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Décisions | Chambre civile

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C/12805/2023

ACJC/1297/2025 du 23.09.2025 sur JTPI/3794/2025 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12805/2023 ACJC/1297/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 mars 2025, représenté par Me B______, avocat,

et

1) Madame C______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me D______, avocat,

2) La mineure E______, domiciliée ______, autre intimée, représentée par Me F______, curateur.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3794/2025 du 19 mars 2025, reçu par A______ le 24 mars 2025, le Tribunal de première instance a notamment prononcé le divorce des époux C______, née le ______ 1975 et A______, né le ______ 1961, tous deux de nationalité française (ch. 1 du dispositif), attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 2), maintenu l'autorité parentale conjointe sur E______, née le ______ 2009 (ch. 3), attribué à C______ la garde de E______, mais l'a suspendue en l'état, ainsi que le droit de déterminer son lieu de résidence aux deux parents (ch. 4), a maintenu le placement de E______ au Foyer G______, jusqu'à nouvelle décision du TPAE et limité l'autorité parentale de ses parents en conséquence (ch. 5), réservé un droit de visite à chaque parent devant s'organiser selon les propositions de la curatrice, en fonction de l'évolution de la situation familiale et des besoins de E______ (ch. 6), dit que le coût de l'entretien convenable de E______ se montait à 861 fr. 80 par mois, allocations familiales non comprises (ch. 9), dispensé en l'état les parties de contribuer à l'entretien de E______ (ch. 10), condamné A______ à verser 8'000 fr. à C______ à titre d'indemnité équitable LPP (ch. 12), dit qu'aucune contribution d'entretien post-divorce n'était due entre les parties (ch. 13), donné acte à celles-ci de ce qu'elles avaient liquidé leur régime matrimonial (ch. 14), mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune les frais judiciaires en 6'048 fr. 20, mais les a laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'assistance judiciaire (ch. 15), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 16) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 17).

B. a. Le 10 avril 2025, A______ a formé appel contre le chiffre 12 du dispositif de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et constate que les parties n'ont pas de prestation LPP à partager, avec suite de frais et dépens.

b. C______ a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Le curateur de E______ s'en est rapporté à justice.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été informées le 28 juillet 2025 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______ et A______ se sont mariés le ______ 1997 à H______ (Syrie) et n'ont pas conclu de contrat de mariage.

Trois enfants sont issus de cette union, à savoir I______, née le ______ 1998, J______, née le ______ 1999 et E______, née le ______ 2009.

b. Les époux ont mis un terme à leur vie commune courant 2012 et les enfants sont restés vivre avec leur mère.

c. Par jugement du 11 juillet 2012, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal a attribué la garde des trois filles à leur mère et réservé un droit de visite au père.

d. Le 29 octobre 2018, A______ a obtenu un divorce en Syrie, où il s'est remarié le ______ novembre de la même année, avec K______. Cette dernière vit en Syrie, où A______ se rend régulièrement.

e. Il ressort de la procédure que C______ souffre de différents problèmes, notamment d'alcoolisme et de dépression, en raison desquels elle n'est pas à même de s'occuper de manière satisfaisante de ses enfants depuis plusieurs années. Le SPMi est ainsi intervenu dès 2018, à la suite d'une demande de E______ et de sa sœur J______. Les carences constatées de la part des parents ont justifié le retrait de la garde de E______ à sa mère, intervenu en décembre 2023, et son placement en foyer, placement qui perdure à l'heure actuelle.

f. Le 21 juin 2023, C______ a formé une demande unilatérale en divorce, concluant en dernier lieu, sur le seul point encore litigieux à ce stade à ce que le Tribunal condamne son ex-époux à lui verser une indemnité équitable de 8'178 fr. au titre du partage des avoirs LPP des parties.

A______ a conclu au déboutement de son ex-épouse de cette conclusion.

g. La situation personnelle et financière de la famille se présente comme suit :

g.a C______ souffre de dépression avec des périodes de consommation abusive d'alcool. Elle a indiqué en audience souffrir également de polyarthrite rhumatoïde, de fibromyalgie et de problème de thyroïde. Elle a fait une demande de prestations AI en décembre 2019. A teneur d'un projet de décision de l'Office cantonal AI du 15 novembre 2022, une incapacité de travail totale dans toute activité lui a été reconnue dès le 26 juin 2020, étant précisé que son droit à une rente entière était ouvert à compter du 26 juin 2021, soit au terme du délai d'attente d'un an. Elle touche des subsides de l'Hospice général en 330 fr par mois, auxquels s'ajoutent ceux du Service des prestations complémentaires en 913 fr. par mois. Ses charges ont été fixées à 2'840 fr. par le Tribunal, montant qui n'est pas contesté devant la Cour.

A______ ne travaille pas et touche des prestations invalidité en 1'514 fr. de la Caisse de compensation L______ et en 2'582 fr. du Service de prestations complémentaires. Ses charges non contestées sont de 2'690 fr.

g.b Les époux ont tous deux cotisé à la LPP.

Au 18 juin 1997, la prestation de libre passage de A______ s'élevait à 659 fr. 70. En date du 29 novembre 2005, la [caisse de prévoyance] M______ lui a "remboursé la totalité de la prestation de sortie en espèces", soit 17'323 fr. 25 sur son compte auprès de [la banque] N______.

Lors de l'audience du Tribunal du 18 avril 2024, A______ a expliqué que cette somme avait été prélevée en vue de l'acquisition d'un bien immobilier en France. Ce logement avait ensuite été revendu en 2007 et son ex-épouse avait reçu la moitié du bénéfice de vente.

C______ a contesté les allégations de son ex-époux sur ce point. La maison en France des parties avait été achetée entièrement à crédit, sans aucun apport. Le bénéfice de vente avait servi à rembourser les dettes de la famille et à couvrir les dépenses communes.

Pour sa part, C______ dispose d'une prestation de sortie de 295 fr. 53.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 9 janvier 2025.

EN DROIT

1. 1.1 Compte tenu de la valeur litigieuse de 8'000 fr., seule la voie du recours est ouverte en l'espèce (art. 308 al. 2 et 319 let. a CPC).

L'acte déposé en temps utile par A______ remplit les conditions de recevabilité du recours et sera traité comme tel (art. 321 CPC).

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 310 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que le partage des avoirs LPP des parties était devenu impossible au sens de l'art. 124e CC, car, selon les explications du recourant, il avait encaissé en 2005 son avoir LPP en 17'323 fr. 25 en vue d'acquérir un bien immobilier en France. Une indemnité équitable était dès lors due à l'intimée, étant précisé que le fait que celle-ci ait bénéficié du produit de la vente du bien immobilier n'était pas pertinent, pas plus que le fait que le recourant ne disposait plus de cet argent. L'indemnité fixée en 8'000 fr. correspondait à la moitié de l'avoir LPP acquis par le recourant pendant le mariage, sous déduction de la moitié de la prestation de sortie de l'intimée.

Le recourant fait valoir que l'art. 124e al. 1 CC n'est pas applicable au cas d'espèce car "il ne dispose pas d'avoirs LPP, ni sous forme de rente, ni en espèces". Le partage par moitié était inéquitable au sens de l'art. 124b al. 2 CC car le produit de la vente de son bien immobilier en France avait servi à rembourser les dettes de la famille et à couvrir les dépenses communes. L'intimée avait déjà profité de cet argent.

2.1.1 Selon l'art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux. Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié entre les époux (art. 123 al. 1 CC).

2.1.2 A teneur de l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n’en attribue aucune pour de justes motifs. C’est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s’avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d’âge.

Les conjoints disposent en principe d’une prétention inconditionnelle à la moitié des prestations de sortie de leurs prévoyances professionnelles. Partant, il faut apprécier avec une grande retenue les motifs d’équité de l’art. 124b al. 2 CC, afin de ne pas vider de son sens le partage par moitié de l’art. 123 CC. Ce n’est que de manière restrictive et en présence de circonstances exceptionnelles que le juge s’en distancera. Il y a iniquité lorsque, au moment du partage, la situation de prévoyance d’un époux en comparaison avec celle de son conjoint est manifestement choquante. L’iniquité se mesure à l’aune des besoins de prévoyance de l’autre conjoint. Il s’agit par conséquent de confronter les besoins respectifs de chacun des époux, afin de déterminer si l’un d’eux subit des « désavantages flagrants » par rapport à l’autre. Une simple inégalité résultant du partage n’est en revanche pas suffisante. Le partage des prestations de sortie n’a en effet pas pour but d’assurer un niveau de vie semblable aux ex-conjoints, par opposition à ce qui prévaut en matière d’entretien après le divorce. Il n’appartient pas au conjoint créancier de compenser une éventuelle lacune de prévoyance antérieure au mariage. Le comportement des époux durant le mariage peut être pris en considération, mais de manière restrictive (Pichonnaz, Commentaire romand, 2023, n. 25-28 ad art. 124b CC).

Puisque l’appréciation d’un éventuel partage implique une mise en balance des besoins respectifs de chacun des conjoints, on peut envisager un partage même si cela plongerait l’un des conjoints dans la précarité. Le principe jurisprudentiel selon lequel, dans les domaines du droit de la famille, on ne peut imposer à la partie débitrice qu’elle entame son minimum vital ne s’applique pas à l’art. 124b al. 2 CC (Pichonnaz, op. cit., n. 61 ad art. 124b CC).

2.1.3 Selon l'art. 124e al. 1 CC, si l'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle s'avère impossible, le conjoint débiteur est redevable au conjoint créancier d'une indemnité équitable sous la forme d'une prestation en capital ou d'une rente.

L'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle est impossible en cas de paiements en espèce (art. 5 LFLP), de versements en capital (art. 37 s. LPP) et de versements anticipés pour l’acquisition de la propriété du logement (art. 30 c al. 6 LPP et art. 331e al. 6 CO). Dans ces hypothèses, le paiement en espèces, au même titre que les versements en capital (art. 37 ss. LPP) effectués durant le mariage, perdent leur affectation de prévoyance et n’entrent plus dans le calcul de la prestation de sortie à partager (art. 22a al. 1 LFLP; Pichonnaz, op. cit., n. 13ss ad art. 124e CC).

Le principe d'un partage par moitié vaut également pour la fixation de l'indemnité équitable. Cela étant, le juge peut refuser en tout ou partie l'octroi d'une indemnité équitable. Il s'inspirera, pour ce faire, des principes posés à l'art. 124b al. 2 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_443/2018 du 6 novembre 2018 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral le calcul de l’indemnité équitable doit se faire en deux temps : (1) une approximation du partage par moitié; puis (2) la prise en compte des besoins de prévoyance respectifs des conjoints et des autres circonstances économiques. Le juge doit ainsi tenir compte de l’ensemble des circonstances économiques importantes des conjoints et du but du versement de l’indemnité équitable, à savoir de compenser autant que possible l’impossibilité (technique) de partager la prestation de sortie de l’un ou l’autre des conjoints (Pichonnaz, op. cit., n. 28-29 ad art. 124e CC).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, le Tribunal a retenu à juste titre que le partage de ses avoirs LPP était devenu impossible au sens de l'art. 124e al. 1 CC. Que cette impossibilité soit due au fait que le montant versé au recourant en 2005 ait été utilisé ou non pour acheter un bien immobilier importe peu.

Une indemnité équitable est dès lors en principe due à l'intimée, conformément à l'art. 124e CC.

Le recourant fait valoir qu'il convient de renoncer au versement d'une telle indemnité, au motif que son épouse "a bénéficié" tout autant que lui "du produit de la vente de l'immeuble en France, qui a servi à rembourser des dettes familiales et à couvrir des dépenses communes".

Ce faisant il perd de vue qu'il n'est pas établi que le versement effectué en 2005 par sa caisse de prévoyance ait effectivement été utilisé pour les besoins de la famille. Ce fait est contesté par l'intimée et le recourant n'a fourni aucune pièce à l'appui de ses allégations.

En tout état de cause, même si tel avait été le cas, l'utilisation de la somme pour les besoins de la famille ne constituerait pas une raison de renoncer au partage, au sens de l'art. 124b CC. Cette disposition ne vise pas une telle hypothèse mais les cas où le partage par moitié s’avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial, de la situation économique des époux après le divorce ou des besoins de prévoyance de chacun des époux.

L'examen de la situation économique des parties après le divorce ne révèle aucune iniquité au sens de la disposition précitée. La situation financière des deux parties, qui ne travaillent pas, perçoivent tous deux des prestations sociales et n'ont pas de fortune à teneur du dossier est identique. Le fait que le recourant ne dispose par hypothèse pas d'une fortune suffisante pour lui permettre de verser en une seule fois l'indemnité fixée à 8'000 fr. n'est pas déterminant, puisque, selon la doctrine susmentionnée, le principe jurisprudentiel selon lequel on ne peut imposer à la partie débitrice qu’elle entame son minimum vital ne s’applique pas dans le cas qui nous occupe.

Pour le reste, le recourant ne conteste pas le montant fixé par le Tribunal, lequel est conforme à la loi.

Le recours sera par conséquent rejeté.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours, fixés à 800 fr. (art. 30 et 35 RTFMC).

Dans la mesure où il bénéficie de l'assistance judiciaire, ce montant sera provisoirement supporté par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le chiffre 12 du dispositif du jugement JTPI/3794/2025 rendu le 19 mars 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12805/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires de recours, arrêtés à 800 fr., à la charge de A______ et dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.