Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2456/2021

ATA/360/2022 du 05.04.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.05.2022, rendu le 07.06.2022, IRRECEVABLE, 2C_398/2022, 2C_431/2022
Recours TF déposé le 31.05.2022, rendu le 12.07.2023, REJETE, 2C_431/2022, 2C_398/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2456/2021-EXPLOI ATA/360/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2022

 

dans la cause

 

A______

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) Le A______ (EMS pour personnes âgées aveugles ou malvoyantes ; ci-après : le foyer) est une association de droit privé, inscrite au registre du commerce du canton de Genève. Il a pour but statutaire l’exploitation d’un établissement médico-social (ci-après : EMS) pour personnes âgées aveugles ou malvoyantes, reconnu d’utilité publique au sens de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées du 4 décembre 2009 (LGEPA - J 7 20) et subventionné par l’État de Genève. Le foyer est situé dans la commune de B______ et dispose d’une capacité d’accueil de soixante lits. Sa direction est assurée par Madame C______, laquelle est présidente de l’Association D______ (ci-après : D______) regroupant les directions des EMS genevois en vue de la défense de leurs intérêts.

Le foyer est membre de la Fédération genevoise des EMS
(ci-après : FEGEMS), association patronale à but non lucratif, qui regroupe une quarantaine d’établissements membres et a pour but d’appuyer ceux-ci dans leurs missions au service des personnes âgées. La FEGEMS entretient des contacts réguliers avec l’Association genevoise des EMS (ci-après : AGEMS), l’autre organisation faîtière cantonale fondée en 2015 qui regroupe huit EMS.

2) Par arrêté du 22 décembre 1997 relatif aux salaires servis par les institutions subventionnées par l’État de Genève, le Conseil d’État a décidé qu’aucune subvention ne serait attribuée aux établissements servant des salaires supérieurs à ceux accordés dans la fonction publique cantonale.

3) Le 10 mai 2000, le Conseil d’État a informé les directions des EMS que leurs fonctions avaient été analysées par le service d’évaluation des fonctions de l’État, devenu depuis lors la direction évaluation et système de rémunération
(ci-après : DESR), rattachée à l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE),
lui-même rattaché à l’actuel département des finances et des ressources humaines, qui avait établi la classification suivante :

EMS de taille I (jusqu’à 19 lits) : classe 20

EMS de taille II (de 20 à 58 lits) : classe 22

EMS de taille III (de 59 à 112 lits) : classe 24

EMS de taille IV (113 lits et plus) : classe 26

Il en résultait que les salaires des directions d’établissements seraient adaptés avec effet au 1er juillet 2000 à ces classes de traitement.

4) En mars 2004, la FEGEMS et les associations représentant le personnel ont conclu une convention collective de travail (ci-après : CCT), qui excluait de son champ d’application les directions d’établissements, sous réserve de son annexe 3, lequel reprenait la classification figurant dans le courrier du Conseil d’État du 10 mai 2000.

5) a. Le 10 décembre 2009, la FEGEMS a informé le Conseiller d’État chargé du département ayant la responsabilité du secteur des EMS, à savoir actuellement le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : respectivement le conseiller d’État et le département), de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, d’une nouvelle CCT spécifique au secteur des EMS. Cette CCT prévoyait notamment l’application des mécanismes salariaux de l’État et l’exclusion, de son champ d’application, des directions d’établissements, lesquelles faisaient l’objet d’un règlement spécifique adopté conjointement avec l’D______, dont l’entrée en vigueur était prévue à la même date. Ce règlement, qui continuait à faire référence au cadre salarial de l’État, était rendu obligatoire par ses statuts pour ses membres, le contrat de travail des directions d’établissements étant régi par le droit privé.

b. Étaient annexés à ce courrier :

- la CCT 2010 conclue entre la FEGEMS et les associations représentant le personnel, qui excluait de son champ d’application les directions d’établissements mais reprenait, dans son annexe 3, la même classification que celle figurant dans le courrier du Conseil d’État du 10 mai 2000 pour lesdites directions ;

- le règlement sur l’engagement et les conditions de travail des directeurs et directrices des établissements pour personnes âgées du canton de Genève adopté par la FEGEMS et l’D______ (ci-après : le règlement des directions), qui prévoyait notamment que le salaire était fixé dans le contrat individuel conformément à la fiche métier de la fonction établie par les parties signataires du règlement et validées par les partenaires concernés, le salaire évoluant conformément aux mécanismes salariaux attribués.

6) Les 22 décembre 2009 et 29 janvier 2010, le conseiller d’État a fait savoir à la FEGEMS qu’il regrettait que les modifications apportées à la CCT n’aient pas été, préalablement à leur adoption, soumises à la consultation de l’État. Il s’interrogeait également sur la nécessité d’édicter le règlement des directions, dont l’échelle des traitements devait suivre les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l’administration cantonale et des établissements hospitaliers. En particulier, les parties de la CCT consacrées à la rémunération devaient se conformer à l’art. 17 al. 2 LGEPA, adopté le 4 décembre 2009, et le répertoire des métiers, figurant également dans la CCT, devait être construit sur la même base que celle des fonctions équivalentes dans les établissements publics médicaux, sa modification ainsi que la refonte de l’ancienne grille devant recevoir l’approbation préalable de la DESR. Une telle mention devait d’ailleurs figurer dans le règlement des directions, le salaire ainsi fixé ne pouvant être cumulé avec une autre rémunération.

7) Le 8 décembre 2010, l’D______ a indiqué au département qu’à la suite de l’adoption de la CCT et du règlement des directions, tous deux entrés en vigueur le 1er janvier 2010, la situation salariale des directions d’établissements devait être revue. Un cahier des charges, approuvé par la FEGEMS, avait été réalisé afin, entre autres, que le critère évolutif du salaire ne soit plus uniquement le nombre de lits de l’établissement, mais aussi les aspects financiers et administratifs, la gestion du personnel, la diversité des activités, la multiplicité des sites d’exploitation ainsi que la gestion de l’immeuble.

8) Par courriel du 12 octobre 2011, le département a rappelé à la FEGEMS que les salaires de la grille des fonctions de la CCT de 2004 s’appliquaient aux salaires des directions d’établissements. Toute modification éventuelle de cette grille devait se faire dans le cadre du projet « Système Compétences, Évaluation, Rémunération » (ci-après : SCORE), et donc avec l’accord de l’OPE.

9) Le 25 avril 2012, la FEGEMS a expliqué au conseiller d’État que la fonction de direction d’établissement n’avait pas subi d’évolution depuis 1999, malgré la modification du cahier des charges et de la configuration des EMS. De concert avec l’D______, elle avait procédé à une réévaluation provisoire du salaire des directions d’établissements, en attendant l’issue du projet SCORE, qui avait été approuvée par son assemblée des délégués du 14 mars 2012 et dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 1er juillet 2012. Dans ce cadre, avaient été pris en compte l’évolution des responsabilités et du cahier des charges des directions, la qualification et les compétences requises, les critères d’équité relative par rapport à d’autres fonctions, les collocations connues déjà effectuées ainsi que le barème vaudois. La grille provisoire de la fonction de direction d’établissement à compter du 1er juillet 2012 lui était dès lors soumise pour validation. Elle avait la teneur suivante :

EMS de taille I (jusqu’à 55 lits) : classe 24 à 25

EMS de taille II (de 56 à 80 lits) : classe 25 à 26

EMS de taille III (de 81 à 101 lits) : classe 26 à 27

EMS de taille IV (120 lits et plus) : classe 27 à 28

10) Le 14 mai 2012, le conseiller d’État a refusé d’entrer en matière sur la demande de la FEGEMS, se référant en particulier à ses courriers des 22 décembre 2009 et 29 janvier 2010 qui répondaient à la même problématique. Les classes de fonction devaient être déterminées par la DESR, l’échelle de traitement des directions d’établissements devait suivre les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel des établissements publics médicaux selon
l’art. 17 al. 2 LGEPA et, en vertu de l’art. 17 al. 1 du règlement d’application de la LGEPA du 16 mars 2010 (RGEPA - J 7 20.01), le cahier des charges de la fonction devait préalablement être validé par le département. À cela s’ajoutait que toutes les évaluations de fonctions collectives et sectorielles étaient suspendues jusqu’à l’aboutissement du projet SCORE.

11) Le 3 juillet 2015, le conseiller d’État a informé la FEGEMS que, dans le cadre de l’analyse des états financiers 2014 des EMS, d’un rapport de la Cour des Comptes et de différents rapports établis par le service d’audit interne de l’État (ci-après : SAI), la rémunération des directions d’établissements avait été examinée par ses services, dont il ressortait que certaines d’entre elles n’étaient pas conformes aux dispositions dûment approuvées par l’État. Il était ainsi apparu que la disposition relative aux directions d’établissements avait été modifiée dans le cadre de la CCT en vigueur et que la grille des classes de fonction des mêmes directions avait été supprimée à l’annexe 3. Il l’invitait par conséquent à lui faire parvenir des informations complémentaires à ce sujet, le cas échéant lui transmettre tout accord formel ou décision de l’OPE au sujet de la fixation actuelle et provisoire des salaires pour la fonction concernée.

12) Le 6 août 2015, la FEGEMS lui a répondu que, pour ses membres, la grille salariale des directions d’établissements était toujours la même et avait été intégrée au règlement des directions. À la suite de la création d’EMS « multi sites » ou à la prise en compte de la complexification de la gestion des établissements, elle ne pouvait exclure que certains conseils de fondation aient valorisé le salaire de leur direction et donc utilisé les mécanismes à leur disposition.

13) Dès 2016, les instructions de bouclement pour le secteur des EMS établies par le département indiquaient qu’un contrôle exhaustif des classes salariales par catégorie de personnel devait être effectué. À la suite de remarques récurrentes du SAI, les situations avec des écarts de classes devaient être justifiées, y compris pour les directions dont les classes de fonction devaient être conformes à la grille suivante :

EMS de taille I (jusqu’à 19 lits) : classe 20

EMS de taille II (de 20 à 58 lits) : classe 22

EMS de taille III (de 59 à 112 lits) : classe 24

EMS de taille IV (113 lits et plus) : classe 26

14) Le 29 mai 2019, l’D______ a fait suite à une réunion s’étant tenue avec le conseiller d’État le 14 mai 2019, au cours de laquelle avait notamment été évoquée l’analyse financière ciblée des conditions de rémunération des directions d’établissements ainsi que la mise en œuvre d’une modification du règlement des directions devant prendre effet au 1er juillet 2019.

15) Le 20 juin 2019, le conseiller d’État a répondu à l’D______ que, s’agissant de la rémunération des directions d’établissements, la récurrence de la surveillance dans les instructions de bouclement du secteur des EMS était le fait des audits du SAI. Ce point de contrôle continuerait à être appliqué strictement selon les gabarits d’établissements et resterait en vigueur dans les directives du département pour l’année 2019, malgré la modification unilatérale du règlement des directions. Il n’y aurait ainsi aucune interprétation au cas par cas et les abus éventuels seraient sanctionnés par des diminutions des prix de pension à la charge des résidents.

16) Le 21 juin 2019, l’AGEMS et la FEGEMS ont transmis au conseiller d’État le nouveau règlement des directions, qu’elles avaient approuvé le 3 avril 2019. Aux termes de celui-ci, le salaire était fixé dans le contrat individuel conformément au descriptif métier établi par les parties signataires, la fonction de direction d’établissement étant évaluée par l’instance compétente au sein de l’État de Genève. Les classes de références étaient les classes 26 à 28 en fonction du cahier des charges, selon les catégories de fonction en vigueur à l’État de Genève au moment de la signature du règlement. Le salaire évoluait conformément aux mécanismes salariaux.

17) Le 17 juillet 2019, le département a répondu à l’AGEMS et à la FEGEMS, réitérant la teneur du courrier du conseiller d’État du 20 juin 2019 et indiquant une nouvelle fois que les abus éventuels seraient sanctionnés par des diminutions des prix de pension à la charge des résidents.

18) Pour 2019, les instructions de bouclement pour le secteur des EMS indiquaient qu’un contrôle exhaustif des classes salariales par catégorie de personnel devait être effectué à la suite des recommandations récurrentes du SAI. Tous les écarts de classes devaient être indiqués avec un bref commentaire, y compris pour les directions, dont les classes de fonction devaient être conformes à la grille figurant dans la CCT 2004. Les classes de référence déterminées par le règlement des directions de 2019 n’étaient pas reconnues par l’État de Genève.

19) En février 2020, le Conseil d’État a annoncé l’abandon du projet SCORE.

20) Le 4 mai 2020, le conseiller d’État a informé l’D______ qu’à ce stade, une réévaluation des classes de référence telles que définies dans le règlement des directions de 2019 ne pouvait être acceptée. Il était néanmoins favorable à revoir l’évaluation de la fonction de direction d’établissement avec la DESR.

21) Le 22 décembre 2020, le conseiller d’État a fixé le financement annuel de l’État pour le foyer à CHF 1'787'360.- et le prix de pension pour l’année 2021 à CHF 235.- par jour et par résident.

22) Le 3 mars 2021, le département a transmis au foyer ses observations en lien avec l’analyse de ses états financiers pour l’année 2019, dont il ressortait notamment une augmentation de ses charges de personnel ainsi que des écarts avec une ou deux classes salariales supplémentaires.

23) Le 5 mars 2021, l’AGEMS, la FEGEMS et l’D______ ont fait suite aux observations du département en lien avec les analyses des états financiers des EMS et demandé au conseiller d’État de surseoir à sa demande de justificatifs relatifs aux salaires des directions d’établissements, en attendant que la DESR procède à la réévaluation de la fonction, qui était en cours. La dernière évaluation des salaires des directions d’établissements avait eu lieu avant l’adoption de la CCT de 2010, qui les avait exclues de son champ d’application, si bien que leur cadre contractuel était régi par le règlement des directions. Étant donné que la réévaluation de leurs fonctions avait été suspendue dans l’attente du projet SCORE, une réévaluation provisoire avait été effectuée et, en 2019, le règlement des directions avait été modifié pour définir leur classe salariale entre les positions 26 à 28 de l’échelle des traitements. Cette échelle ne tenait toutefois pas compte des responsabilités spécifiques inhérentes à certains établissements. Les documents utiles avaient, dans ce cadre, été transmis à la DESR, qui corrigerait le cas échéant lesdites évaluations provisoires.

24) Le 22 mars 2021, le département leur a répondu, se référant à son courrier du 17 juillet 2019, qui synthétisait sa position. Dès lors qu’elles avaient procédé à une réévaluation unilatérale des classes salariales des directions d’établissements, sans tenir compte de son avis ni des instructions de bouclement du secteur des EMS, elles devaient assumer leurs décisions auprès de leurs membres. Il était ainsi apparu que l’adaptation du règlement des directions de 2019 avait engendré, durant la même année, de nombreuses distorsions. Puisque les écarts non justifiés constituaient des charges non justifiées ne pouvant être supportées par les résidents ou par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), les prix de pension seraient revus à la baisse. Cette situation était d’autant plus problématique que l’État s’était montré favorable à une réévaluation des salaires des directions d’établissements et, qu’à la suite du dépôt d’une demande dans ce sens auprès de la DESR, il aurait été prudent d’attendre le résultat de cette consultation. Il n’y avait dès lors pas lieu de surseoir à la demande de justifications dans l’attente de la position de la DESR.

25) Le 18 juin 2021, le département a demandé au foyer de le renseigner au sujet des états financiers 2020, qui faisaient mention d’un règlement provisoire de la FEGEMS, de l’AGEMS et de l’D______ relatif à la rémunération des directions d’établissements. Il n’était toutefois pas clairement fait mention de l’absence d’écart de classe entre la rémunération actuelle de la direction et les classes admises dans les instructions de bouclement. Il l’invitait à lui communiquer la classe de fonction, l’annuité et le salaire annuel brut de sa direction pour les années 2019, 2020 et 2021.

26) Le 28 juin 2021, le foyer a répondu au département que le salaire annuel brut total de sa direction s’était élevé à CHF 161'122.60 en 2019, à CHF 171'350.40 en 2020 et à CHF 171'350.40 en 2021. Ces montants tenaient compte du fait que l’établissement avait engagé dès 2019 un lourd projet de rénovation, auquel la direction avait participé. S’il devait être considéré que ces salaires étaient inappropriés, il requérait le prononcé d’une décision formelle, dûment motivée, avec l’indication des voies de recours. Par ailleurs, en 2019 et 2020, son comité n’avait perçu aucun jeton de présence, dont le montant avait été provisionné dans les états financiers annuels, si bien qu’il pouvait être renoncé à leur versement pour éviter une éventuelle sanction concernant le prix de pension.

27) Par courrier du 8 juillet 2021, le conseiller d’État a informé le foyer qu’en application des art. 24 et 25 RGEPA, le prix de pension par jour et par résident de son établissement serait fixé à CHF 234.- à compter du 1er août 2021. Les informations reçues par courrier du 28 juin 2021 ne correspondaient pas aux directives de bouclement, dès lors qu’elles faisaient état de deux classes supplémentaires par rapport à la grille des fonctions par gabarit d’EMS. Ce courrier ne portait pas d’autre mention ni n’indiquait de délai et de voies de recours.

28) Plusieurs autres EMS ont reçu des courriers similaires, à l’encontre desquels ils ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

29) Par acte du 19 juillet 2021, le foyer en a fait de même contre le courrier du 8 juillet 2021 le concernant, concluant à son annulation.

Le courrier contesté, qui constituait une décision, était une sanction arbitraire, ne reposait sur aucun fondement, était illégal et injustifié, s’immisçait dans la gestion de l’établissement et était disproportionné, engendrant une réduction annuelle de revenus de l’ordre de CHF 21'900.-. Il consacrait en outre une inégalité de traitement, puisqu’il avait été notifié à différents EMS, sans égard à leur gabarit, alors même que la rétribution de la direction relevait du droit privé. La décision en cause constituait aussi un déni de justice formel, puisque les voies de recours n’étaient pas indiquées, qu’elle ne reposait sur aucune motivation et ignorait la teneur du courrier du 28 juin 2021 qui requérait une instruction détaillée du dossier.

30) Le département a sollicité un délai pour répondre au recours ainsi que la suspension de l’instruction des causes similaires jusqu’à droit connu dans l’une de celles-ci.

31) Le foyer s’est opposé à la suspension demandée au motif que la situation au sein des différents établissements était différente.

32) Par décision du 22 novembre 2021, la chambre administrative a refusé de suspendre l’instruction de la cause.

33) Le 15 décembre 2021, le département a conclu au rejet du recours.

La réévaluation des salaires des directions, demandée par les organisations faîtières des EMS, était en cours auprès de l’OPE, des séances de préparation ayant eu lieu durant le premier semestre 2021 et un projet de demande d’évaluation ayant été remis auxdites organisations.

Il n’était pas certain que le recours satisfasse aux exigences de motivation prévues par la loi, dès lors que le foyer se contentait de contester la décision litigieuse sans préciser en quoi ni comment elle contrevenait à la législation en vigueur.

La décision n’était pas arbitraire. Outre le fait que le foyer ne le démontrait pas, en se limitant à opposer son opinion à celle de l’autorité, il n’indiquait pas non plus en quoi ses droits auraient été violés. L’art. 17 al. 2 LGEPA était suffisamment clair et prévoyait que l’échelle des traitements de l’ensemble du personnel devait suivre les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers, ce que précisait l’art. 19 al. 1 RGEPA, selon lequel la classification des fonctions était déterminée par le service compétent de l’État et non par l’institution elle-même, ce que le foyer ne pouvait ignorer.

Le grief en lien avec une violation du principe de la légalité était mal fondé. La diminution du prix de pension constituait une mesure au sens de
l’art. 36 al. 1 LGEPA propre à prévenir ou à faire cesser un état de fait contraire au droit. Contrairement aux sanctions, une telle mesure n’était pas limitée par
l’art. 37 LGEPA, qui précisait exhaustivement la nature des sanctions pouvant être prises. Cette mesure s’inscrivait dans ses prérogatives au sens de
l’art. 1 let. a RGEPA. Les salaires des directions n’étaient pas inclus dans le calcul de la subvention que couvrait les soins, mais étaient financés par le forfait hôtelier au sens de l’art. 25 RGEPA, dont l’al. 2 l’autorisait à prendre en compte tout écart pour fixer le prix de pension. Il aurait ainsi été inéquitable de faire supporter des différences salariales indues aux résidents ou au SPC. La gestion de l’établissement n’était en outre pas concernée en tant que telle, dans la mesure où l’État n’intervenait pas dans la prise en charge des patients ou les thématiques de gestion courante.

Le foyer se contentait également de critiquer la décision litigieuse sans démontrer de manière claire et précise en quoi elle consacrait une violation du principe de proportionnalité ni en quoi une augmentation unilatérale serait justifiée et à quelle hauteur. En tout état de cause, de nombreuses mises en garde avaient été communiquées aux organisations faîtières, ainsi qu’au foyer, selon lesquelles le prix de pension serait diminué si l’augmentation salariale de sa direction était maintenue. Le foyer ne lui avait pas non plus transmis, malgré sa demande, les justificatifs nécessaires à calculer exactement la diminution considérée en fonction de l’augmentation salariale de sa direction effectuée sans autorisation.

Le foyer s’était limité à alléguer l’existence d’une inégalité de traitement, sans la démontrer et en se bornant à affirmer que le salaire perçu par sa direction était conforme aux principes de l’État, sur la base de son appréciation personnelle. Même à admettre la recevabilité d’un tel grief, il serait infondé, puisque l’augmentation salariale en cause était illicite pour ne pas avoir été approuvée par l’autorité compétente, ce que la fondation n’ignorait pas. Ces principes s’appliquaient à l’ensemble des fonctionnaires de l’État, dès lors que les classes de salaire n’étaient pas déterminées par eux-mêmes mais par l’OPE. Par conséquent, s’il devait y avoir une violation du principe de l’égalité de traitement, elle serait le fait de la fondation, qui avait augmenté le salaire de sa direction sans respecter le processus légal applicable à l’ensemble de la fonction publique. À cela s’ajoutait que certains établissements n’avaient pas augmenté unilatéralement le salaire de leur direction, mais étaient dans l’attente de la validation des classes de traitement par les services compétents. Une acceptation de la modification unilatérale de salaire opérée par la fondation conduirait alors à une inégalité de traitement entre les EMS.

Sous le couvert d’un déni de justice formel, le foyer faisait en réalité valoir une violation du droit d’être entendu. Il avait cependant été informé dès 2010 qu’il revenait à la DESR de déterminer les classes de fonction et que l’échelle de traitement des directions était tenue de suivre les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel des établissements publics médicaux, ces exigences n’ayant jamais été contestées par les organisations faitières. Le foyer avait également été mis au courant du risque d’une diminution du prix de pension dès 2019 et, par la suite, lorsqu’une augmentation salariale indue avait été constatée, des justifications lui avaient, en vain, été demandés. La diminution du prix de pension en fonction de l’augmentation salariale dont il s’agissait n’avait dès lors pas pu être calculée concrètement, raison pour laquelle une diminution forfaitaire, correspondant à CHF 1.- par jour et par pensionnaire, avait été décidée. À cela s’ajoutait qu’au regard des discussions relatives aux augmentations salariales des directions d’établissements qui perduraient depuis 2010 avec les organisations faîtières, le foyer ne pouvait ignorer les motifs pour lesquels l’augmentation salariale de sa direction n’avait pas été validée.

34) Le 27 janvier 2022, le foyer a répliqué, persistant dans son recours.

La décision litigieuse n’était pas suffisamment motivée et se limitait à reproduire des phrases standardisées, sans se prononcer sur les éléments avancés dans son courrier du 28 juin 2021. Dans ce cadre, elle constituait un déni de justice, puisqu’elle n’examinait pas la similitude du salaire versé à sa direction avec les principes appliqués au traitement du personnel de l’État et des établissements hospitaliers ni ne tenait compte de la participation à un projet de rénovation de l’établissement et de la renonciation du comité à percevoir des jetons de présence. En réalité, le département avait choisi d’imposer arbitrairement aux EMS une manière de procéder et était allé jusqu’à le menacer de supprimer la subvention dont il bénéficiait.

La sanction infligée, qui était une amende déguisée sans limite temporelle, était illégale, puisqu’elle ne figurait pas dans le catalogue de l’art. 37 LGEPA.

À cela s’ajoutait que le département avait connaissance de tous les éléments nécessaires à la détermination du salaire de sa direction, en tant qu’autorité de surveillance des EMS. Il s’était toutefois désintéressé de la question salariale, sans se préoccuper de la justification de la rémunération accordée à sa direction, voire de son éventuelle réduction effective, pour sanctionner l’ensemble des EMS « récalcitrants ». La diminution de CHF 1.- du prix de pension par jour et par résident engendrait une réduction annuelle de son revenu de CHF 21'900.-, somme sensiblement plus élevée que l’éventuel écart salarial litigieux, ce qui en faisait une mesure contraire au principe de la proportionnalité. En outre, l’inégalité de traitement alléguée consistait dans le fait que l’ensemble des EMS avaient subi le même sort, indépendamment de leur gabarit et sans égard au salaire effectif de leur direction.

35) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 38 LGEPA).

Même si la décision du département du 8 juillet 2021 n’est pas désignée comme telle ni n’indique les voie et délai de recours (art. 46 al. 1 LPA), cette situation n’a entraîné aucun préjudice pour le recourant (art. 47 LPA), qui l’a contestée en temps utile devant la chambre de céans, laquelle est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions des autorités administratives, à savoir les mesures individuelles et concrètes affectant les droits et obligations
(art. 4 al. 1 et 57 let. a LPA). Tel est le cas en l’espèce, puisque le département a diminué le prix de pension journalière des résidents du recourant, le fixant à CHF 234.- par jour à compter du 1er août 2021.

Par ailleurs, même sommaire, la motivation du recours satisfait aux réquisits des art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

2) Le recourant reproche à la décision litigieuse de ne pas comporter une motivation suffisante.

a. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision (ATF 145 III 324 consid. 6.1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_67/2022 du 17 février 2022 consid. 7.1).

b. En l’espèce, la décision litigieuse fixe le prix de pension à CHF 234.- le jour dès le 1er août 2021, en application des art. 24 et 25 RGEPA, au vu de la rémunération de la direction du recourant, qui ne correspond pas aux directives de bouclement et fait état de deux classes supplémentaires par rapport à la grille des fonctions par gabarit d’EMS. L’on ne saurait par conséquent suivre le recourant lorsqu’il affirme que la décision en cause ne comporte aucune motivation.

À cela s’ajoute que le recourant n’ignorait pas le cadre dans lequel cette décision s’inscrivait, au regard du courrier de l’autorité intimée du 18 juin 2021 lui demandant des renseignements au sujet des écarts constatés concernant la rémunération de sa direction, ainsi que des échanges intervenus entre les organisations faîtières et l’D______ et l’autorité intimée. Le courrier de celle-ci du 22 mars 2021 indiquait en particulier qu’en raison de l’absence de justification des écarts salariaux constatés, les prix de pension seraient revus à la baisse.

Par ailleurs, l’autorité intimée n’avait pas à retenir l’ensemble des arguments mentionnés par le recourant qui justifiaient, à son sens, l’augmentation du salaire de sa direction, comme le fait, pour celle-ci, d’avoir participé au projet de rénovation de l’établissement ou que le comité n’ait pas perçu de jetons de présence en 2019 et 2020, éléments au demeurant exorbitants au litige.

Le recourant a du reste été en mesure de contester la décision litigieuse devant la chambre de céans, qui dispose d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit (art. 61 al. 1 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 5.2). Le grief en lien avec la violation du droit d’être entendu du recourant sera par conséquent écarté.

3) L’objet du litige concerne le prix de pension dans l’établissement du recourant, qui a été revu à la baisse par l’autorité intimée à la suite de l’augmentation salariale de sa direction décidée unilatéralement par le foyer, de concert avec les organisations faîtières et l’D______. La question n’est ainsi pas de savoir si le salaire des directions est adéquat et, le cas échéant, s’il devrait être modifié à la hausse eu égard aux autres fonctions similaires, mais si sa modification unilatérale par le recourant pouvait justifier de la part de l’autorité intimée une baisse du prix de pension. Dès lors, dans la mesure où les griefs du recourant en lien avec l’existence d’une inégalité de traitement du salaire des directions d’établissements par rapport à des fonctions similaires au sein de l’État et des établissements hospitaliers dépassent l’objet du litige ainsi défini, ils sont irrecevables.

4) Le recourant se prévaut d’une violation du principe de la légalité sous plusieurs aspects.

a. À teneur de l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet, son action devant avoir un fondement dans une loi (ATA/43/2022 du 18 janvier 2022 consid. 5).

b. Le principe de la légalité exige donc que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1). L’exigence de la densité normative n’est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d’interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d’application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d’exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu’elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées ; ATA/1270/2021 du 23 novembre 2021 consid. 8c).

c. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales, et à Genève même de manière expresse à l’art. 2 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), et représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen. Il impose le respect des compétences établies par la Cst. et prohibe à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1). Les règlements d’exécution doivent ainsi se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_845/2019 du 10 juin 2020 consid. 8.2.2).

d. De jurisprudence constante, la légalité d’un règlement peut être remise en cause devant la chambre de céans à l’occasion d’un cas d’application (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 5b).

5) Le recourant se plaint de ce que la décision litigieuse ne reposerait sur aucun fondement, serait illégale et arbitraire, l’État s’étant immiscé dans la gestion de son établissement, alors que la rétribution de sa direction était soumise au droit privé.

a. Le 1er avril 2010, la LGEPA a abrogé l’ancienne loi relative aux EMS accueillant des personnes âgées du 3 octobre 1997 (aLEMS - J 7 20). La nouvelle loi définit notamment les conditions de délivrance des autorisations d’exploitation et les modalités de surveillance des EMS et des résidences pour personnes âgées (art. 2 let. a LGEPA), dont la surveillance relève, pour les domaines de gestion et de gouvernance, de la compétence du département (art. 32 al. 1 let. b LGEPA ;
art. 2 al. 1 RGEPA). Dans ce cadre, celui-ci est chargé du contrôle de l’adéquation entre les objectifs de gestion établis et les résultats obtenus attestés par les données comptables que lui transmettent, sous la forme définie, les EMS, examine le respect des standards édictés et des conditions de l’autorisation d’exploitation et contrôle également l’affectation conforme des montants alloués par l’État
(MGC 2008-2009/II A 3112).

b. Selon l’art. 17 LGEPA applicable aux EMS (art. 3 al. 1 LGEPA), les rapports de travail entre les établissements et leur personnel sont régis par le droit privé (al. 1). L’échelle des traitements de l’ensemble du personnel suit les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers (al. 2). Une convention collective de travail règle les autres questions relatives aux rapports de travail (al. 3).

L’art. 19 RGEPA concerne la rémunération du personnel et prévoit que la classification des fonctions dans les établissements pour l’application de l’échelle des traitements au sens de l’art. 17 al. 2 LGEPA est déterminée par le service compétent de l’État (al. 1). Les principes mentionnés à l’art. 17 al. 2 LGEPA concernent (al. 2) les conditions de rémunération (let. a) et la durée des vacances et des congés (al. 3).

