Décisions | Chambre civile
ACJC/223/2025 du 14.02.2025 sur JTPH/246/2024 ( OO ) , MODIFIE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1848/2022 ACJC/223/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU VENDREDI 14 FÉVRIER 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 23 septembre 2024 (JTPH/246/2024), représentée par Me Manuel BOLIVAR, avocat, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,
et
REPUBLIQUE B______, p.a Mission permanente de la République B______ auprès de l'Office des Nations unies, ______ [GE], intimée, représentée par Me Stéphanie FULD, avocate, Valfor Avocats Sàrl, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1.
A. Par jugement JTPH/246/2024, reçu par A______ le 24 septembre 2024, le Tribunal des prud'hommes a notamment condamné la REPUBLIQUE B______ à verser à cette dernière 30'257 fr. 65 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2022 (ch. 15 du dispositif) et 21'545 fr. 41 (ch. 16), mis les frais de la procédure, arrêtés à 2'170 fr. à la charge de A______ à hauteur de 1'627 fr. 50 et dit que ce montant était provisoirement supporté par l’État de Genève, sous réserve d’une décision contraire de l’assistance juridique (ch. 21 et 22), mis le solde des frais en 542 fr. 50 à la charge de la REPUBLIQUE B______ (ch. 23), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 24) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 25)
B. a. Le 18 octobre 2024, A______ a formé appel contre les ch. 15, 16, 22 et 23 du dispositif de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice les annule et condamne la REPUBLIQUE B______ à lui verser 13'858 fr. 20 avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2019, 38'344 fr. 10 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2022, et 37'815 fr., avec suite de frais et dépens.
Elle a produit une version complète d'une pièce déjà déposée devant le Tribunal, mais dont seule une page sur deux avait été photocopiée.
b. Le 22 novembre 2024, la REPUBLIQUE B______ a conclu à ce que la Cour déclare l'appel irrecevable, subsidiairement le rejette, avec suite de frais et dépens.
c. A______ a renoncé à répliquer et les parties ont été informées le 18 décembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. A______ a été engagée par REPUBLIQUE B______, en qualité de femme de ménage au sein de la résidence de l’ambassadeur et de la Mission permanente de B______ à Genève, à partir du 23 mars 2000.
Des contrats de travail de durée déterminée d’une année chacun ont été signés par les parties les 10 décembre 2007, 10 décembre 2008, 10 décembre 2009,
10 décembre 2011, 10 décembre 2012 et 10 décembre 2014.
Ce dernier contrat a été implicitement prolongé jusqu'à la fin des rapports de travail.
b.a Selon le contrat du 10 décembre 2014, l'horaire de travail, fixé par l'employeur, était au maximum de 40 heures par semaine, réparties sur 8 heures par jour (art. 4.1).
Le salaire mensuel net était de 2'785 fr., versé treize fois l’an (art. 5.1).
Le contrat prévoyait que si l'employée avait la nationalité suisse, elle était tenue de s'inscrire à l'assurance sociale suisse et de payer des cotisations à l'AVS/AI/APG/AC etc. (art. 5. 2).
En plus du salaire précité, l'employeur s'engageait à prendre en charge le coût d'un abonnement TPG annuel (art. 5.5) et les frais d'assurance maladie et accident de son employée (art. 11.1).
Selon l’article 12.1 du contrat, en cas d’absence prolongée pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur garantissait à l’employée le 100% de son salaire pendant un an. Cet article précisait que, selon les termes de la police d’assurance avec [la compagnie] C______ souscrite par l’employeur, l’assurance garantissait dès le trente-et-unième jour de la maladie ou de l’accident le 80% du salaire. L'employeur prendrait en charge les 30 premiers jours et le 20% manquant. Les primes étaient prises en charge par l'employeur, qui se réservait le droit de modifier les conditions d'assurances chez C______ et de réduire sa participation à l'obligation légale de payer 100% du salaire perdu en raison d'une maladie ou d'un accident pendant une durée limitée selon les années de service (art. 324a CO) (art. 12.2 et 3).
b.b L'assurance perte de gain conclue initialement par la REPUBLIQUE B______ pour l'ensemble de ses employés a été résiliée par celle-ci le 31 décembre 2020, au motif que la police ne couvrait pas de manière adéquate tous ses employés, dont les besoins étaient spécifiques. La précitée a expliqué qu'elle avait par la suite contacté plusieurs assureurs, mais qu'il lui avait été difficile de négocier un contrat adéquat. Ses démarches n'avaient pu aboutir que dès le 18 juin 2021, une nouvelle assurance ayant alors été conclue avec [la compagnie] D______.
A______ n'a pas été informée de ce qui précède pendant les rapports de travail.
c. Dans le courant de l’année 2016, A______ a obtenu la nationalité suisse. Elle a, depuis lors, assumé le versement des cotisations sociales auprès de l’Office cantonal des assurances sociales, auprès duquel elle était affiliée en qualité d’indépendante.
d. A compter du 29 mars 2021, A______ s’est trouvée en incapacité totale de travailler pour cause de maladie.
Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté de manière recevable à ce stade, que cette incapacité de travail a perduré jusqu'au 18 mars 2023 au moins.
e. Par courrier du 8 octobre 2021, la REPUBLIQUE B______ a résilié les rapports de travail.
Le contrat de travail a pris fin le 31 janvier 2022 et A______ a perçu l’intégralité de son salaire jusqu’à cette date. Le montant perçu pour janvier 2022 a été de 4'436 fr. nets.
f. Le 4 février 2022, A______ a sollicité de la part de C______ le maintien de la couverture d’assurance perte de gain à titre individuel. L'assurance lui a répondu que cela n'était pas possible car cette demande était tardive, les contrats ayant été résiliés au 1er janvier 2021.
A______, en dépit des démarches effectuées en ce sens, n'a pas pu toucher d'indemnités perte de gain de la part du nouvel assureur auprès duquel son ex-employeur avait conclu un contrat.
g. Compte tenu des indemnités versées par l'employeur à titre de contribution aux frais d'assurance maladie, allocation de scolarité et frais de transport, le salaire perçu par A______ depuis le début de son emploi a été sensiblement plus élevé que le salaire de base convenu contractuellement. Selon les certificats de salaire produits, elle a ainsi touché 47'843 fr. nets en 2017 (soit 3'987 fr. arrondis par mois), 48'579 en 2018 (4'048 fr. par mois), 49'003 fr. en 2019 (4'084 fr. par mois), 47'836 fr. en 2020 (3'986 fr. par mois) et 51'679 fr. en 2021 (4'307 fr. par mois).
h. Par requête déposée en conciliation le 31 janvier 2022, introduite en temps utile devant le Tribunal des prud'hommes après l'échec de la tentative de conciliation, A______ a assigné la REPUBLIQUE B______ en paiement de la somme totale de 227'604 fr. 25, à savoir :
- 262'972 fr. brut, sous déduction de 183'810 fr. net, avec intérêts moratoires moyens à 5% l’an dès le 1er juillet 2019, à titre de différence de salaire pour les mois de janvier 2017 à janvier 2022 ;
- 77'442 fr. 25 net, avec intérêts moratoires moyens à 5% l’an dès le
15 juin 2022, à titre de dommage relatif à l’absence d’assurance perte de gain maladie ;
- 71'000 fr. net, à titre de « dommage résultant de l’absence de prévoyance professionnelle suffisante ».
Sur les points encore litigieux à ce stade, A______ a allégué que la REPUBLIQUE B______ lui avait versé un salaire inférieur à celui auquel elle avait droit en application du Contrat-type de travail genevois du 30 mars 2004 pour les travailleurs de l'économie domestique (CTT-EDom). Son ex-employeur prenait en charge les cotisations d’assurances sociales de ses collègues de nationalité suisse, soit en versant les cotisations à l’office compétent, soit en remboursant les employés et ne l'avait pas fait pour elle, de sorte qu'il devait lui rembourser les montants de cotisations sociales qu'elle avait versés. La REPUBLIQUE B______ lui avait causé un dommage en omettant de souscrire une assurance perte de gain pour elle, contrairement à ses obligations contractuelles, et elle était tenue à réparation de celui-ci.
A______ a produit à l'appui de sa demande un relevé des cotisations sociales qu'elle avait versé à l'Office cantonal des assurances sociales pour la période de 2017 à 2021 (pièce 13). Par erreur, elle n'a photocopié que les pages impaires de ce relevé.
i. La REPUBLIQUE B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.
Elle a notamment allégué que celle-ci ne travaillait que 6 heures par jour, soit 30 heures par semaine. De 2017 à 2020, elle travaillait de 8h à 14h. Au pic de la pandémie et après celle-ci, il arrivait qu'elle écourte son temps de travail. Il lui arrivait d’être en retard et de quitter son poste en avance, parfois à 13h30, pour chercher son fils à l’école. Son horaire était fréquemment inférieur aux six heures usuelles mais elle percevait malgré cela l’intégralité de son salaire.
j. Dans sa réplique, A______ a allégué qu'elle travaillait de 7h30 à 14h30, parfois plus tard lorsqu’il y avait beaucoup de travail. La pratique de son ex-employeur était de prévoir une heure de pause à midi, mais elle ne la prenait en principe pas, afin de quitter le travail plus tôt.
Ces allégations ont été contestées par la REPUBLIQUE B______ dans sa duplique.
k. Le Tribunal a entendu de nombreux témoins. Les éléments pertinents suivants résultent de leurs déclarations au sujet des horaires de travail de A______ :
D’après E______, A______ travaillait de 7h à 14h. Selon F______, elle travaillait le matin jusqu’à 14h ou 14h30. Elle respectait ses horaires de travail et partait rarement plus tôt. G______ croisait souvent A______ le matin avant de travailler, lorsqu’il se levait, et à midi. Elle travaillait de 8h à 14h mais avait demandé à plusieurs reprises de prendre le train de 14h pour chercher son fils à l’école. H______ a indiqué que A______ arrivait généralement vers 7h45 et partait vers 14h30 mais c’était approximatif et les horaires dépendaient de la charge de travail. Ce témoin a expliqué que les pauses de midi dépendaient de l’activité et étaient aléatoires. Il n’y avait pas de pause lorsqu’il y avait des réceptions. En règle générale, il y avait deux réceptions en soirée par mois. Il n’avait pas souvenir que A______ parte plus tôt pour chercher son fils.
l. A l’issue de l’audience du Tribunal du 23 mai 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, puis le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. L'appel a été formé en temps utile et selon les formes légales contre une décision susceptible d'appel, de sorte qu'il est recevable (art. 308 et 311 CPC). Il est suffisamment motivé, contrairement à ce qu'allègue l'intimée.
2. L'appelante produit en appel la version complète de son relevé de cotisations personnelles d'AVS dont elle n'avait produit en première instance qu'une page sur deux par erreur. Elle fait valoir que le Tribunal aurait dû l'interpeller sur ce point et lui fixer un délai pour réparer cette omission.
L'intimée soutient que cette pièce est irrecevable.
2.1 Selon l'art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter.
Cette disposition est notamment applicable en cas d'offre de preuve manifestement incomplète ou incompréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_444/2013 du 5 février 2014 consid. 6.3).
2.2 En l'espèce, le relevé de compte de cotisations AVS produit par l'appelante sous pièce 2 du chargé annexé à son appel n'est pas nouveau, puisque cette pièce a déjà été produite, dans une version incomplète en raison d'une erreur, sous pièce 13 de son chargé de première instance.
L'erreur de l'appelante, qui n'a photocopié qu'une page sur deux de ce document, était manifeste et facilement décelable par le Tribunal, qui aurait dû, conformément à l'art. 56 CPC, lui impartir un délai pour réparer cette omission.
Le Tribunal ayant omis de procéder ainsi, il convient de considérer comme recevable la version complète de la pièce 13 produite par l'appelante avec son acte d'appel.
3. Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté à ce stade, que l'appelante avait droit au salaire minimum d'une employée non qualifiée au bénéfice de quatre ans d'expérience selon le CTT-EDom. L'appelante travaillait de 7h30 à 14h30, avec une heure de pause à midi, soit six heures par jour, correspondant à 30 heures de travail par semaine, étant précisé qu'elle n'avait pas démontré qu'elle ne prenait pas de pause à midi. L'appelante aurait dû recevoir selon le CTT-EDom au minimum un salaire mensuel brut de 2'686 fr. par mois en 2017, de 2'718 fr. de 2018 à 2020, de 3'008 fr. en 2021, de 3'025 fr. 10 en 2022 et de 3'153 fr. 35 en 2023. Le salaire versé par l'intimée de janvier 2017 à janvier 2022 n'était pas inférieur aux salaires précités, même sans tenir compte des montants versés en plus au titre de remboursement des primes d'assurance maladie et d'allocation de scolarité pour enfants. L'appelante devait dès lors être déboutée de ses prétentions sur ce point.
L'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, elle a démontré qu'elle travaillait 35 heures par semaine, et non 30 heures. Elle avait établi qu'elle ne prenait pas de pause à midi. L'intimée n'avait pas allégué que tel était le cas, puisqu'elle prétendait que l'appelante réalisait six heures de travail chaque jour entre 8h00 et 14h00 ce qui impliquait l'absence de pause.
3.1 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prévoit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
Il appartient ainsi à celui qui entend déduire un droit d'une circonstance de fait d'alléguer et de fournir la preuve de ce fait. Il incombe donc au travailleur de prouver l'existence d'un contrat de travail, de même que le montant du salaire convenu ou usuel ou toute autre obligation convenue dans le contrat (Wyler/ Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 73).
3.2 En l'espèce, l'appelante n'a pas allégué dans sa demande quel était le nombre d'heures de travail convenu entre les parties. L'intimée a allégué dans sa réponse que l'appelante travaillait six heures par jour, relevant que le dernier contrat de travail signé entre les parties, en 2014, se limitait à prévoir un maximum, à savoir 8 heures par jour.
Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, l'intimée a ainsi bien allégué que celle-ci travaillait six heures par jour, et non sept. Elle a de plus contesté l'allégué de l'appelante selon lequel celle-ci ne prenait pas de pause à midi.
Il n'est pas contesté que la pratique de l'intimée était de prévoir pour ses employés une pause d'une heure à midi et que l'horaire de travail était fixé par l'intimée.
L'appelante, qui réclame le paiement de son salaire pour 7 heures de travail par jour au lieu des 6 heures admises par l'intimée, était ainsi tenue, conformément à l'art. 8 CC, d'établir les faits fondant cette prétention, à savoir d'une part qu'elle a été autorisée par son employeur à effectuer, entre 2017 et 2020, un horaire continu, sans pause de midi, pour partir plus tôt et, d'autre part, que cet accord a effectivement été mis en oeuvre entre 2017 et 2022.
Or l'appelante n'a pas rapporté cette preuve.
Elle n'a produit aucune pièce attestant de la réalité de ses dires sur ce point et aucun témoin n'a corroboré ses affirmations.
Le Tribunal a correctement apprécié les preuves (art. 157 CPC) en retenant, sur la base des pièces produites et des différents témoignages recueillis, lesquels sont divergents, que l'appelante travaillait de 7h30 à 14h30 et qu'elle prenait une pause à midi, de sorte qu'elle effectuait 6 heures de travail par jour. L'appelante ne critique au demeurant pas de manière motivée conformément à l'art. 311 CPC le raisonnement des premiers juges sur ce point.
Le grief formé par celle-ci sur ce point est dès lors infondé.
4. Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit remis en cause à ce stade, que, puisque l'intimée remboursait à ses autres employés suisses les cotisations sociales qu'ils versaient, elle devait faire de même avec l'appelante. Celle-ci avait dès lors droit à obtenir le remboursement des cotisations sociales qu'elle avait versées entre 2017 et 2022. Se fondant sur le relevé de cotisations incomplet fourni par l'appelante en pièce 13, le Tribunal a fixé le montant correspondant à 21'545 fr. 41.
L'appelante fait valoir qu'elle a payé 37'815 fr. de cotisations sociales sur la période concernée, ce qui ressort du relevé de cotisations dans sa version complète produit en appel.
Pour les raisons exposées ci-dessus, ledit relevé de cotisation dans sa version complète est recevable. L'intimée ne conteste pas qu'il ressort de ce relevé que l'appelante a bien versé 37'815 fr. de cotisations sociales.
Le grief de l'appelante sur ce point est dès lors fondé.
Le chiffre 16 du dispositif du jugement querellé sera par conséquent annulé et l'intimée sera condamnée à verser à l'appelante 37'815 fr. au titre du remboursement des cotisations sociales.
5. Le Tribunal a considéré, sans que cela ne soit remis en cause à ce stade, que, en omettant de conclure une assurance perte de gain pour l'appelante, alors que cela était prévu contractuellement, l'intimée a causé à celle-ci un dommage, dont elle est tenue à réparation en application de l'art. 97 CO. Si elle avait été assurée comme convenu, l'appelante aurait touché 80% de son salaire assuré entre le
1er février et le 18 mars 2023, période pendant laquelle elle était en arrêt maladie. Le 80% du salaire contractuel de 2'785 fr. correspondait à 2'228 fr., le montant dû à ce titre par l'intimée était de 30'257 fr. 65, soit (2'228 fr. x 13 mois) + (2'228 fr. /31 jours x 18 jours).
L'appelante fait valoir que l'indemnité due en raison de l'absence d'une assurance perte de gain aurait dû être calculée non sur le salaire contractuel, mais sur le salaire minimum prévu par le CCT-EDom. Ce salaire devait être calculé sur
35 heures de travail et non sur 30 heures, puisqu'elle travaillait 35 heures par semaine et non 30 heures, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal.
5.1.1 Selon l'art. 324a al. 1, si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie ou accident, l’employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois. Sous réserve de délais plus longs fixés par accord, contrat-type de travail ou convention collective, l’employeur paie pendant la première année de service le salaire de trois semaines et, ensuite, le salaire pour une période plus longue fixée équitablement, compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstances particulières (al. 2).
Un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective peut déroger aux présentes dispositions à condition d’accorder au travailleur des prestations au moins équivalentes (al. 4).
Selon l'échelle bernoise, lorsque l'employé est entre sa 20ème et sa 24ème année de service, le salaire est dû pendant six mois (Wyler/ Heinzer, op. cit., p. 311).
En vertu de l’article 13 al. 1 CTT-EDom, le travailleur est assuré pour la perte de gain en cas de maladie. La couverture est de 80% du salaire pendant 720 jours dans une période de 900 jours.
5.1.2 L’employeur qui s’engage à mettre son employé au bénéfice d’une assurance individuelle ou collective contre la maladie répond de l’existence de la couverture promise. Il est tenu de réparer le préjudice qu’il cause au travailleur en omettant de conclure les contrats nécessaires. Les dommages-intérêts qui doivent être alloués de ce chef couvrent l’intérêt que l’employé avait à l’existence d’une assurance conforme aux termes du contrat de travail et correspondent aux prestations qu’il aurait reçues de la compagnie pour la réalisation du risque considéré (ATF 141 III 112 consid. 4.5 ; 127 III 318 consid. 4 ; 115 II 251
consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2017 du 23 mars 2018 consid. 2).
Dans ce cadre, peu importe que l'obligation de l'employeur de conclure une assurance soit prévue par un contrat individuel de travail ou une convention collective (Wyler/ Heinzer, op. cit., p. 330).
Le travailleur ne peut à la fois réclamer le paiement de son salaire durant le temps limité de l'art. 324a al. 2 CO et les prestations de l'assurance dont l'employeur a payé la moitié des primes, à défaut de quoi il bénéficierait d'un enrichissement sans cause (Wyler/ Heinzer, op. cit., p. 330).
5.2 En l'espèce, le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence précitée en retenant que l'intimée était tenue de verser à l'appelante le montant qu'elle aurait reçu de l'assurance perte de gain si celle-ci avait toujours été en vigueur au moment de la survenance de l'incapacité de travail. Le fait d'avoir retenu comme salaire déterminant celui prévu contractuellement en 2'785 fr. nets n'est pas critiquable, dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet de retenir que ladite assurance perte de gain aurait versé un montant plus élevé que 80% du salaire contractuel.
L'on relèvera en premier lieu que l'intimée a satisfait à ses obligations légales de versement du salaire en cas de maladie ou accident au sens de l'art. 324a al. 2 CO. Puisque l'appelante était dans sa 21ème année de service au moment de la survenance de son incapacité de travail, l'intimée était tenue de lui verser son salaire pendant six mois selon l'échelle bernoise. Or elle a versé le salaire pendant dix mois, soit pendant une période supérieure à ce à quoi l'appelante pouvait prétendre.
L'appelante ne fournit aucune motivation circonstanciée à l'appui de sa thèse selon laquelle le salaire à retenir serait celui prévu par le CCT-EDom et non le salaire contractuel.
Il résulte en particulier des considérants qui précèdent que le salaire versé par l'intimée à l'appelante n'était pas inférieur aux minima prévus par le contrat type précité.
En tout état de cause, comme le relève à juste titre l'intimée, la solution retenue par le Tribunal ne prétérite pas l'appelante, dans la mesure où le montant payé au total par l'intimée pendant toute l'incapacité de travail de son ex-employée, ajouté à la somme qui a été allouée à celle-ci par le Tribunal, est supérieur à ce que l'appelante aurait perçu si elle avait touché 80% du salaire prévu par la CCT-EDom pendant 720 jours.
L'intimée a versé à l'appelante l'intégralité de son salaire pendant 10 mois dès l'incapacité de travail survenue le 29 mars 2021. L'appelante a ainsi touché un montant total de 43'199 fr. arrondis (4'307 fr. de salaire x 9 mois pour 2021 + 4'436 fr. pour janvier 2022), auxquels s'ajoutent les 30'258 fr. alloués par le Tribunal, soit 73'457 fr. arrondis.
En calculant le salaire dû pendant l'incapacité de travail de l'appelante comme le voudrait celle-ci, à savoir en prenant le 80% des salaires minima prévus par la CTT-EDom sur une durée de 720 jours, le montant auquel elle aurait eu droit est inférieur.
L'appelante perd en effet de vue dans son calcul, au demeurant peu clair, que le travailleur ne peut à la fois réclamer le paiement de son salaire durant le temps limité de l'art. 324a al. 2 CO et les prestations de l'assurance dont l'employeur a payé les primes, à défaut de quoi il bénéficierait d'un enrichissement sans cause.
Conformément à ce qui a été exposé ci-dessus, le temps de travail de l'appelante était de 6 heures et non 7 heures par jour, comme le prétend l'appelante. Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit critiqué de manière motivée en appel, qu'en application du CTT-EDom, l'appelante aurait eu droit à un salaire brut arrondi de 3'008 fr. par mois en 2021, de 3'025 fr. en 2022 et de 3'153 fr. en 2023. Le Tribunal a également considéré, sans que les parties ne le contestent, que le droit de l'appelante à toucher des prestations perte de gain à concurrence de 80% de son salaire s'éteignait le 18 mars 2023. Le montant total auquel l'appelante aurait ainsi pu prétendre selon ce calcul est ainsi de 57'202 fr. à savoir 21'654 fr. pour 2021 (9 x 2'406 fr.), 29'040 fr. pour 2022 (12 x 2'420 fr.) et 6'508 fr. pour 2023 (2 x 2'522 fr. + 1'464 fr.).
Il ressort de ce qui précède que la solution adoptée par le Tribunal respecte tant les prescriptions du CTT-EDom que l'équité.
Le chiffre 15 du dispositif du jugement querellé sera par conséquent confirmé.
6. Il résulte de ce qui précède que l'appelante, qui réclamait en dernier lieu 227'604 fr. obtient au final 68'072 fr. 65, soit environ 1/3 de ses prétentions. Les frais judiciaires de première et seconde instance seront dès lors mis à charge de l'appelante à raison des 2/3 et à charge de l'intimée pour le solde (art. 106 CPC).
Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, aucun motif ne justifie de mettre l'intégralité des frais à la charge de l'intimée.
Le Tribunal a arrêté les frais de première instance à 2'170 fr. au total, montant conforme à la loi, qui n'est pas critiqué en appel (at. 69 RTFMC). Le montant à charge de l'appelante sera dès lors de 1'447 fr. et celui à charge de l'intimée de 723 fr.
Dans la mesure où l'appelante plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part des frais sera provisoirement prise en charge par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 et 123 CPC).
La valeur litigieuse en appel étant inférieure à 50'000 fr., il n'y a pas lieu à prélèvement de frais judiciaires pour la procédure de seconde instance (art. 71 RTFMC).
Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable l'appel formé par A______ contre les chiffres 15, 16, 22 et 23 du jugement JTPH/246/2024 rendu le 23 septembre 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/1848/2022.
Au fond :
Annule les chiffres 16, 22 et 23 du dispositif du jugement querellé et, statuant à nouveau:
Condamne la REPUBLIQUE B______ à verser 37'815 fr. net à A______.
Met les frais judiciaires de première instance à raison de 1'447 fr. à la charge de A______ et à raison de 723 fr. à la charge de la REPUBLIQUE B______.
Dit que la part des frais due par A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.
Condamne la REPUBLIQUE B______ à verser 723 fr. à l'Etat de Genève au titre des frais judiciaires de première instance.
Confirme le jugement querellé pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais de seconde instance :
Dit qu'il n'est pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.