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Décisions | Chambre civile

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C/22642/2023

ACJC/140/2025 du 28.01.2025 ( OS ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22642/2023 ACJC/140/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 28 JANVIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Emirats Arabes Unis, recourant contre une ordonnance rendue par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 août 2024, représenté par Me Charles PONCET, avocat, Etude Poncet Sàrl, rue Saint-Léger 6, case postale 300, 1211 Genève 4,

et

La mineure B______, domiciliée chez sa mère, C______, ______ [GE], intimée, représentée par Me Patrick BOLLE, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève.


EN FAIT

A. a. Par acte du 1er novembre 2023, la mineure B______ a formé par-devant le Tribunal de première instance une action en paternité et alimentaire, assortie de mesures provisionnelles, à l'encontre de A______.

Le Tribunal a adressé la demande et les titres à A______ à une adresse genevoise, telle qu'elle figurait sur la demande. Le pli n'a pas été réclamé.

b. Par courrier du 3 janvier 2024, le conseil de A______ a indiqué au Tribunal que son mandant était domicilié à D______ [Emirats Arabes Unis] depuis la fin de l'année 2018, raison pour laquelle la citation qui lui avait été adressée à l'adresse genevoise avait été retournée au greffe. Il a ajouté que l'élection de domicile en son Etude valait "uniquement aux effets de de la citation litigieuse".

Une procuration établie par A______ et mentionnant son adresse à D______ était jointe audit courrier.

c. Le Tribunal a en conséquence procédé par la voie de l'entraide en adressant, par ce biais, à l'adresse à D______ de A______ une ordonnance du 8 février 2024, aux termes de laquelle il lui a transmis la demande et les annexes et imparti un délai pour produire sa réponse écrite et élire domicile en Suisse.

La demande d'entraide n'a pas pu être exécutée.

d. Une deuxième demande d'entraide en vue de notifier à A______ une nouvelle ordonnance a été effectuée, laquelle n'a pas non plus abouti.

e. Invité par le Tribunal à confirmer l'élection de domicile de son mandant sur le fond, le conseil de A______ a répondu par la négative.

f. Par ordonnance du 21 juin 2024, le Tribunal a informé les parties qu'au vu des tentatives infructueuses de notification à A______, les actes de procédure lui seraient notifiés par voie édictale, a informé ce dernier que l'ensemble des pièces et acte de procédure étaient à sa disposition au greffe du Tribunal civil et lui a imparti un nouveau délai au 30 août 2024 pour déposer sa réponse écrite.

Cette ordonnance a été notifiée par voie édictale dans la feuille d'avis officielle le ______ 2024.

g. Par courrier du 22 août 2024, le conseil de A______ a conclu à ce que le Tribunal constate la nullité de la notification par voie édictale du ______ 2024 et procède par la voie de l'entraide au domicile de son mandant à D______, relevant encore une fois n'être constitué qu'aux fins de défendre les intérêts de son client en lien avec la notification litigieuse.

Le conseil de A______ a toutefois déposé un mémoire réponse en date du 28 août 2024 à des fins conservatoires.

h. Par ordonnance du 30 août 2024, dont est recours, le Tribunal a rejeté la requête en constatation de la nullité de la notification édictale du ______ 2024, transmis à la mineure la réponse et le chargé de pièces déposés le 28 août 2024 et cité les parties à une audience de débats d'instruction et de première plaidoiries, fixée au 1er octobre 2024.

L'audience a cependant été annulée par la suite.

B. a. Par acte expédié le 13 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 30 août 2024 précitée.

Il a conclu à l'annulation de ladite ordonnance, à ce que la Cour constate la nullité de l'ordonnance du 21 juin 2024 et de sa notification par voie édictale le ______ 2024 et à ce qu'il soit ordonné à la juridiction compétente de procéder par voie de l'entraide à la notification au domicile de son mandant aux Emirats arabes unis d'une ordonnance lui impartissant un délai pour déposer sa réponse écrite.

b. Dans sa réponse, la mineure B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. A l'appui de leurs écritures, les parties ont produit des pièces qui comprennent exclusivement des actes de procédure se trouvant déjà dans le dossier de première instance.

e. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 12 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La décision querellée, qui porte sur les actes de procédure, constitue une ordonnance d'instruction d'ordre procédural, qui peut faire l'objet d'un recours conformément à l'art. 319 let. b CPC, la voie de l'appel étant exclue (Jeandin, in Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 10 et 14 ad art. 319 CPC).

Le recours doit être écrit et motivé, et déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Le recours contre une telle décision n'étant prévu par aucune autre disposition légale spécifique, le recourant doit démontrer que la décision est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC; Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984).

La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité du recours sont réunies (art. 60 CPC; Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III 115 ss, p. 141; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2225 p. 408; Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, in SJ 2009 II p. 257 ss, p. 259).

1.2 En l'espèce, le recours a été introduit dans les délais et forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 321 CPC), de sorte qu'il est recevable sous cet angle.

1.3 Reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au recourant.

1.3.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 77; arrêt du Tribunal fédéral 5A_24/2015 du 3 février 2015).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Jeandin, op. cit., 22 ad art. 319 CPC;
ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 73; ACJC/1311/2015 du 30 octobre 2015 consid. 1.1. et les références citées).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker &McKenzie [éd.], 2010, n. 8 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 4ème éd. 2025, n. 7 ad art. 319; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

C'est au recourant qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et
133 III 629 consid. 2.3.1).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la partie doit attaquer l'ordonnance avec la décision finale sur le fond (Message CPC, op.cit., p. 6984; Brunner, in Kurzkommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, 3ème éd., 2021, n. 13 ad art. 319 CPC).

1.3.2 En cas de procédure simplifiée, applicable aux procédures indépendantes relatives aux enfants dans les affaires de droit de la famille (art. 295 CPC), le tribunal fixe un délai au défendeur pour se déposer sa réponse écrite si la demande est motivée (art. 245 al. 2 CPC).

En vertu de l'art. 246 al. 2 CPC, si les circonstances l’exigent, le tribunal peut ordonner un échange d’écritures et tenir des audiences d’instruction.

Le tribunal examine les faits d’office et n'est pas lié par les conclusions des parties (296 al. 1 et 3 CPC).

1.3.3 Si le tribunal utilise la notification par voie édictale alors que les conditions n'en sont manifestement pas réunies, la décision souffre d'un vice de procédure qui peut, selon les circonstances, engendrer sa nullité. La sanction de la nullité ne s'applique pas systématiquement en cas de notification viciée par la voie édictale, la nullité apparaissant en définitive limitée aux cas où la partie n'a pas eu connaissance de la procédure. Il convient d'examiner dans chaque cas, d'après les circonstances de l'espèce, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de communication et a, de ce fait, subi un préjudice. Les règles de la bonne foi, qui fixent une limite à l'invocation d'un vice de forme, sont à cet égard décisives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2023 du 13 octobre 2023 consid. 4.1.4 et les références citées).

1.3.4 En l'espèce, le recourant soutient que la notification par voie édictale lui aurait causé un préjudice difficilement réparable en ce sens qu'il n'aurait pas été en mesure d'exercer valablement son droit de se déterminer, n'ayant pu déposer un mémoire de réponse qu'à titre purement conservatoire. Il soutient ainsi avoir été entravé dans son droit de déposer une réponse et, par conséquent, dans son droit d'être entendu.

Or, le recourant a déposé un mémoire de réponse dans le délai fixé par le Tribunal. Bien qu'il le qualifie de "purement conservatoire", il s'est exprimé aussi bien sur les mesures provisionnelles requises par sa partie adverse que sur le fond du litige. Il a encore soulevé la nullité de l'ordonnance du 21 juin 2024 et de sa notification dans la FAO. Il s'est ainsi déterminé sur l'ensemble de la procédure dirigée à son encontre et a pu faire valoir sa position et ses moyens. Il n'expose au demeurant pas sur quels faits il n'aurait pas pu se déterminer ou pas suffisamment.

De plus, le Tribunal n'entend pas garder la cause à juger sans autre mesure d'instruction puisqu'il a cité la cause à une audience de débats d'instruction et de premières plaidoiries, laquelle a toutefois été annulée compte tenu de la présente procédure de recours et sera dès lors reconvoquée ultérieurement. A cette occasion, le recourant pourra encore s'exprimer librement, faire valoir son point de vue et ses arguments et participer à l'instruction. Il sied également de relever que la cause étant soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée, les parties pourront, de surcroît, compléter leurs écritures et faire valoir d'éventuels nouveaux arguments, sans restriction.

Le droit de répondre ainsi que le droit d'être entendu du recourant sont ainsi sauvegardés.

Pour le surplus, le recourant n'expose pas en quoi la notification par voie édictale, dont il a connaissance, mettrait en péril ses droits procéduraux. Il ne saurait se prévaloir de la nullité de la notification des actes de procédure puisqu'il en a eu effectivement connaissance et qu'il a pu exercer ses droits sans être induit en erreur.

Il résulte de ce qui précède que le recourant ne démontre pas subir un préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée.

Le recours est dès lors irrecevable. Point n'est besoin d'entrer en matière sur les autres arguments du recourant, relatifs au fond du litige.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours, lesquels sont arrêtés à 1'000 fr. (art. 106 al. 1 CPC et art. 41 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC, E 1 05.10) et entièrement compensés par l'avance du même montant versée par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera, en outre, condamné aux dépens de l'intimée, fixés à 1'500 fr., débours et TVA inclus (art. 85, 87 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 13 septembre 2024 par A______ contre l'ordonnance rendue le 30 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22642/2023.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance opérée par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'500 fr. à la mineure B______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours:

 

Le présent arrêt, qui ne constitue pas une décision finale, peut être porté au Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile (art. 51 al. 1 let. c et 72 ss LTF; arrêt du Tribunal fédéral 4A_85/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.1), aux conditions de l'art. 93 LTF.