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DAAJ/80/2024 du 06.08.2024 sur AJC/2526/2024 ( AJC ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/1189/2024 DAAJ/80/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 6 AOÛT 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______ [VD],
contre la décision du 8 mai 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Feu B______ était l'actionnaire unique de C______ SA, dont D______, fils de sa seconde épouse, A______, était administrateur unique.
b. Le 3 février 2015, il a conclu avec A______ une convention de donation/partage - cession d'actions prévoyant qu'il lui cédait la moitié du capital-actions de C______ SA et la moitié des droits et obligations qu'il possédait dans C______ SA, ainsi que la moitié de tous les droits rattachés à la propriété du capital-actions à l'encontre de la SA.
c. B______ est décédé le ______ 2018, laissant quatre héritières, à savoir A______ et ses trois filles issues de son premier mariage, E______, F______ et G______.
d. Par décision de la Justice de paix du 26 août 2019, confirmée par la Chambre de surveillance le 31 octobre 2019, Me H______ a été nommé représentant de la communauté héréditaire de feu B______ (ci-après : la communauté héréditaire).
e. Par jugement JTPI/9268/2023 rendu le 24 août 2023 (cause C/1______/2023), le Tribunal de première instance a notamment constaté la situation de carence de C______ SA (ci-après également : la société), ordonné la dissolution de ladite société et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite, dit que D______ n'avait plus qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société et nommé un liquidateur.
f. Par arrêt ACJC/1710/2023 du 20 décembre 2023, la Cour a annulé ledit jugement et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour nomination à C______ SA d'un commissaire, instruction et nouvelle décision.
g. Par ordonnance ORTPI/74/2024 du 18 janvier 2024, le Tribunal de première instance a désigné, à C______ SA, Me I______ en qualité de commissaire, prescrivant qu'il aurait pour mission de représenter la précitée dans la procédure jusqu'à droit jugé définitif et imparti à la société un délai de dix jours pour verser 5'000 fr. à l'Etat de Genève à titre de provision pour les frais et honoraires du commissaire, sous peine de dissolution. Cette ordonnance a été notifiée le 19 janvier 2024 à Me I______ et à Me H______, représentant de l'hoirie de feu B______, et le 24 janvier 2024 à C______ SA.
h. A l'issue du délai de dix jours, la provision de 5'000 fr. n'a pas été versée.
i. Un bref délai supplémentaire a été imparti le 11 mars 2024 à C______ SA pour procéder à cette avance, l'attention des parties étant encore expressément attirée sur le fait que le non versement de l'avance entraînerait la dissolution de la société.
j. L'avance n'a pas été versée dans le délai supplémentaire.
k. Par acte du 5 février 2024, A______ (ci-après : la recourante) et C______ SA ont formé appel contre l'ordonnance précitée, dont elles ont sollicité l'annulation.
l. Par arrêt ACJC/202/2024 du 14 février 2024, la Cour a rejeté la requête de A______ et C______ SA tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à ladite ordonnance.
m. Par jugement JTPI/4427/2024 du 8 avril 2024, notifié le 11 avril 2024 à Me H______, représentant de l'hoirie de feu B______, et le 18 avril 2024 à C______ SA, le Tribunal de première instance a notamment constaté la situation de carence de C______ SA, ordonné la dissolution de celle-ci et sa liquidation au motif que la provision de 5'000 fr. pour les frais et honoraires du commissaire nommé n'avait pas été versée dans le délai imparti et prolongé.
n. Par acte expédié le 29 avril 2024, la recourante a formé appel contre ce jugement auprès de la Cour de justice.
o. Parallèlement à cet appel, la recourante a sollicité, le 29 avril 2024, l'assistance juridique pour être dispensée du paiement des avances, des frais judiciaires et des sûretés en garantie des dépens.
B. Par décision AC/1189/2024 du 8 mai 2024, notifiée le 23 mai 2024 à la recourante, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée. Elle a considéré que l'appel qu'elle avait déposé le 29 avril 2024 était tardif puisque le jugement qu'elle attaquait avait été notifié à son conseil le 11 avril 2024 et que le délai de 10 jours applicable au cas d'espèce était arrivé à échéance le 22 avril 2024, les suspensions des délais prévues à l'art. 145 CPC ne s'appliquant pas.
C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 29 mai 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision AC/1189/2024 du 8 mai 2024 rendue par l'Assistance juridique dans la cause C/1______/2023 et à ce que l'assistance judiciaire totale lui soit accordée avec effet au 29 avril 2024, date du dépôt de l'appel.
Elle a exposé avoir pris connaissance du jugement JTPI/4427/2024 du 8 avril 2024 le 18 avril 2024 seulement, lors de la notification de la décision à C______ SA. Le représentant de la communauté héréditaire ne lui avait pas transmis le jugement auparavant.
La recourante produit des pièces nouvelles.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
3. 3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter ; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).
La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).
3.1.1. Le représentant de la communauté héréditaire est le représentant légal de la communauté; il gère celle-ci et l'administre, même sans l'assentiment des héritiers (Spahr, Commentaire romand, Code civil II, n. 75 ad art. 602 CC).
Lorsque la partie est représentée, les actes sont notifiés à son représentant (art. 137 CPC).
Le représentant au sens de l'art. 137 CPC peut être aussi bien un représentant conventionnel (art. 68 CPC) que légal (art. 67 al. 2 CPC) ou un représentant désigné par le tribunal (art. 69 al. 1, art. 118 al. 1 lit. c et art. 299 CPC).
3.1.2. L'acte est réputé notifié lorsqu'il a été remis au destinataire, à un de ses employés ou à une personne de seize ans au moins vivant dans le même ménage (art. 138 al. 2 CPC).
3.1.3. Si la décision a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC).
La procédure sommaire s'applique notamment pour les mesures ordonnées par le juge selon l'art. 731b CO (art. 250 let. c CPC).
Les délais déclenchés par la communication ou la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 142 al. 1 CPC). Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).
La suspension des délais ne s'applique pas à la procédure sommaire (art. 145 al. 2 let. b CPC).
3.2. En l'espèce, la recourante est, à la fois, membre de la communauté héréditaire, représentée par Me H______, laquelle est actionnaire de la moitié du capital-actions de la société, et, à la fois, personnellement actionnaire de la moitié du capital-actions de la société.
En tant que membre de la communauté héréditaire, la notification du jugement JTPI/4427/2024 du 8 avril 2024 a eu lieu au moment de la notification au représentant de la communauté héréditaire, soit le 11 avril 2024. En revanche, en tant qu'actionnaire de la société, le jugement ne lui a pas été notifié mais il l'a été à la société elle-même, le 18 avril 2024. Dans la mesure où la société se trouve en situation de blocage, la recourante étant en litige avec les autres héritiers et le représentant de la communauté héréditaire, et que la société ne dispose plus d'administrateur – raison pour laquelle le Tribunal a nommé un commissaire et ordonné qu'une provision soit payée – on ne saurait d'emblée retenir que la recourante aurait agi tardivement.
En effet, le délai d'appel est arrivé à échéance le 22 avril 2024, respectivement le 29 avril 2024. L'acte d'appel de la recourante ayant été déposé à cette dernière date, les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près s'agissant de la recevabilité de l'appel.
Le recours sera donc admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à la Vice-présidence du Tribunal civil pour examen des autres conditions de l'assistance juridique, y compris s'agissant des chances de succès au fond de l'appel.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 29 mai 2024 par A______ contre la décision rendue le 8 mai 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1189/2024.
Au fond :
Annule la décision entreprise et, cela fait, statuant à nouveau :
Renvoie la cause à la Vice-présidence du Tribunal civil pour nouvelle décision.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.