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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3884/2021

ATA/134/2022 du 08.02.2022 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3884/2021-PROC ATA/134/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 février 2022

 

dans la cause

 

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL

contre

Monsieur A______
représenté par son curateur Me C______

et

Monsieur B______

 

 



EN FAIT

1) Par arrêt du 12 octobre 2021 (ATA1057/2021), la chambre administrative de la Cour de justice a admis le recours formé par Monsieur A______, représenté par son curateur, contre la décision rendue le 1er juillet 2021 par la commission du secret professionnel (ci-après : commission) et annulé celle-ci.

L’arrêt retient que Monsieur A______, né le ______ 1931, avait été placé par ordonnance du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) du 1er avril 2019 sous la curatelle de représentation et de gestion de Monsieur C______, avocat. Le mandat incluait de veiller à l’état de santé de M. A______, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, le représenter dans le domaine médical. L’ordonnance du TPAE retenait, dans ses considérants, qu’il était établi que M. A______ présentait une « incapacité de discernement étendue » et qu’il n’était plus capable de se déterminer en matière de soins ni sur le plan médical.

À l’issue de son analyse juridique portant sur les pouvoirs du curateur d’une personne incapable de discernement, la chambre administrative a retenu que le curateur ayant in casu été investi des pouvoirs d’une curatelle à portée générale, il était habilité à procéder lui-même à la levée du secret médical concernant son protégé. Il n’était ainsi pas nécessaire que le médecin de celui-ci, le Docteur B______, saisisse la commission en vue d’être levé de son secret médical, l’accord du curateur étant suffisant. En tant que la décision de la commission faisait fi de ce consentement et avait refusé au curateur l’accès au dossier, elle était annulée.

2) Par acte expédié le 12 novembre 2021, la commission a saisi la chambre administrative d’une demande en révision.

L’arrêt retenait de manière contraire aux pièces du dossier que le curateur disposait d’une curatelle de portée générale. La commission n’avait pas examiné l’étendue de la capacité de discernement de M. A______, car elle avait exclu l’existence d’une curatelle de portée générale. Aussi, il apparaissait que ce dernier disposait de la capacité de discernement en matière médicale. Elle avait levé le secret professionnel du Dr B______ « dans le respect des principes élémentaires de la pesée des intérêts, de la proportionnalité, de la sauvegarde du secret concernant un patient tiers et d’autres principes du droit administratif ». Par ailleurs, elle s’excusait de ne pas avoir produit l’avis de droit auquel elle s’était référée. Sa demande en révision était fondée sur le fait qu’il n’avait pas été tenu compte de la pièce 11 produite par le curateur, à savoir le courrier de celui-ci du 7 juillet 2020 par lequel il expliquait être représentant légal en matière médicale et non curateur de portée générale.

3) Le Dr B______ a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

4) Le curateur a conclu au rejet de la demande de révision.

La commission ne prenait aucune conclusion, contrairement aux exigences légales. L’arrêt dont la révision était demandée décrivait précisément les pouvoirs du curateur, à savoir une curatelle de représentation et de gestion, incluant la représentation dans le domaine médical. Examinant les pouvoirs conférés au curateur, la chambre administrative avait constaté qu’ils étaient les mêmes que ceux d’un curateur de portée générale. Elle n’avait donc pas retenu un fait contraire aux pièces du dossier.

En outre, en tant que la commission soutenait que M. A______ disposait de la capacité de discernement en ce qui concernait les soins, elle remettait en cause l’ordonnance du TPAE, qui avait constaté l’incapacité de discernement étendue du protégé. Il joignait à cet effet les tests effectués par celui-ci en janvier 2018 révélant un score de 8 sur 30, ce qui dénotait des capacités cognitives extrêmement faibles.

5) Se déterminant sur l’écriture du curateur, la commission a indiqué que, aucune ordonnance du TPAE ordonnant une curatelle de portée générale n’ayant été produite par celui-ci, elle n’était pas en mesure de reconsidérer sa décision.

6) La chambre administrative a fait parvenir à la commission, pour information, copie de l’ordonnance de nomination du curateur, produite par celui-ci dans la cause ayant donné lieu à l’arrêt dont était révision.

7) La commission en a pris note, précisant qu’il ne s’agissait pas d’une curatelle de portée générale.

8) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Se pose en premier lieu la question de savoir si la commission a la qualité pour agir en révision.

a. La qualité pour demander la révision se détermine selon les règles applicables à la qualité pour recourir dans la procédure antérieure (ATF 138 V 161 consid. 2). Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1392/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a).

L’art. 60 al. 2 LPA prescrit que lorsque la loi prévoit plus d’une instance cantonale de recours, l’autorité administrative a qualité pour recourir devant la juridiction administrative supérieure.

b. Pour disposer d'un intérêt digne de protection, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique à l'admission du recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 134 II 120 consid. 2). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4). L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grande que la généralité des administrés (ATF 133 II 468 consid. 1). Le recourant doit démontrer que sa situation factuelle et/ou juridique peut être avantageusement influencée par l'issue du recours (ATA/14/2022 du 11 février 2022 consid. 5c). L’intérêt public à une application correcte et uniforme du droit ne suffit pas pour conférer aux autorités la qualité pour recourir (ATF 141 II 161).

c. En l’espèce, la commission ne revêt pas la qualité pour recourir au sens de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA. En effet, l’admission de sa demande en révision ne lui apporterait aucun avantage ni aucune utilité pratique ; elle ne le soutient d’ailleurs pas. Elle ne serait pas directement touchée par la décision rendue sur révision. Une telle décision influerait la situation du patient et de son curateur ainsi que sur celle du médecin qui avait sollicité sa levée du secret médical. Elle demeurerait cependant sans effet sur la situation de la commission, qui n’en retirerait aucune utilité pratique. Au surplus et comme évoqué ci-dessus, l’intérêt public à une juste application du droit – que la demanderesse ne fait au demeurant pas valoir – ne saurait non plus conférer à celle-ci la qualité pour demander la révision.

Par ailleurs, la loi ne prévoyant pas plus d’une instance cantonale de recours dans le domaine de la levée du secret professionnel, la commission ne peut non plus se prévaloir de la voie de recours réservée aux autorités administratives à l’art. 60 al. 2 LPA.

La commission étant dépourvue de la qualité pour recourir, sa demande en révision sera déclarée irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions de recevabilité de la demande en révision sont remplies.

2) Malgré l’issue du litige, il sera renoncé à la perception d’un émolument. La demanderesse s’acquittera toutefois d’une indemnité de procédure de CHF 500.- en faveur de M. A______, dont le curateur y a conclu. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au médecin, qui plaide en personne (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 12 novembre 2021 par la commission du secret professionnel contre l’arrêt ATA/1057/2021 du 12 octobre 2021 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______, représenté par son curateur, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la commission du secret professionnel ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à commission du secret professionnel, à Me C______, curateur de Monsieur A______, ainsi qu’à Monsieur B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes  Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :