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Décisions | Assistance juridique

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AC/1170/2023

DAAJ/38/2024 du 17.04.2024 sur AJC/5775/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1170/2023 DAAJ/38/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 17 AVRIL 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, représentée par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 20 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), née le ______ 1982, a été engagée en 2016, pour une période d'essai de deux ans, comme agente de police municipale de la Commune de C______, devenue la police municipale.

Au terme de sa formation, elle a été affectée à un poste de police municipale, où ses compétences ont été estimées insuffisantes.

b. Le 9 août 2017, la recourante a été transférée au poste de D______. Son supérieur hiérarchique était le caporal E______ (ci-après : le supérieur hiérarchique), lui-même subordonné au sergent F______.

Le 28 août 2017, l'entretien d'évaluation de la recourante a conclu à son inaptitude à exercer la fonction d'agente de police municipale.

c. Le 1er décembre 2017, l'évaluation de la recourante, effectuée par son supérieur hiérarchique, en collaboration avec le sergent F______, a retenu qu'elle ne répondait pas aux exigences de sa fonction.

Le 11 décembre 2017, la recourante a contesté, sur quatorze pages, les griefs qui lui ont été adressés.

d. Le 16 décembre 2017, à 2h38 (du matin), le supérieur hiérarchique, répondant à un message électronique de F______, a écrit : "Chaud les 14 pages de A______ [prénom], cette personne est vraiment mythomane et joue à fond la victime seule contre tous". En cliquant par mégarde sur le bouton "répondre à tous", son courriel a été également expédié à l'ensemble des destinataires du message initial de F______, soit six agents de la police municipale, dont la recourante.

e. Le 15 mars 2018, la recourante a déposé une plainte pénale pour atteinte à l'honneur à l'encontre de son supérieur hiérarchique (P/1______/2018).

f. Les rapports de service de la recourante ont été résiliés, avec effet au 31 juillet 2018. Elle a contesté en vain son licenciement auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ATA/2______/2020 du 13 octobre 2020).

g.a. Par ordonnance pénale du 16 avril 2019, le supérieur hiérarchique a été reconnu coupable de diffamation et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 160 fr. et mis au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve de trois ans. Il a été condamné à une amende de 960 fr., représentant une peine privative de liberté de substitution de six jours, et à 520 fr. de frais de procédure. La recourante a été renvoyée à agir par la voie civile s'agissant de ses éventuelles prétentions.

Il ressort de cette ordonnance pénale que le supérieur hiérarchique avait présenté ses excuses, par message électronique du 21 septembre 2018, à tous les destinataires de son courriel du 16 décembre 2017. Il avait également remis au Ministère public la copie d'une lettre, ni datée, ni signée, adressée à la recourante pour s'excuser.

g.b. Le supérieur hiérarchique a reçu un avertissement de la Commune de C______, à une date non précisée.

h. La note d'honoraires de Me B______, avocat, pour son activité du "3 décembre 2020 au 30 juin 2020" [sic; recte : du 12 mars 2018 au 24 juin 2020], s'est élevée à 15'448 fr. 64 pour la représentation de la recourante, dans le cadre de la procédure pénale, selon la précision de son conseil.

B. Le 15 décembre 2021, la recourante, par l'intermédiaire de son conseil, a assigné son ex-supérieur hiérarchique par devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), en paiement des sommes de 15'448 fr. 64 (note d'honoraires), 15'000 fr. (tort moral), prétentions augmentées d'un intérêt à 5% l'an dès le 16 décembre 2017, ainsi qu'au paiement de 10'000 fr. à titre de dépens (C/3______/2021).

La recourante a, notamment, exposé avoir subi un préjudice moral très important du fait du comportement de son supérieur hiérarchique, qui l'avait volontairement diffamée en la traitant de "mythomane", dans un courriel adressé "à près de sept agents de la police municipale (…) au sein de laquelle celle-ci servait à l'époque (…)".

Elle avait dû être prise en charge "pendant de très longs mois" par le Dr G______, médecin psychiatre, avait été "meurtrie" par les propos de son ex-supérieur hiérarchique et son état de santé avait été "fortement impacté (…), "d'autant plus qu'elle n'aurait jamais imaginé un tel comportement de son supérieur direct à son égard". Il l'avait "publiquement dévalorisée (…)" et elle "n'a[vait] plus osé croiser le regard de ses collègues".

A titre d'offre de preuves, elle a mentionné des "documents à produire" et a sollicité l'audition du Dr G______.

C. a. Le 17 avril 2023, la recourante, par l'intermédiaire de son conseil, a requis l'assistance juridique pour l'avance de frais de conciliation de 200 fr., ainsi que les frais de procédure et honoraires d'avocat à venir.

b. A la suite d'une question du Greffe de l'Assistance juridique, la recourante a répondu qu'elle n'avait pas payé les honoraires de son conseil, en raison de sa situation financière précaire.

D. Par décision du 20 novembre 2023, notifiée le 23 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée.

Selon cette décision, les chances de succès de la prétention de la recourante en paiement d'une indemnité pour tort moral paraissaient faibles, parce qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable la gravité de l'atteinte, ce d'autant moins que son ex-supérieur hiérarchique avait présenté ses excuses, autant à ses collègues qu'à elle-même.

Les chances de succès de la prétention en remboursement des frais d'avocat paraissaient également minces, parce qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable son dommage actuel; en ne s'acquittant pas de ceux-ci, son patrimoine n'avait subi aucune diminution, en l'état.

Enfin, de nationalité suisse et âgée de 41 ans, elle n'avait pas besoin de l'assistance d'un avocat pour réclamer le remboursement desdits frais d'avocat, en raison des principes régissant la procédure simplifiée (absence d'exigence de forme ou de motivation, questions appropriées du tribunal pour compléter les allégations et désigner les moyens de preuve). Il suffisait que la recourante soumette au juge le décompte d'activité de son conseil "(ainsi que le paiement de celui-ci en principe)".

E. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 4 décembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante sollicite, préalablement, à être autorisée à compléter son recours, à répliquer et à produire toutes autres pièces utiles.

Principalement, elle conclut à l'annulation de la décision de refus du 20 novembre 2023, à l'admission de sa requête d'assistance juridique du 17 avril 2023 et à l'octroi de l'assistance juridique avec effet rétroactif à cette dernière date.

Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au service de l'assistance juridique pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Les conclusions préalables de la recourante relatives à l'octroi d'un délai pour compléter son recours et produire toutes autres pièces utiles sont irrecevables, dès lors que le délai légal de recours, venu à échéance, n'est pas prolongeable (ATF 137 III 617 consid. 6.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 5, SJ 2012 I 233).

3. Selon la recourante, la décision entreprise est insoutenable et arbitraire au sens des art. 9 et 29 Cst., autant dans son argumentation que dans ses conclusions.

A son sens, l'Autorité de première instance a mal apprécié les chances de succès de sa prétention en tort moral, puisque la preuve de la gravité de l'atteinte psychologique sera rapportée par l'audition du Dr G______ et la production de rapports médicaux.

Les excuses de son ex-supérieur hiérarchique étaient "tardives, de pure forme et dénuées de toute sincérité" et ne sauraient exclure d'entrée de cause sa prétention précitée.

En outre, elle conteste l'absence de dommage en relation avec les honoraires d'avocat, puisque son patrimoine est grevé d'une dette, laquelle n'existerait pas sans l'acte délictuel de son ex-supérieur hiérarchique et elle s'exposait à une poursuite en l'absence de conclusion d'un arrangement de paiement.

Enfin, elle était incapable de se défendre seule dans la procédure civile, en raison de ses aspects techniques, d'une part, et, d'autre part, de son état de santé et d'"extrême fragilité".

3.1

3.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'un plaideur raisonnable et aisé renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il serait exposé à devoir supporter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_261/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1; 5A_405/2023 du 17 août 2023 consid. 3.2.2). De même, le fait d'obtenir un jugement condamnatoire contre une personne, sans espoir d'obtenir le recouvrement de la créance de ce débiteur, n'est pas une démarche judiciaire raisonnable (DAAJ/122/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.2). Aussi, l'examen des chances de succès porte également sur l'évaluation des perspectives de recouvrement de la créance (DAAJ/83/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.2).

Un procès n'est, en revanche, pas dépourvu de chances de succès lorsque celles-ci et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds (arrêts du Tribunal fédéral 5A_261/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1; 5A_405/2023 du 17 août 2023 consid. 3.2.2).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en sera de même si, en droit, la démarche du requérant se révèle d'emblée irrecevable ou juridiquement infondée. L'autorité chargée de statuer sur l'assistance judiciaire ne doit évidemment pas se substituer au juge du fond; tout au plus doit-elle examiner s'il y a des chances que le juge adopte la position soutenue par le demandeur, chances qui doivent être plus ou moins équivalentes aux risques qu'il parvienne à la conclusion contraire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1 et les références citées).

Le critère des chances de succès doit être examiné au moment du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, selon la crédibilité des allégations, sur la base d'un examen sommaire et de l'état du dossier (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_261/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1; 5A_405/2023 du 17 août 2023 consid. 3.2.2; 4D_22/2020 du 29 juin 2020 consid. 4.2.3; 4D_67/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.2.3).

3.1.2 Selon l'art. 1 al. 1 du statut du personnel de la Commune de C______ du ______ 2010 (LC 4______, ci-après : SPC______), celui-ci régit les rapports de service entre la Commune de C______ et son personnel et, selon l'art. 2 al. 1, il s'applique à l’ensemble des personnes qui exercent une activité au service de la Commune de C______ et qui sont rémunérées pour cette activité.

Selon l'art. 79 SPC______, les membres du personnel ont droit au respect de leur santé et de leur intégrité, tant physique que psychique, dans l’exercice de leurs fonctions.

Selon l'art. 91 al. 1 du règlement d’application du statut du personnel de la Commune de C______ du 14 octobre 2009 (REGAP; LC 21 152.0), chaque membre du personnel a droit à un traitement correct et respectueux de la part de ses supérieures et supérieurs hiérarchiques, ses collègues, des usagères et des usagers, dans le cadre de son activité professionnelle, permettant de garantir le respect et l’intégrité de sa personnalité.

Selon l'art. 87 al. 1 SPC______, la responsabilité des membres du personnel pour le dommage causé à des tiers est régie par la loi sur la responsabilité de l’Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC; A 2 40).

Selon l'art. 2 LREC, l’Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d’actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l’accomplissement de leur travail (al. 1). Les lésés n’ont aucune action directe envers les fonctionnaires ou agents (al. 2).

La LREC est applicable dans le cadre des rapports juridiques entre un subordonné et son supérieur hiérarchique (ACJC/498/2017 du 28 avril 2017).

L'art. 6 LREC renvoie aux règles générales du CC, applicables à titre de droit supplétif.

Le Tribunal est compétent pour statuer sur les demandes fondées sur la LREC (art. 7 al. 1 LREC) et le CPC est applicable (al. 2).

3.2 En l'espèce, la recourante a assigné son ex-supérieur hiérarchique par devant le Tribunal, puis elle a requis ultérieurement l'assistance juridique pour cette procédure.

Or, l'ex-supérieur hiérarchique, en fonction au sein d'un poste de police municipale à l'époque des faits, exerçait une activité au service de la Commune de C______, de sorte que sa légitimation passive est plus que douteuse. En effet, selon l'art. 2 al. 1 LREC, celle-ci appartient à l'Etat de Genève et aux communes, l'al. 2 rappelant explicitement qu'une action directe contre un fonctionnaire ou un membre du personnel communal est exclue.

Dès lors, l'action en paiement de la recourante formée directement à l'encontre de son ex-supérieur hiérarchique semble être vouée à l'échec, parce qu'elle sera vraisemblablement rejetée par le Tribunal, faute de légitimation passive du défendeur.

Il s'ensuit que la décision de refus de l'assistance juridique du 20 novembre 2023 sera confirmée, par substitution de motifs.

3.3 Vu l'issue du litige, point n'est, dès lors, besoin d'examiner les autres griefs de la recourante.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 20 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1170/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.