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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2409/2021

ATA/944/2021 du 14.09.2021 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2409/2021-FORMA ATA/944/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 septembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure agissant par sa mère Madame B______

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SECRÉTARIAT À LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE



EN FAIT

1) La fille de Madame B______ (ci-après : la mère) et de Monsieur C______, A______ (ci-après : l'enfant), née le ______2011, est arrivée en Suisse en janvier 2019, en provenance du Pérou.

Son père ne vit pas en Suisse et elle a une sœur jumelle.

2) Elle a bénéficié, en 3P, d'une classe d'accueil jusqu'au 16 octobre 2020, moins le temps de confinement. À la suite de plusieurs constats, la décision d'arrêter la classe d'accueil a été prise. De par son attitude, l'enfant ne tirait pas profit des cours de français.

3) L'enfant a redoublé la 4P durant l'année scolaire 2020-2021.

4) Le 14 décembre 2020, le secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) a reçu une procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES) signée par la mère, pilotée en novembre 2020 par la directrice de l'école D______, Madame E______ et qui préconisait la poursuite de la scolarité de l'enfant dans une classe intégrée en école régulière (CLI), mesure avec laquelle la mère s'est dite d'accord.

Il en ressort que malgré toutes les mesures mises en place au sein de l'enseignement ordinaire (classe d'accueil, important soutien d’enseignants chargés de soutien pédagogique [ci-après : ECSP], groupes d'appuis, redoublement 4P, groupe restreint de travail, important soutien individuel) ses progressions dans son « métier d'élève » et ses apprentissages restaient peu satisfaisantes. Un suivi psychologique était en cours depuis la rentrée 2020 à raison d'une fois par semaine.

Y était joint un rapport d'évaluation médico-psychologique du 14 décembre 2020, pour la période du 14 janvier au 25 février 2020, établi par la Docteur F______ et Madame G______, psychologue, de l'office médico-pédagogique, consultation d'G______. La demande de bilan, sur les conseils de la maîtresse de l'enfant, concernait ses problèmes de concentration et difficultés dans les apprentissages et dans la compréhension des énoncés à l'école. L'enfant avait également du mal à prononcer certains sons, tant en français qu'en espagnol, sa langue maternelle. Ces difficultés au niveau du langage étaient présentes de longue date et les problèmes à l'école se révélaient depuis son arrivée à Genève. L'école s'inquiétait également au vu du peu de progression qu'elle présentait, malgré les aides déjà mises en place (maîtresse spécialisée, classe d'accueil). Le diagnostic de trouble émotionnel apparaissant spécifiquement durant l'enfance a été posé (F93). Selon la note d'évolution du 14 décembre 2020, les thérapeutes ont noté que l'enfant présentait alors toujours des difficultés à l'école, était en retard dans les apprentissages et ne semblait pas s'intéresser aux activités scolaires. Elle avait toujours beaucoup de mal à entrer en relation avec ses pairs, souhaitant créer des relations exclusives avec ses camarades et ne supportant pas la présence d'un tiers dans la relation. Lors des séances de suivi, elle présentait de bonnes compétences, autant cognitives que dans le lien avec l'adulte. Elle pourrait utilement bénéficier d'une aide individuelle lors de ses moments de classe, afin de l'aider à se recentrer et à s'intéresser aux activités proposées, tout en créant une relation privilégiée avec un adulte qui pourrait la soutenir dans ses difficultés.

À teneur du bulletin scolaire du 19 juin 2020, l'enfant était non promue. À titre de mesures d'accompagnement, étaient mentionnées « un petit groupe de soutien - lecture, permettrait à l'enfant d'apprendre à lire avec l'aide d'un adulte à ses côtés en classe, travail sur le métier d'élève afin de pouvoir se mettre dans une tâche et se concentrer jusqu'à la fin de l'activité, devoirs surveillés, prolongation de la classe d'accueil jusqu'à fin novembre 2020 ».

Le plus récent bulletin scolaire figurant à la procédure, du 4 décembre 2020, comporte la mention « peu satisfaisante » pour la prise en charge du travail personnel, les relations avec les autres élèves et les adultes et la collaboration avec ses camarades. Le respect des règles de vie commune état jugé « satisfaisant ». Par rapport aux objectifs du plan d'études romand (PER), la progression de l'enfant en français était « peu satisfaisante » et « satisfaisante » en mathématiques. Au titre de commentaires, la maîtresse a indiqué que face à son travail scolaire, l'enfant devait veiller à se mettre au travail plus rapidement. Elle était très souvent préoccupée par ses relations avec ses camarades, ce qui l'empêchait de travailler de manière harmonieuse. De plus, elle sollicitait très vite l'adulte dès qu'elle rencontrait une petite difficulté, ceci sans chercher la réponse d'elle-même. En français, elle déchiffrait des textes plus souvent seule, mais avait besoin d'être accompagnée pour la lecture des mots à sons complexes. De plus, sa compréhension était encore fragile et méritait l'appui de l'enseignante. En mathématiques, elle était à l'aise dans les activités de restitution mais avait besoin de l'adulte afin de rentrer dans une situation « problème » et de s'organiser.

5) Par décision du 18 juin 2021, le SPS a accordé à l’enfant la prise en charge des coûts liés à l’écolage externe en école spécialisée pour la période du 30 août 2021 au 30 juin 2023, de même que la prise en charge liée au transport.

6) Par acte expédié le 6 juillet 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), la mère, agissant seule a « écrit au motif que nous avons décidé de ne pas envoyer ma plus jeune fille dans cette école car nous ne le pensons pas approprié car nous y avons vu des progrès et il y aura des vacances avec des professeurs privés pour son renforcement à l'école merci beaucoup c'est sous ma responsabilité c'est écrit. »

À la demande de la chambre de céans, elle a, le 14 juillet 2021, expédié la décision attaquée du 18 juin 2021, en annexe au texte dactylographié non signé suivant : « bonjour je vous écris pour la raison que ma plus jeune fille A______ n'ira pas l'école spécialisée puisque nous avons eu un rendez-vous avec le directeur à la fin de l'année et que nous voyons des progrès en elle qui nous a amené à penser que il n'est pas nécessaire pour cette raison que nous rejetons lesdites mesures d'aller à ladite école spécialisé, sous ma responsabilité il est écrit merci beaucoup ».

7) Par courriel du 12 août 2021, sur demande du SPS, Mme E______ lui a transmis le courrier du 29 avril 2021 adressé à la mère qui dresse un bref compte rendu de l'entretien entre cette dernière, l'enseignante de l'enfant et l'enseignante SPS du 26 avril précédent.

Il en ressort que malgré le fait que l'enfant redoublait alors la 4P, sa progression scolaire était insuffisante et les difficultés relationnelles avec les autres élèves étaient toujours présentes. Il lui était très difficile de réaliser une activité sans le soutien constant d'un adulte à ses côtés, tant pour commencer que pour avancer dans le travail attendu. Les professionnels de l'école préconisaient toujours un soutien scolaire plus étroit, répondant aux besoins actuels de l'enfant. Le changement de domicile annoncé par la mère, d'où un changement d'école, ne modifiait pas les besoins de l'enfant quant à un soutien scolaire correspondant à ses difficultés, afin de lui permettre d'évoluer sereinement dans son parcours d'élève.

8) Le 12 août 2021, la directrice de l'école D______ a écrit à la mère, rappelant leur rencontre le 28 juin précédent en présence de Madame I______, directrice de l'enseignement spécialisé, ayant pour objet la décision d'orientation en enseignement spécialisé pour l'enfant. Suite au déménagement annoncé, il était confirmé que la sœur de l'enfant serait inscrite à la rentrée prochaine en 5P à l'école J______, ce qui serait également le cas de l'enfant, dans l'attente de la réponse au recours.

9) Le SPS a conclu, le 13 août 2021, au rejet du recours.

L'enfant avait fait l'objet d'une PES qui avait préconisé une scolarisation dans un système spécialisé. Le SPS n'avait aucune raison de s'écarter des conclusions préconisées par les personnes compétentes pour examiner la situation et poser un diagnostic. Malgré les mesures de soutien mises en place, l'enseignement ordinaire n'était pas à même de fournir un cadre propice adapté au développement harmonieux de l'enfant. Ainsi, il estimait qu'une orientation en classe intégrée en école régulière répondait au mieux aux besoins de cette dernière et permettrait de lui apporter le soutien nécessaire pour remédier aux difficultés auxquelles elle faisait actuellement face. Il était dans son intérêt d'être accueillie dans une structure spécialisée qui pourrait répondre au mieux à ses besoins.

10) La mère ne s'est pas manifestée dans le délai qui lui avait été fixé pour une éventuelle réplique.

11) Les parties ont été informées, le 1er septembre 2021, que la cause était gardée à juger.

La teneur des divers documents figurant à la procédure sera pour le surplus reprise, dans la mesure nécessaire au traitement du recours, dans la partie en droit ci-dessous.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 35 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité la désignation de la décision attaquée et des conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes.

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 2a et les références citées).

c. L'absence de conclusion ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d'être autorisé à compléter une écriture ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions (ATA/794/2019 du 16 avril 2019 consid. 2b). De nouvelles conclusions ne peuvent pas non plus être présentées dans le mémoire de réplique (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 813 p. 217).

d. En l'espèce, la recourante, qui intervient en personne et est de langue maternelle espagnole, n'a, dans son acte de recours, pas pris de conclusions formelles. Elle n'a en particulier pas conclu expressément à l'annulation de la décision attaquée. Il ressort toutefois de son recours qu'elle s'oppose à l'octroi de la prestation d'enseignement spécialisé. Son recours est donc recevable sous cet angle également.

3) Est litigieuse la décision du SPS d'octroi d'une prestation sous forme d'un enseignement spécialisé en faveur de l'enfant de la recourante, âgée de bientôt 10 ans, qui a entamé la 5P à la rentrée scolaire 2021-2022.

4) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

5) a. Aux termes de l'art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

b. Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

c. En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 LIP et dans l'AICPS, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés.

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.

Les critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues sont détaillés par règlement (art. 29 al. 3 LIP), à savoir l'Annexe II (ci-après : annexe II) du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du 21 septembre 2011 (RIJBEP - C 1 12.01, en vigueur au moment de la décision litigieuse du 11 mai 2021, le nouveau règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 étant entré en vigueur le 30 juin 2021 [RPSpéc - C 1 12.05]).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

Les transports nécessaires et les frais correspondants sont pris en charge pour les enfants et les jeunes qui, du fait de leur handicap, ne peuvent se déplacer par leurs propres moyens entre leur domicile et l’établissement scolaire et/ou le lieu de thérapie (art. 33 al. 2 LIP).

Aux termes de l’art. 10 RIJBEP, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l’enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou le logement (al. 8), les transports des enfants et des jeunes (al. 9 et 10).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 10 al. 5 RIJBEP comprend l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Il est dispensé dans les classes spécialisées au sein des établissements scolaires ordinaires, dans les écoles spécialisées publiques ou privées accréditées ou dans les institutions à caractère résidentiel accréditées. La prestation d'enseignement spécialisé comprend également l'encadrement éducatif et les mesures pédago-thérapeutiques nécessaires (logopédie, psychomotricité, éducation précoce spécialisée).

d. Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l'office de l’enfance et de la jeunesse (art. 5 RIJBEP).

e. L'art. 34 LIP prévoit qu'afin de garantir les meilleures chances d’autonomie à la majorité : toutes les personnes responsables de la prise en charge d’un enfant ou d’un jeune, quel que soit son âge, sont tenues d’informer les parents du handicap qu’elles observent dans le cadre de leur fonction (let. a); les parents d’un enfant ou d’un jeune à besoins éducatifs particuliers ou handicapé le signalent à l’autorité compétente le plus rapidement possible, afin qu’une évaluation des besoins de l’enfant ou du jeune puisse être effectuée et que des mesures d’intégration préscolaire, scolaire ou professionnelle puissent être mises en place (let. b) ; en l’absence de signalement précoce, il incombe aux autorités scolaires d’informer l’autorité compétente et de décider des mesures transitoires (let. c) ; lorsque l’enfant atteint l’âge de scolarité obligatoire, les parents l’inscrivent à l’école conformément aux dispositions de la présente loi (let. d).

Lorsque l'école pressent chez un élève ou un jeune un besoin susceptible de faire l’objet d’une mesure individuelle renforcée en pédagogie spécialisée, elle le signale aux représentants légaux et leur propose sa collaboration pour le dépôt de la demande (art. 19 al. 3 RIJBEP).

À défaut de dépôt de demande relative à une mesure d'enseignement spécialisé par les représentants légaux, la direction de l'établissement scolaire signale la situation à l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) et en informe par écrit les représentants légaux. Sur la base de l'évaluation scolaire de l'élève et si nécessaire, l’OMP signale la situation au SPS et décide des mesures de scolarisation transitoires nécessaires (art. 19 al. 5 RIJBEP).

f. Selon l’art. 20 RIJBEP, conformément à l'art. 13 RIJBEP, le SPS s'appuie sur la PES pour l'évaluation initiale des besoins de l'enfant ou du jeune. Il confie cette évaluation aux structures reconnues définies à l'art. 6 al. 1 RIJBEP (al. 1). Dans le cadre de cette évaluation et avec l'accord des représentants légaux ou du jeune majeur, le SPS est habilité à se procurer auprès des autorités, des médecins traitants, des thérapeutes ou de tout autre service spécialisé les documents, les renseignements et les données personnelles nécessaires. De même, il peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle les enfants et les jeunes concernés sont tenus de se soumettre (al. 2).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (sur le site de la CDIP consulté le 19 août 2021 : https://www.cdip.ch/fr/themes/pedagogie-specialisee). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (site de la CDIP, op. cit ; concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, élaboré par le DIP, version adoptée par le Conseil d'État le 7 février 2018 et en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse, pp. 8-9, https://www.csps.ch/fr/themes-de-la-pedagogie-specialisee/cadre-legal-et-financier/concepts-cantonaux ; depuis le 30 juin 2021, le concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève de février 2018 est remplacé par le RPSpéc : https://www.ge.ch/document/concept-cantonal-pedagogie-specialisee-geneve).

g. Les représentants légaux et le mineur capable de discernement sont associés aux étapes de la procédure de décision. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 22 al. 1 RIJBEP). Ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit. Leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (art. 22 al. 2 RIJBEP).

L'appréciation de professionnels extérieurs à la structure scolaire ou préscolaire doit être également pris en compte s'ils sont impliqués dans le suivi de l'enfant (Concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, op. cit.).

6) En l'espèce, l'enfant a manifestement des besoins éducatifs particuliers au sens de la loi. Depuis le début de sa scolarité, en Suisse, à compter du 1er janvier 2019, elle a eu besoin d’un soutien, tout d'abord en classe d'accueil, dans la mesure où elle est de langue maternelle espagnole et arrivait du Pérou, du redoublement de la 4P d'un soutien ECSP, en groupes d'appui et restreints de travail et par un important soutien individuel. Dès janvier 2020, elle a bénéficié de séances avec une psychologue à raison d'une fois par semaine. Dans ces conditions, la PES faisait état de la nécessité de l'orienter vers un regroupement spécialisé.

Cela étant, les éléments du dossier ne permettent pas de comprendre ce qui a amené la direction générale de l'office de l'enfance et de la jeunesse à admettre dès l'année scolaire 2021-2022 le besoin de l'enfant d'être prise en charge dans l'enseignement spécialisé. Ainsi, il semble en particulier que les observations du corps médical sur lesquels la PES se fonde notamment sont lacunaires, dans la mesure où elles ne s'appuient que sur un suivi intervenu entre mi-janvier et le 25 février 2020, soit un mois et quelques jours, à teneur du rapport d'évaluation du 14 décembre 2020, ce qui peut s'expliquer par la crise sanitaire. Ainsi, on ignore ce qu'il en a été de la suite de la prise en charge de l'enfant, soit pendant une année et quelques mois, et des progrès qui auraient pu – ou pas – être constatés par les thérapeutes. Par ailleurs, il ne figure pas au dossier de recommandation de la cellule pluridisciplinaire de recommandation, entité spécialisée dont on ignore si elle préconiserait en l'espèce une mesure de soutien en pédagogie spécialisée (SPES) pour l’enfant.

Enfin, il ne résulte pas qu'une réunion de réseau ait été mise sur pied en 2021. Or, au vu des éléments susdécrits, un échange d'ensemble entre l'école, la mère, mère qui désormais s'oppose fermement à la mesure ordonnée et qui n'a pu s'exprimer qu'en espagnol, la maîtresse SPS ayant fait office d'interprète le 26 avril 2021, et les professionnels qui suivent l'enfant, en particulier la psychologue, apparaissait nécessaire pour prendre une décision aussi importante que celle attaquée en l'espèce, d'autant plus en raison de la période de turbulences que tant le corps enseignant que les élèves, qui ont été privés d'enseignement en classe pendant quelques mois en 2020, ont eu à subir en raison de la pandémie de Covid-19.

Dans ces circonstances, la PES figurant au dossier n'apparaît pas suffisamment étayée et actuelle pour être confirmée. Il convient dès lors d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause au SPS pour complément d’instruction, l’autorité compétente devant actualiser ses renseignements au sujet de l’enfant – y compris auprès de ses enseignants de 5P, qu’elle fréquente depuis la rentrée dès lors que le recours déployait un effet suspensif – et mettre sur pied une réunion de réseau globale permettant un échange entre tous les intervenants.

7) Vu la nature de la procédure et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), la recourante agissant en personne et n’ayant pas invoqué avoir exposé des frais pour la défense des intérêts de sa fille (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 juillet 2021 par A______, enfant mineure, agissant par sa mère Madame B______ contre la décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée - du 18 juin 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du 18 juin 2021 ;

renvoie la cause à l'autorité intimée au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame B______ ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :