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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3256/2021

ATA/89/2022 du 01.02.2022 ( NAVIG ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3256/2021-NAVIG ATA/89/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er février 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCEAU - CAPITAINERIE CANTONALE



EN FAIT

1) Monsieur A______, domicilié au 14, chemin du ______ à Versoix, est propriétaire d’un bateau à voile immatriculé GE 1______, d’une largeur de 340 cm et d’une longueur de 1'080 cm. Il était titulaire d’une autorisation d’occuper une place d’amarrage à Port-Choiseul pour son bateau.

2) Le 7 juin 2021, la capitainerie cantonale (ci-après : la capitainerie) a adressé un courrier « à tous les détenteurs de places à l’eau à Port-Choiseul », dont M. A______, pour les informer de travaux de dragage et de rénovation des amarrages dudit port, le chantier devant se dérouler entre les mois de septembre 2021 et juin 2022. Durant ce chantier, les détenteurs devaient amener leurs embarcations à plusieurs reprises sur des places temporaires. Dans le courant de l’été, ces derniers recevraient un courrier leur communiquant le numéro de la place attribuée après travaux, « plus adaptée à la taille de votre bateau ». Un délai était imparti à M. A______ au 25 juin 2021 pour faire parvenir ses éventuelles observations par courrier à la capitainerie.

3) M. A______ n’a pas répondu à ce courrier.

4) Par une décision non datée notifiée par recommandé le 9 juillet 2021, la capitainerie a signifié à M. A______ qu’aux fins de pouvoir réaliser les travaux de dragage et un changement complet du matériel d’amarrage devant se dérouler entre le 15 septembre 2021 et le 17 juin 2022, il lui était ordonné de déplacer son bateau. Sa nouvelle place d’amarrage serait au Port Noir des Eaux-Vives soit la place n° 2______ (Eaux-Vives port noir). La place était disponible immédiatement. Un délai lui était imparti pour déplacer son bateau au 31 août 2021 au plus tard. La décision était exécutoire nonobstant recours et précisait que si M. A______ n'y donnait pas suite, la capitainerie procéderait au déplacement de son bateau et au retrait de ses installations particulières et amarres, à ses frais, risques et périls.

5) M. A______ a été « avisé pour retrait » d’un pli recommandé le 12 juillet 2021. N’ayant pas retiré son envoi dans les sept jours suivants, échéant le 19 juillet 2021, le pli a été retourné à l’expéditeur le 20 juillet 2021.

6) Le 26 juillet 2021, le même courrier a été renvoyé par pli simple à M. A______ avec une lettre d’accompagnement rappelant qu’un document adressé en recommandé était considéré comme reçu le dernier jour du délai de garde.

7) Par courrier du 27 août 2021 et reçu le 30 août 2021 par la capitainerie, M. A______ alléguant faire suite à son courrier « non daté reçu le 24 août 2021 », a prétendu n’avoir pas reçu ce courrier à temps pour exercer son droit d’être entendu comme il ne s’attendait pas à recevoir un courrier recommandé de la part de l’État, il n’avait pas pris de dispositions afin que son courrier soit relevé. S’il ne s’opposait pas à ce que son bateau soit déplacé sur une autre digue de Port-Choiseul, il s’opposait à ce qu’il soit déplacé de l’autre côté du canton soit aux Eaux-Vives. Il demandait une réévaluation de la situation étant précisé qu’il s’agissait d’une famille de cinq enfants dont quatre domiciliés à Versoix, que ce bateau était adapté à une grande famille, qu’ils étaient toutes et tous des navigateurs actifs au club B______ et qu’il était disproportionné de leur demander de faire une heure de voiture pour se rendre sur leur bateau.

8) Par acte mis à la poste le 23 septembre 2021, M. A______ a déposé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la capitainerie ordonnant le déplacement définitif de son bateau de Port-Choiseul aux Eaux-Vives. Le bateau en question était un patrimoine familial car il avait été racheté par les enfants à leur père. Toute la famille naviguait sur ce bateau et habitait à Versoix. M. A______ avait pris des vacances du 15 juin au 15 juillet 2021 et avait pris connaissance du courrier recommandé dont le délai de garde était échu à son retour. Ne pouvant pas s’attendre à ce que la capitainerie lui communique une décision pendant cette période, il avait pris des vacances et avait pris connaissance de l’invitation de la poste à retirer un courrier recommandé lorsque le délai était déjà échu. Il n’avait donc pas pu exercer son droit d’être entendu en raison du trop court délai et de la période estivale. Le nouvel emplacement se situait à presque une heure de route des domiciles respectifs des membres de la famille et en cas de fort vent, il ne serait pas possible d’aller resserrer les amarres et assurer la sécurité du bateau. Il alléguait n’avoir reçu la décision non datée que le 23 août 2021. La capitainerie avait fait preuve de formalisme excessif car il n’avait reçu aucune information lui indiquant la nécessité de prendre des mesures en cas d’absence notamment une procuration qui donnerait accès à des données qui le concernaient à une tierce personne durant sa période de vacances.

9) Par écritures du 28 octobre 2021, la capitainerie, soit pour elle l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) s’est opposée au recours de M. A______. Elle a conclu à ce qu’il soit déclaré irrecevable à la forme et rejeté au fond.

La capitainerie avait informé par courrier du 7 juin 2021 que le chantier de Port-Choiseul se déroulerait entre septembre 2021 et juin 2022 et que durant cette période, les propriétaires de bateaux devaient déplacer leur bateau dans un délai de sept jours afin de respecter le planning des travaux. Il était indiqué que le propriétaire recevrait durant le courant de l’été 2021 un courrier lui communiquant le numéro de la nouvelle place attribuée par la capitainerie. Par ailleurs, le recourant n’avait pas réagi dans le délai indiqué au 25 juin 2021 pour exercer son droit d’être entendu. Le délai de garde du courrier recommandé du 8 juillet 2021 expirait le 19 juillet 2021. Le recourant était de retour de vacances avant la fin du délai de garde mais n’avait pas retiré le pli recommandé.

Vu la suspension de délais entre le 15 juillet et le 15 août inclus, le délai pour recourir arrivait à échéance le 14 septembre 2021, de sorte que l’acte remis à la poste le 23 septembre 2021 était tardif.

Sur le fond, le nouveau Port Noir des Eaux-Vives inauguré le 15 juin 2020 avait été spécialement conçu pour accueillir des bateaux dont les dimensions excédaient les capacités de certains ports genevois plus petits. Le port de Choiseul après travaux de rénovation ne disposerait d’aucune place permettant l’amarrage de bateaux de dimensions importantes telles que celui du recourant. Dès lors, la nouvelle place d’amarrage était attribuée conformément au cadre légal existant et le respect des critères guidant l’attribution des places d’amarrage fixés par la loi.

10) Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti au 23 novembre 2021.

11) La cause a été gardée à juger le 9 décembre 2021, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Se pose la question de la recevabilité du recours du point de vue de l’art. 62 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Le délai de recours est en l’espèce de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision. Selon l’art. 62 al. 4 LPA, la décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution. Selon l’art. 63 al. 1 let. b LPA, les délais sont suspendus du 15 juillet au 15 août inclus. En l’espèce, le recourant n’ayant pas retiré son recommandé en temps utile, il a été retourné à l’expéditeur le 20 juillet 2021. Celui-ci est réputé notifié le 19 juillet 2021. Cette date tombant pendant la suspension des délais, le recourant aurait pu déposer son recours jusqu’au 14 septembre 2021. Dès lors, son recours déposé le 23 septembre 2021 est tardif.

2) Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299). En l’espèce, le recourant a été averti de façon appropriée soit par courrier recommandé du délai imparti pour recourir contre la décision litigieuse. Le fait que le recourant ait été absent jusqu’au 15 juillet 2021 n’y change rien. Au contraire, il apparaît qu’il disposait encore de quatre jours, soit jusqu’au 19 juillet 2021, pour retirer son envoi à la poste, ce qu’il n’a pas fait.

Par ailleurs, une nouvelle expédition par pli simple ne fait pas courir un nouveau délai de recours (ATA/392/2018 du 24 avril 2018). Il paraît d’autre part invraisemblable mais en tous les cas sans pertinence, que le courrier simple envoyé le 26 juillet 2021 par la capitainerie ne soit arrivé au recourant que le 23 août 2021.

3) Dès lors, le recours est irrecevable.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA) à la capitainerie cantonale.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale du 8 juillet 2021 ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :