Décisions | Assistance juridique
DAAJ/152/2024 du 20.12.2024 sur AJC/4611/2024 ( AJC ) , RENVOYE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/1664/2024 DAAJ/152/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU VENDREDI 20 DECEMBRE 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, domicilié ______ [GE],
contre la décision du 26 août 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Par décision du 6 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a refusé d'octroyer l'assistance juridique à A______ (ci-après : le recourant) pour une procédure pendante auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) concernant son fils B______, né le ______ 2018 (cause C/1______/2019), au motif qu'il ne remplissait pas la condition d'indigence. D'après les éléments fournis, le recourant percevait 5'883 fr. 55 de revenus (2'313 fr. de rente de l'assurance-invalidité, et 3'570 fr. 55 de rente de la C______ [caisse de pension] et avait des charges totalisant 4'204 fr. (dont 300 fr. de pension alimentaire versée au SCARPA), de sorte que son disponible mensuel dépassait de 1'679 fr. 15 le minimum vital élargi.
b. Le 11 juin 2024, le recourant s'est adressé au TPAE pour demander qu'un avocat d'office lui soit assigné dans le cadre de la procédure pendante devant lui, sur la base de l'art. 69 al. 1 CPC. Il a notamment fait valoir que sa rente d'invalidité risquait de faire l'objet d'une saisie, au vu d'un jugement le condamnant à payer 88'942 fr. d'arriérés de pensions alimentaires à son ex-épouse.
Le TPAE a transmis cette demande au greffe de l'Assistance juridique, comme objet de sa compétence.
c. Par courrier du 24 juin 2024, le greffe précité a demandé au recourant de compléter, dans un délai échéant au 14 juillet 2024, le formulaire de demande d'assistance juridique et de lui fournir les justificatifs relatifs à ses charges mensuelles pour les trois derniers mois. Il lui était également demandé de spécifier en quoi sa situation financière divergeait de celle retenue dans la décision rendue le 6 février 2024, avec preuves à l'appui.
d. Par pli du 12 juillet 2024, le recourant a renvoyé le formulaire d'assistance juridique complété ainsi qu'une grande quantité de documents relatifs à sa situation financière. Il a notamment versé au dossier un avis de saisie le convoquant pour le 12 septembre 2024 à l'Office des poursuites, en lien avec une dette de 99'772 fr. 60 (intérêts compris) due en faveur de son ex-épouse. Comme charge nouvelle depuis la dernière décision rendue par l'Assistance juridique, il a invoqué les arriérés de cotisations AVS pour les années 2023-2024, à hauteur de 1'001 fr. 70 et 1'758 fr. 55. Il a par ailleurs fait valoir que ses revenus avaient baissé et ne totalisaient plus que 5'288 fr. 45 (2'313 fr. de rente de l'assurance-invalidité et 2'975 fr. 45 de rente de la C______).
Selon le budget présenté par le recourant, son disponible ne s'élèverait qu'à quelques 50 fr. par mois.
e. Par courrier du 16 juillet 2024, le greffe de l'Assistance juridique a demandé au recourant de lui fournir (d'ici le 5 août 2024) :
- les relevés détaillés de tous ses comptes bancaires;
- une explication sur le montant de 3'511 fr. 05 versé par la C______ le 27 juin 2024, au vu de la baisse de revenus alléguée;
- une copie des arrangements de paiement conclus avec l'administration fiscale cantonale pour les arriérés d'impôts non soldés;
- une copie de l'échéancier 2024 de ses acomptes provisionnels d'impôts;
- la preuve du paiement de ses charges admissibles (loyer, prime d'assurance-maladie, pension alimentaire, etc.) pour les mois de mai à juillet 2024.
f. Dans le délai imparti, le recourant a produit :
- un extrait de compte bancaire relatif au mois de juillet 2024, prouvant le paiement de sa prime d'assurance-maladie, de ses impôts, de divers montants en faveur du SCARPA et de montants en faveur de l'Office cantonal des assurances sociales, et la perception de sa rente AI (2'313 fr.) et de la rente de la C______ (2'975 fr. 45).
- la preuve du paiement de son loyer pour les mois de janvier à juillet 2024;
Le recourant a par ailleurs sollicité une prolongation de délai afin d'obtenir les justificatifs manquants. Il attendait en effet encore de connaître le montant de la saisie de revenus dont il ferait l'objet à compter du 12 septembre 2024, ainsi que la preuve de l'arrangement de paiement convenu avec le SCARPA et de ses paiements à ce service.
g. Le greffe de l'Assistance juridique a accepté de prolonger le délai accordé au recourant au 25 août 2024.
h. Par courrier du 23 août 2024, le recourant a requis une nouvelle prolongation de délai, au vu de sa convocation auprès de l'Office des poursuites le 12 septembre 2024, date à laquelle il connaîtrait le montant de la saisie qui serait opérée sur ses revenus. Il attendait en outre une attestation de la C______ démontrant que sa rente d'invalidité était "ponctionnée" de 595 fr. 10 depuis février 2024, afin de verser la pension alimentaire due en faveur de son fils.
Il a par ailleurs fourni divers documents, notamment un courrier de la C______, dont il résulte que la rente qui lui est versée s'élève à 2'975 fr. 45 et qu'une allocation unique de 536 fr. 60 lui a été versée en juin 2024 afin de compenser le renchérissement observé en 2023.
B. a. Par décision du 26 août 2024, notifiée au recourant le 29 du même mois et également expédiée à Me D______, avocat, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée, au motif que les éléments fournis par le recourant – représenté par un avocat – ne permettaient pas de se prononcer sur la situation financière actuelle du recourant.
b. Par courriel du 29 août 2024, Me D______ a indiqué au greffe de l'Assistance juridique qu'il n'était pas l'avocat du recourant et qu'il n'avait jamais été constitué dans une quelconque procédure pour défendre les intérêts de ce dernier, bien que ce celui-ci ait mentionné son nom dans sa requête d'assistance juridique.
C. a. Recours est formé contre la décision du 26 août 2024, par acte déposé le 6 septembre 2024 au greffe de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure devant le TPAE.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. 2.1.1. L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).
Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).
L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).
Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).
2.1.2. D'après l'art. 119 al. 2 CPC, le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. Aux termes de l'art. 7 al. 1 et 3 RAJ, la personne requérante doit fournir les renseignements et pièces nécessaires à l'appréciation des mérites de sa cause et de sa situation personnelle. Si la personne requérante ne respecte pas ces obligations ou ne fournit pas dans les délais impartis les renseignements ou pièces qui lui sont réclamés, sa requête sera déclarée infondée.
2.1.3. Dans le cadre de la procédure d'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est applicable. Elle est néanmoins limitée par le devoir de collaborer des parties résultant notamment des dispositions susmentionnées. Il doit ressortir clairement des écritures de la partie requérante qu'elle entend solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire et il lui appartient de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêts du Tribunal fédéral 4A_48/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.2; 5D_83/2020 du 28 octobre 2020 consid. 5.3.3; 4D_22/2020 du 29 juin 2020 consid. 4.2.2).
Le juge doit inviter la partie non assistée d'un mandataire professionnel dont la requête d'assistance judiciaire est lacunaire à compléter les informations fournies et les pièces produites afin de pouvoir vérifier si les conditions de l'art. 117 CPC sont valablement remplies. Ce devoir d'interpellation du tribunal, déduit de l'art. 56 CPC, vaut avant tout pour les personnes non assistées et juridiquement inexpérimentées. Le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_48/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.2; 4A_100/2021 du 10 mai 2021 consid. 3.2; 4A_622/2020 du 5 février 2021 consid. 2.4).
2.2. En l'espèce, le greffe de l'Assistance juridique a interpellé le recourant à deux reprises afin qu'il fournisse divers renseignements et justificatifs relatifs à sa situation financière. Le recourant a toujours donné suite à ces demandes dans les délais qui lui ont été impartis, en fournissant la plupart des éléments requis. Le recourant a d'emblée sollicité des prolongations de délai, car il savait qu'il allait faire l'objet d'une saisie à compter du 12 septembre 2024, ce qui allait impacter de manière importante sa situation financière, au vu de la dette de plus 90'000 fr. à rembourser à son ex-épouse. Le recourant a par ailleurs rendu vraisemblable que ses revenus avaient baissé depuis que la première décision d'assistance juridique avait été rendue.
Compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que l'autorité de première instance a considéré que le recourant n'avait pas satisfait à son devoir de collaborer. C'est également de manière erronée que cette autorité a retenu que le recourant était assisté d'un avocat pour ses démarches, puisqu'il ne ressort pas du dossier que le précité aurait été représenté par Me D______, avocat.
Par conséquent, le recours sera admis et la cause renvoyée à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire sur la quotité de la saisie de revenus dont le recourant fait l'objet et nouvelle décision.
3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 6 septembre 2024 par A______ contre la décision rendue le 26 août 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1664/2024.
Au fond :
Annule la décision entreprise et cela fait, statuant à nouveau :
Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.