enfin, la relation entretenue entre Mme B______ et sa petite-fille souffrant de trisomie n’entrait pas dans la notion de famille nucléaire au sens de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH – RS 0.101).

19) Par acte expédié le 17 août 2022 à la chambre administrative, Mme B______ et M. A______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont repris leurs conclusions de première instance.

De même, ils ont repris les arguments exposés devant le TAPI, insistant sur leur excellente intégration, le recourant ayant même été débauché par son ancien patron. Lors de leur retour au Brésil, d’une durée totale de 18 mois, ils avaient utilisé leurs avoirs AVS et LPP pour acheter un logement dans lequel ils avaient ouvert un restaurant. Ils avaient été menacés et « racketés » par des bandes de jeunes. Ils n’avaient pas pu faire appel aux forces de l’ordre qui étaient corrompues. Le recourant avait en plus été victime d’un accident de moto, dont le responsable, un policier, n’avait pas voulu reconnaître ses torts. Ces éléments avaient découragé les recourants et plongé le recourant dans une dépression. Un retour au Brésil les exposerait à des « conséquences traumatiques » et était compromis. La recourante assumait presque quotidiennement la prise en charge de sa petite-fille. Sa fille avait désormais besoin d’elle. Les liens amicaux et affectifs noués à Genève étaient d’une intensité telle qu’ils rendaient inexigible leur renvoi.

20) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

21) Les recourants ne se sont pas manifestés dans le délai imparti pour répliquer.

22) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent leur audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, les recourants ont eu l'occasion d'exposer leurs arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Devant cette dernière, comme devant le TAPI d’ailleurs, ils ont renoncé à exercer leur droit à la réplique. Leur audition n’est pas de nature, en tant que telle, à établir les faits qu’ils allèguent. Pour le surplus, le dossier apparaît complet et permet à la chambre de céans de statuer en connaissance de cause. Dans ces circonstances, il ne sera pas fait droit à leur demande d’être auditionnés.

3) Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour des recourants et ordonnant leur renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12)

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

e. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2).

f. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration.

g. En l’espèce, les recourants, après un premier séjour illégal, ont quitté la Suisse le 12 août 2013 pour le Brésil. Dans leur recours devant la chambre administrative, ils exposent y avoir vécu dix-huit mois, en exploitant un restaurant. Ils sont ainsi revenus, en Suisse, selon leurs allégations, en février 2015. Leur séjour au Brésil ne peut donc être considéré comme temporaire, ce qu’ils ne soutiennent désormais d’ailleurs plus.

Ils séjournent ainsi à nouveau en Suisse depuis plus de sept ans. Cette durée doit être relativisée au regard du fait qu’elle a été faite dans l’illégalité et alors que les recourants s’étaient vus refuser une autorisation de séjour et avaient dû quitter la Suisse selon une décision entrée en force en septembre 2012.

Comme l’a constaté le TAPI, l’intégration des recourants ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Certes, ils n’émargent pas à l’assistance sociale, ne semblent plus avoir de dettes, ont acquis une certaine maîtrise de la langue française et présentent un casier judiciaire vierge. Le recourant s’est, par ailleurs, investi dans la vie associative, notamment au sein d’un club de sport. Son intégration professionnelle n’est toutefois pas remarquable. Il ne soutient pas avoir acquis de formation professionnelle et a travaillé dans les domaines de la restauration et du déménagement et a toujours été très apprécié de ses employeurs. Son parcours professionnel ne témoigne cependant pas d’une ascension professionnelle exceptionnelle.

L'intégration socio-professionnelle de la recourante ne saurait être qualifiée de bonne. Elle n’exerce plus d’activité professionnelle. Elle ne soutient plus devant la chambre de céans que cela serait dû à un problème de santé. Elle entretient des liens avec ses deux enfants majeurs et ses cinq petits-enfants vivant à Genève, mais n'expose pas qu’elle se serait investie dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève ou y aurait noué d’autres attaches affectives ou amicales fortes. Son intégration socio-professionnelle ne présente donc pas de caractère exceptionnel.

Il n’y a pas lieu de douter du fait que la recourante apporte un soutien important à sa fille dans la prise en charge de sa petite-fille atteinte de trisomie. Cette dernière ne forme cependant pas ménage commun avec sa grand-mère, et il n’est pas allégué ni a fortiori établi que la fillette dépendrait, dans sa prise en charge quotidienne, de l’aide de sa grand-mère. Dans ces conditions, la recourante ne peut se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour obtenir un titre de séjour en Suisse.

Les recourants ont, nouvellement, fait valoir que leur retour au Brésil s’était mal passé et qu’ils n’étaient plus en mesure de s’y réintégrer. Ils auraient subi des menaces et été « racketés » par des bandes de jeune, ce qui avait mis à mal leur commerce. Comme ils le reconnaissent eux-mêmes, ils n’ont pas démontré cette allégation. Cela étant, même si elle était établie, il n’est pas rendu vraisemblable que les époux ne pourraient pas s’établir dans une autre ville ou région plus paisible. Le recourant a indiqué entretenir des contacts avec deux de ses enfants et sa mère vivant au Brésil et son épouse a déclaré qu’elle entretenait des contacts réguliers avec un de ses enfants, ses parents et deux sœurs, qui vivaient tous au Brésil. Ainsi, en cas de retour, les recourants pourront compter sur le soutien de leurs proches vivant au Brésil et mettre à profit l’expérience professionnelle acquise en Suisse ainsi que leurs connaissances de la langue française. Les recourants ont passé toute leur enfance, leur adolescence et leur vie de jeune adulte au Brésil, pays dont ils parlent la langue et connaissent la mentalité. Ainsi, même s’ils traverseront à leur retour au Brésil, après les nombreuses années passées en Suisse, une nécessaire phase d’adaptation, il n’est pas rendu vraisemblable que leur réintégration serait fortement compromise. Par ailleurs, les recourants pourront continuer à entretenir des liens avec les deux filles de la recourante et ses petits-enfants grâce aux moyens de télécommunication modernes et lors de séjours touristiques.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a ni violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le recours s’avère ainsi mal fondé et sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 août 2022 par Monsieur A______ et Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Monsieur A______ et Madame B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.