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Décisions | Assistance juridique

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AC/493/2024

DAAJ/61/2024 du 12.06.2024 sur AJC/1487/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/493/2024 DAAJ/61/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 12 JUIN 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

A______ SA, sise ______ [GE],

 

contre la décision du 14 mars 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPI/15290/2022 rendu le 22 décembre 2022 par le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) dans la cause C/1______/2020-CJC/1, A______ SA, anciennement B______ SA (ci-après : la recourante) a été condamnée à payer à sa partie adverse, avec suite de frais judiciaires et dépens, une douzaine de montants, à concurrence de 25'985,42 EUR, plus intérêts, et ses oppositions formées à deux commandements de payer ont été définitivement levées.

b. Le 16 février 2024, la recourante, représentée par son administrateur unique, a sollicité l'assistance juridique à l'appui d'un appel formé contre ce jugement, afin d'être dispensée du paiement de l'avance de frais, et, subsidiairement, obtenir la désignation d'un conseil juridique.

Elle a déclaré ne pas pouvoir payer une avance de frais de 1'800 fr., parce que son chiffre d'affaires en 2024 serait vraisemblablement inférieur au montant de 6'900 fr., ce qui avait déjà été le cas en 2023, et a produit son compte de résultat au 31 décembre 2023.

B.            Par décision du 14 mars 2024, notifiée le 26 mars 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée.

Selon cette décision, l'assistance juridique a été refusée à la recourante parce qu'en sa qualité de personne morale, le litige au fond ne concernait pas son seul actif, mais des dettes dont un tiers se prétendait être titulaire à son égard.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 28 mars 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut implicitement à l'annulation de la décision du 14 mars 2024 et persiste à solliciter l'exonération des frais judiciaires et, subsidiairement, la nomination d'un avocat d'office.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidence soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Selon la recourante, elle remplit les exceptions réservées à l'octroi de l'assistance juridique aux personnes morales, parce qu'à défaut, elle ne pourrait pas se défendre à l'encontre de prétentions élevées, à son sens, abusivement, et qui menacent sa survie. Affirmant être en grandes difficultés financières depuis la crise du Covid, elle devrait impliquer les quelques actifs à sa libre possession (sans saisie, ni actes de défaut de biens) dans le procès, car leurs cessions deviendraient obligatoires et urgentes pour financer la procédure. Enfin, son administrateur, non juriste, ne dispose que de connaissance juridiques limitées.

2.1. D'après l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause ne paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'assistance judiciaire n'est en principe pas accordée aux personnes morales (ATF 131 II 306 consid. 5.2; 126 V 42 consid. 4; 119 Ia 337 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023).

L'assistance judiciaire relève de la solidarité sociale à l'égard de ceux qui ne pourraient assumer les frais de la procédure sans entamer les ressources qui sont nécessaires pour mener une vie décente. La situation est fondamentalement différente pour les personnes morales, lesquelles, en cas d'insolvabilité ou de surendettement, sont seulement exposées à la faillite (arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023).

Pour tenir compte d'avis divergents exprimés dans la doctrine, la jurisprudence n'a pas exclu d'octroyer l'assistance judiciaire à une personne morale, mais à certaines conditions restrictives. Il faut, notamment, que son seul actif soit en litige et que les personnes physiques qui en sont les ayants droit économiques soient sans ressources. La jurisprudence a précisé que le cercle des ayants droit économiques de la personne morale dont l'indigence était requise devait être défini de manière large et comprendre les sociétaires ou les actionnaires, les organes ou les créanciers intéressés à la procédure (ATF 131 II 306 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1). Il incombe à la personne morale de définir quelles sont les "personnes intéressées économiquement" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2023 du 7 juillet 2023). L'assistance judiciaire doit aussi être refusée aux personnes morales lorsque la procédure pour laquelle elle est requise ne garantit pas leur survie (ATF 143 I 328 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 2C_700/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3.1; 4A_173/2023 du 7 juillet 2023 et la référence citée).

Dans l'arrêt 2C_700/2023 du 25 janvier 2024, le Tribunal fédéral a refusé l'assistance juridique à une société anonyme qui avait invoqué un défaut de liquidités, produit le refus d'une augmentation de crédit par un organisme bancaire et évoqué des difficultés à la reprise des affaires après la période "Covid".

Selon la juridiction fédérale, l'assistance juridique pourrait éventuellement être accordée à une administration de la faillite ou à un créancier cessionnaire au sens de l'art. 260 LP, afin de faire valoir au fond une créance dans le cadre d'un procès ayant des chances suffisantes de succès (ATF 119 Ia 337 consid. 4e).

2.2. En l'espèce, la recourante est une société anonyme, de sorte que c'est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil a examiné les conditions d'octroi restrictives de l'assurance juridique aux personnes morales.

La recourante sollicite notamment l'exonération du paiement de l'avance de frais fixée à 1'800 fr. à la suite de son appel à l'encontre du jugement du 22 décembre 2022, qui l'a condamnée à payer une somme totale de 25'985,42 EUR à sa partie adverse et levé définitivement les oppositions qu'elle avait formées à deux commandements de payer.

Or, l'appel pendant devant la seconde instance ne concerne pas l'unique actif de la recourante, ainsi que la vice-présidente du Tribunal l'a relevé avec raison, mais le recouvrement de créances requises par sa partie adverse.

De plus, en application de la jurisprudence fédérale sus-évoquée, l'assistance juridique n'est pas accordée en cas de défaut de liquidités de la personne morale, d'un refus de crédit ou de difficultés à la reprise des affaires après la période "Covid".

En tout état de cause, l'absence de ressources de son administrateur unique n'a été ni alléguée ni démontrée.

Il s'ensuit que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas violé la loi en refusant l'octroi de l'assistance juridique à la recourante.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 28 mars 2024 par A______ SA contre la décision rendue le 14 mars 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/493/2024.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ SA de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ SA (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.