Décisions | Chambre civile
ACJC/1235/2024 du 08.10.2024 sur JTPI/1319/2024 ( OO )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/5302/2021 ACJC/1235/2024 ORDONNANCE PREPRATOIRE DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 8 OCTOBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d’un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 janvier 2024, représentée par Me Mélanie MATHYS DONZE, avocate, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève,
et
Monsieur B______, domicilié ______, Finlande, intimé.
Vu, EN FAIT, le jugement JTPI/1319/2024 rendu le 25 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5302/2021, reçu par A______ le 29 janvier 2024, modifiant partiellement le jugement de divorce n° 19/1______ prononcé le 7 juin 2019 par le Tribunal d'instance de C______, Finlande et attribuant nouvellement à B______ un droit aux relations personnelles sur les mineurs D______, E______ et F______ à exercer, par visioconférence ou par téléphone, chaque mercredi soir entre 18h00 et 19h00 à raison d'au moins dix minutes avec chacun des enfants et complété dans la seule mesure utile la rubrique intitulée "Les visites" du jugement de divorce finlandais précité;
Vu l’appel expédié à la Cour de justice le 26 février 2024 par A______;
Vu les conclusions de A______ tendant à ce que la Cour annule la rubrique "Les visites" du jugement finlandais précité, suspende, en l'état, le droit de visite de B______ sur les enfants mineurs, à défaut d'accord contraire entre les parties, et maintienne la curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite au sens de l'art. 308 al. 2 CC instaurée par l'ordonnance ORTPI/350/2021 du 10 mai 2021;
Que B______ ne s'est pas déterminé en appel;
Attendu, EN FAIT, que A______, suissesse née le ______ 1984, et B______, finlandais né le ______ 1981, se sont mariés en Finlande le ______ 2008;
Qu'ils sont les parents de D______, E______ et F______, respectivement nés le ______ 2010, le ______ 2012 et le ______ 2014;
Que par jugement définitif du 7 juin 2019, exéquaturé en Suisse le 7 août 2020, le Tribunal finlandais compétent, statuant sur requête commune de divorce avec accord complet des époux, chacun assisté d’un avocat, a prononcé leur divorce et, notamment et en substance, a maintenu l’autorité parentale commune des parents sur leurs trois enfants, avec faculté exclusive de la mère de décider de leur lieu de résidence notamment en Suisse et de renouveler leurs passeports suisses, attribué la garde et le domicile légal des enfants à leur mère et attribué au père un droit de visite sur les enfants à exercer en Finlande, équivalent peu ou prou à la moitié de leurs vacances scolaires réparties selon calendrier ad hoc, les frais de billets d’avions des enfants étant à charge des parents pour moitié chacun;
Que A______ est venue s’établir à Genève en juin 2019 avec les trois enfants;
Que depuis lors, B______ n’a plus revu ses enfants et n'a pratiquement plus réussi à maintenir des échanges et un lien avec eux;
Que les motifs de l’absence d’exercice, que ce soit en Finlande ou à Genève, de toute visite entre père et enfants découlent, en sus de la crise sanitaire de 2020-2022, notamment de problèmes financiers et contraintes logistiques dont les parents se rejettent la responsabilité, que de la nature de leurs relations;
Que par acte du 16 mars 2021, A______ a formé une action en modification et en complément du jugement de divorce finlandais;
Que dans un rapport du 22 mars 2021 à l'intention du TPAE, le service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci‑après : SEASP) a préconisé d'ordonner une thérapie parent-enfant entre B______ et les trois enfants au sein de la Consultation psychothérapeutique G______, d'instaurer une reprise progressive des relations personnelles entre B______ et les enfants, avec l'aide de la Consultation psychothérapeutique G______, d'instaurer une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles pour les trois mineurs et d'ordonner une expertise psychiatrique familiale;
Que le SEASP n'a pas procédé directement à l'audition des enfants mais s'est fondé sur des rapports de l'Office médico-pédagogique (ci-après : l'OMP);
Que par ordonnance du 10 mai 2021, le Tribunal a ordonné une thérapie parent-enfants entre B______ et les trois enfants au sein de la Consultation psychothérapeutique G______, a instauré une reprise progressive des relations personnelles entre B______ et les enfants, avec l'aide de la Consultation psychothérapeutique G______ et instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles pour les trois mineurs;
Que par ordonnance du 5 octobre 2022, le Tribunal a partiellement modifié l'ordonnance du 10 mai 2021, en ce sens que la thérapie parents – enfants était effectuée au sein du centre de consultation H______ [ci-après : le H______], lequel était également chargé de soutenir une reprise progressive des relations personnelles entre B______ et les trois enfants; qu'à cet effet, un travail préparatoire serait effectué au sein du H______ à l'occasion de trois visites consécutives d'une heure avec chaque enfant séparément;
Que les tentatives subséquentes de mettre en place les mesures ordonnées, en particulier une thérapie entre père et enfants et une reprise progressive du lien et des relations entre eux, n’ont abouti à aucun résultat concret;
Qu'en particulier, selon un courriel du H______ du 24 février 2023, une rencontre par visioconférence avait été organisée le 11 janvier 2023 à 17h entre les enfants et leur père, en présence d'une thérapeute s'exprimant en anglais; qu'à leur arrivée, apprenant la participation de leur père, les enfants, accompagnés de leur mère, avaient été plongés dans un état d'anxiété important, l'ainée ayant fondu en larmes; que la thérapeute a alors décidé que la séance se déroulerait sans la participation du père, ce que les enfants ont refusé; que le H______ a admis qu'il n'avait pas organisé ce rendez-vous conformément à la demande du Tribunal, à savoir uniquement entre les enfants et un(e) thérapeute;
Que le 23 mars 2023, le curateur du SPMi en charge de la surveillance et de l’organisation du droit de visite, a indiqué au Tribunal de n’être pas en mesure d’exercer son mandat de curateur – dont il a ultérieurement été relevé;
Que le curateur a encore souligné que les appels par visioconférence n’apparaissaient pas propices à la restauration d’un lien entre père et enfants, lesquels continuaient d’exprimer de ne pas être prêts et ne pas désirer le revoir;
Que B______, dans ses plaidoiries finales du 14 juillet 2023, a conclu au déboutement de A______ de ses conclusions en modification du jugement de divorce finlandais;
Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC;
Que compte tenu de la présence de trois enfants mineurs, les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables (art. 296 CPC), le juge n'étant pas lié par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC);
Que l'instance d'appel peut administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC);
Qu'en vertu de l'art. 298 al. 1 CPC, les enfants sont entendus personnellement et de manière appropriée par le tribunal ou un tiers nommé à cet effet, pour autant que leur âge ou d'autres justes motifs ne s'y opposent pas;
Que l'enfant doit, en principe, être entendu à partir de six ans révolus (ATF 133 III 553 consid. 3; 131 III 553 consid. 1.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 5.1; 5A_454/2019 du 16 avril 2020 consid. 3.2; 5A_554/2014 du 21 octobre 2014 consid. 5.1.2);
Que le juge a l'obligation d'entendre l'enfant dans l'ensemble des procédures matrimoniales qui le concernent, à moins que de justes motifs ne s'y opposent, une requête des parents à cet égard n'étant pas nécessaire (Helle, in Droit matrimonial, commentaire pratique, 2016, n. 10 ad art. 298 CPC);
Qu'en l'espèce, D______, E______ et F______ sont âgés respectivement de 14, 12 et 10 ans;
Que les parties s'opposent sur les modalités des relations personnelles entre B______ et les trois enfants;
Que les enfants n'ont été auditionnés ni par le Tribunal de première instance, ni par le SEASP, lequel a rendu un rapport en mars 2021, soit il y a plus de trois ans;
Que les trois enfants n'entretiennent pratiquement plus aucune relation avec leur père depuis plusieurs années, et ce sans que les éléments figurant au dossier permettent d'appréhender complètement les raisons de cette rupture et la position de chaque enfant par rapport à cette situation;
Que les trois enfants doivent donc être auditionnés, aucun motif sérieux ne s'y opposant, la cause n'étant pas en état d'être jugée;
Qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la cause au Tribunal, afin de ne pas retarder l'issue de la procédure;
Que dans la mesure où l'audition par le juge est placée sur un pied d'égalité avec celle d'un tiers nommé à cet effet, l'audition en question peut être déléguée au SEASP, lequel y procédera dans le cadre de l'évaluation sociale qu'il est appelé à rendre au terme du présent arrêt;
Qu'il convient dès lors d'inviter le SEASP à procéder à une évaluation complémentaire après avoir notamment entendu D______, E______ et F______ séparément; que le SEASP sera également invité à prendre contact avec le père;
Que le SEASP communiquera ensuite ses recommandations concernant l'opportunité et les modalités d'une reprise des relations personnelles entre chacun des enfants et leur père;
Que la suite de la procédure est réservée;
Que la fixation des frais sera renvoyée à la décision finale (art. 104 al. 1 CPC).
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La Chambre civile:
Statuant préparatoirement :
Invite le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale à établir un rapport d'évaluation sociale complémentaire dans le sens des considérants.
Lui fixe un délai au 10 décembre 2024 pour remettre son rapport.
Transmet audit Service le jugement du Tribunal de première instance ainsi que les écritures d'appel, accompagnées des pièces.
Réserve la suite de la procédure.
Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente ordonnance avec la décision finale.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, juge déléguée; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente ordonnance peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 93 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.