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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2900/2007

ATA/211/2009 du 28.04.2009 ( DI )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2900/2007-DI ATA/211/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 avril 2009

sur partie

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

 

 

contre

 

 

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS

 


et

 

 

MADAME LA MÉDIATRICE EN MATIÈRE D’INFORMATION DU PUBLIC ET D’ACCÈS AUX DOCUMENTS

 

 

et

 

 

Monsieur Z______, appelé en cause


EN FAIT

1. Le 25 août 2004, le Conseil d’Etat a nommé Monsieur C______ au poste de chef de la police judiciaire, avec effet au 1er septembre 2004.

2. Cette nomination n'a pas fait l'objet d'un consensus ; elle a entraîné de graves dissensions au sein de la police, relatées dans la presse, qui ont perturbé notamment le fonctionnement de la police judiciaire (ci-après : PJ).

3. Devant cette situation, le 30 octobre 2006, Monsieur M______, président du département des institutions, a proposé à l'Etat-major de la PJ de procéder à un audit de la direction de la PJ. Cette proposition a été reçue favorablement par les personnes concernées, dont M. C______.

4. Cet audit a été confié le 30 octobre 2006 par M. M______ à Monsieur Z______, avocat et ancien président du Conseil d'Etat, qui a eu pour mandat "d'analyser le fonctionnement de la direction de la PJ".

Après avoir pris connaissance du dossier que lui avait remis le département des institutions (ci-après : DI), M. Z______ a pris contact avec Madame B______ cheffe de la police, et son adjoint. Il a procédé à l'audition de M. C______ et d'une dizaine de gradés de la police. Il a déposé son rapport le 28 février 2007, concluant à plusieurs manquements de M. C______ dans l'exercice de sa fonction.

5. Dans sa délibération du 7 mars 2007, le Conseil d'Etat, se fondant sur ce rapport, a décidé de ne pas confirmer dans sa fonction M. C______, qui était encore en période probatoire, et de l'affecter à des tâches déterminées par la cheffe de la police.

6. Le 15 mars 2007, le journal "Le Matin", qui s'était procuré le rapport d'audit par des voies non élucidées, a publié en première page une photo de M. C______, en titrant : "Le mauvais chef, c'est lui" et accusé ce dernier d'avoir failli dans sa fonction.

Le 15 mars 2007 également, la "Tribune de Genève" en a fait de même, sous le titre : "L'audit accable le chef de la Police judiciaire".

7. Le même jour, à 08h00, M. C______ a pris connaissance de l'audit, par M. M______, qui lui en a remis copie lors d'un rendez-vous convenu le 12 mars 2007.

8. Le 15 mars 2007 toujours, mais en fin de matinée, MM. M______ et Z______, ainsi que Mme B______ ont tenu une conférence de presse et distribué l'audit, qui avait été transmis le matin même à la commission judiciaire et de police et à la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, ainsi qu'au Procureur général. A l'issue de la conférence de presse, ce rapport a été publié sur le site internet de l'Etat de Genève et sur le site intranet de la police.

9. Le 5 avril 2007, M. C______, par l'intermédiaire de son conseil, a prié le président du DI de lui transmettre la décision par laquelle le commandement de la police judiciaire lui avait été retiré, la copie de tout le dossier relatif à l'audit, notamment les procès-verbaux des auditions effectuées, les notes, les pièces et les documents. Enfin, il voulait savoir qui avait décidé de mettre cet audit en ligne, quand et pour quelle raison.

10. Le 16 avril 2007, le président du DI a confirmé la volonté du Conseil d’Etat de ne pas maintenir M. C______ dans sa fonction. Un arrêté serait pris par cette autorité dès que la cheffe de la police se serait déterminée sur la nouvelle affectation de M. C______ au sein du corps de police. Une décision de non confirmation n'était pas sujette à recours, en application de l'art. 56B al. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05).

Le Conseil d'Etat avait pris la décision de rendre public ce rapport en conformité des critères fixés par la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

Quant au dossier relatif à l'audit, détenu par M. Z______, il n'était pas accessible, conformément à l'art. 25 al. 4 de ladite loi.

11. Par un courrier du 30 avril 2007, M. C______ s'est plaint auprès du président du DI de la révélation inadmissible de l'audit. "Le Matin", en tout cas, était entré en possession de l'audit avant que celui-ci ne soit distribué à la presse, en profitant d'une violation du secret de fonction. C'était par celle-ci qu'il avait appris - avant de se rendre au rendez-vous précité à 08h00 - la sanction disciplinaire déguisée dont il avait fait l'objet le 7 mars 2007 déjà, au mépris de son droit d'être entendu. Aucune décision écrite en ce sens ne lui avait été remise.

Enfin, la publication de l'audit sur le site internet de l'Etat de Genève portait atteinte à sa sphère privée et ce rapport aurait dû être soustrait au droit d'accès du public à certains documents, en application de l'art. 26 al. 1 LIPAD.

Il concluait en sollicitant le retrait immédiat de ce rapport du site internet de l'Etat de Genève et la copie de tout le dossier de l'audit afin de faire valoir ses droits, l'art. 25 al. 4 LIPAD n'y faisant pas obstacle, puisqu'il était partie à la procédure.

12. Par courrier du même jour, M. C______ a saisi la médiatrice LIPAD en la priant d'intervenir sur toutes ses demandes entrant dans les compétences de celle-ci.

13. Le 7 mai 2007, le président du DI a informé M. C______ que, par gain de paix, et en considération du fait que l'information du public ne nécessitait pas qu'il soit accessible en ligne plus longtemps, l'audit avait été retiré du site internet de l'Etat de Genève le 4 mai 2007. Par ailleurs, les termes du courrier du 16 avril étaient confirmés.

14. Le 13 juin 2007, la médiatrice a informé le président du DI de l'échec de la médiation et prié le DI de prendre une décision formelle de refus avec indication de la voie de recours au Tribunal administratif.

15. Le 22 juin 2007, le président du DI a rejeté la demande d'accès de M. C______ au dossier relatif au rapport du 28 février 2007 de M. Z______. Il était relevé de surcroît que M. C______, qui n'avait pas été confirmé dans ses fonctions de chef de la PJ, n'était pas davantage légitimé à avoir accès à ce dossier sur la base des art. 7 et 41 ss LPA, ledit rapport n'ayant pas été rendu dans le cadre d'une procédure administrative d'une part, et la décision de non confirmation n'étant pas sujette à recours, d'autre part.

16. Par acte posté le 25 juillet 2007, M. C______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant préalablement à ce qu’il soit ordonné aux autorités intimées, soit le DI et le Conseil d’Etat, cas échéant, à M. Z______, de remettre au tribunal l’intégralité du dossier relatif à l’établissement du rapport sur le fonctionnement de la direction de la PJ du 28 février 2007 (conclusion n° 2), de communiquer l’heure exacte à laquelle ce rapport avait été publié sur les sites, de même que la personne ou l’autorité ayant décidé de le publier sur le site intranet de la police (conclusion n° 3). Un délai devait lui être accordé pour compléter son recours. Sur le fond, il concluait à l'annulation de la décision attaquée (conclusion n° 4), à ce que le tribunal constate que la diffusion de l’audit sur les deux sites internet précités avait été faite en violation de la LIPAD (conclusion n° 6). Les autorités intimées devaient être condamnées à faire publier le dispositif de l’arrêt dans "la Tribune de Genève", "24 Heures", "Le Matin", "GHI", "Le Courrier", "le Temps", "le Nouvelliste", "l’Illustré", "l’Hebdo" et à faire diffuser cette information par l’ATS, la TSR, Léman bleu, la Radio suisse romande, Radio-Lac et One FM (conclusion n° 7).

Le tribunal devait enfin transmettre, cas échéant, ordonner au DI, au Conseil d’Etat et à M. Z______, sous la menace des peines prévues par l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), de transmettre au recourant l’intégralité du dossier relatif à l’établissement de ce rapport (conclusion n° 8).

Si par impossible le tribunal devait considérer que les procès-verbaux n’étaient pas encore approuvés au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD, le tribunal devait soumettre, cas échéant, ordonner au DI, au Conseil d’Etat et à M. Z______, de soumettre aux personnes interrogées le procès-verbal les concernant pour approbation, le tout sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP (conclusion n° 9). Enfin, une indemnité de procédure devait être allouée à M. C______.

17. Dans un courrier adressé au Procureur général le 25 juillet 2007 suite à une plainte pénale déposée le 15 juin 2007 par M. C______ contre M. Z______ et le Conseil d'Etat, cette autorité s'est opposée, dans la procédure pénale, à la levée du secret de fonction de M. Z______, précisant que ce dernier avait agi comme agent de l'Etat.

18. Le 14 août 2007, le secrétariat de la médiatrice en matière de LIPAD a confirmé au tribunal l’échec de la médiation et transmis son dossier, l’intervention de la médiatrice étant terminée.

19. Le 17 août 2007, le DI a sollicité une prolongation du délai qui lui avait été fixé pour répondre, compte tenu de la décision qui devait être prise concernant la nouvelle affectation de M. C______ et des conséquences que cette décision pourrait avoir sur le recours.

20. Par arrêté du 21 août 2007, le Conseil d’Etat a nommé M. C______ officier de police dès le 1er septembre 2007 vu la volonté du Conseiller d’Etat en charge du DI et de la cheffe de la police "de confier à l’intéressé des missions stratégiques au sein de l’état-major de police".

21. Le 5 septembre 2007, mais avec effet au 1er novembre 2007, le Conseil d’Etat a nommé un nouveau chef de la PJ.

22. Le 28 septembre 2007, le DI a répondu en concluant au rejet du recours dans la mesure où celui-ci était recevable.

Selon l’art. 26 al. 1 LIPAD, les notes à usage personnel, les brouillons et autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux non encore approuvés ne constituaient pas des documents, au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD. C’était dans cette catégorie qu’il fallait classer les éléments du dossier tenu par M. Z______ auquel M. C______ voulait avoir accès. Le redressement de la PJ présentait un intérêt supérieur par rapport à l’intérêt privé du recourant, qui cherchait par ce biais à régler des comptes avec certains collègues, ce qui ne pouvait que nuire au bon fonctionnement de ce service.

De plus, M. C______ ne pouvait invoquer la qualité de partie, n’étant plus chef de la PJ.

23. Le 2 octobre 2007, le juge délégué a écrit à M. Z______ en sa qualité de tiers concerné contacté par la médiatrice. Il était invité à lui faire part de ses observations quant à la demande d'accès déposée devant le tribunal et à lui indiquer s’il avait tenu des procès-verbaux des auditions des personnes entendues, si celles-ci avaient signé leurs déclarations et enfin si son dossier comportait des notes personnelles. Il était prié d’indiquer si le dossier qui lui avait été remis par le DI, qu’il mentionnait lui-même au début de son rapport, pouvait constituer un document au sens de la LIPAD.

24. Le 30 novembre 2007, M. Z______ a répondu à la demande du tribunal de céans.

Il avait informé toutes les personnes auditionnées du fait qu’elles n’étaient pas entendues dans le cadre d’une enquête administrative mais d’une analyse objective du fonctionnement de la direction de la PJ, enquête n’ayant pas le caractère d’une procédure disciplinaire. Ces personnes avaient été avisées également que toutes les notes qui seraient prises au cours de leurs auditions ne donneraient pas lieu à des procès-verbaux et constituaient de simples notes à usage personnel. Aucune d'entre elles n'avait en conséquence signé de déposition. Ses notes personnelles, de même que celles de la collaboratrice qui l'avait assisté, ne constituaient pas des documents au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD. S’agissant des autres documents qui avaient été portés à sa connaissance au cours de l’exécution de sa mission, la plupart par le truchement du DI, elles concernaient pour beaucoup des procédures disciplinaires dont certaines étaient encore en cours et leur communication heurterait clairement la protection de la sphère privée, au sens de l’art. 26 al. 2 let. g LIPAD.

25. Invité à se déterminer sur cette écriture, le DI a répondu le 5 décembre 2007 qu’il n’avait aucun commentaire à formuler.

26. La médiatrice en a fait de même le 17 décembre 2007.

27. Quant à M. C______, il a répondu le 21 décembre 2007.

Le Tribunal administratif ne saurait se contenter des assertions de M. Z______, sauf à violer le droit d’être entendu du recourant et à commettre un déni de justice formel. Il persistait donc dans ses conclusions préalables et la juridiction compétente devrait avoir accès aux documents dont la confidentialité était alléguée pour s’assurer que les clauses d’exclusion de la LIPAD étaient remplies. Il contestait que tel fût le cas. Enfin, la protection de la sphère privée des autres personnes interrogées ou ayant fait l’objet d'une enquête disciplinaire ne saurait lui être opposée sauf violation de ladite loi puisqu’il avait déjà été amené à connaître, dans le cadre de ses fonctions de chef de la PJ, de chacune des procédures évoquées. De plus, le rapport d’audit contenait lui-même de nombreuses références et citait la quasi-totalité des personnes étant intervenues dans lesdites procédures. Enfin, le rapport d'audit avait été publié sur internet sans que le recourant, qui y était nommément visé, n’ait été invité à se prononcer sur son contenu. Il n’était donc pas admissible qu’on lui oppose la sphère privée d’autres personnes, sauf à permettre à l’autorité intimée de se comporter contrairement aux règles de la bonne foi.

28. Le 4 mars 2008, le tribunal de céans a rendu un arrêt sur partie. Il a déclaré irrecevables les conclusions 3, 6 et 7 du recours précité, et mis hors de cause le Conseil d'Etat. Il a également appelé en cause M. Z______ et imparti à ce dernier, un délai au 15 avril 2008 pour produire l'intégralité de son dossier auquel les parties n'auraient pas accès tant qu'un jugement définitif et exécutoire ne leur aurait pas accordé un tel droit (ATA/102/2008).

29. Cet arrêt a été déféré par devant le Tribunal fédéral par M. C______, le 25 mars 2008.

Il contestait l'irrecevabilité des conclusions précitées et la mise hors de cause du Conseil d'Etat.

30. Le 4 avril 2008, M. Z______ a également recouru contre cet arrêt.

Il estimait ne pouvoir être appelé en cause et considérait ne pas devoir transmettre son dossier au tribunal.

31. Par deux arrêts séparés datés du 12 août 2008, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de M. C______ et déclaré irrecevable celui de M. Z______, impartissant à ce dernier un délai au 15 septembre 2008 pour produire son dossier au Tribunal administratif (arrêt du Tribunal fédéral 1C.149/2008 du 12 août 2008).

32. Le 15 septembre 2008, M. Z______, refusant d'obtempérer à l'arrêt du Tribunal fédéral, a sollicité du tribunal de céans un délai pour se prononcer sur les raisons pour lesquelles il s'opposait à la production de son dossier devant lui.

33. Cette demande a été refusée par le tribunal, qui a enjoint une nouvelle fois M. Z______ à exécuter l'arrêt du Tribunal fédéral en produisant l'intégralité de son dossier, y compris ses notes personnelles.

34. Le 22 septembre 2008, M. Z______ s'est opposé à cette production, alléguant qu'il était intervenu comme avocat dans l'établissement du rapport d'audit, soit sur la base d'un mandat de droit privé, et que les règles sur le secret professionnel l'empêchaient de s'exécuter.

35. Le 8 octobre 2008, M. C______ a demandé l'exécution de l'arrêt du Tribunal fédéral.

36. Le 15 octobre 2008, le DI a transmis au tribunal le dossier qu'il avait donné à M. Z______ pour l'exécution de son mandat, ainsi que douze fourres jaunes que ce mandataire lui avait remis au terme de celui-là, contenant les documents qu'il avait reçus de la part des personnes auditionnées. Aucune note personnelle ni procès-verbaux des auditions effectuées, même non signés, n'étaient joints.

37. Interpellé sur le refus de M. Z______ de s'exécuter, le département a déclaré adhérer à la position de son mandataire.

Il avait en effet engagé ce dernier sur la base d'un mandat de droit privé et non comme agent de l'Etat. Les règles sur le secret professionnel étaient donc pleinement applicables. Il n'existait aucun devoir pour M. Z______, qui n'avait pas agi dans le cadre d'une enquête administrative, de rendre ses notes personnelles au département et, encore moins, de les transmettre au tribunal de céans.

38. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La recevabilité du recours a déjà été admise.

Droit d'accès fondé sur la LIPAD :

2. Le recourant considère que la LIPAD lui confère un droit d'accès aux documents sur lesquels M. Z______ s'est fondé pour faire son rapport d'audit, y compris les notes personnelles prises par cet expert lors des auditions effectuées.

Consécutivement à l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 août 2008 impartissant à M. Z______ un délai au 15 septembre 2008 pour produire son dossier, seule une partie de ce dernier a été versé à la procédure. Le présent arrêt sur partie statue sur la transmission au recourant des documents en mains du Tribunal de céans. Les autres pièces, que le département et M. Z______ ont refusé de remettre au juge-délégué font l'objet d'une décision séparée du même jour.

3. La LIPAD a fait l’objet de modifications le 9 octobre 2008, promulguées le 12 décembre 2008, mais dont l'entrée en vigueur n'a pas encore été fixée. Partant, c’est la LIPAD dans sa teneur actuelle qui sera appliquée au présent recours.

4. Selon l’art. 24 LIPAD, toute personne a accès aux documents en possession des institutions, dont fait notamment partie le département des institutions (art. 2 al. 1er let. a LIPAD), sauf exception prévue ou réservée par cette loi (art. 24 al. 1 LIPAD). L’accès comprend la consultation sur place des documents et l’obtention de copies des documents (art. 24 al. 2 LIPAD).

5. L'art. 25 LIPAD stipule que les documents sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1). Sont notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). En revanche, les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux encore non approuvés ne constituent pas des documents (al. 4).

En l'espèce, le dossier en mains du tribunal est composé des pièces suivantes :

courriers électroniques entre employés de l'Etat, dont plusieurs ont M. C______ comme auteur ou destinataire (pièces 1) ;

procédures disciplinaires et pénales engagées par ou à l'encontre de policiers (courriers d'avocats, de magistrats, procès-verbaux d'auditions, d'instructions pénales, de comparution, jugements du Tribunal de police, etc. ; pièces 2) ;

liste interne des procédures conduites par l'inspection générale des services à l'encontre de policiers (pièces 3) ;

notes internes de service les concernant (pièces 4) ;

article de presse du journal Le Temps du 28 août 2004 (pièce 5) ;

article paru dans "news", journal interne de la police, "La vie de la maison", du 28 septembre 2006 (pièce 6) ;

correspondances entre un particulier et l'Etat (lettre de candidature au poste de chef de la police judiciaire à Madame Micheline Spoerri du 24 novembre 2003 ; pièce 7) ;

courrier du syndicat de la police judiciaire à Madame B______ du 28 septembre 2006 (pièce 8) ;

lettre adressée par la caisse de pension des fonctionnaires de police et de la prison à Monsieur Michel Graber du 16 juillet 2004 (pièce 9) ;

organigrammes de la police et de son Etat-major (pièces 10) ;

mémos et documents de travail concernant la réforme des procédures disciplinaires (pièces 11) ;

curriculum vitae de Monsieur T______ du 23 novembre 2006 (pièce 12) ;

arrêté de nomination de M. C______ du 25 août 2004 en qualité de chef de la police judiciaire (pièce 13) ;

avis de droit de Monsieur Thierry Tanquerel concernant la prescription des procédures disciplinaires fondées sur la loi genevoise sur la police, de janvier 2005 (pièce 14) ;

rapports de chefs de brigades établis à l'attention de M. C______ au sujet d'un policier (pièces 15) ;

publication de la vacance du poste de chef de la police judiciaire sur le site http://bpv.geneve.ch/offpers/ebpv/RHA/viewPV.asp, du 6 novembre 2003 (pièce 16).

6. Bien que cette circonstance ne puisse influer sur le sort de la cause, il est à noter que tous ces documents, ou une très grande partie d'entre eux, ont été vraisemblablement connus de M. C______ au moment où il était en fonction.

7. Il convient maintenant de déterminer si ces pièces constituent des documents au sens de la LIPAD.

a. Les courriers électroniques figurant dans le dossier litigieux sont des messages envoyés d'un collaborateur à l'autre au sein de la police. Au vu de leur contenu, ces communications n'ont rien des documents dont la loi donne une liste exemplative (messages officiels, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions). Ils constituent des échanges informels entre les membres du personnel de l'administration et ne revêtent pas la qualité de documents au sens de cette loi (art. 25 al. 4 LIPAD ; pièces 1).

b. Il en va de même des notes de service - ou "mémos" personnels - établis par les membres de l'administration et qui sont préparatoires à l'établissement des documents susmentionnés. Ces notes constituent des brouillons non achevés qui ne sont pas visés par le droit d'accès institué par la LIPAD (art. 25 al. 4 LIPAD ; pièces 4 et 11).

8. Les autres pièces sont des documents au sens de la LIPAD (art. 25 al. 2 LIPAD). Il convient maintenant d'examiner si elles peuvent être transmises sur la base de cette loi.

9. La LIPAD a pour but de favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique (art. 1 LIPAD). En édictant cette loi, le législateur a érigé la transparence au rang de principe aux fins de renforcer tant la démocratie que le contrôle de l’administration et de valoriser l’activité étatique et favoriser la mise en œuvre des politiques publiques (Mémorial des séances du Grand Conseil 2000 45/VIII 7671ss). Il s’agissait notamment d’accroître l’intérêt des citoyens pour le fonctionnement des institutions et de les inciter à mieux s’investir dans la prise de décisions démocratiques (ATA/47/2009 du 27 janvier 2009 consid. 4 ; ATA/48/2003 du 21 janvier 2003, publié in SJ 2003 I 475 ; P. MAHON, Les enjeux du droit à l’information, in : L’administration transparente, Genève, Bâle, Munich 2002, p. 29). Le principe de transparence est un élément indissociable du principe démocratique et de l’Etat de droit prévenant notamment des dysfonctionnements et assurant au citoyen une libre formation de sa volonté politique (ATA/307/2008 du 10 juin 2008 ; A. FLUCKIGER, Le projet de loi sur la transparence in : L’administration transparente, op. cit., p. 142).

10. L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité. Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu et fait l’objet d’exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/47/2009 du 27 janvier 2009 consid. 4 ; ATA/307/2008 du 10 juin 2008 consid. 3 ; MGC 2000/VIII 7694).

11. Selon l'art. 26 al. 1er LIPAD, sont soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose. Tel est le cas, notamment, lorsque cet accès est propre à porter atteinte à la sphère privée ou familiale (art. 26 al. 2 let. g LIPAD ; ATA/47/2009 du 27 janvier 2009 consid. 7).

12. Dans le domaine de la LIPAD, l'intérêt personnel et la qualité du demandeur n'interfèrent en aucune manière dans l'examen de ces conditions. Bien que le cercle des bénéficiaires de l’accès à l’information n’est pas précisé dans le texte de ces dispositions (ATA/621/2005 du 20 septembre 2005 consid. 3), l’exposé des motifs figurant dans le rapport du Conseil d’Etat à l’appui du projet de loi précise que le droit d’accès aux documents est un droit reconnu a chacun, sans restriction liée notamment à la démonstration d’un intérêt digne de protection du requérant. Dès lors qu’un document doit être considéré comme accessible à une personne en vertu du principe de la transparence (et non en vertu des dispositions sur la protection des données personnelles ou des droits inhérents à la qualité de partie à une procédure), il n’y a pas de raison d'en refuser l’accès à d’autres personnes. Les exceptions prévues à l’art. 26 LIPAD constituent ainsi des clauses de sauvegarde pour les informations qui ne doivent pas être portées à la connaissance du public (ATA/621/2005 du 20 septembre 2005 consid. 3 ; MGC 2000/VIII, Volume des débats, séance 45, pp. 7691-7692). Dès lors, ce qui est décisif dans l’application de la LIPAD, c’est le contenu même de l’information sollicitée, et non la qualité du requérant (F. BELLANGER, note à propos de l’ATA/752/2004 précité, in SJ 2005 I p. 137 ss ; ATA/621/2005 du 20 septembre 2005 consid. 3).

13. En l'espèce, tombent clairement sous le coup de l'exception visée à l'art. 26 al. 2 let. g LIPAD, les documents ayant trait aux procédures pénales et disciplinaires engagées contre des policiers (pièces 2, 3, 4 et 15).

14. Il en va de même de la lettre adressée par la caisse de pension des fonctionnaires de police et de la prison à Monsieur Michel Graber du 16 juillet 2004 (pièce 9), du curriculum vitae de M. T______ (pièce 12), ainsi que la lettre de candidature adressée à Mme Spoerri, datée du 24 novembre 2003 (pièce 7). En effet, ces documents comportent des éléments personnels dont la divulgation serait propre à porter atteinte à la sphère privée ou familiale des personnes concernées (art. 26 al. 2 let. g LIPAD).

15. Toutes les autres pièces peuvent en revanche être communiquées, car aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s'y oppose.

16. En conclusion, peuvent être transmises à M. C______, sur la base de la LIPAD, les pièces nos 5, 6, 8, 10, 13, 14 et 16.

Droit d'accès fondé sur le droit d'être entendu :

17. Le recourant allègue également disposer d'un droit d'accès à l'intégralité du dossier fondé sur le droit d'être entendu.

18. Selon l'art. 41 LPA, les parties - au sens de l'art. 7 LPA - ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé, de prendre connaissance du dossier (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). L'invocation de ce droit est subordonnée à l'existence d'une procédure administrative ; l'"audit" ne serait autre, dans ce cadre, qu'une enquête administrative n'ayant respecté ni les droits des parties, ni les règles régissant l'établissement des faits (art. 27 al. 1er de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; 18 et ss LPA ; ATA/415/2008 du 26 août 2008).

Cette solution ne saurait être retenue en l'espèce. En effet, même si l'on peut admettre se trouver dans une situation où cette question peut certes se poser, plusieurs indices laissent penser qu'il ne s'agissait pas, au départ, d'enquêter sur M. C______, lequel a d'ailleurs adhéré à la démarche proposée, initiée dans le but d'identifier les dysfonctionnements qu'il avait lui-même observés au sein de l'Etat-major. Il est compréhensible, dans le contexte des tensions qui régnaient à ce moment-là au sein de la direction du PJ, qu'une pré-enquête, établie par un tiers dans ce dernier but, soit apparue comme une mesure adéquate. Il apparaît ainsi que l'audit litigieux a été conçu par le département dans le but de rassembler des informations permettant de déterminer, cas échéant, si l'ouverture d'une enquête administrative, dirigée contre l'un ou l'autre des membres de l'Etat-major de la police judiciaire, se justifiait ; il ne s'agissait pas, dans le mandat qui était donné, d'incriminer une personne en particulier. Dans une telle pré-enquête interne à l'administration, aucune des personnes entendues n'est partie et dispose des droits attachés à cette qualité. Le corollaire de cette qualification est que l'autorité ne peut pas, sous peine de violer les règles sur l'établissement des faits et les garanties offertes par la loi aux employés et aux fonctionnaires de l'Etat, s'appuyer sur le rapport rendu au terme d'une telle démarche, pour prendre une quelconque décision à l'encontre d'un employé ou d'un fonctionnaire qui s'y trouverait incriminé. En effet, de tels audits, fondés sur des auditions effectuées sans procès-verbaux et sur des actes d'instruction non contradictoires, ne peuvent fonder que des soupçons justifiant, le cas échéant, l'ouverture d'une enquête administrative au sens de l'art. 27 LPAC ; ils ne peuvent remplacer, sans vider cette disposition de sa substance, l'ouverture d'une enquête administrative, menée en bonne et due forme.

La procédure d'audit ne constituant en l'espèce qu'une pré-enquête interne à l'administration, dans laquelle aucune personne n'était formellement partie, aucun droit de consulter le dossier détenu par M. Z______ sur cette base ne saurait être accordé.

19. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis concernant les pièces du dossier dont le présent arrêt sur partie traite le droit d'accès. Il appartiendra au DI de transmettre au recourant les pièces mentionnées ci-après dans le dispositif du présent arrêt lorsque celui-ci sera devenu définitif et exécutoire.

20. Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 37 al. 5 LIPAD). Une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de l'Etat de Genève, sera par ailleurs allouée au recourant, qui obtient partiellement gain de cause (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 juillet 2007 par Monsieur C______ contre la décision du département des institutions du 22 juin 2007 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

dit que le président du département des institutions doit remettre à M. C______ une copie des documents suivants :

article de presse du journal Le Temps du 28 août 2004 ;

article paru dans "news", journal interne de la police, "La vie de la maison", du 28 septembre 2006 ;

courrier du syndicat de la police judiciaire à Madame B______ du 28 septembre 2006 ;

organigrammes de la police et de son Etat-major ;

arrêté de nomination de M. C______ du 25 août 2004 en qualité de chef de la police judiciaire ;

avis de droit de Monsieur Thierry Tanquerel concernant la prescription des procédures disciplinaires fondées sur la loi genevoise sur la police, de janvier 2005 ;

publication de la vacance du poste de chef de la police judiciaire sur le site http://bpv.geneve.ch/offpers/ebpv/RHA/viewPV.asp, du 6 novembre 2003.

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, au département des institutions, à M. Z______, appelé en cause, ainsi qu’à la médiatrice en matière d'information du public et d'accès aux documents.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Dumartheray, juges et M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :