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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1739/2013

ATA/801/2013 du 10.12.2013 ( LOGMT ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.02.2014, rendu le 25.02.2015, PARTIELMNT ADMIS, 8D_2/2014
Descripteurs : ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; AIDE FINANCIÈRE ; SUBSIDIARITÉ ; REVENU DÉTERMINANT ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE ; SUBVENTION ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; FRAIS D'ENTRETIEN ET DE LOGEMENT
Normes : Cst.5 ; Cst.8 ; Cst.9 ; Cst.12 ; LPC.4 LGL23B.al4 ; LPC.9 ; LPCC.15 ; RPCC.1SS ; LAMAL.20
Résumé : Constitutionnalité confirmée de l'art. 23B LGL qui prévoit l'interdiction du cumul entre la subvention personnalisée (accordée à certains locataires d'habitations mixtes) et l'octroi de prestations complémentaires. Le régime légal des prestations complémentaires est un régime intégral, dans lequel l'ensemble des besoins vitaux des personnes concernées est appréhendé. Il ne crée pas d'inégalité de traitement avec les salariés, dont la situation est radicalement différente, ni ne porte atteinte à l'art. 12 Cst, qui garantit à chacun les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Conditions applicables à la révocation des décisions, les recourants s'étant vu retirer leur subvention alors que l'autorité la leur avait promise. Examen des conditions d'application du principe de la bonne foi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1739/2013-LOGMT ATA/801/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2013

 

dans la cause

 

Madame A______ C______ et Monsieur B______ C______
représentés par l’Association genevoise des locataires (ASLOCA), mandataire

contre

OFFICE DU LOGEMENT



EN FAIT

1) Madame A______ C______ et Monsieur B______ C______ (ci-après : les époux C______) sont locataires d'un appartement de 6 pièces situé au 3e étage de l'immeuble sis au ______, chemin V______ à Carouge, depuis le 1er mai 2012.

2) Ils sont parents de trois enfants mineurs.

3) Leur loyer annuel est de CHF 23'868.- (CHF 26'028.- charges comprises), soit de CHF 1'989.- par mois (respectivement CHF 2'169.-).

4) Les époux C______ ont signé le bail y relatif après que l'office du logement (ci-après : OLO) les ait assurés de leur droit à une subvention personnalisée de CHF 712.-/mois.

5) En effet, l'immeuble dans lequel se situe leur appartement est un immeuble d'habitation mixte (ci-après : HM) qui bénéficie d'une aide étatique jusqu'en 2037 notamment par le biais de rabais fiscaux et/ou cautionnement et/ou prêts accordés au propriétaire et par l'octroi d'une subvention personnalisée versée directement aux locataires.

6) a. M. B______ C______ est bénéficiaire de prestations de l'assurance-invalidité. Il perçoit à ce titre une rente de CHF 2'588.-/mois (année de référence 2012).

Il réalise également un revenu net de CHF 32'667,60 par an (année de référence 2012), dans le cadre d'une activité lucrative.

b. Mme A______ C______ est mère au foyer.

7) Le couple reçoit par ailleurs des prestations complémentaires fédérales et cantonales (ci-après : PCF et PCC ou, sans distinction : PC ou prestations complémentaires) du service des prestations complémentaires et des prestations complémentaires fédérales et cantonales à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (ci-après : SPC) à hauteur de CHF 1'387.-/mois (soit CHF 16'638.-/an), ainsi que quatre subsides d'assurance-maladie de maximum 2 x CHF 470.-, et 2 x 105.- (soit CHF 1'150.-/mois) pour eux-mêmes et deux de leurs enfants (montants applicables à l'année 2013 selon décision du SPC du 11 décembre 2012).

Dans les dépenses reconnues fondant le calcul du droit à ces prestations figurent un forfait de 5 personnes (CHF 67'722.-) et la somme de CHF 15'000.- pour les dépenses liées au loyer (loyer + charges).

Le revenu déterminant tient compte, outre des revenus effectifs perçus par M. B______ C______ et des allocations familiales pour CHF 8'400.-/an, d'un revenu potentiel de l'épouse de CHF 8'735,40/an.

8) Le 18 juillet 2012, l'OLO a octroyé aux époux C______ la subvention personnalisée dont le droit à l'octroi avait été examiné lors de leur candidature à ce logement. Cette subvention était accordée du 15 mai 2012 au 31 mars 2013.

9) Par décision du 28 mars 2013, ce même office leur a alloué une subvention personnalisée de CHF 746,50 par mois pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014.

10) Le 10 avril 2013, l'OLO a révoqué cette décision et supprimé l'octroi de cette subvention aux intéressés, à compter du 1er mai 2013.

Une vérification des éléments du dossier avait laissé apparaître que M. B______ C______ était au bénéfice de prestations complémentaires. Or, depuis le 1er avril 2013, la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL -  I 4 05 ; art. 23B al. 4) interdisait le cumul entre ces prestations et la subvention personnalisée.

11) Par courrier du 16 avril 2013, les époux C______ ont formé réclamation contre cette décision auprès de l'OLO.

Après sept années de recherches infructueuses, ils avaient quitté leur ancien logement dont le loyer était de CHF 1'073.-/mois, forts des assurances qui leur avaient été données par l'OLO et la régie concernant leur droit à une subvention personnalisée. Cet office connaissait la situation du groupe familial et avait été informé dès le départ que l'un de ses membres percevait des prestations complémentaires. Il ne pouvait supprimer cette subvention importante du jour au lendemain et les laisser dépourvus de toute possibilité de se retourner, sans violer le principe de la bonne foi.

12) Cette réclamation a été rejetée par l'OLO le 29 avril 2013.

L'art. 23B LGL était une loi formelle claire dont le texte excluait le cumul entre la subvention personnalisée et le versement de PC depuis le 1er avril 2013, sans lui laisser de marge d'appréciation.

13) Par acte du 30 mai 2013, les époux C______ ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'art. 23B LGL avait été modifié suite à l'adoption de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005
(LRD - J 4 06). L'exposé des motifs annexé au projet de loi y relatif (PL 9'135) démontrait que le but poursuivi était d'assurer l'égalité de traitement entre tous les citoyens face aux prestations sociales, quelle que soit la source de leurs revenus (salaire, assurances sociales, assistance, etc). En excluant les bénéficiaires de PC du droit d'obtenir une subvention personnalisée, l'art. 23B LGL allait à l'encontre de cet objectif.

Cette situation résultait d'une omission. Les membres du groupe de travail ayant participé à l'élaboration de la LRD avaient indiqué dans leur rapport annexé audit projet de loi que les prestations complémentaires n'étaient pas concernées par le nouveau système et qu'ils les avaient, par conséquent, écartées de leur analyse.

Or, les PC ne prenaient pas en considération les dépenses effectives afférant au loyer, celles-ci étant plafonnées à CHF 13'200.- pour une personne seule et à CHF 15'000.- pour un couple (avec ou sans enfants). Cette dernière somme était sans aucun rapport avec la réalité des loyers des appartements de 5 ou 6 pièces à Genève.

Les PC étaient des prestations d'assurance fondées sur le droit des assurances sociales, alors que les subventions personnalisées constituaient une prestation d'assistance indépendante des conditions d'assurance (durée de résidence, survenance du risque, etc). Il n'y avait ainsi pas de cumul entre deux aides étatiques.

L'interdiction du cumul des PC et de la subvention personnalisée ne reposait sur aucun motif sérieux et objectif. Elle discriminait sans raison valable les bénéficiaires de PC par rapport aux salariés (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Par ailleurs, elle violait les art. 7 et 12 Cst. qui garantissaient le respect de la dignité humaine, en réduisant leur niveau de vie au-dessous de ce qui était admissible. Leur droit au logement, consacré à l'art. 10b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), les buts sociaux énoncés à l'art. 41 let. c Cst., ainsi que le principe de la bonne foi, étaient également violés.

14) L'OLO a répondu au recours le 25 juin 2013 en concluant à son rejet.

Le régime des PC regroupait un ensemble de prestations qui assurait la couverture des besoins vitaux de ses bénéficiaires, ce qui était son but. Il constituait un régime à part, autonome, dont les prestations formaient un tout qui ne pouvait se cumuler avec les subventions et allocations allouées par la LGL.

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative avait admis que la personne qui demandait une allocation de logement, en plus de prestations complémentaires dont le forfait couvrait l'intégralité du loyer, commettait un abus de droit. L'invalidation par cette juridiction de l'ancien art. 22 let. c du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), qui excluait le cumul de ces deux prestations sociales, s'était fondée sur l'absence de délégation législative autorisant le Conseil d'Etat à adopter une telle règle primaire ; elle n'avait pas remis en question la conformité de celle-ci à la Constitution sous ses autres aspects. Ce vice avait été réparé le 20 mai 2007 par l'adoption en votation populaire de l'art. 23B LGL.

La décision ne violait pas le principe de la bonne foi. En effet, l'entrée en vigueur le 1er avril 2013 de l'article de loi litigieux avait été publiée dans la Feuille d'Avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 24 mars 2010. Or, nul n'était censé ignorer la loi. En outre, l'OLO n'avait donné aucune assurance aux recourants concernant la pérennité de leur subvention.

15) Les recourants ont répliqué le 5 août 2013 en persistant dans leurs conclusions.

Le droit à un logement approprié garanti par l'art. 38 Cst-GE était violé par la décision attaquée. Ce droit était justiciable, la disposition précitée ne constituant pas une simple norme programmatique.

En ne prenant pas en compte la réalité de la dépense liée au loyer et en ne se basant que sur le forfait de CHF 15'000.- accordé par les PC, la décision entreprise violait les exigences d'efficience et de pertinence de l'activité étatique consacrées à l'art. 9 Cst-GE.

16) Le 7 août 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants contestent la compatibilité de l'art. 23B al. 4 LGL avec différentes normes de rang constitutionnel.

De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (P. MOOR/A. FLUCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd., 2012, p. 346, n. 2.7.3.1 ; R. ZIMMERMANN, L’évolution récente du contrôle préjudiciel de la constitutionnalité des lois en droit genevois, RDAF 1988 p. 1 ss). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 al. 1er Cst. (ATA/532/2007 du 16 octobre 2007 consid. 4a et les arrêts cités). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2 p. 187 ; ATA/500/2005 du 19 juillet 2005 consid. 6 ; ATA/572/2003 du 23 juillet 2003 consid. 9 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2ème edition, vol. 1, Berne 2006, p. 794 n. 2280 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (P. MOOR/A. FLUCKIGER/V. MARTENET, op. cit, p. 323, n. 2.7.2.1).

3) Aux termes de l'art. 23B al. 4 LGL, le cumul entre la subvention personnalisée et les prestations complémentaires est exclu.

D'après les recourants, cette disposition violerait notamment l'interdiction de la discrimination ancrée à l'art. 8 Cst. qui dispose que tous les êtres humains sont égaux devant la loi et que nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de sa situation sociale, de son mode de vie ou d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (art. 8 al. 1 et 2 Cst.), car elle favoriserait les salariés par rapport aux bénéficiaires des prestations complémentaires. La discrimination ne provenant que de l'origine des revenus, la différence de traitement ne reposerait pas sur un motif objectif admissible.

4) Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6p. 357 ss ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

5) a. Selon l'art. 23B LGL, le Conseil d’Etat autorise, pour les immeubles de la catégorie 4 (soit les immeubles HM ; art. 16 al. 1 let. d LGL), une subvention personnalisée au logement en faveur des locataires dont le revenu n'excède pas un certain montant lors de la conclusion du bail (barème d'entrée).

Cette subvention est allouée du 1er avril de chaque année au 31 mars de l’année suivante (art. 20D al. 1 RGL).

Elle est proportionnelle au revenu des bénéficiaires, et vise à ramener le taux d’effort de ceux-ci aux barèmes fixés à l’art. 30 al. 3 de la loi (art. 30 al. 1 et 2 LGL ; par exemple : 20 % pour l’occupation d’un logement d’une pièce de plus que le nombre de personnes, art. 30 al. 3 let. a LGL).

Elle s’élève au maximum à CHF 1'800.- la pièce par an, pendant une période de 20 ans à compter de la mise en exploitation de l’immeuble. Ce montant maximum est ensuite réduit chaque année de CHF 100.- par pièce, de la 21ème à la 25ème année. Dès la 26ème année, la subvention personnalisée est supprimée (art. 23B al. 2 LGL).

b. Cette subvention se distingue de l'allocation de logement, qui est accordée à certaines conditions au locataire dont le loyer représente une charge manifestement trop lourde (art. 39A al. 1 LGL). Le cumul entre cette allocation et les prestations complémentaires est exclu par la LGL, à l'instar du cumul litigieux (art. 39A al. 4 LGL).

c. Il en va de même du cumul entre la subvention personnalisée et l'allocation de logement (art. 23B al. 3 LGL).

6) Les prestations complémentaires sont régies notamment par la loi fédérale
sur les prestations complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants (AVS) et à l'assurance invalidité (AI) du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), dont l'art. 2 dispose qu'elles ont pour but la couverture des besoins vitaux.

Cette loi est complétée et mise en œuvre par la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) dont les prestations sont supérieures à celles octroyées par la LPC (art. 2 al. 2 LPC et 1ss LPCC).

7) Le cercle des bénéficiaires des PCF est fixé à l'art. 4 LPC. Y ont droit notamment les personnes majeures qui perçoivent une rente de vieillesse ou d'invalidité (ci-après : rentes AVS ou AI) si elles ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 4 al. 1 let. c et art. 6 LPC).

Le droit aux PCC est plus restreint. Ainsi, le bénéficiaire suisse d'une rente AI ne peut-il y prétendre s'il n'a pas été domicilié sur le territoire Suisse ou dans un Etat membre de l'Association européenne de libre-échange ou de l'Union européenne au moins cinq ans durant les sept dernières années précédant la demande (art. 2 al. 2 LPCC).

8) Dans le système des PC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC et 15 LPCC).

Dans le cadre des PCF, ces dépenses sont principalement : un montant destiné à la couverture des besoins vitaux correspondant au forfait fixé à l'art. 9 al. 1 let.a LPC - dont la hauteur dépend du nombre de personnes composant le groupe familial - et le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs, dont le montant est plafonné à CHF 15'000.- par an pour les couples, avec ou sans enfants (art. 10 al. 1 let. b LPC).

Au niveau cantonal, les dépenses reconnues sont plus élevées (forfait pour la couverture des besoins vitaux, art. 3 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité - RPCC – J 4 25.03 ; forfait pour dépenses personnelles, art. 3 al. 3 RPCC p. ex.). En revanche, le forfait pour les dépenses de loyer est le même que celui fixé par le droit fédéral (art. 36F let. b LPCC a contrario).

9) Du droit aux PC découle tout un ensemble de droits sociaux complémentaires disséminés dans les lois spéciales, dont notamment les suivants.

a. Selon l'art. 14 LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d'une prestation complémentaire annuelle les frais suivants de l'année civile en cours, s'ils sont dûment établis :

- frais de traitement dentaire ;

- frais d'aide, de soins et d'assistance à domicile ou dans d'autres structures ambulatoires ;

- frais liés aux cures balnéaires et aux séjours de convalescence prescrits par un médecin ;

- frais liés à un régime alimentaire particulier ;

- frais de transport vers le centre de soins le plus proche ;

- frais de moyens auxiliaires ;

- frais payés au titre de la participation aux coûts selon l'art. 64 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10 ; franchise, participation des assurés de 10 %).

b. L'art. 20 al. 1 let. b de la loi d’application de la LAMal du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) accorde aux assurés bénéficiaires des PC un droit à des subsides pour tous les membres de la famille correspondant au montant de leurs primes d'assurance obligatoire des soins si ce dernier ne dépasse pas la prime moyenne cantonale (art. 22 al. 6 LaLAMal).

c. Les bénéficiaires de prestations complémentaires familiales, soit exclusivement des personnes ne pouvant prétendre à des prestations complémentaires fédérales ou à des prestations complémentaires cantonales (art. 36C al. 1 LPCC), ont droit au remboursement des frais, dûment établis, qu'ils ont engagés pour la garde des enfants âgés de moins de 13 ans et pour les frais de soutien scolaire des enfants âgés de moins de 16 ans, dans la mesure où ils supportent eux-mêmes ces frais (art. 36G LPCC).

d. Sur demande, ils sont exonérés de l'obligation de payer la redevance de réception de la radio et de la télévision (art. 64 al. 1 de l'ordonnance
sur la radio et la télévision du 9 mars 2007 (ORTV - RS 784.401).

e. Ils bénéficient d'une aide sociale ramenant à CHF 66.- pour chacun des membres du groupe familial l'abonnement unireso annuel des transports publics genevois (art. 17 LPCC et 7A al. 1 RPCC).

f. Enfin, les revenus qu'ils perçoivent en vertu de la LPC et de la LPCC sont exonérés d'impôts (art. 27 let. i de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08)).

10) La pluralité des prestations et des lois applicables aux bénéficiaires de PC démontre que la couverture des besoins vitaux de ces personnes est considérée de manière globale et consolidée par les lois susmentionnées. Il s'agit d'un régime intégral dans lequel l'ensemble des besoins des ménages est appréhendé. Le choix opéré par les législateurs fédéral et cantonal de fixer un forfait pour les dépenses du loyer, avec le risque que celui-ci soit inférieur aux dépenses effectives, ne rend pas inconstitutionnelle l'interdiction du cumul figurant à l'art. 23B al. 4 LGL, qui provient du fait que le régime légal des PC se suffit à lui-même et qu'il n'a pas besoin de l'apport d'autres prestations catégorielles (parmi lesquelles sont classées les subventions personnalisées HM ; art. 13 al. 1 let. a ch. 2 LRD) pour assurer la couverture des besoins vitaux des personnes concernées.

11) La situation des bénéficiaires de PC ne saurait ainsi être comparée à celle des bénéficiaires potentiels d'une subvention personnalisée HM (notamment les salariés) qui ne bénéficient pas des mêmes prestations sociales et qui sont traités de manière totalement différente par la loi (revenus imposables, allocations de subsides pour les primes d'assurance-maladie dépendant de leur revenu, absence de prise en charge des traitements dentaires ou de la participation aux coûts de 10 % prévue par la LAMal, absence d'exonération de la redevance radio et télévisuelle, absence de réduction d'abonnement Unireso pour les membres de la famille, etc).

Le grief d'inégalité de traitement sera ainsi rejeté.

12) Par ailleurs, les PC accordant davantage que les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine au sens visé par l'art. 12 Cst., cette disposition n'est pas non plus violée.

13) Il en va de même du droit au logement, qui n'est pas menacé dans sa substance par la décision attaquée, même si celle-ci rend plus importante la participation des recourants au paiement de leur loyer et réduit sensiblement leurs moyens d'existence.

Sur le fond, la décision entreprise est dès lors conforme à la loi, sans qu'il ne soit nécessaire de déterminer si le droit au logement, garanti par l'art. 38 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00), peut être invoqué en justice.

14. Reste à déterminer si, en vertu de la décision révoquée du 28 mars 2013, les recourants peuvent bénéficier de la subvention.

En effet, le 28 mars 2013, l'OLO a alloué aux époux C______ une subvention personnalisée de CHF 746,50 pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014. Cette décision était contraire à l'interdiction du cumul figurant à l'art. 23B LGL, ainsi qu'examiné ci-dessus.

Moins de deux semaines plus tard, le 10 avril 2013, s'apercevant de son erreur, ce même service a révoqué cette décision et supprimé l'octroi de la subvention aux intéressés, à compter du 1er mai 2013, le nouvel art. 23B al. 4 LGL étant entré en vigueur le 1er avril 2013.

15. a. La jurisprudence du Tribunal fédéral soumet la révocation des décisions ayant pour but le rétablissement d'une situation conforme au droit à des conditions différentes selon que ladite révocation intervient avant ou après leur entrée en force.

b. Lorsqu'une décision initiale conférant des droits est entrée en force, l'autorité administrative ne peut la révoquer que si un intérêt public prépondérant prend le pas sur les intérêts privés du bénéficiaire et sur le principe de la sécurité du droit (ATF 105 II 135 ; 103 Ib 241 ; 100 Ib 94 ; 99 Ib 459 et 336 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 387ss, n.2.4.3.3 ss).

c. Ces conditions restrictives ne s'imposent pas lorsque la décision révoquée n'est pas entrée en force, même si celle-ci confère des droits à l'administré, l'idée étant que si une autorité judiciaire est à même de la modifier, il n'y a pas de raison pour que l'autorité ne puisse le faire elle-même (ATF 122 V 367 ; 121 II 276 consid. 1a/aa ; 107 V 191 ; contra, T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 319, n. 932).

d. Dans les deux cas, la révocation est possible sans base légale expresse puisqu'elle applique le droit mieux que précédemment ( ATF 105 II 135 consid 4 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 383, n. 2.4.3.1).

16 En l'espèce, la décision litigieuse révoque une décision prise dix jours auparavant. Le délai de recours contre cette première décision étant de trente jours, celle-ci n'était pas entrée en force.

Elle était donc révocable sans conditions particulières.

La révocation est ainsi valable.

17 Les recourants se prévalent d'une violation du principe de la bonne foi.

a. Ce principe protège, à certaines conditions, les administrés contre les renseignements erronés de l'administration.

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 et 131 précités ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2.a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; P. MOOR/A. FLÜCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif 2012, Vol. 1, 3ème éd. p. 922 ss, n. 6.4.1.2 et . 6.4.2.1 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 196 s, n. 578 s ; G. MÜLLER/U. HÄFELIN/ F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, 6ème éd., p. 140ss et p. 157 n. 696 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165 ss).

En l'espèce, la décision de l'OLO du 28 mars 2013 allouant aux époux C______ une subvention personnalisée de CHF 746,50 par mois pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 constitue une promesse concrète au sens de la jurisprudence précitée. Toutefois, entre le 28 mars 2013 et le 10 avril 2013, date de la révocation litigieuse, les époux C______ n'ont pas pris, sur la base de cette assurance, des dispositions qu'ils ne pouvaient changer sans subir de préjudice ; c'est sur la base de la décision de subvention 2012, prise lors de l'examen de leur candidature au logement concerné, qu'ils ont décidé de quitter leur ancien appartement moins cher, et non suite à la décision dont la révocation est contestée, motivée par l'entrée en vigueur, le 1er mai 2013, du nouvel art. 23B LGL.

Les conditions d'application du principe de la bonne foi ne sont ainsi pas réunies.

b. Il n'en demeure pas moins que la manière dont la situation des époux C______ a été traitée par l'autorité intimée est choquante. Il n'est pas compréhensible, en effet, que lors de l'examen de leur candidature et de leur situation financière en février 2012, l'OLO ait confirmé leur droit à une subvention personnalisée correspondant à plus d'un tiers de leur loyer sans les informer de sa suppression programmée découlant de l'entrée en vigueur de l'art. 23B LGL, d'ores et déjà fixée au 1er avril 2013 par arrêté du Conseil d'Etat du 16 mars 2010 et publiée dans la FAO du 24 mars 2010. Ce changement législatif, connu de l'OLO, était de nature à peser dans la décision des recourants de prendre le nouveau logement proposé, qui correspondait mieux à leurs besoins, mais dont le loyer était supérieur d'environ CHF 700.- à celui qu'ils devaient quitter. Connaissant la difficulté de changer de logement qui existe à Genève, l'OLO aurait dû, en vertu du principe général de la bonne foi tiré des art. 5 et 9 Cst., les alerter sur cette situation avant qu'ils prennent cette décision importante et irrévocable. Même si nul n'est censé ignorer la loi, les recourants étaient fondés à croire que l'OLO, spécialiste dans l'application de la LGL, leur ferait part de cette circonstance.

Ce comportement ne saurait toutefois fonder un droit à une subvention illégale.

18. Le recours sera ainsi rejeté.

19. Vu les circonstances de la cause et la proximité de celle-ci avec le domaine des prestations complémentaires, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité (art. 87 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2013 par Madame A______ C______ et Monsieur B______ C______ contre la décision sur réclamation de l'office du logement du 29 avril 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'Asloca, mandataire des recourants, ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M.Verniory, Mme Payot Zen- Ruffinen, et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :