Décisions | Chambre civile
ACJC/1157/2025 du 26.08.2025 sur JTPI/12716/2024 ( OS ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/12402/2021 ACJC/1157/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 26 AOÛT 2025 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 16 octobre 2024, représentée par Me Alain DE MITRI, avocat, rue Rothschild 50, case postale 1444, 1211 Genève 1,
et
B______ SA, sise ______ (VD) intimée, représentée par Me Bernard CRON, avocat, Lexpro, rue Rodolphe-Töpffer 8, 1206 Genève.
A. Par jugement JTPI/12716/2024 du 16 octobre 2024, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance a condamné B______ SA à verser à A______ SA 1'568 fr. 10 et 1'697 fr. 85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 12 juin 2021 (ch. 1 et 2 du dispositif), et A______ SA à verser à B______ SA 30'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er juillet 2022, arrêté les frais judiciaires à 6'500 fr., compensés avec les avances versées par les parties, mis à la charge de A______ SA à raison de ¾ et à celle de B______ SA à raison de 1/4, et condamné A______ SA à verser à B______ SA 2'375 fr. et à l'Etat de Genève 400 fr. (ch. 4), condamné A______ SA à verser à B______ SA 5'219 fr. à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).
En ce qui concerne le chantier de C______, le Tribunal a considéré ce qui suit : "Au vu des pièces produites, le Tribunal a […] acquis l'intime conviction que la demanderesse avait bien convenu de sous-traiter les travaux de verrerie sur le chantier C______ à la défenderesse, comme cela ressort en particulier des e-mails adressés par ses soins les 25 novembre 2020 et 14 janvier 2021 (pièces 8 et 35 déf.)". En ce qui concerne la prétention de 30'000 fr, il a considéré ce qui suit : "La demanderesse se verra condamnée à payer un montant de CHF 30'000.- à la défenderesse – celle-ci ayant limité le montant de ses conclusions – en raison de la perte engendrée par cette dernière suite à la rupture unilatérale du contrat de sous-traitance par ses soins".
B. a. Le 20 novembre 2024, A______ SA a formé appel (suite huit pages) contre les chiffres 3 à 6 du dispositif de ce jugement. Elle a conclu à l'annulation de ceux-ci, cela fait au déboutement de B______ SA, sous suite de frais judiciaires et dépens.
b. B______ SA a conclu à la confirmation des chiffres 3 à 6 du dispositif de ce jugement, avec suite de frais judiciaires et dépens.
Sa réponse comporte notamment les passages qui suivent : "L'arrêt soudain des travaux a eu des conséquences directes sur B______ SA, notamment en ce qui concerne son personnel spécialement engagé pour ce projet. Ces employés étaient engagés en fonction du planning validé, et leur engagement témoignait de la volonté de B______ SA de respecter pleinement ses obligations contractuelles. Toutefois, en raison de la rupture soudaine et tacite du contrat par A______ SA, B______ SA n'avait pas d'autres tâches à effectuer par ses employés, alors même que leurs salaires continuaient d'être dus, ceux-ci étant fixés sur une base mensuelle et non horaire. B______ SA a ainsi subi une perte financière en raison de l'incapacité d'occuper son personnel conformément au contrat de sous-traitance." (p. 5, deux derniers paragraphes), et : "Cette allégation [la pièce 37 serait un document établi par B______ SA manquant de valeur probante] est fausse. La pièce 37 déf. est composée de deux documents. D'une part, du calcul du dommage effectué par B______ SA et d'autre part du planning du 11 janvier 2021 de la pose des verres établi par l'appelante et transmis par cette dernière à l'intimée par courriel du 14 janvier 2021. Ce sont ces documents, soit le planning établi par A______ SA, et le contrat de sous-traitance du 18 juin 2019, qui ont permis de calculer le dommage subi par B______ SA du fait de la rupture du contrat d'entreprise intervenue en février 2021" (p. 6, deux derniers paragraphes).
c. Elle a produit des pièces nouvelles, soit une attestation établie le 17 janvier 2025 par un architecte, ainsi qu'un échange de courriels entre ledit architecte et A______ SA les 19 et 20 août 2021. A propos de cet échange de courriels, elle a fait valoir qu'elle n'en connaissait pas l'existence, et qu'elle l'avait obtenu en janvier 2025 de la part de l'architecte susmentionné.
Aux termes de sa réplique (comportant sept pages), A______ SA a persisté dans ses conclusions. Elle a conclu à ce que soient déclarés irrecevables les deux derniers paragraphes des pages 5 et 6 de la réponse et les pièces nouvellement déposées par B______ SA.
d. Aux termes de sa duplique, B______ SA a persisté dans ses conclusions.
e. A______ SA a encore déposé des déterminations spontanées (comportant quatre pages).
f. Par avis du 12 mai 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :
a. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but l'exploitation d'un atelier de serrurerie et de constructions métalliques.
B______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce vaudois. Elle a pour but social l'exploitation d'une entreprise de vitrerie.
b.a Le 4 mars 2022, A______ SA a déposé au Tribunal une demande en paiement par laquelle elle a conclu à ce que B______ SA soit condamnée à lui verser 15'021 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er juin 2021, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elle a notamment allégué qu'elle-même et B______ SA avaient, dans le cadre de leurs activités respectives, été amenées à collaborer sur plusieurs chantiers sis dans le canton de Genève. Elle restait créancière de factures relatives à différents chantiers, notamment une créance en réparation du préjudice (1'697 fr. 85) découlant de ce qu'elle avait dû commander à nouveau des pièces de marque "D______" en remplacement de celles qui étaient sa propriété et qui étaient détenues par B______ SA.
b.b B______ SA a conclu au déboutement de A______ SA des fins de sa demande.
Elle a formé une demande reconventionnelle, concluant à ce que A______ SA soit condamnée à lui verser 30'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er juillet 2022.
Elle a fait valoir qu'elle détenait une créance de 108'918 fr. 40 à l'encontre de A______ SA, qu'elle entendait toutefois ne faire valoir qu'à concurrence de 30'000 fr. Cette créance totale avait trait à des factures non payées, respectivement procédait de ruptures de contrats, en lien avec divers chantiers, dont l'un conduit à C______ (le dommage y relatif qu'elle alléguait avoir subi atteignait 68'874 fr. 15).
A______ SA a conclu au déboutement de B______ SA des fins de sa demande reconventionnelle.
B______ SA a encore formulé des allégués complémentaires, contestés intégralement par A______ SA.
c.a En lien avec ses allégués relatifs à la créance "D______" (n. 50 à 54), A______ SA a offert en preuve, outre l'audition de témoins, le courrier de son avocat du 21 avril 2021, adressé à B______ SA, qui réclamait la restitution des pièces "D______", et les factures y relatives, ainsi que la réponse de B______ SA datée du 3 mai 2021, qui comporte les passages suivants : "Dans le cadre de la rénovation du centre commercial de C______, votre cliente nous a mandatée pour les travaux de vitrerie. Certains de ces travaux requièrent un matériel spécial que l'entreprise A______ SA a fait livrer directement à notre adresse. A la fin des travaux, le solde de matériel, si solde il y a, sera remis à cette dernière. En nous référant aux différents plannings transmis par votre cliente, ce chantier est toujours en cours de travaux. […] Pour quelles raisons l'entreprise A______ SA désire reprendre ce matériel pour un chantier qui est encore en cours d'exécution?".
En ce qui concerne le chantier de C______, B______ SA a allégué (n. 125 à 146) qu'à la demande de A______ SA, elle avait établi le 15 juin 2018 un devis n° 694, qui avait conduit à la signature, entre elles deux, d'un contrat le 18 juin 2019. Leur collaboration s'était déroulée sans problèmes, à la satisfaction de la direction des travaux (allégué n. 129, avec comme offre de preuve notamment la pièce n. 7). En décembre 2020, A______ SA s'était engagée à ce que les travaux de vitrerie soient terminés par B______ SA conformément au contrat du 18 juin 2019. Selon un planning de travaux établi par A______ SA, des interventions de B______ SA étaient prévues, de sorte qu'elle avait réservé du personnel, pris des dispositions et négocié avec des fournisseurs (allégués n. 135, et 142 à 144). Elle avait donc été surprise de recevoir, le 21 avril 2021, un courrier portant sur une demande de restitution de pièces de marque "D______", qu'elle tenait à disposition de A______ SA.
Le devis précité (pièce n. 32) est adressé par B______ SA à A______ SA; il concerne le centre commercial C______ pour des fournitures et pose de garde-corps en verre feuilleté, de verres anti-feu dans des châssis, et de fourniture et pose de revêtement mural en verre émaillé. Deux rubriques sont consacrées aux verres anti-feu ("E60" 8mm et variante "E60" 13 mm, détaillant une cinquantaine de postes; "EI30" détaillant trois postes).
Le contrat susmentionné (pièce n. 33) a été signé, le 18 juin 2019, pour A______ SA par E______ et pour B______ SA par F______. Il concerne "Centre commercial C______ – rénovation, votre affaire n° 1______, travaux de vitrerie durée des travaux : 2019 à 2021", et est ainsi rédigé : "L'entreprise B______ SA est mandatée pour les travaux de vitrerie suivants : GARDE-CORPS pose à façon des verres de garde-corps selon système D______ soit planification, coordination des livraisons, déchargement et répartition, pose et calage […] Pour des questions de logistique, tout le matériel servant à la pose des verres sera livré directement par D______ et stocké chez B______ SA […] Le prix est fixé à Fr 82.00/HT par homme et par heure […] AUTRES VERRES fourniture et pose selon devis 18-694".
Le planning des travaux précité a été transmis par courriel du 14 janvier 2021 de A______ SA à F______. Il fait état notamment, de dates de "pose début/fin" et de "délai pose (jours ouvrables)", soit, notamment pour l'atrium "sem. 13" sans mention de jours et "sem 29" "3", pour le sas P1 "sem 21" "3", "sem 21/22" sans mention de jours, "sem. 22" "3", et pour le sas P2 "sem. 25" (à une seule reprise) sans mention de jours.
Par ailleurs, en lien avec son allégué (n. 63) général et relatif à son "expertise", à son "professionnalisme" et à son "travail de qualité", B______ SA a produit diverses attestations dont elle n'a pas spécifiquement allégué le contenu; parmi celles-ci figure une attestation d'un bureau d'architectes, datée du 16 mai 2022, qui évoque le chantier de C______ (pièce n. 7). En lien avec son allégué 67, relatif à une répartition de différents chantiers entre les parties, elle a produit un courriel du 25 novembre 2020 de A______ SA mentionnant notamment le chantier C______ comme revenant à B______ SA.
B______ SA a offert en preuve de la quotité de son dommage en lien avec le chantier C______, chiffré à 63'950 fr. HT, soit 68'874 fr. 15 TTC (allégué n. 146), un "récapitulatif" (pièce 37), l'audition des parties et une expertise sur le montant de son dommage.
Ce "récapitulatif", établi sur papier à entête de B______ SA, est intitulé "Chantier n° 2______ – C______. Perte sur main d'œuvre et sur matériaux suite rupture de contrat". Il fait état de 5 "poseurs" prévus durant trois jours des semaines 13, 29, 21, 22 (deux fois) et 25 (deux fois), pour un total de 105 heures à 82 fr., soit 8'610 fr. pour chacune des semaines 13, 29 et 21 de deux fois 8'610 fr. pour la semaine 22 et de deux fois 8'610 fr. pour la semaine 23, soit un total de 60'270 fr. Il ajoute des verres anti-feu par 3'680 fr. Y est joint le planning précité, reproduit sur papier à entête de B______ SA.
Cette dernière a offert en preuve de ses allégués n. 135, et 142 à 144 le planning des travaux, l'audition des parties et l'audition de G______.
A______ SA a contesté avoir accepté le devis n° 694 de B______ SA. Elle a affirmé ne pas connaître le contrat du 18 juin 2019, dont elle a requis la production de l'original; le signataire E______ était alors radié du Registre du commerce. Elle a admis qu'elle avait mis en œuvre B______ SA pour la pose qui était convenue "à façon" (heures effectivement effectuées facturées). Elle a contesté que la collaboration avec B______ SA se soit bien passée, en particulier lorsqu'elle s'était aperçue en mars 2021 que la facturation de la précitée ne correspondait pas à la réalité.
Sur ce dernier point, B______ SA a admis une erreur, dont elle s'était excusée; il s'agissait du seul problème de facturation intervenu en vingt ans de collaboration.
c.b Par ordonnance de preuves du 6 février 2023, le Tribunal, s'agissant des prétentions "D______" et du chantier de C______, a notamment admis l'audition des témoins proposés, hors ceux relatifs aux allégués complémentaires, sur un certain nombre d'allégués, ainsi que la déposition des parties sur certains allégués (l'allégué n. 146 de la demande reconventionnelle n'est pas mentionné). Il ne s'est pas prononcé sur l'expertise requise en lien avec l'allégué n. 146 de la demande reconventionnelle.
Le directeur de B______ SA (G______) a déposé au Tribunal : sur le chantier de C______, la société précitée était sous-traitante de A______ SA.
Un ancien employé de A______ SA (jusqu'à fin 2020), au bénéfice d'une signature collective à deux (jusqu'à fin 2018), entendu comme témoin par le Tribunal, a déclaré qu'il passait seul des commandes auprès de B______ SA au nom de son employeur, car un technicien n'avait pas besoin d'une autre signature pour ce faire. L'employeur le savait et n'avait jamais formulé de remarques à ce propos. Entre fin 2018 et fin 2020, le témoin avait continué à passer des commandes pour le chantier de C______ dont il avait la charge, ce que son employeur ne lui avait pas interdit de faire; B______ SA, sous-traitante sur le chantier, avait été informée de ce qu'il ne disposait plus d'une signature, "mais cela n'avait aucune importance" (témoin E______, entrepreneur au sein d'une "société", dont B______ SA détient des parts).
Selon un employé de A______ SA jusqu'à fin 2022, entendu en qualité de témoin par le Tribunal, tous les techniciens de l'entreprise commandaient des prestations à B______ SA, sans qu'il sache si ceux-ci disposaient d'une signature pour engager l'entreprise. Il ne lui avait jamais été interdit de passer des commandes (au contraire, son employeur lui avait demandé de le faire), ce qu'il faisait lui-même, bien que dépourvu de toute signature. En revanche, il ne signait pas les contrats à l'origine des commandes (témoin H______, employé au sein de la "société" de E______).
Un employé de A______ SA a déclaré au Tribunal que le technicien commandait du vitrage auprès de B______ SA selon l'offre reçue de cette dernière (témoin I______).
A l'audience du Tribunal du 22 mai 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1. Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l’appel est recevable, en tant qu'il est dirigé contre les chiffres 3 à 5 du dispositif de ce jugement. Il est en revanche irrecevable s'agissant du chiffre 6 dudit dispositif, l'appelant ne remettant en cause que sa condamnation à verser 30'000 fr. à l'intimée (objet du chiffre 3 de ce dispositif) et sa suite de frais et dépens.
2. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
3. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC), étant encore relevé que la procédure simplifiée s'applique (art. 243 CPC) compte tenu de la valeur litigieuse qui ne dépasse pas 30'000 fr.
4. La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 3ème éd., 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).
4.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 et la référence).
S'agissant des pseudo nova (unechte Noven), soit ceux qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait ou le moyen de preuve n'a pas pu être introduit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 42 consid. 4.1). Dans le système du CPC, tous les faits et moyens de preuve doivent en principe être apportés dans la procédure de première instance; la diligence requise suppose donc qu'à ce stade, chaque partie expose l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elle amène tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêts du Tribunal fédéral 5A_756/2017 du 6 novembre 2017 consid. 3.3; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1; 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).
La prise en considération de pseudo nova est admissible en procédure d'appel lorsque seule la lecture du jugement attaqué leur confère une pertinence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1), lorsqu’une thématique est abordée pour la première fois (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3; 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 8.1; 4A_305/2012 du 6 février 2013 consid. 3.3) ou lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3; 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.4).
Dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention sans qu'il ait toutefois besoin de les exposer dans les moindres détails. Un fait est suffisamment allégué s'il est introduit en procédure avec l'indication des traits ou contours essentiels qui le caractérisent usuellement dans la vie courante. L'allégué doit tout de même être suffisamment précis pour que la partie adverse puisse indiquer dans quelle mesure elle le conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves. Dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés (fardeau de la motivation; ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; 136 III 322 consid. 3.4.2 = JdT 2011 II 537; 127 III 365 consid. 2b; Chabloz, Petit commentaire CPC, 2021, n. 5 à 7 ad art. 55 CPC).
4.2 En l'espèce, l'attestation produite par l'intimée avec sa réponse à l'appel n'est pas un moyen de preuve au sens de l'art. 168 al. 1 let. e CPC puisqu'il n'a pas été requis par le juge (art. 190 al. 2 CPC). Elle est certes postérieure au jugement entrepris vu sa date du 17 janvier 2025; cela étant, rien n'indique qu'elle n'aurait pas pu être établie antérieurement et produite en première instance, respectivement son auteur appelé à témoigner devant le premier juge. Il en va de même des échanges de courriels qui l'accompagnent, dont l'intimée fait valoir les avoir reçus en même temps que ladite attestation, sans que l'on sache pour quelle raison elle n'aurait pu les requérir en première instance. Dès lors, ces pièces ne sont pas recevables, pas plus que les faits nouvellement articulés par l'intimée dans le corps de sa réponse à l'appel.
5. L'appelante formule un unique grief, reprochant au Tribunal d'avoir tenu pour établie la quotité du dommage alléguée par l'intimée, alors que selon elle celle-ci n'avait pas été démontrée. Ce faisant, elle ne reprend plus sa contestation de première instance selon laquelle les parties n'auraient pas été liées par un contrat d'entreprise ni qu'elle y aurait mis fin; il ne sera donc pas revenu sur ces points, l'appelante ne critiquant en tout état pas le raisonnement du premier juge sur ces points.
5.1.1 L'art. 377 CO prévoit que tant que l'ouvrage n'est pas terminé, le maître peut toujours se départir du contrat, en payant le travail fait et en indemnisant complètement l'entrepreneur.
L'"indemnité complète" due par le maître en vertu de l'art. 377 CO consiste dans les dommages-intérêts positifs correspondant à l'intérêt de l'entrepreneur à l'exécution complète du contrat; elle comprend par conséquent le bénéfice manqué. Cette idée ressort du texte même de la loi. La doctrine distingue deux méthodes pour le calcul de cette indemnité : a) La méthode de la déduction consiste à déduire du prix de l'ouvrage l'économie réalisée par l'entrepreneur du fait qu'il n'a pas terminé les travaux, ainsi que le gain qu'il s'est procuré ailleurs ou qu'il a intentionnellement renoncé à se procurer; b) La méthode positive consiste à établir le total des dépenses réelles de l'entrepreneur pour les travaux exécutés, en y ajoutant son bénéfice brut pour l'ouvrage terminé. Ce bénéfice est à déterminer sur la base du contrat, voire de tarifs, d'indices ou des comptes de l'entrepreneur (ATF 96 II 192 consid. 5).
Selon les principes généraux, l'entrepreneur doit se laisser imputer les gains qu'il a ou qu'il aurait pu se procurer ailleurs en mettant à profit les forces de travail ainsi libérées (Chaix, CR-CO I, 3ème éd. 2021, ad art. 377 CO n. 12).
5.1.2 Chaque partie doit prouver les faits dont elle entend déduire son droit (art. 8 CC).
L'entrepreneur doit démontrer son dommage ainsi que les frais et dépenses pour le travail déjà exécuté (Chaix, op. cit, ad art. 377 CO n. 22).
Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), applicable au présent litige (cf. consid. 1.2), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès (ATF 123 III 60 consid. 3a). Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration de la preuve) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation; ATF 144 III 519 consid. 5.1).
Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués). Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1).
5.2 En l'occurrence, il n'est plus disputé que les parties ont été liées, s'agissant du chantier C______, par un contrat d'entreprise, auquel l'appelante a mis fin, ni que l'art. 377 CO trouve application.
L'intimée a situé au 21 avril 2021 (date à laquelle l'appelante lui a adressé un courrier de réclamation de pièces), soit durant la semaine 16, la date de rupture du contrat.
En ce qui concerne le dommage prétendu, l'intimée, dans sa demande reconventionnelle, a soumis un allégué rédigé de façon générale (n. 146), qui porte sur la "perte sur main d'œuvre ainsi que sur les matériaux commandés". Elle a offert en preuve, outre un titre, la déclaration des parties et une expertise.
Ce dernier élément n'a pas été évoqué ultérieurement, ni n'a été repris par le premier juge dans son ordonnance de preuve, ni n'est mentionné dans le jugement entrepris. Les parties ne se sont pas prononcées sur l'allégué n. 146 de l'intimée lorsqu'elles ont été entendues par le Tribunal; ce dernier, en dépit de la procédure simplifiée applicable, n'a apparemment pas tenté de faire application de l'art. 247 al. 1 CPC, considérant sans doute à raison que la présence d'avocats expérimentés aux côtés des parties ne nécessitait pas d'intervention.
Ainsi, deux des trois moyens de preuve offerts par l'intimée pour démontrer la quotité de son dommage ne sont pas concluants.
Reste la pièce n. 37 produite par l'intimée. Cette pièce consiste, outre en la reprise d'un planning originellement établi par l'appelante, en un tableau dressé par l'intimée, explicitement intitulé "perte sur main d'ouvre et sur matériaux suite rupture de contrat". Le planning fait notamment état de la période et du nombre de jours devant être consacrés à la pose de garde-corps et de verres, dans l'atrium et les sas P1 et P2.
Comme déjà relevé, l'intimée s'est abstenue d'alléguer le contenu de la pièce, alors qu'elle supportait le fardeau de l'allégation sur ce point. En tout état, il sera observé que le récapitulatif fait état de travaux en semaines 13, 21, 22, 25 et 29. Vu la rupture de contrat fixée, selon la thèse de l'intimée, durant la semaine 16, il est manifeste que la semaine 13 correspondrait à des travaux dont on ignore s'ils ont été réalisés effectivement et facturés. S'agissant du sas P2, la semaine 25 n'est mentionnée qu'à une reprise dans le planning, et sans indication du nombre de jours, de sorte que les mentions du récapitulatif en lien avec le sas P2 ne reposent pas sur ledit planning. Ces postes doivent ainsi être écartés d'emblée.
Pour le surplus, l'intimée n'a pas apporté d'élément au sujet des cinq "poseurs" qui auraient été nécessaires selon la mention qui figure dans le récapitulatif, et qui auraient, selon ses allégués non établis (la déclaration G______ offerte en preuve des allégués n. 135 et 142 à 144 est muette sur ce point), été engagés uniquement à ces fins et inemployables à d'autres tâches. Le contrat du 18 juin 2019 ne stipule pas le nombre de poseurs, se limitant à évoquer un prix fixé à 82 fr. par homme et par heure de travail.
Enfin, en ce qui concerne le poste du récapitulatif "verre anti-feu", sans autre précision, aucun élément ne vient en établir la quotité, pas plus d'ailleurs que la commande effective. A supposer que la Cour doive examiner d'office le contenu non allégué des pièces n. 32 (devis), 33 (contrat) et 37 (récapitulatif) sur ce point, rien ne permettrait de rapprocher le montant figurant dans ce dernier titre d'un des multiples postes figurant dans le devis auquel renvoie, s'agissant des "autres verres" que le "garde-corps", le contrat du 18 juin 2019.
La preuve offerte sous la forme du titre m. 37 (même lus à la lumière des titres n. 33 et 37) n'établit donc pas les sommaires allégués soumis par l'intimée relativement à la quotité de son dommage.
Dès lors, le jugement sera annulé sur ce point. Il sera statué à nouveau dans le sens que l'intimée sera déboutée des conclusions de sa demande reconventionnelle.
La quotité des frais judiciaires de première instance (6'500 fr.) n'est pas disputée; elle est conforme au RTFMC, de sorte qu'elle sera confirmée. L'appelante a, en définitive, obtenu gain de cause sur une faible partie de ses prétentions principales, et entièrement sur les prétentions reconventionnelles (deux fois plus élevées). Il s'impose dès lors de faire supporter les frais judiciaires de première instance à raison d'un quart à l'appelante et de trois quarts à l'intimée (art. 106 al. 2 CPC).
L'intimée sera en outre condamnée à verser à l'appelante 5'000 fr. à titre de dépens de première instance.
6. L'intimée, qui succombe, supportera les frais d'appel (art.106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'800 fr. (art. 17, 35 RTFMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève. Elle en remboursera l'appelante, et sera condamnée à lui verser des dépens d'appel, arrêtés à 2'000 fr. débours et TVA inclus (art. 84, 85, 90 RTFMC), compte tenu de la question limitée soumise à la Cour et des brèves écritures déposées.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel formé le 20 novembre 2024 par A______ SA contre les chiffres 3 à 5 du dispositif du jugement JTPI/12716/2024 rendu le 16 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12402/2021 et irrecevable pour le surplus.
Au fond :
Annule les chiffres 3 à 5 du dispositif de ce jugement et, cela fait, statuant à nouveau sur ces points :
Déboute B______ SA des fins de sa demande reconventionnelle dirigée contre A______ SA.
Arrête les frais judiciaires de première instance à 6'500 fr., compensés avec les avances opérées, acquises à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de A______ SA à raison de 1'625 fr. et à celle de B______ SA à raison de 4'875 fr.
Condamne B______ SA à verser 400 fr. à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA 5'000 fr. à titre de dépens de première instance.
Déboute les parties de toute autre conclusion d'appel.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de B______ SA.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA 1'800 fr.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA 2'000 fr. à titre de de dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie RAPP, Juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.
Le président : Ivo BUETTI |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.