Décisions | Chambre civile
ACJC/1218/2025 du 09.09.2025 sur JTPI/13384/2023 ( OO ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/5267/2022 ACJC/1218/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 9 SEPTEMBRE 2025 |
Entre
A______ SA, sise ______ (LU), recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 20 novembre 2023, représentée par Me Alexandre AYAD, avocat, boulevard des Philosophes 15, case postale 427, 1211 Genève 4,
et
B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me François BELLANGER, avocat, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,
et
C______ SA, sise ______ (NE), autre intimée, représentée par Me Yvan JEANNERET, avocat, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6.
A. Par jugement du 20 novembre 2023, remis pour notification à A______ SA le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur appel en cause, a déclaré irrecevable l'appel en cause formé le 14 juillet 2023 par A______ SA à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par A______ SA et laissés à la charge de cette dernière (ch. 2), dit qu’il n’y avait pas lieu à des dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 8 janvier 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ SA a recouru contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.
Elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que l'appel en cause soit déclaré recevable et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour la suite de l'instruction, subsidiairement à ce qu'elle soit renvoyée au premier juge pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
A l'appui de son recours, elle a produit deux nouvelles pièces, à savoir l'ordonnance ORTPI/1118/2022 du 13 octobre 2022 et le jugement JTPI/4878/2023 du 25 avril 2023 rendus tous deux dans la cause C/1______/2021 opposant A______ SA à une partie tierce.
b. Par réponse du 15 mars 2024, C______ SA s'en est rapportée à justice sur le recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.
c. Par réponse du 18 mars 2024, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité des nouvelles pièces produites et au rejet du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.
d. Par répliques et dupliques des 15 mai, 17 juin et 1er juillet 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
e. Par courriers du greffe du 22 août 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :
a. A______ SA, société anonyme ayant son siège à Lucerne, a pour but notamment l'achat, la vente et la mise en valeur d'immeubles.
b. C______ SA (ou ci-après : l'entreprise) est une société anonyme ayant son siège à D______ (Neuchâtel), ayant pour but l'exploitation d'une entreprise de carrelage et revêtements de sols.
c. B______ SA, est une société anonyme ayant son siège à Genève, active dans la promotion, la construction, le courtage, le pilotage, l'achat, la vente et la gérance d'immeubles.
d. Il n'est pas contesté que A______ SA et C______ SA ont été liées par un contrat d'entreprise et que B______ SA a adressé, pour le compte de A______ SA et en vertu d'un contrat de mandat les liant, un avis des défauts le 7 février 2018 à C______ SA.
e. Par acte déposé en conciliation le 21 mars 2022 et au fond le 11 juillet 2022 devant le Tribunal, A______ SA a agi, à l'encontre de C______ SA, en paiement de 377'384 fr. avec intérêts (à titre de dommages et intérêts sur la base de l'art. 368 CO) et de 63'000 fr. avec intérêts (à titre de perte locative), ainsi qu'en mainlevée d'opposition à un commandement de payer.
f. Par ordonnance OTPI/1649/2022 du 21 décembre 2022, le Tribunal a rejeté la requête de C______ SA visant à limiter la procédure à la question de la tardiveté de l'avis des défauts, au motif que cette requête était prématurée.
g. Par réponse du 27 avril 2023, C______ SA a, principalement, conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.
A titre liminaire, elle a fait valoir la tardiveté de l'avis des défauts, ce pour autant que l'ouvrage ait effectivement été entaché de défauts, ce qui était contesté.
h. Le Tribunal ayant ordonné un second échange d'écritures, A______ SA a, par réplique avec appel en cause du 14 juillet 2023, persisté dans ses conclusions à l'encontre de C______ SA et, sur appel en cause, conclu à ce que le Tribunal ordonne l'appel en cause de B______ SA dans la présente procédure et condamne cette dernière à lui verser les sommes de 377'384 fr. avec intérêts et de 63'000 fr. avec intérêts, "pour le cas où [elle] succomberait dans ses conclusions prises à l'encontre de C______ SA".
A l'appui de son appel en cause, A______ SA a exposé qu'en vertu d'un contrat de mandat conclu en septembre 2017, il aurait appartenu à B______ SA d'envoyer des avis des défauts aux entreprises en qualité de représentante du maître de l'ouvrage. Elle appelait donc en cause B______ SA pour le cas où elle-même succomberait dans sa demande en justice contre C______ SA en raison de l'argument invoqué par cette dernière de la tardiveté de l'avis des défauts envoyé par B______ SA. En effet, A______ SA considérait que, s'il devait être retenu que sa mandataire avait tardé à envoyer un avis des défauts à C______ SA, B______ SA aurait violé son devoir de diligence dans le cadre du mandat les liant, la privant d'exercer ses droits de garantie envers C______ SA. Elle entendait donc se réserver la possibilité d'agir contre B______ SA pour le cas où elle serait déboutée de ses conclusions à l'encontre de C______ SA.
i. Par ordonnance du 15 août 2023, le Tribunal a imparti un délai à C______ SA et à B______ SA pour déposer leurs déterminations écrites sur la demande d'appel en cause.
j. Par déterminations du 18 septembre 2023, B______ SA s'en est rapportée à justice sur l'admission de son appel en cause.
k. Par duplique du 3 novembre 2023, C______ SA a persisté dans ses conclusions sur le fond et s'en est rapportée à justice s'agissant de l'appel en cause.
l. Le même jour, le Tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger sur l'admissibilité de l'appel en cause.
m. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal, après avoir relevé que l’appel en cause ne pouvait porter que sur des prétentions qui dépendaient de l’existence de la prétention objet de l’action principale, a considéré qu'à ce stade de la procédure, A______ SA n'avait pas, dans sa requête d'appel en cause, rendu vraisemblable qu'elle aurait des conclusions récursoires à l'encontre de B______ SA, ou en garantie, ou en réparation du préjudice, ou encore un droit de recours contractuel ou légal, en cas de prétention existante dans le cadre de l'action principale. Au contraire, elle avait exposé qu'elle aurait une éventuelle prétention à l'égard de l'appelée en cause, dans l'hypothèse où sa prétention envers C______ SA viendrait à être rejetée. Il s'agissait donc en réalité de conclusions alternatives, avec des débiteurs différents et des causes distinctes, l'une ou l'autre devenant admissible en fonction de l'échec de l'autre. Les conclusions alternatives n'étant pas admissibles en matière d'appel en cause, les conditions d'admissibilité de l'appel en cause n'étaient pas remplies, de sorte que celui-ci devait être déclaré irrecevable.
1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, le présent recours demeure régi par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
1.2 La décision refusant l'appel en cause, comme celle qui l'admet (cf. art. 82 al. 4 CPC), est susceptible de faire l'objet d'un recours limité au droit selon l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.1 et les réf. cit.).
La décision rejetant une requête d'appel en cause est qualifiée par le Tribunal fédéral de décision partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF, dès lors qu'elle met fin à la procédure à l'égard des appelés que le défendeur assigne en justice (arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 du 2 septembre 2024 consid. 1) et peut être assimilée pour le CPC à une décision finale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.1). La qualification de décision partielle (finale) a pour conséquence que le recours prévu par l’art. 82 al. 4 CPC peut être introduit dans un délai de 30 jours (art. 321 al. 1 et 2 CPC; Bastons Bulletti, ATF 146 III 290 commenté in Newsletter CPC Online du 10 septembre 2020; cf. également dans le même sens : arrêts de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois HC/2021/458 du 26 mai 2021 consid. 1.1 et HC/2020/422 du 8 juin 2020 consid. 1.1; arrêts de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal de Fribourg n. 101 2019 383 consid. 1 et n. 101 2014 226 du 16 avril 2015 consid. 1 et les réf. cit.; ACJC/541/2025 du 17 avril 2025 consid. 2.1).
1.3 Par conséquent, le présent recours est recevable, pour avoir été interjeté à l'encontre d'une décision refusant l'appel en cause dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. c et 321 al. 1 et 3 CPC).
1.4 En matière de recours, la cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).
2. La recourante a produit des pièces nouvelles à l'appui de son recours, à savoir des décisions de première instance dans une autre cause opposant la recourante à une tierce partie (cf. supra EN FAIT let. B.a). Elle soutient que, nonobstant les prescriptions de l'art. 326 CPC, lesdites pièces seraient recevables dès lors que la Cour applique le droit d'office et que sont admissibles, pour autant qu'ils soient produits dans le délai de recours, les précédents et avis de droit visant uniquement à renforcer et à développer le point de vue d'une partie.
2.1 Les pièces nouvelles et les allégués de fait nouveaux sont irrecevables en procédure de recours (art. 326 CPC).
2.2 En l'espèce, la recevabilité desdites pièces peut rester indécise au vu des considérants qui suivent.
3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 81 et 82 aCPC et d'avoir mal constaté les faits en ne déclarant pas recevable son appel en cause.
Elle fait, en premier lieu, valoir que le premier juge aurait dû statuer en deux phases, à savoir une première phase lors de laquelle il aurait dû examiner la recevabilité de la requête et une seconde phase lors de laquelle il aurait dû se pencher sur son bien-fondé. Selon elle, durant la première phase, le Tribunal ne devrait pas examiner l'existence d'un lien de connexité en tant qu'un tel examen impliquerait d'analyser l'existence ou non de prétentions récursoires ou de droits de recours contractuels et légaux, et nécessiterait donc que l'appelée en cause soit elle-même entendue, ce qui ne devrait être fait que dans un second temps. Ce serait donc dans la seconde phase que le juge examinerait si l'appel en cause serait admissible sur le fond et, pour cela, s'il existerait un lien de connexité avec la prétention de la demande principale. Ainsi, le Tribunal aurait dû rendre, préalablement, une ordonnance sur la recevabilité de l'appel en cause, puis transmettre le dossier à l'appelée en cause pour qu'elle se détermine sur le bien-fondé de l'appel en cause. Selon la recourante, le premier juge aurait dû déclarer l'appel en cause recevable après s'être contenté de constater que la demande d'appel en cause avait été introduite à temps, que le procès principal était soumis à la procédure ordinaire, qu'elle-même était partie à la procédure principale, que la prétention alléguée dans la demande d'appel en cause était chiffrée et qu'ainsi, aucune condition de recevabilité à l'appel en cause ne faisait défaut.
L'appelée en cause conteste que la loi imposerait au juge de procéder aux deux étapes citées par la recourante et de rendre une première décision sur la recevabilité, puis une seconde sur le bien-fondé. Elle soutient que les seules étapes à respecter seraient l'occasion donnée aux autres parties de s'exprimer, puis le prononcé par le Tribunal d'une décision sur l'admission de l'appel en cause, étapes qui auraient été respectées. L'on ne verrait, par ailleurs, pas en quoi la recourante serait lésée par le fait que le Tribunal aurait procédé en une seule étape, ce à quoi cette dernière rétorque qu'elle serait lésée dans la mesure où le Tribunal aurait outrepassé ses prérogatives en retenant qu'elle n'aurait pas rendu vraisemblables ses prétentions récursoires contre l'appelée en cause.
La recourante fait, en second lieu, grief au Tribunal d'avoir constaté l'absence de lien de connexité. Elle considère qu'en cas d'avis des défauts tardif, l'appelée en cause assumerait une responsabilité contractuelle envers elle. La recourante disposerait donc de prétentions récursoires contre sa mandataire, laquelle devrait l'indemniser à hauteur du dommage qu'elle ne pourrait plus récupérer auprès de l'entreprise pour autant que le juge reconnaisse que les autres conditions de la garantie envers cette dernière soient remplies. La prétention dans l'appel en cause dépendrait donc entièrement du résultat du litige principal, dans la mesure où le juge devrait statuer non seulement sur la conformité de l'avis des défauts, mais également sur l'existence des défauts, les conditions d'exercice des droits de garantie, notamment le lien de causalité et la quotité du dommage. L'admission de l'appel en cause permettrait au Tribunal de résoudre les deux litiges en toute connaissance de cause et en procédant à une seule administration des preuves. Conformément au principe d'économie de procédure et pour des raisons de sécurité juridique, l'appel en cause lui éviterait également d'avoir à ouvrir une nouvelle procédure judiciaire contre l'appelée en cause, d'assumer deux procédures successives et d'aboutir à des raisonnements et décisions potentiellement contradictoires. La recourante soutient également que ses conclusions contre l'appelée en cause ne seraient pas des conclusions alternatives, puisqu'elle n'aurait pas un intérêt à agir contre les deux intimées dès la litispendance en tant que consorts simples. L'admission de sa prétention contre sa mandataire dépendrait donc, pour l'essentiel, du sort du litige principal. Les causes seraient matériellement liées en ce sens que la prétention d'appel en cause s'inscrirait clairement dans le même contexte de faits.
L'appelée en cause fait valoir, pour sa part, que la recourante se méprendrait sur l'objectif de l'appel en cause. Cette dernière n'aurait une prétention contre elle que dans l'hypothèse où elle succomberait dans l'action principale. En outre, cette prétention (fondée sur la violation du mandat) serait distincte de celle dirigée à l'encontre de l'entreprise (résultant de l'exécution défectueuse de travaux). Il ne s'agirait donc pas d'une prétention récursoire, en garantie, en réparation du préjudice ou d'un droit de recours contractuel ou légal et les différentes prétentions reposeraient sur des causes distinctes avec des débiteurs différents.
3.1
3.1.1 Chaque partie au procès principal peut appeler en cause un tiers contre lequel elle estime avoir des prétentions pour le cas où elle succomberait sur la demande principale (art. 81 al. 1 aCPC). Il peut ainsi être statué dans un seul procès sur les prétentions des diverses parties. Un seul procès offre maints avantages : la décision unique évite le risque de jugements contradictoires pouvant résulter de deux procès successifs, épargne aux parties les inconvénients liés à des fors différents et permet de procéder en même temps à l'administration des preuves pour les deux actions. En revanche, il présente l'inconvénient de retarder et de compliquer la procédure sur la demande principale (ATF 147 III 166 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 du 2 septembre 2024 consid. 3).
Il résulte du texte même de l'art. 81 al. 1 aCPC ("estime avoir contre [le dénoncé], pour le cas où il succomberait") que la prétention revendiquée dans l'appel en cause doit présenter un lien de connexité matérielle (sachlicher Zusammenhang) avec la demande principale. Ainsi, seules les prétentions qui dépendent de l'existence de la demande principale peuvent être exercées dans l'appel en cause. Il s'agit notamment des prétentions en garantie contre un tiers, des prétentions récursoires ou en dommages-intérêts, ainsi que des droits de recours contractuels ou légaux. Il est également nécessaire que ces prétentions soient soumises à la même compétence matérielle et à la même procédure (ATF 139 III 67 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 précité consid. 3.1).
L'appel en cause doit ainsi porter sur une prétention connexe avec la demande principale, c'est-à-dire qui dépend du sort de cette dernière. En revanche, des prétentions liées matériellement à celles du procès principal, mais dont l'existence ne dépend pas de l'issue du procès principal ne justifient pas l'appel en cause (arrêt du Tribunal fédéral 4A_341/2014 du 31 octobre 2014 consid. 3.3).
Ne sont pas connexes dans le sens exigé par l'art. 81 aCPC les prétentions certes en lien avec la cause, mais qui ne dépendent pas de son résultat. Si les deux demandes (principale et appel en cause) peuvent exister indépendamment l'une de l'autre, il n'y a pas de relation de dépendance entre les deux demandes et donc pas de lien de connexité matériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_341/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.3; Bohnet, CPC augmenté, 2025, n. 5 ad art. 81 CPC).
3.1.2 Procéduralement, dans une première étape, l'appelant en cause dépose une requête d'admission de l'appel en cause (art. 82 al. 1 aCPC; Zulassungsgesuch), qui doit être introduite avec la réponse (si l'appel en cause est formé par le défendeur) ou avec la réplique (si l'appel en cause est formé par le demandeur). Après avoir entendu la partie adverse et l'appelé en cause (art. 82 al. 2 CPC), le tribunal statue sur l'admissibilité de l'appel en cause. Ce n'est que dans une deuxième étape, en cas d'admission de l'appel en cause, que l'appelant déposera sa demande dans l'appel en cause (art. 82 al. 3 CPC; Streitverkündungsklage), laquelle, comme toute demande en justice, doit satisfaire aux conditions de recevabilité (art. 59 CPC) et doit contenir des conclusions (art. 221 al. 1 let. b CPC), des allégations de fait (art. 221 al. 1 let. d CPC), qui doivent être suffisamment motivées, et les moyens de preuves proposés à l'appui de celles-ci (art. 221 al. 1 let. e CPC). En ce qui concerne la première étape et, plus précisément, la requête d'admission de l'appel en cause (Zulassungsgesuch; "Antrag zur Zulassung der Streitverkündungsklage"), l'art. 82 al. 1 2e phr. aCPC dispose qu'elle doit énoncer les conclusions que l'appelant en cause entend prendre contre l'appelé en cause, et les motiver succinctement. Le but de cette exigence est de permettre au juge de vérifier qu'est bien remplie la condition de la connexité matérielle (sachlicher Zusammenhang) entre la créance qui est l'objet de l'appel en cause et la demande principale. Il suffit donc que la motivation présentée par l'auteur de l'appel en cause fasse apparaître que sa propre prétention dépend de l'issue de la procédure principale et qu'il démontre ainsi son potentiel intérêt à l'appel en cause. En effet, dans cette étape, le juge n'a pas à procéder à un examen sommaire de l'appel en cause, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'appelant en cause rende vraisemblable la réalisation des conditions de la prétention qu'il invoque dans l'appel en cause; il n'a pas non plus à examiner si, dans l'hypothèse où l'auteur de l'appel en cause devait succomber au principal, ses prétentions envers le tiers seraient matériellement fondées (ATF 147 III 166 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 précité consid. 3.2, 3.3 et 3.3.1).
3.1.3 Les conclusions qui, selon l'art. 82 al. 1 2e phr. aCPC, doivent être prises dans la requête d'appel en cause sont les mêmes que celles que l'appelant fera valoir dans la demande d'appel en cause elle-même. Comme pour toute action tendant au paiement d'une somme d'argent (art. 84 al. 2 CPC), les conclusions doivent être chiffrées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 précité consid. 3.3.2 et les réf. cit.).
3.1.4 Quant à la motivation "succincte" exigée par l'art. 82 al. 1 2e phr. aCPC, il suffit qu'elle délimite l'objet du litige (Streitgegenstand) et fasse apparaître que la prétention de l'appelant contre l'appelé dépend de l'issue de la procédure principale. Ce sont les conclusions et le complexe de faits à l'appui de celles-ci qui permettent au juge de fixer l'objet du litige (arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2024 précité consid. 3.3.3 et les réf. cit.).
3.1.5 Il ne faut pas tenir compte de motifs d'économie de procédure pour refuser la demande d'appel en cause, le juge disposant de la possibilité offerte par l'art. 82 al. 3 cum art. 125 let. a et c CPC de diviser le procès principal et le procès sur appel en cause ou de limiter, le cas échéant, la procédure à des questions ou à des conclusions déterminées (ATF 139 III 67 consid. 2.3).
3.2 En l'occurrence, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle prétend que le premier juge n'aurait pas dû examiner la condition du lien de connexité entre les prétentions litigieuses lors de la "première étape". En effet, il ressort clairement de la jurisprudence précitée qu'il appartient au juge de s'assurer, au stade initial de la procédure d'appel en cause, que cette condition est remplie pour statuer sur l'admissibilité de la requête d'appel en cause.
Concernant précisément l'existence dudit lien de connexité, la recourante a intenté une action en garantie des défauts à l'encontre de l'entreprise, laquelle a invoqué la tardiveté de l'avis des défauts donné par l'appelée en cause conformément au contrat de mandat la liant à la recourante. Si cette dernière pourrait certes théoriquement agir d'ores et déjà et indépendamment de la présente procédure à l'encontre de sa mandataire, il existerait un risque de décisions contradictoires s'agissant de la question de la tardiveté de l'avis des défauts. De plus, la recourante ne saurait prétendre à la réparation d'un dommage causé par l'appelée en cause dans le cadre du contrat de mandat les liant que dans l'hypothèse où la mandante n'obtiendrait pas gain de cause dans l'action principale en raison de la tardiveté de l'avis des défauts et donc d'une violation des obligations de l'appelée en cause (naissance de la responsabilité contractuelle du mandataire en cas d'impossibilité d'obtenir réparation des défauts auprès de l'entreprise en raison d'un avis des défauts tardif). Il apparaît ainsi que la prétention de la recourante contre l'appelée en cause - qui s'inscrit dans le même contexte de faits que l'action principale – dépend effectivement de l'issue du litige principal et qu'il ne s'agit pas de conclusions alternatives qui pourraient être prises les unes indépendamment des autres, mais plutôt de conclusions subsidiaires, le fait que les prétentions reposent sur des causes juridiques distinctes n'étant pas déterminant.
Il n'est, à raison, pas contesté que les autres conditions d'admission de l'appel en cause sont remplies.
Par conséquent, le jugement entrepris sera annulé. La cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), l'appel en cause sera admis.
4. Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).
4.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie à l'instance de recours lorsque celle-ci réforme la décision précédente; Jeandin, CR-CPC, 2019, n°9 ad art. 327 CPC).
Les frais judiciaires de première instance – dont le montant a été arrêté par le Tribunal à 1'000 fr. et n'a pas été contesté par les parties – seront mis à la charge de l'appelée en cause au vu de l'issue du litige (art. 106 al. 1 CPC).
Cette dernière sera, par conséquent, condamnée à verser à la recourante la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance (art. 111 al. 2 aCPC).
La compensation des dépens opérée par le Tribunal n'ayant pas été remise en cause, elle sera confirmée.
4.2 Les frais judiciaires du recours sont fixés à 1'200 fr. (art. 2, 13, 20 et 39 RTFMC), couverts par l'avance de frais opérée par la recourante, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC).
Au vu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge de l'appelée en cause (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC).
Cette dernière sera, par conséquent, condamnée à verser la somme de 1'200 fr. à la recourante à titre de remboursement des frais judiciaires du recours (art. 111 al. 2 aCPC).
Au vu du sort des dépens de première instance, chaque partie supportera ses propres dépens de recours.
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2024 par A______ SA contre le jugement JTPI/13384/2023 rendu le 20 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5267/2022-5.
Au fond :
Annule le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
Admet l'appel en cause formé par A______ SA contre B______ SA.
Arrête les frais judiciaires de première instance sur appel en cause à 1'000 fr., les met à la charge de B______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA la somme de 1'000 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.
Dit que chaque partie supporte ses dépens de première instance.
Déboute les parties de toute autre conclusion de recours.
Sur les frais du recours :
Arrête les frais judiciaires du recours à 1'200 fr., les met à la charge de B______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA la somme de 1'200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires du recours.
Dit que chaque partie supporte ses dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.