c. Les travaux préparatoires relatifs à l’art. 17 LGEPA précisent qu’avec cet article, le Conseil d’État souhaitait à la fois maintenir le statut de droit privé dans les rapports de travail des collaborateurs des EMS et appliquer les conditions de rémunération des employés de l’administration cantonale. Une égalité de rémunération des professionnels était ainsi établie entre les différentes structures cantonales de soins, par exemple les Hôpitaux universitaires de Genève ou l’institution de maintien, d’aide et de soins à domicile (MGC 2008-2009/II A 3'130). Le rapport de la commission chargée d’étudier ce projet de loi relève à propos de l’art. 17 LGEPA que pour le représentant de l’État, il n’était pas question de transformer les employés des EMS en fonctionnaires, d’où l’empire du droit privé rappelé à l’al. 1, sauf à l’EMS de Vessy, ce qui se traduisait par des instances différentes en cas de conflit de travail (MGC 2009-2010/II A 977). À la question des commissaires de savoir ce que signifiait la notion de « mêmes principes », le conseiller d’État a expliqué que l’art. 17 LGEPA devait être lu dans sa totalité :
l’al. 1 précisait que les contrats étaient régis par le droit privé et l’al. 2 indiquait qu’en matière de rémunération, les principes étaient les mêmes que ceux appliqués aux membres du personnel de l’État ; cependant, le reste des éléments du contrat de travail était réglé par la CCT selon l’al. 3. La notion de « mêmes principes » était intégrée dans la loi car la CCT était dénoncée chaque année et les négociations n’aboutissaient jamais, les acteurs se tournant, par la suite, vers l’État, qui alignait la rémunération avec la fonction publique, raison pour laquelle la CCT réglait les contrats de travail, à l’exception de la rémunération (MGC 2009-2010/II A 1'055).

d. L’aLEMS prévoyait déjà que pour bénéficier de l’aide financière de l’État, les EMS devaient notamment ne pas servir des salaires supérieurs à ceux accordés dans la fonction publique cantonale pour des fonctions similaires (art. 20 al. 1 let. n aLEMS). Cette disposition a été adoptée car, dans le cadre de l’application de la loi, il était apparu au département que des EMS servaient des salaires supérieurs à ceux versés dans la fonction publique cantonale, notamment à leur direction. Or, il n’était pas admissible que l’État de Genève verse des subventions à des institutions privées pour permettre le versement de salaires supérieurs à ceux de la fonction publique cantonale, c’est pourquoi il convenait d’ajouter une condition supplémentaire prohibant une telle pratique dans les conditions de subventionnement
(MGC 2001-2002/ II A 511).

e. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_397/2021 du 7 février 2022 consid. 2.1.2).

f. En l’espèce, il ressort des travaux législatifs ayant mené à l’adoption de l’art. 17 LGEPA que la volonté du législateur était certes de maintenir le statut de droit privé dans les rapports de travail des collaborateurs des EMS et de régler ces éléments dans une CCT, mais que la rémunération devait en être exclue, pour laquelle les mêmes conditions que celles des employés de l’administration cantonale étaient applicables, notamment en raison du fait que la CTT était dénoncée chaque année. L’art. 19 RGEPA se situe dans le prolongement de
l’art. 17 al. 2 LGEPA, en réglementant la rémunération du personnel des EMS, y compris de leur direction. Ainsi, en prévoyant que la classification des fonctions pour l’application de l’échelle des traitements est déterminée par le service compétent de l’État, à savoir la DESR rattachée à l’OPE, l’art. 19 al. 1 RGEPA ne prévoit rien de contraire à l’art. 17 al. 2 LGEPA, puisqu’un tel processus est applicable au personnel de l’État et permet précisément d’assurer la cohérence avec celui-ci. Le conseiller d’État l’a d’ailleurs rappelé à la FEGEMS dans ses courriers des 22 décembre 2009, 29 janvier 2010, 14 mai 2012 ou encore du 3 juillet 2015, le règlement des directions, dans sa version de 2019, prévoyant au demeurant que la fonction de direction d’établissement était évaluée par l’instance compétente au sein de l’État de Genève. Ledit règlement ne pouvait ainsi prévoir une autre classification que celle précédemment approuvée et le recourant encore moins appliquer cette autre classification pour rémunérer sa direction sans que ladite augmentation salariale n’ait été préalablement approuvée par les services de l’État.

Dans ce cadre, il importe peu que le recourant ait, comme il l’indique, tenu compte de la participation de la direction à un projet de rénovation ou que le comité n’ait pas perçu de jetons de présence pendant deux ans, dès lors qu’il ne lui appartenait pas d’adapter unilatéralement la rémunération de sa directrice.

C’est par conséquent conformément aux dispositions légales applicables et sans faire preuve d’arbitraire que l’autorité intimée a considéré que le recourant ne pouvait pas procéder de sa seule initiative à une augmentation du salaire de sa direction. Les griefs soulevés seront dès lors écartés.

6) Le recourant soutient que la diminution du prix de pension serait une sanction ne figurant pas dans le catalogue de l’art. 37 LGEPA, en violation du principe de la légalité.

a. Selon l’art. 36 LGEPA, les départements prennent toutes les sanctions et mesures propres à prévenir ou à faire cesser un état de fait contraire à la loi ou à ses dispositions d’exécution dans leurs domaines de compétence (al. 1). Le département assure la coordination générale de l’ensemble des sanctions et mesures (al. 2) et peut, le cas échéant, suspendre le versement de la subvention (al. 3).

L’art. 37 LGEPA traite des sanctions administratives pouvant être prononcées par le département, qui sont (al. 1) : l’avertissement (let. a), l’amende jusqu’à CHF 60'000.- (let. b), la limitation de l’autorisation d’exploitation (let. c), le retrait, temporaire ou définitif, de l’autorisation d’exploitation (let. d). L’amende est cumulable avec les autres sanctions (al. 2). Sont passibles de ces sanctions (al. 3) : les titulaires de l’autorisation d’exploiter (let. a), les directeurs d’établissements (let. b), les médecins répondants (let. c).

L’aLEMS prévoyait des dispositions similaires, en mentionnant les mêmes sanctions administratives que celles figurant à l’art. 37 LGEPA (art. 29 aLEMS), tout en traitant séparément des mesures à l’art. 28 aLEMS, selon lequel le département pouvait prendre toutes les mesures propres à prévenir ou à faire cesser un état de fait contraire à la loi.

b. En l’espèce, le recourant ne saurait être suivi lorsqu’il affirme que la diminution du prix de pension serait une sanction administrative, dont
l’art. 37 LGEPA ne ferait pas mention. Comme l’a expliqué le département, et malgré les termes qu’il a pu utiliser, il s’agit d’une mesure prise en application de l’art. 36 LGEPA en vue de faire cesser un état de fait contraire à la LGEPA et à son règlement d’exécution, en l’occurrence aux art. 17 al. 2 LGEPA et 19 RGEPA, la fixation du prix de pension étant de la compétence du département
(art. 20 al. 1 LGEPA). Il s’ensuit que ce grief sera également écarté.

7) Selon le recourant, la décision litigieuse serait contraire au principe de la proportionnalité.

a. Garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., le principe de la proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit impliquant une pesée des intérêts ; ATA/176/2022 du 17 février 2022 consid. 6b).

b. L’art. 19 LGEPA énonce les trois sources essentielles de revenus de l’établissement qui sont en lien avec son activité principale telle que décrite dans l’autorisation d’exploitation et dans le contrat de prestations. Dans le cadre de l’autorisation d’exploitation, il s’agit notamment du prix de pension facturé aux résidents (let. a), du forfait versé par les assureurs maladie (let. b) et de la subvention cantonale (let. c).

L’art. 20 LGEPA a trait au prix de pension maximum, fixé par le département (al. 1), qui comprend (al. 2) : un forfait socio-hôtelier (let. a), le loyer et/ou les charges immobilières (let. b) et les autres charges résultant d’une mission spécifique confiée par le département à l’établissement (let. c). Le prix de pension peut être fixé sur une base pluriannuelle (al. 3). Le principe de l’art. 20 LGEPA est ainsi de segmenter le prix de pension en trois composantes, dont la première est forfaitaire, en permettant en particulier d’inciter à rechercher une gestion plus efficiente (MGC 2008-2009/II A 3132).

c. Un prix de pension unique, déterminé selon les trois composantes figurant aux art. 25 à 27 RGEPA, est appliqué au sein du même établissement, et ce quel que soit le nombre de lits par chambre (art. 24 RGEPA).

L’art. 25 RGEPA précise que le département détermine un forfait socio-hôtelier de référence sur la base d’un outil d’analyse des prestations socio-hôtelières qui comprennent (al. 1) : l’animation (let. a), l’hôtellerie (incluant la buanderie, le nettoyage, les services logistiques et techniques ; let. b), la restauration (let. c), l’administration (let. d). Le département évalue avec l’établissement l’éventuel écart qui subsisterait entre le coût de ses prestations socio-hôtelières et le forfait de référence. Pour autant que les circonstances le justifient, le département peut prendre en compte tout ou partie de cet écart dans la fixation du prix de pension (al. 2). L’établissement planifie et met en œuvre les mesures qui permettront de réduire progressivement l’éventuel écart au sens de l’al. 2 (al. 3). Les art. 26 et 27 RGEPA ont respectivement trait au loyer ou charges immobilières et aux autres charges.

d. En l’espèce, en vue de faire cesser une situation contraire à la loi, l’autorité intimée, qui est compétente selon l’art. 20 al. 1 LGEPA pour fixer le prix de pension, a procédé à la diminution dudit prix, plus précisément de la part du forfait socio-hôtelier le composant, requérant préalablement du recourant, par courrier du 18 juin 2021, de lui communiquer la classe de fonction, l’annuité et le salaire brut annuel de sa direction pour les années concernées. Le recourant n’a que partiellement répondu à cette demande dans son courrier du 28 juin 2021, se limitant à communiquer à l’autorité intimée le salaire annuel brut de sa direction pour les années concernées, tout en arguant que lesdits montants tenaient compte de l’implication de la directrice dans le projet de rénovation de l’établissement. Outre ces indications, le recourant n’a pas non plus transmis à l’autorité intimée les justificatifs nécessaires à calculer exactement la diminution considérée en fonction de l’augmentation salariale de sa direction. Dans ces circonstances,
l’art. 25 al. 2 RGEPA autorisait l’autorité intimée à prendre en compte tout écart pour fixer le prix de pension. À cela s’ajoute que le caractère forfaitaire de l’élément
socio-hôtelier a précisément été introduit dans la loi pour inciter à la recherche d’une gestion plus efficiente, ce qui est le cas en l’occurrence, et que les contraintes de gestion imposées aux EMS par l’État, notamment par la fixation du prix de pension, constituent la contrepartie de la subvention d’exploitation accordée (ATA/897/2010 du 21 décembre 2010 consid. 6b). Au regard de ces éléments, la décision litigieuse n’apparaît pas disproportionnée, même si, comme l’indique le recourant, elle induit une réduction annuelle de revenus de l’ordre de
CHF 21'900.-. Ce grief sera également écarté.

S’agissant, enfin, de la menace alléguée en lien avec une éventuelle suppression de la subvention accordée au recourant, elle est exorbitante au litige et ne concerne pas la diminution du prix de pension mais le contrat de prestation.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juillet 2021 par le A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 8 juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge du A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au A______ ainsi qu’au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :