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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2677/2021

ATA/44/2022 du 18.01.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2677/2021-FORMA ATA/44/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 janvier 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1992, a obtenu en juin 2020 une maîtrise en développement territorial à l’Université de Genève.

Dans la foulée, il s’est inscrit comme étudiant régulier au certificat complémentaire en géomatique (ci-après : CGEOM), délivré conjointement par la faculté des sciences de la société et la faculté des sciences.

La formation a débuté en janvier 2021.

2) Le 7 mai 2021, le service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) a refusé d’octroyer à M. A______ une bourse, motif pris que la formation suivie constituait une formation continue à des fins professionnelles.

3) Le 24 mai 2021, M. A______ a formé opposition à cette décision.

Le CGEOM faisait partie des formations de base et ne constituait pas un module de formation continue, tel qu’un MAS, un DAS ou un CAS ainsi qu’en attestait un courrier de la conseillère académique responsable du CGEOM. Une bourse avait déjà été attribuée par le passé à des personnes suivant cette formation.

Le temps mis par le SBPE à statuer l’avait en outre privé de la possibilité de prétendre à d’autres aides financières, les délais étant échus, ce qui le plaçait dans une situation de précarité.

4) Le 25 juin 2021, le SBPE a rejeté l’opposition.

Le CGEOM était considéré comme une formation à des fins professionnelles et ne donnait pas droit à une aide financière. Il valait trente crédits ECTS (European Credit Transfer System) et avait pour but d’approfondir des connaissances spécifiques sur un thème ou un domaine particulier ou de s’ouvrir à un ou plusieurs champs professionnels. Par comparaison, la maîtrise comprenait entre nonante et cent-vingt crédits ECTS et permettait une spécialisation dans un domaine académique précis. Les certificats complémentaires garantissaient une meilleure employabilité par la suite.

5) Par acte remis à la poste le 16 août 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une bourse ou d’un prêt pour le semestre de printemps de l’année académique
2020-2021, à hauteur de CHF 8'000.-.

La loi n’excluait que la formation continue, et non la formation professionnelle, du bénéfice des bourses. La formation continue s’adressait par définition à des personnes en activité professionnelle et était destinée à améliorer leur formation et mettre à jour leurs compétences.

Il s’était inscrit au CGEOM aussitôt après avoir obtenu sa maîtrise et n’avait pas travaillé dans l’intervalle. La lecture des programmes confirmait que le certificat ne constituait pas un module de formation continue, laquelle requérait une expérience professionnelle préalable. Il s’inscrivait parfaitement dans la continuité de sa formation académique de base. Des bourses avaient été attribuées par le passé dans des situations semblables et le principe d’égalité commandait qu’il soit traité de la même manière.

6) Le 22 octobre 2021, le SBPE a conclu au rejet du recours.

Seules pouvaient donner droit à des bourses les formations aboutissant à un baccalauréat, et à des prêts les études menant à la première maîtrise. Il s’agissait d’une liste exhaustive.

Le CGEOM attestait d’un complément de formation de base dans le domaine de la géomatique et ne constituait pas un grade universitaire, de sorte qu’il ne pouvait donner droit à une bourse.

Il était pour le surplus non pertinent qu’il constitue ou non une formation continue à des fins professionnelles, laquelle était clairement exclue du périmètre de la loi.

Le SBPE avait par le passé octroyé un prêt d’études convertible en faveur d’un étudiant qui suivait la formation du certificat complémentaire parallèlement à sa maîtrise, mais c’était la maîtrise, et non le certificat, qui avait fait l’objet d’une aide financière.

7) Le 19 novembre 2021, M. A______ a répliqué.

Le CGEOM, s’il ne constituait pas un grade universitaire, demeurait à tout le moins un complément de formation de base de niveau tertiaire dans le domaine de la géomatique, et était donc exclu des formations ne donnant pas droit aux bourses et prêts.

Le SBPE n’avait pas examiné la possibilité d’octroyer un prêt, comme réclamé dans son courrier du 16 août 2021.

8) Le 24 novembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant soutient qu’il aurait droit à une bourse, subsidiairement à un prêt.

a. La loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20) règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (art. 1 al. 1 LBPE). Selon l'art. 1 al. 2, le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus (let. a) ; aux personnes en formation elles-mêmes (let. b). Les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (art. 1 al. 3 LPE).

b. Les bourses d'études sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d'entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (art. 4 al. 1 LBPE).

Les prêts sont des prestations uniques ou périodiques, qui doivent être remboursées à la fin de la formation ou en cas d'interruption ou d'échec de la formation (art. 4 al. 2 LBPE).

c. Aux termes de l'art. 5 LBPE, les aides financières sont accordées sous forme de bourses, de prêts ou de remboursement de taxes (al. 1). Demeurent réservés les cas qui, au sens de l'art. 26 LBPE, peuvent donner lieu à une conversion des prêts en bourses d'études (al. 2).

d. Le chapitre II de la LBPE règle les conditions d'octroi.

L'art. 11 LBPE liste les formations pouvant donner lieu à une bourse (al. 1) ou à un prêt (al. 2).

Selon l'art. 11 al. 1 let. d LBPE, peuvent donner droit à des bourses, la formation professionnelle supérieure universitaire (tertiaire A), à savoir les formations dispensées par les universités et les écoles polytechniques fédérales aboutissant à un bachelor (ch. 1) et les formations dispensées par les hautes écoles spécialisées (ci-après : HES) aboutissant à un bachelor (ch. 2).

À teneur de l'art. 11 al. 2 LBPE, peuvent donner droit à des prêts : la deuxième formation initiale de niveau secondaire II (let. a), les deuxièmes formations de niveau HES et universitaire aboutissant à un bachelor (let. b), les études menant au premier master (let. c), les études pour lesquelles les frais de formation dépassent largement les frais reconnus (let. d) et les formations de niveau secondaire II ou tertiaire lorsque la personne en formation n'a pas droit à une bourse (let. e).

Selon l’art. 11 al. 3 LBPE, ne donnent pas droit aux bourses ou aux prêts : les formations dispensées dans l’enseignement obligatoire (let. a), la formation continue à des fins professionnelles (let. b), les formations doctorales et les maîtrises universitaires d'études avancées de formation approfondie (let. c) et les séjours linguistiques (let. d).

e. À teneur de l’art. 2 al. 1 de la loi sur la formation continue des adultes du 18 mai 2000 (LFCA - C 2 08), la formation continue se définit comme l’ensemble des mesures utiles professionnellement dont peuvent bénéficier les personnes désireuses d’améliorer leur niveau de formation, de développer leur culture générale ou leurs qualifications professionnelles (al. 1). Elle tient compte de la volonté de mieux développer les activités économiques, sociales, culturelles et environnementales de la cité, dans le cadre du développement durable (al. 2).

f. À teneur des travaux préparatoires – exposé des motifs (MGC 2008-2009 XI/2, p. 14’907 ss, spéc. 14’933 s.) –, concernant l'al. 1 de l'art. 11 LBPE, sont financées par des bourses notamment les formations sanctionnées par les examens professionnels et professionnels supérieurs fédéraux, les écoles supérieures, les HES et les universités jusqu'à l'obtention du baccalauréat (ou bachelor).

S'agissant de l'al. 2, ces travaux préparatoires indiquent que les deuxièmes formations de base sont financées par des prêts remboursables. En effet, l'obligation subsidiaire de l'État de financer la formation ne peut pas aller au-delà du financement d'une première formation qui permet d'intégrer le monde du travail. Le financement de la maîtrise (ou master) est assuré par un prêt, qui sera converti en bourse en cas de réussite. Il s'agit là d'une incitation à terminer ses études. Les formations dispensées, par exemple par l'École hôtelière de Genève, font l'objet de frais de formation plus élevés que les frais de formation dans d'autres établissements. Dans ce cas, la personne en formation pourrait obtenir un prêt en plus d'une bourse.

Pour ce qui est de l'al. 3, il est, toujours selon les travaux préparatoires, du ressort de l'employé et/ou de son employeur de financer la formation continue au long de la vie professionnelle. Le chèque annuel de formation permet à la personne qui ne peut bénéficier du soutien de son employeur pour la formation professionnelle continue de se former grâce au soutien de l'État.

g. La chambre de céans a jugé qu’une formation Cisco Certified Networking Associate de deux cent septante-deux périodes de 45 minutes dispensée par l’Institut de Formation des Adultes de Genève (ci-après : IFAGE) à un étudiant qui venait d’obtenir un certificat de technicien informatique ne remplissait pas les conditions des al. 1 ou 2 de l’art. 11 LBPE, et ne constituait ni une formation de base ni une deuxième formation, mais une formation continue, ne donnant pas droit à une bourse ou un prêt d’études (ATA/669/2013 du 8 octobre 2013 consid. 4).

Elle a jugé qu’un « MAS in Design for Luxury and Craftsmanship » délivré par l’école cantonale d’art de Lausanne (ci-après : ECAL) et comprenant soixante crédits ECTS pouvait certes être destiné à la formation continue au sens des art. 11 al. 3 let. b LBPE et 2 LFCA mais également constituer une maîtrise au sens de l'art. 11 al. 2 let. c LBPE lorsqu'il faisait immédiatement suite à un bachelor, puisque dans un tel cas, il entrait, en raison des spécificités de son programme, dans le cadre d'une formation de base (ATA/266/2014 du 15 avril 2014 consid. 6b).

Elle a jugé que le certificat universitaire de formation approfondie délivré après un semestre d’études par l’école d’avocature de Genève (ci-après : ECAV) ne ressortissait pas à une formation de base mais était « professionnalisante », car pratique et dispensée par des professionnels. Il n’entrait dans aucune des catégories de l’art. 11 al. 1 LBPE pour l’octroi d’une bourse, la question de l’octroi d’un prêt éventuellement convertible en bourse pouvant se poser s’il pouvait valoir « premier master » après le baccalauréat et si la clause d’exclusion de l’art. 11 al. 3 LBPE devait ne pas s’appliquer (ATA/552/2016 du 28 juin 2016 consid. 8).

h. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente, le traitement semblable ou différent devant se rapporter à une situation de fait importante (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 ; 137 I 58 consid.4.4 ; 136 I 297 consid. 6.1 ; 134 I 23 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2015 du 2 décembre 2015 consid. 5.1).

3) Le CGEOM visé par le recourant ne conduit ni à un baccalauréat au sens de l’art. 11 al. 1 let. 2 ch. 1 LBPE ni à une maîtrise au sens de l’art. 11 al. 2
let. c LBPE.

La question ne se pose pas de savoir si le CGEOM pourrait être considéré, vu son caractère très spécialisé et sa dotation de trente crédits ECTS seulement, comme une maîtrise s’il était suivi après le baccalauréat, dès lors que le recourant a déjà obtenu une maîtrise en développement territorial.

Par ailleurs, le CGEOM ne constitue pas une formation de niveau secondaire II ou tertiaire pouvant donner droit à un prêt lorsque l’étudiant n’a pas droit à une bourse au sens de l’art. 11 al. 2 let. e LBPE, dès lors qu’il ne constitue ni un baccalauréat au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LBPE ni un diplôme fédéral ou professionnel supérieur en sens de l’art. 11 al. 1 let. c LBPE.

Le recourant ne pouvait ainsi prétendre ni à une bourse ni à un prêt, étant observé que contrairement à ce que semble considérer ce dernier, le SBPE a bien rejeté tant l’octroi de la première que du second.

La question de savoir si le CGEOM peut être considéré comme une formation continue à des fins professionnelles au sens de l’art. 11 al. 3 let. b LBPE pourra ainsi demeurer indécise.

Le recourant se plaint encore d’une inégalité de traitement. Le SBPE a toutefois expliqué que s’il avait octroyé par le passé une aide à un étudiant suivant l’enseignement du CGEOM, c’était parce qu’il suivait simultanément l’enseignement de maîtrise et en raison de ce dernier uniquement. Les situations n’étant pas comparables, la décision querellée ne consacre aucune inégalité de traitement.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de la procédure, aucune indemnité de procédure au sens de l'art. 87 al. 2 LPA ne sera allouée au recourant, qui n’y a d’ailleurs pas conclu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2021 par M. A______ contre la décision sur opposition du service des bourses et prêts d’études du 25 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :