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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2341/2021

ATA/853/2021 du 24.08.2021 ( FORMA ) , ADMIS

Normes : Cst.62.al3; AICPS.5.al1; AICPS.6.al3; LIP.10.al2; LIP.30; LIP.31.al3; LIP.32; LIP.33.al1; LIP.34; RIJBEP.10; RIJBEP.19; RIJBEP.20; RIJBEP.22
Résumé : Recours de parents agissant pour le compte de leur fils mineur contre l’octroi par l’office de l’enfance et de la jeunesse d’une prestation d’enseignement spécialisé. Dans la mesure où la procédure d’évaluation standardisée (PES) a été effectuée plus d’un an avant l’octroi de la prestation et que le complément à cette PES date de plus de six mois, on ne peut exclure que les progrès effectués par l’enfant et décrits par ses parents ne rendent la prestation inadéquate. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2341/2021-FORMA ATA/853/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2021

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur,agissant par ses parents,
Mme B______ et M. C______

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SECRÉTARIAT À LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE



EN FAIT

1) A______, fils de Mme B______ et de M. C______, est né le ______ 2016.

2) Le 4 mai 2020, le service de la petite enfance de la commune de D______ et consultation de l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP) D______ a ouvert une procédure d’évaluation standardisée (ci-après : PES) concernant A______. L’office de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) indique que le secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) a reçu cette PES le
9 juillet 2020.

a. Le lieu principal de prise en charge de A______ était l'espace E______ (ci-après : E______), quatre jours par semaine et à domicile. Les personnes ayant participé à l'évaluation étaient l'éducatrice référente de l'E______ depuis août 2018, la psychologue du service de la petite enfance de D______ depuis octobre 2019, la psychologue de l'OMP D______ et les parents.

b. A______ montrait une grande insécurité affective qui se manifestait par des difficultés à réguler ses émotions et son comportement en collectivité. Il avait très fréquemment besoin d’expérimenter la relation à l’adulte en transgressant les règles établies et les relations avec ses camarades nécessitaient une médiation soutenue de la part de l’adulte. Malgré de bonnes compétences cognitives et un bon potentiel d’évolution, sa fragilité psycho-affective avait alors une incidence sur ses capacités d’attention et d’adaptation en collectivité et rendaient la perspective d’une entrée à l’école dans un grand « groupe classe » sans soutien difficile à envisager. L'enfant avait été accueilli à l'E______ en août 2018. Cette institution offrait un accueil extra-familial collectif en « multi âge ». Le groupe de A______ accueillait quinze enfants. L'équipe éducative assurait et accompagnait l'enfant dans son développement psycho-affectif lui permettant de construire un sentiment de sécurité suffisant pour vivre sereinement l'absence de son parent. L'accueil en collectivité avait été suspendu en raison de la situation sanitaire du
16 mars au 4 mai 2020. Le bilan et suivi thérapeutique individuel avait lieu tous les quinze jours avec la psychologue de l'OMP. Ce suivi avait été interrompu pour les mêmes raisons. Il devait reprendre dès que possible. Un groupe de guidance parentale mensuel à l'OMP de D______ et un accompagnement social avaient été proposés à la famille. Ils n'avaient pas pu commencer pour les mêmes motifs.

A______ avait en conséquence besoin « à ce jour » d'un accompagnement important sur toute la journée (en classe et hors classe) qui ne pouvait « aujourd'hui » être assuré que par une structure d'enseignement spécialisé. Le souhait des parents de privilégier une structure de type intégrante afin que l'enfant puisse rester en lien avec le milieu régulier ou lui permettre de le réintégrer dès que possible devait être soutenu. Une prise en charge dans une structure/ institution de pédagogie spécialisée et des mesures renforcées étaient nécessaires.

c. Les parents, qui avaient donné leur accord pour engager la procédure, ont signé la PES le 10 mai 2020. Ils n’ont fait état d’aucun désaccord, ont attesté avoir participé à la procédure d’évaluation des besoins de leur enfant et étaient d'accord tant avec l'évaluation desdits besoins qu'avec la mesure envisagée.

d. La PES faisait par ailleurs état, dans le détail, des nombreux constats effectués par les spécialistes précités relatifs au comportement de l'enfant. Il y sera fait référence en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

3) La cellule pluridisciplinaire de recommandation a recommandé la PES. Le document attestant de cette recommandation n’est ni motivé, ni daté, ni signé. L’OEJ indique que le SPS l’a également reçue le 9 juillet 2020.

4) Le 15 décembre 2020, l’établissement primaire G______
(ci-après : l’établissement primaire) a transmis au SPS un complément à la PES. Ce complément contenait notamment les pièces suivantes :

- un bulletin scolaire du 8 décembre 2020 établi par l’enseignante de l’enfant et signé par sa mère ; il en ressortait que A______ se montrait intéressé par la plupart des activités proposées. Il faisait preuve d’aisance dans certains domaines mais il lui était demandé de mieux s’approprier les règles de vie de la classe pour pouvoir travailler dans un espace serein. Lors des moments de transition, il avait besoin d’être accompagné par un adulte pour que ceux-ci se passent en douceur. Pendant les activités collectives, A______ rencontrait des difficultés à suivre la leçon sans la perturber. Il dérangeait avec des bruits, des mouvements brusques envers les autres et adoptait une attitude provocatrice avec les adultes pour attirer leur attention. Il avait besoin de rappels constants pour adapter ses actions à l’endroit où il se trouvait pour bien circuler ;

- un complément d’information, non daté et non signé, décrivant le comportement de A______ depuis son entrée dans l’établissement scolaire en année de scolarité 1P. Il en ressortait que, concernant son apprentissage, il était plutôt à l’aise avec ce qui était proposé en 1P. Ce complément faisait, avec plus de détails, les mêmes constats que ceux effectués dans le bulletin scolaire en ce qui concernait le comportement de l’enfant. Il y sera fait référence si nécessaire dans la partie en droit du présent arrêt ;

- une grille d’évaluation du niveau de l’élève datée du 14 décembre 2020. La prise en charge de travail personnel était jugée satisfaisante, les relations avec les autres élèves et les adultes, de même que le respect des règles de vie commune peu satisfaisantes.

5) Le 16 juin 2021, le SPS a octroyé à A______ la prestation d’enseignement spécialisé pour la période du 30 août 2021 au 30 juin 2023 au sein de l’école « F______ ». La pertinence de la prestation était évaluée en continu et l’octroi pouvait être modifié à tout moment.

6) Le 21 juin 2021, les parents, se référant à un entretien précédent, ont informé l’établissement primaire qu’ils déclinaient une proposition de
rendez-vous fixé le même jour.

Leur fils avait fait des progrès formidables pendant l’année scolaire. Son comportement s’était amélioré durant les six derniers mois et il continuait à progresser. Ses progrès, constatés au sein de sa famille et de son environnement de tous les jours, confirmaient que A______ serait capable de poursuivre une scolarité normale. Ils avaient consulté le site internet de l’école « F______ » et les informations qui y étaient décrites les amenaient à renoncer à placer leur fils dans cette école. Elle n’était adaptée ni à son comportement ni à son niveau de compréhension.

7) La directrice de l’établissement primaire a répondu le 5 juillet 2021. Les parents étaient invités à se référer « au courrier [qu’ils avaient] dû recevoir du SPS. En l’état actuel, A______ [n’était] pas compté » dans les effectifs pour la prochaine rentrée.

8) Le 5 juillet 2021, les parents ont confirmé auprès de la directrice de l’établissement scolaire qu’ils refusaient catégoriquement l’option de l’école spécialisée pour leur fils. Jusqu’ici, ils avaient été manipulés et pensaient avoir le choix. Après le courrier de la directrice du 5 juillet 2021, ils avaient compris que le choix était fait à leur place. Ils se sentaient contraints d’aller dans le sens choisi. Ils se demandaient comment il était possible que A______ ne soit pas inscrit dans l’établissement scolaire. Ils se demandaient s’il était éthique d’informer les parents le 5 juillet 2021 pour leur annoncer brutalement que leur enfant n’était pas inscrit à l’école primaire.

La marraine de A______ était psychopédagogue. Ils l’avaient consultée à plusieurs reprises et avec son aide ils allaient démontrer que leur enfant avait toutes les capacités cognitives pour suivre une scolarité ordinaire.

Ils invitaient enfin la directrice à compter A______ dans l’effectif de la prochaine rentrée.

9) Par courriel du 7 juillet 2021, l’établissement scolaire a répondu aux parents que tout recours devait suivre la procédure indiquée dans la décision du 16 juin 2021.

10) Par acte daté de ce même 7 juillet 2021 et posté le lendemain,
Mme B______ a recouru contre la décision du 16 juin 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). M. C______ en a fait de même, par acte déposé au guichet de la chambre administrative, le 13 juillet 2021. Le contenu de ces actes est identique.

Ils souhaitaient refuser l’octroi de la prestation d’un enseignement spécialisé pour A______. Après évaluation de la situation « à ce jour » et la solution qui leur avait été proposée pour l’école « F______ », ils privilégiaient le maintien de leur fils dans le cursus normal, à l’école publique.

Le 9 juillet 2021, les parents ont informé la directrice de l’établissement scolaire du dépôt de leur recours. Ils l’invitaient à revenir sur sa décision hâtive et à maintenir A______ dans l’effectif de l’établissement pour la prochaine rentrée scolaire.

11) Le 21 juillet 2021, l’OEJ a conclu au rejet du recours.

Compte tenu des résultats de la PES à laquelle les parents de A______ avaient été associés, le SPS n’avait aucune raison de s’écarter des conclusions préconisées par les personnes compétentes pour poser un diagnostic. Il ressortait de la PES que l’enseignement ordinaire n’était pas en mesure de fournir un cadre propice et adapté au développement harmonieux de l’enfant. Malgré ses excellentes aptitudes cognitives, il était confronté à des difficultés importantes dans la régulation de ses émotions, qui lui portaient préjudice. Une orientation en classe spécialisée répondait mieux à ses besoins et lui permettrait de remédier aux difficultés auxquelles il faisait face, qui l’entravaient dans ses apprentissages et l’amenaient à être mis à l’écart. Il était dans l’intérêt de l’enfant d’être accueilli dans une structure spécialisée.

12) Le même jour, la chambre administrative a envoyé une copie de l’écriture de l’OEJ aux parents. Un délai au 3 août 2021 leur a été imparti pour une éventuelle réplique.

13) Les parents ont répondu le 26 juillet 2021.

La PES avait été « créée » en 2019 et avait fait l’objet d’une dernière mise à jour le 5 mai 2020. Depuis lors, A______ avait fait des progrès remarquables qui avaient été reconnus par l’école et sa pédopsychiatre ainsi que par sa famille et son entourage. A______ ne correspondait plus à l’enfant décrit par la PES une année auparavant. Malheureusement, l'équipe pédagogique de l'école ne faisait aucune démarche pour mettre cette PES à jour. C'était la raison principale pour laquelle ils refusaient catégoriquement la prestation d'enseignement spécialisé qui ne correspondait plus à leur fils.

A______ était un enfant très intelligent avec un bon niveau de scolarité. Il s'exprimait très bien en français avec un bon niveau de vocabulaire. Il s'exprimait en persan avec sa mère et échangeait en italien avec son père et ses
grands-parents. Il était fort en mathématiques et il écrivait très bien les lettres de l'alphabet, son prénom et les chiffres. Il connaissait bien les règles de la vie sociale, était respectueux, ne cassait rien et était étranger à toute violence.

A______ avait toujours été pris en charge par l’équipe du parascolaire pour les pauses de midi et de 16h00 à 18h00. Cette équipe professionnelle n'avait jamais fait de remarques particulières qui pourraient corroborer celles de la PES. Ils trouvaient l'enfant joyeux, plein d'énergie, très curieux et qui aimait découvrir. Il posait beaucoup de questions. L’équipe du parascolaire était prête à participer aux séances d'évaluation pour partager leurs observations. L'école n'avait pas jugé utile d'y donner suite.

Malgré tous leurs efforts et leur entière collaboration avec l'école et l'équipe pédagogique, couronnés par des « évaluations notables » de A______ reconnues et confirmées par l’école et sa pédopsychiatre, son dossier n'avait pas été mis à jour ou clôturé.

L'enfant avait été touché par leur séparation en 2018. Enfant unique, il n'avait pas eu l'occasion de grandir entouré de frères, sœurs et cousins. Il avait été élevé par sa mère au foyer jusqu’à leur séparation. Dès son premier contact avec la crèche, en septembre 2018, tout cela avait été dit aux éducateurs. Ils étaient conscients que leur fils devrait apprendre à se sociabiliser avec les autres enfants et apprendre le français. Ils avaient toujours fait confiance aux professionnels qui entouraient A______ et avaient été présents pour l’aider à progresser rapidement, ce qu’il avait réussi à faire. Le résultat était fabuleux, A______ s’étant développé et adapté aux règles de la vie sociale.

Dès lors, ils demandaient d’obtenir une contre-expertise neutre pour leur fils et que le délai fixé au 3 août 2021 soit repoussé « à un délai raisonnable » qui leur permettrait « d’envisager un spécialiste » pour une consultation avec A______, la plupart étant en vacances.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité la désignation de la décision attaquée et des conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes.

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/64/2021 du
19 janvier 2021 consid. 2). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 2a et les références citées).

c. L'absence de conclusion ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d'être autorisé à compléter une écriture ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions (ATA/794/2019 du 16 avril 2019 consid. 2b). De nouvelles conclusions ne peuvent pas non plus être présentées dans le mémoire de réplique (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 813 p. 217).

d. En l'espèce, les recourants n'ont, dans leur acte de recours, pas pris de conclusions formelles, en particulier ils n'ont pas conclu expressément à l'annulation de la décision attaquée. Il ressort toutefois de leur recours qu'ils contestent l'octroi de la prestation d'enseignement spécialisé. Leur recours est donc recevable sous cet angle également.

Dans leur réplique du 26 juillet 2021, les recourants ont conclu à l'obtention d'une contre-expertise et à l'octroi d'un nouveau délai pour permettre à leur enfant d'être examiné par un spécialiste. Présentées dans leur mémoire de réplique, ces conclusions sont irrecevables.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d’octroi de la prestation d’enseignement spécialisé à l’enfant des recourants.

4) a. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

b. Selon l’art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés – terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers –, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

c. Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après : CDIP) a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée, laquelle fait partie du mandat public de formation (art. 1 et 2 let. a AICPS).

Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

La détermination des besoins individuels prévue à l'art. 5 al. 1 se fait dans le cadre d'une PES, confiée par les autorités compétentes à des services d'évaluation distincts des prestataires (art. 6 al. 3 AICPS).

d. En référence aux principes de l’école inclusive mentionnés à l’art. 10 al. 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et dans l’AICPS, le DIP met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d’études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l’école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 al. 1 et 2 LIP).

De la naissance à l’âge de vingt ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s’il est établi qu’ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu’ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l’enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu’un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d'une PES, confiée par l'autorité compétente à des structures d'évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

L'art. 34 LIP prévoit qu'afin de garantir les meilleures chances d’autonomie à la majorité : toutes les personnes responsables de la prise en charge d’un enfant ou d’un jeune, quel que soit son âge, sont tenues d’informer les parents du handicap qu’elles observent dans le cadre de leur fonction (let. a); les parents d’un enfant ou d’un jeune à besoins éducatifs particuliers ou handicapé le signalent à l’autorité compétente le plus rapidement possible, afin qu’une évaluation des besoins de l’enfant ou du jeune puisse être effectuée et que des mesures d’intégration préscolaire, scolaire ou professionnelle puissent être mises en place (let. b) ; en l’absence de signalement précoce, il incombe aux autorités scolaires d’informer l’autorité compétente et de décider des mesures transitoires (let. c) ; lorsque l’enfant atteint l’âge de scolarité obligatoire, les parents l’inscrivent à l’école conformément aux dispositions de la présente loi (let. d).

5) a. L'OMP est, au sein du DIP, l'autorité scolaire responsable de l'enseignement spécialisé public et subventionné. Il est l'autorité compétente pour décider de l'intégration totale, partielle ou non indiquée dans l'enseignement public ordinaire d'un élève à besoins éducatifs particuliers ou handicapé. Il statue sur préavis de la direction générale du degré d'enseignement concerné et en concertation avec les responsables légaux de l'élève (art. 3 al. 1 et 2 du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du
21 septembre 2011 - RIJBEP - C 1 12.01, applicable au moment du prononcé de la décision litigieuse ; le RIJBEP a été abrogé suite à l'entrée en vigueur le 30 juin 2021 du règlement sur la pédagogie spécialisée - RPSpéc - C 1 12.05 ).

Selon l'art. 6 al. 1 let. b RIJBEP, l'OMP est une des structures d'évaluation des besoins individuels de pédagogie spécialisée reconnues au sens de l'art. 31
al. 3 LIP.

b. Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il est également compétent pour la reconnaissance des structures d'évaluation des besoins individuels des enfants et des jeunes et pour l'évaluation périodique des institutions accréditées. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l’OEJ (art. 5 RIJBEP).

c. Aux termes de l’art. 10 RIJBEP, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l’enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou le logement (al. 8), les transports des enfants et des jeunes (al. 9 et 10).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 10 al. 5 RIJBEP comprend l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Il est dispensé dans les classes spécialisées au sein des établissements scolaires ordinaires, dans les écoles spécialisées publiques ou privées accréditées ou dans les institutions à caractère résidentiel accréditées (ci-après : structures d'enseignement spécialisé de jour ou à caractère résidentiel). La prestation d'enseignement spécialisé comprend également l'encadrement éducatif et les mesures pédago-thérapeutiques nécessaires (logopédie, psychomotricité, éducation précoce spécialisée).

d. Lorsque l'école pressent chez un élève ou un jeune un besoin susceptible de faire l’objet d’une mesure individuelle renforcée en pédagogie spécialisée, elle le signale aux représentants légaux et leur propose sa collaboration pour le dépôt de la demande (art. 19 al. 3 RIJBEP).

À défaut de dépôt de demande relative à une mesure d'enseignement spécialisé par les représentants légaux, la direction de l'établissement scolaire signale la situation à l’OMP et en informe par écrit les représentants légaux. Sur la base de l'évaluation scolaire de l'élève et si nécessaire, l’OMP signale la situation au SPS et décide des mesures de scolarisation transitoires nécessaires (art. 19 al. 5 RIJBEP).

e. Selon l’art. 20 RIJBEP, conformément à l'art. 13 RIJBEP, le SPS s'appuie sur la PES pour l'évaluation initiale des besoins de l'enfant ou du jeune. Il confie cette évaluation aux structures reconnues définies à l'art. 6 al. 1 RIJBEP (al. 1). Dans le cadre de cette évaluation et avec l'accord des représentants légaux ou du jeune majeur, le SPS est habilité à se procurer auprès des autorités, des médecins traitants, des thérapeutes ou de tout autre service spécialisé les documents, les renseignements et les données personnelles nécessaires. De même, il peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle les enfants et les jeunes concernés sont tenus de se soumettre (al. 2).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (sur le site de la CDIP consulté le 19 août 2021 : https://www.cdip.ch/fr/themes/pedagogie-specialisee). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (site de la CDIP,
op. cit. ; concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, élaboré par le DIP, version adoptée par le Conseil d'État le 7 février 2018 et en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse, pp. 8-9, https://www.csps.ch/fr/themes-de-la-pedagogie-specialisee/cadre-legal-et-financier/concepts-cantonaux ; depuis le 30 juin 2021, le concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève de février 2018 est remplacé par le RPSpéc : https://www.ge.ch/document/concept-cantonal-pedagogie-specialisee-geneve).

f. Les représentants légaux et le mineur capable de discernement sont associés aux étapes de la procédure de décision. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 22 al. 1 RIJBEP). Ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit. Leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (art. 22 al. 2 RIJBEP).

L'appréciation de professionnels extérieurs à la structure scolaire ou préscolaire doit être également prise en compte s'ils sont impliqués dans le suivi de l'enfant (Concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève, op. cit.).

6) Dans le cas d’espèce, les parents ne soulèvent aucun grief quant au suivi et au respect par l'autorité de la procédure prévue en matière de PES. Ils ont donné leur accord pour engager la procédure et ont signé la PES sans faire état d’un désaccord, en particulier avec l’évaluation des besoins ou avec la prestation envisagée. Ils relèvent, dans un courrier à la directrice de l’établissement primaire, qu’ils auraient été manipulés mais ne démontrent à aucun moment en quoi aurait consisté cette manipulation.

Cela étant, les parents font maintenant état de leur opposition à la prestation d’enseignement spécialisé. Ils justifient leur opposition au vu des progrès que leur fils aurait réalisés pendant l’année scolaire. Ils mettent en évidence ses compétences dans l’apprentissage des langues, sa maîtrise des mathématiques et son adaptation aux règles de la vie sociale. Ils se réfèrent aux progrès constatés par l’équipe du parascolaire, l’école ou la pédopsychiatre de l’enfant. Or, rien au dossier ne permet de confirmer ou d’infirmer que ces progrès existent. La décision litigieuse a été rendue plus d’une année après que la PES a été signée par les parents en mai 2020. Le dossier, outre les éventuels obstacles dus à la situation sanitaire, ne permet pas de comprendre ce qui a justifié un tel délai. À teneur de la PES, le bilan et le suivi thérapeutique individuel ont été suspendus en raison de la situation sanitaire. Un groupe de guidance parentale et un accompagnement social n’ont pas pu être mis en place pour les mêmes raisons. On ignore toutefois si ces appuis ont finalement pu être mis sur pied, ni quels effets ils ont eu, le cas échéant, sur l’enfant. La recommandation, que l’autorité intimée expose avoir reçue le 9 juillet 2020, n'est ni motivée, ni datée, ni signée. Certes, un complément à la PES a été transmis au SPS. Mais il a été transmis en décembre 2020, soit six mois avant le prononcé de la décision litigieuse. Ce complément contient un document intitulé « complément d’informations » qui fait, entre autres, le constat des compétences de l’enfant dans l’apprentissage des mathématiques en particulier. Ce « complément d’informations » met également en évidence les problèmes comportementaux qu’il rencontre, notamment dans ses relations avec les autres enfants. Ce « complément d’informations » n’est ni daté ni signé, de sorte qu’on ignore qui en est l’auteur. On ignore également si les parents, ou d’autres intervenants, ont été associés à l’élaboration de ce document.

Compte tenu de ce qui précède, et sans remettre en doute la pertinence des constats mentionnés dans la PES, on ne peut exclure qu’elle ne corresponde plus aux compétences d’apprentissage et comportementales de l’enfant, rien ne permettant d’exclure que les progrès signalés par les parents sont réels. La prestation préconisée serait alors susceptible de ne plus répondre aux besoins réels de l’enfant.

Le recours sera admis, la décision du 24 juin 2021 sera annulée et la procédure retournée au SPS afin qu’il établisse au besoin une nouvelle PES ou un complément de PES, sollicite une recommandation motivée et prépare une nouvelle décision motivée en donnant aux recourants l’occasion d’exercer leur droit d’être entendus.

Vu la nature de la procédure et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, les parents n’y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2021 par A______, agissant par ses parents, Mme B______ et M. C______, contre la décision de l’office de l’enfance et de la jeunesse – secrétariat à la pédagogie spécialisée du 16 juin 2021 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule la décision de l’office de l’enfance et de la jeunesse – secrétariat à la pédagogie spécialisée du 16 juin 2021 ;

renvoie la cause au secrétariat à la pédagogie spécialisée de l’office de l’enfance et de la jeunesse du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse, pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme B______ et à
M. C______ ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée.

Siégeant : M. Mascotto, président, MM. Verniory et Reymond, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :