Décisions | Assistance juridique
DAAJ/11/2025 du 27.01.2025 sur AJC/5487/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2526/2024 DAAJ/11/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU LUNDI 27 JANVIER 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée c/o Madame B______, ______, représentée par Me C______, avocate,
contre la décision du 11 octobre 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. A______ (ci-après : la recourante), ressortissante suisse née le ______ 1987 à Genève, et D______, sont les parents non mariés de E______, né le ______ 2021, et F______, née le ______ 2023.
Les parents détiennent l'autorité parentale conjointe sur les enfants.
Le couple s'est séparé et réconcilié à de multiples reprises. Selon le dossier soumis à la Cour, le couple est séparé depuis août 2024.
b. Le Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi ou le Service) suit la situation des mineurs depuis mai 2021, hors mandat judicaire. En raison de difficultés d'adaptation et d'organisation de la recourante dans la gestion du quotidien des enfants, ces derniers ont fait l'objet de placements mère-enfant, [au foyer] G______ pour E______ en octobre 2022, durant quelques semaines, et [au foyer] H______ pour F______ de mars à septembre 2023.
Les enfants résident actuellement chez leur père.
c. Par décision sur mesures superprovisionnelles DTAE/6912/2024 du 24 septembre 2024 rendue dans la cause C/1______/2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le TPAE) a ordonné – sur préavis du SPMi (cf. let. d ci-dessous) – les mesures de protection suivantes en faveur des mineurs – notamment des curatelles d'assistance éducative et d'organisation et surveillance du droit de visite ainsi que des suivis psychothérapeutique, psychomoteur et de pointage du développement –, fixé un droit aux relations personnelles entre la mère et ses enfants à une demi-journée, sur le week-end, avec passage au Point rencontre, exhorté les parents à un travail de coparentalité et pris acte de l'accord des parents quant à la garde de fait exercée par le père.
d. Cette ordonnance a été rendue à la suite d'un signalement de la situation des mineurs effectué le même jour par le SPMi, à l'issue duquel, ledit Service a préavisé les mesures de protection susmentionnées afin de soutenir les parents dans l'éducation des enfants et de surveiller le développement des mineurs, lequel soulevait des inquiétudes.
Le SPMi a notamment relevé la relation difficile entre les parents et la collaboration fluctuante, principalement du père concernant le suivi des enfants. Le Service a aussi questionné les compétences parentales du précité ainsi que sa prise en charge des enfants.
Sur les mesures préavisées, le SPMi a indiqué que les parents n'avaient pas émis d'opposition. Ils s'étaient, par ailleurs, accordés sur les modalités du droit de visite mère-enfant.
e. Le 26 septembre 2024, la recourante, assistée de Me C______, a sollicité l'assistance juridique pour une procédure pendante auprès du TPAE concernant ses enfants, E______ et F______ (cause C/1______/2021).
La recourante a notamment expliqué avoir par le passé consenti à des placements mère-enfant au sein des foyers G______ et H______, puis à leur placement auprès de leur père. Au cours de l'année 2023-2024, elle avait néanmoins constaté une consommation importante d'alcool de la part de ce dernier ainsi que des comportements agressifs à son encontre, tant verbalement que physiquement. Elle souhaitait aujourd'hui s'assurer que ses enfants étaient protégés et en bonne santé et également solliciter un élargissement de son droit de visite, voire une attribution de la garde en sa faveur. L'Hospice général l'avait d'ailleurs encouragée à saisir le TPAE afin de pouvoir bénéficier d'un logement adéquat lui permettant d'accueillir ses enfants, la recourante étant actuellement hébergée par sa sœur.
B. Par décision du 11 octobre 2024, reçue le 17 du même mois par la recourante, la vice-présidence du Tribunal civil a admis la recourante au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 26 septembre 2024, a limité cet octroi à la prise en charge des frais judiciaires qui seraient éventuellement mis à la charge de la recourante et ce, jusqu'à la première décision au fond rendue par le TPAE, a rejeté la prise en charge des honoraires d'avocat et en a informé Me C______.
Il a été retenu que l'assistance d'un avocat ne semblait pas nécessaire pour les démarches envisagées consistant à adresser au TPAE – un simple courrier dans lequel la recourante – âgée de 37 ans et de nationalité suisse – pouvait se déterminer sur les mesures ordonnées à titre superprovisionnel, auxquelles elle s'était déclarée favorable, solliciter cas échéant un élargissement de son droit de visite et faire part de ses inquiétudes au Tribunal quant au comportement de son ancien compagnon.
La recourante apparaissait, en outre, en mesure de comparaître en personne à l'audience qui serait convoquée par le TPAE – en se faisant accompagner si nécessaire par une personne de confiance comme soutien moral – dès lors que le TPAE, qui établit d'office les faits, peut procéder à toutes mesures probatoires utiles pour ce qui concerne le sort des enfants ainsi qu'exercer la police de l'audience. La recourante pourrait, si besoin, solliciter l'aide d'un organisme à vocation sociale, voire de son assistant social, si elle devait néanmoins rencontrer des difficultés.
Il a encore été relevé que le père des mineurs procédait en personne, de sorte que l'égalité des armes n'exigeait pas que la recourante soit assistée d'un avocat.
C. a. Par acte expédié le 28 octobre 2024 à la Présidence de la Cour de justice, recours est formé contre cette décision. La recourante a conclu à l'annulation de la décision précitée en tant qu'elle rejette la requête d'assistance juridique pour la prise en charge des honoraires d'avocat. Elle a sollicité l'octroi de l'assistance juridique pour ses frais d'avocat dans le cadre de la procédure pendante par-devant le TPAE (cause C/1______/2021), la nomination de Me C______ à la défense de ses intérêts et à la condamnation du Service de l'assistance juridique au paiement des frais judiciaires.
Elle a notamment fait valoir être particulièrement vulnérable en raison de sa fragilité émotionnelle et de sa précarité sociale actuelle, de sorte qu'elle ne pouvait être comparée à toute autre personne placée dans la même situation. Elle était déjà assistée par des organismes sociaux pour la gestion de son administratif et a encore soutenu que la situation des mineurs impliquait "des questionnements juridiques à venir s'agissant notamment des placements envisagés".
Elle a produit deux pièces nouvelles.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
c. Par pli du greffe de la Cour du 31 octobre 2024, la recourante a été avisée de ce que la cause avait été gardée à juger.
d. Par courrier du 23 janvier 2025, la recourante a indiqué à la Cour que malgré ses absences justifiées auprès du SPMi, le Point rencontre avait suspendu son droit de visite. Un rendez-vous entre les parents, les curatrices du SPMi et le Point rencontre était prévu le 28 janvier 2025. Le TPAE n'avait, en outre, pas encore fixé d'audience.
1. 1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et art. 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
En outre, le courrier de la recourante du 23 janvier 2025, postérieur à l'échéance du délai de recours et remis après que la cause ait été gardée à juger, est irrecevable, de même que les faits nouveaux qui y sont allégués.
3. 3.1. La fourniture d'un conseil juridique rémunéré par l'Etat suppose la réalisation de trois conditions : une cause non dénuée de chances de succès, l'indigence et la nécessité de l'assistance par un professionnel (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a et b CPC; ATF
141 III 560 consid. 3.2.1).
3.1.1 D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités). La nature de la procédure, qu'elle soit ordinaire ou sommaire, unilatérale ou contradictoire, régie par la maxime d'office ou la maxime des débats, et la phase de la procédure dans laquelle intervient la requête, ne sont pas à elles seules décisives (ATF 125 V 32 consid. 4b et les arrêts cités).
Le Tribunal fédéral a notamment considéré que la situation juridique d'une partie était susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave lorsque la procédure porte sur un retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant (art. 310 CC) ou un retrait de l'autorité parentale (art. 311 CC). Tel n'est en revanche pas le cas lorsqu'il s'agit de réglementer le droit aux relations personnelles du parent non gardien (art. 273 CC), à moins qu'un retrait de ce droit en application de l'art. 274 al. 2 CC soit envisagé (Wuffli/Fuhrer, Handbuch unentgeltliche Rechtspflege im Zivilprozess, 2019, p. 167, n. 481 ainsi que p. 174, note de bas de page 725, avec les arrêts cités).
La question de savoir si l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit auxquelles le requérant ne peut faire face seul doit par ailleurs être examinée de manière subjective, en fonction des connaissances et des capacités de ce dernier (Wuffli/Fuhrer, op. cit., p. 172, n. 490 et p. 177, n. 505 et les réf. citées). Lorsque la procédure porte sur l'exercice du droit de visite, il est rare que l'état de fait soit à tel point complexe que l'assistance d'un conseil juridique se justifie (Wuffli/Fuhrer, op. cit., p. 174, note de bas de page 725).
3.2. En l'espèce, la procédure engagée devant le TPAE, qui est régie par la maxime d'office, ne semble pas poser de difficultés telles que l'assistance d'un avocat soit nécessaire.
En effet, sur le plan factuel, le TPAE pourra procéder à toutes les mesures probatoires utiles pour établir les faits pertinents. Par ailleurs, la recourante souhaite requérir l'élargissement de son droit de visite, voire la garde des enfants, qui est pour le moment détenue par le père, étant relevé que le SPMi a déjà attiré l'attention du TPAE sur la question des compétences parentales du précité. Les questions juridiques à résoudre ne nécessitent ainsi pas de connaissances particulières et la situation juridique de la recourante n'est pas susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Contrairement à ce que cette dernière soutient, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que la question d'un éventuel placement des enfants dans le futur aurait été abordée par le TPAE ou le SPMi.
La recourante fait nouvellement valoir, en seconde instance, que son droit de visite aurait été suspendu par le Point rencontre, un rendez-vous étant prochainement appointé avec le SPMi et le Point rencontre. Or, ces faits nouveaux ne peuvent être pris en considération (cf. ch. 2 supra). Compte tenu des faits portés à la connaissance de l'autorité de première instance, c'est à juste titre qu'elle a considéré que la désignation d'un avocat rémunéré par l’Etat ne se justifiait pas.
Il est encore relevé que la recourante est de nationalité suisse et de langue maternelle française, et que concernant sa fragilité émotionnelle, elle a la possibilité de se faire accompagner à l'audience par une personne de confiance comme soutien moral (art. 68 al. 1 CPC; ATF 140 III 555 consid. 2.3 commenté par Bastons Bulletti in CPC online, Newsletter du 7 janvier 2015), cette position n'ayant pas à être spécifiquement tenue par un avocat. Ce n'est pas non plus le rôle de l'avocat d'assister la recourante dans ses problèmes d'organisation ni d'assurer un suivi avec le réseau; cette dernière pourra être assistée sur ces points par les organismes sociaux, qui l'aident déjà dans la gestion du quotidien.
Le principe de l'égalité des armes ne commande, par ailleurs, pas que la recourante soit représentée par un avocat, dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que le père des enfants envisagerait de recourir à l'aide d'un conseil juridique pour la suite de la procédure, ce qui n'est d'ailleurs pas plaidé.
Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 11 octobre 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2526/2024.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.