Décisions | Chambre civile
ACJC/603/2025 du 08.05.2025 ( IUO )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1228/2024 ACJC/603/2025 ORDONNANCE DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 8 MAI 2025 |
Entre
A______/1______ SA, sise ______ [BS], et A______/2______ SA, sise ______ [SG], demanderesses et défenderesses reconventionnelles, représentées toutes deux par Me Raphaël DESSEMONTET, avocat, avenue de Rumine 25, case
postale 5871, 1005 Lausanne,
et
B______ SA, sise ______ [GE], défenderesse et demanderesse reconventionnelle, représentée par Me Alexandre REIL, avocat, avenue Mon-Repos 24, case postale 1410, 1001 Lausanne.
Vu la procédure;
Vu les écritures, pièces et bordereaux de preuves déposés par les parties;
Vu l'audience de débats d'instruction, d'ouverture des débats principaux et de premières plaidoiries du 6 mai 2025;
Attendu, EN FAIT, que les parties ont conclu le 21 mai 2019 un contrat d'intermédiaire d'une durée indéterminée, prévoyant un délai de résiliation d'un mois pour la fin un mois (art. 9), étant précisé que les arts. 418a ss CO étaient applicables à ce contrat, à l'exception des art. 418g, m, q et u CO (art. 10.1);
Que ce contrat prévoit qu'une peine conventionnelle de 20'000 fr. est due en cas d'infraction par l'intermédiaire des dispositions concernant le respect de la confidentialité des données des clients et l'interdiction de détournement de clientèle (art. 3);
Que les demanderesses allèguent avoir reçu, en juin 2023, plusieurs courriels d'ex-employés de la défenderesse faisant état de comportements inadéquats de la part de celle-ci; que sans pouvoir se prononcer sur la véracité de ces allégations, elles avaient estimé que la poursuite de la relation contractuelle comportait un risque pour leur réputation, de sorte qu'elles avaient résilié le contrat précité le 26 juin 2023 avec effet au 31 juillet 2023, dans les délais prévus par le contrat du 21 mai 2019;
Qu'elles n'allèguent pas que cette résiliation serait intervenue pour justes motifs;
Que les demanderesses soutiennent que, suite à cette résiliation, la défenderesse a commis à leur préjudice des actes de concurrence déloyale et lui réclament 20'000 fr. à titre de peine conventionnelle ainsi que des montants au titre de ristournes en lien avec des contrats ayant donné lieu au versement de commissions, mais résiliés par la suite;
Que la défenderesse conteste les prétentions des demanderesses et fait valoir que celles-ci ont résilié le contrat sans respecter le délai prévu à l'art. 418q al. 2 CO et sans juste motif; qu'elle réclame à ses parties adverses divers montants à titre de commissions et d'indemnités, notamment une indemnité de clientèle au sens de l'art. 418u CO;
Que les demanderesses contestent devoir une indemnité de clientèle au motif qu'une telle indemnité n'est jamais due en matière d'assurance vie et que son versement serait inéquitable vu la rémunération déjà versée;
Que, lors de l'audience du 6 mai 2025, les demanderesses se sont opposées à l'audition des témoins numéros 2 à 9 portés sur la liste de la défenderesse, arguant de ce que le motif de la résiliation du contrat, sur lequel ces témoignages étaient requis, n'était pas pertinent s'agissant d'une résiliation ordinaire signifiée dans le délai contractuel; ces témoins n'avaient de plus pas une connaissance directe des faits et leur audition retarderait de manière indue l'issue de la cause;
Que la défenderesse a relevé que l'audition des témoins concernés visait également à établir la fausseté des allégations dénigrantes formulées par ses ex-employés;
Considérant, EN DROIT, que, selon l'art. 150 al. 1 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés;
Que toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuves adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC);
Que l'art. 154 CPC précise notamment que l'ordonnance de preuve désigne les moyens de preuve admis et détermine à quelle partie incombe la preuve ou la contre-preuve;
Que le contrat conclu par les parties est soumis prima facie aux règles du contrat d’agence;
Que, lorsqu'un tel contrat a été conclu pour une durée indéterminée et qu'il a duré plus d'un an, il peut être résilié moyennant un congé donné deux mois d’avance, pour la fin d’un trimestre de l’année civile (art. 418q al. 2 CO);
Que les parties ne peuvent pas convenir d’un délai de résiliation plus court; que le terme de résiliation correspondant à la fin d’un trimestre de l’année civile peut sans autre être modifié, pour autant que le délai de deux mois soit respecté (CR CO I-Dreyer, art. 418q N 1);
Que, selon l'art. 418u al. 1 CO, lorsque l’agent, par son activité, a augmenté sensiblement le nombre des clients du mandant et que ce dernier tire un profit effectif de ses relations d’affaires avec ces clients même après la fin du contrat, l’agent a droit, à moins que ce ne soit inéquitable, à une indemnité convenable, qui ne peut pas leur être supprimée par convention; aucune indemnité n’est due lorsque le contrat a été résilié pour un motif imputable à l’agent (al. 3);
Qu'en application de l'art. 8 CC il incombe notamment aux demanderesses de démontrer que les parties se sont mises d'accord tant sur le principe que sur le calcul de ristournes, que des contrats ont été résiliés par ses clients de manière à justifier l'octroi en sa faveur des ristournes qu'elle réclame et que la défenderesse a enfreint ses obligations contractuelles de manière à justifier le versement de la peine conventionnelle prévue à l'art. 3 du contrat;
Qu'il incombe à la défenderesse d'établir les faits fondant son droit à percevoir des commissions pour un montant supérieur à celles versées par ses parties adverses, notamment le taux de commissionnement convenu et le volume d'affaires apportées;
Que chacune des parties doit être autorisée à apporter la contre-preuve des faits allégués par sa partie adverse;
Que, dans ce cadre, les auditions des témoins C______, D______ et E______, qui ont une connaissance directe des faits de la cause et des discussions intervenues entre les parties, sont pertinentes et seront ordonnées;
Que, par contre, le motif de la résiliation du contrat n'est pas pertinent pour la résolution du litige, puisque les demanderesses n'allèguent pas que le contrat a été résilié pour justes motifs, ni ne se fondent sur l'art. 418u al. 3 CO pour s'opposer au paiement d'une indemnité de clientèle;
Que la question de savoir si la défenderesse a ou non été dénigrée à tort par des tiers qui ne sont pas parties au litige n'est pas non plus pertinente;
Que l'éventuelle incompatibilité du délai de résiliation prévu contractuellement avec la teneur de l'art. 418q al. 2 CO est une question de droit et non de fait;
Qu'il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner l'audition des témoins numéros 3 à 9 de la défenderesse;
Que la question de l'expertise sollicitée par les parties sera traitée à un stade ultérieur de la procédure;
Qu'un délai sera imparti à la défenderesse pour effectuer l'avance, en 300 fr., des frais d'indemnisation du témoin E______, domicilié en France (art. 102 CPC);
Qu'il n'y a pas lieu de prévoir d'indemnisation pour les témoins C______ et D______ qui sont employés des demanderesses;
Que l'audience d'enquêtes sera convoquée après réception de l'avance de frais précitée.
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La Chambre civile :
1. Autorise les parties à apporter la preuve des faits pertinents et contestés qu'elles ont allégués ainsi que la contre-preuve des faits pertinents et contestés allégués par leurs parties adverses.
2. Ordonne l'audition des témoins C______, D______ et E______ en lien avec les allégués mentionnés par les parties dans leurs écritures et offres de preuves.
3. Impartit à B______ SA un délai de 15 jours dès réception de la présente ordonnance pour verser l'avance des frais d'indemnisation du témoin E______ en 300 fr.
4. Réserve la suite de la procédure.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juge déléguée; Madame
Sophie MARTINEZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente ordonnance peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 93 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.