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Décisions | Chambre civile

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C/6683/2023

ACJC/1077/2024 du 09.09.2024 sur ORTPI/512/2024 ( OO )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6683/2023 ACJC/1077/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 9 SEPTEMBRE 2024

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

2) Madame B______, domiciliée ______ [GE],

3) Madame C______, domiciliée ______ [GE],

4) Monsieur D______, domicilié ______ [GE],

tous intimés et requérants sur requête de sûretés, représentés par Me Alec REYMOND, avocat, @lex Avocats, Rue de Contamines 6, 1206 Genève.

et

Monsieur E______, domicilié ______, Emirats Arabes Unis, appelant et cité sur requête de sûretés, représenté par Me Antonia MOTTIRONI, avocate, Ardenter Law, rue Verdaine 6, 1204 Genève.


EN FAIT

A.           Par ordonnance ORTPI/512/2024 du 25 avril 2024, le Tribunal de première instance a complété l’ordonnance rendue le 5 mars 2024, en ce sens que l’interrogatoire et la déposition des parties suivantes étaient admis, comme moyens de preuve pour la partie défenderesse, comme suit : A______, B______ et C______ sur les allégués 194 et 195, 200 à 202, 205 à 208, 210, 212, 214, 216 et 218 de la duplique du 22 février 2024, B______ exclusivement sur les allégués 209 et 210 de la duplique du 22 février 2024, A______ exclusivement sur les allégués 213 et 215 de la duplique du 22 février 2024, E______ sur les allégués 194 et 195, 212 à 215 de la duplique du 22 février 2024 (chiffre 1 du dispositif).

Il a également annulé et reporté à une date ultérieure l’audience de débats principaux du 15 mai 2024 (ch. 2), ordonné aux parties demanderesses de produire d’ici au 25 mai 2024, l’échange d’emails intervenu entre F______ et G______, en lien avec les faits litigieux pour les périodes suivantes : entre mars et avril 2012, en juillet 2014 (en lien avec les pièces 1 et 2 déf.), entre 2013 et 2020 uniquement les emails portant sur les prorogations d’échéances de remboursement du "prêt " (ch. 3), rejeté l’offre de preuve consistant à produire l’ensemble des échanges d’emails intervenus entre les parties demanderesses et F______ (ch. 4), écarté de la procédure les déterminations de la partie défenderesse sur celles des parties demanderesses, contenues dans son courrier du 18 avril 2024 (ch. 5), arrêté à 400 fr. les frais de l’ordonnance (ch. 6), dit que la charge desdits frais sera déterminée au moment du jugement au fond, avec l’ensemble des frais judiciaires et des dépens (ch. 7) et réservé la suite de la procédure dès réception des pièces requises (ch. 8).

B.            a. Le 10 mai 2024, E______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant à l’annulation et la réformation des chiffres 4 et 5 du dispositif.

Cela fait, il a conclu à l’admission de la totalité de l’offre de preuves formulée dans sa duplique du 22 février 2024, qu'il a intégralement reprise, ainsi que de ses déterminations du 18 avril 2024, et à ce que l'ordonnance de preuve soit complétée en conséquence, sous suite de frais et dépens.

b. Par avis du 13 mai 2024, le greffe de la Cour de justice a informé A______, B______, C______ et D______ de ce que E______ avait formé recours contre l’ordonnance du 25 avril 2024. L'acte de recours leur serait communiqué après paiement de l'avance de frais par le recourant.

c. Par avis du greffe de la Cour du 3 juin 2024, un délai de 10 jours a été imparti à A______, B______, C______ et D______ afin de répondre au recours.

d. Ces derniers ont répondu par acte du 13 juin 2024, concluant à ce que le recours soit déclaré irrecevable, subsidiairement rejeté, sous suite de frais et dépens. Ils ont par ailleurs conclu, préalablement, à ce que le recourant soit condamné au versement de sûretés en 15'000 fr., compte tenu du fait qu'il était domicilié aux Emirats Arabes Unis.

e. Le 4 juillet 2024, le recourant a répondu à la requête de sûretés, concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet. En cas d'admission de la requête, il se justifiait, quoiqu'il en soit, de réduire le montant des sûretés.

f. A______, B______, C______ et D______ ont déposé une réplique spontanée, persistant dans leurs conclusions.

g.
E______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

h. Par avis du greffe de la Cour du 15 août 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de sûretés.

C.       Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 25 août 2023, A______, B______, C______ et D______ ont formé devant le Tribunal une demande en paiement de la somme totale de 858'559 fr. 45, en capital et intérêts, à l'encontre de E______, fondé sur un prêt allégué que leur épouse, respectivement leur mère, feu F______, aurait consenti à son frère, E______.

Ils ont indiqué, dans leur demande, l'adresse suivante pour E______ : 1______, République démocratique du Congo.
b. Par courrier du 16 octobre 2023, le conseil de E______ a notamment précisé au Tribunal que celui-ci n'était pas domicilié au Congo mais à l'adresse suivante: 2______ (Emirats Arabes Unis).

c. Par réponse du 20 novembre 2023, E______ a conclu au déboutement de ses adversaires.

d. Lors de l'audience de débats d'instruction du 22 janvier 2024, les demandeurs ont déposé une réplique spontanée et sollicité l'audition de B______ sur les allégués 173 et 174 de leur demande et l'audition d'un témoin sur les allégués 171 et 172 de leur demande. E______ a sollicité un délai pour dupliquer et d'ores et déjà son audition, sous réserve de sa duplique.



e.
Dans le délai imparti par le Tribunal au 22 février 2024, E______ a dupliqué et sollicité l'audition des parties, nommément désignées, comme offre de preuve à l'appui de certains de ses allégués.

f. Le 5 mars 2024, le Tribunal a rendu une ordonnance, admettant l'offre de preuve formulées par les parties demanderesses lors de l'audience de débats principaux et l'interrogatoire et la déposition de E______, comme moyens de preuve pour celui-ci.

g. Le 8 mars 2024, E______ s'est enquis auprès du Tribunal du devenir de l'offre de preuves qu'il avait formée à l'appui de sa duplique.

h. Par ordonnance du 12 mars 2024, le Tribunal a fixé un délai aux parties demanderesses pour s'exprimer sur cette offre de preuve.

i. Par déterminations du 8 avril 2024, les parties demanderesses ont conclu au rejet de cette offre de preuve et se sont déterminées sur certains allégués, qualifiés de nouveaux, contenus dans la duplique de leur adversaire.

j. Par ordonnance du 10 avril 2024, le Tribunal a transmis lesdites déterminations à E______ et indiqué aux parties que la cause serait gardée à juger dans un délai de dix jours sur la question de l'offre de preuves complémentaire et ordonné, "à ce stade", l'interrogatoire et la déposition des parties, soit de B______ et E______, qu'il a fixés au 15 mai 2024.

k. Le 18 avril 2024, E______ a déposé des déterminations au Tribunal concluant à l'admission de ses offres de preuve, par une ordonnance à rendre avant l'audience du 15 mai 2024, à laquelle l'ensemble des demandeurs devait être convoqué. Il a conclu subsidiairement au renvoi de cette audience jusqu'à ce que la question de l'offre de preuves soit tranchée.

l. Le Tribunal a rendu l'ordonnance entreprise le 25 avril 2024.

EN DROIT

1.             1.1.1 L'article 99 al. 1 CPC prévoit que le demandeur doit, sur requête du défendeur et pour autant que l'une ou l'autre des conditions énumérées sous lettres a à d soient remplies, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens.

L'art. 99 al. 1 CPC prévoit notamment cette possibilité si le demandeur n'a pas de domicile ou de siège en Suisse (let. a).


L’institution des sûretés, connue avant l'entrée en vigueur du CPC sous la dénomination de cautio judicatum solvi, a pour but de donner au défendeur une assurance raisonnable que, s'il gagne son procès, il pourra effectivement recouvrer les dépens qui lui seront alloués à la charge de son adversaire : le procès implique en effet des dépenses que le défendeur n'a pas choisi d'exposer et dont il est juste qu'il puisse se faire indemniser si la demande dirigée contre lui était infondée (TAPPY, CR CPC, 2019, n. 3 ad art. 99 CPC; SUTER/VON HOLZEN, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), SUTTER-SOMM/hasenböhler/leuenberger (éd.), 3ème éd. 2016, n. 2 ad art. 99 CPC).
A teneur du texte de loi, seul le défendeur de première instance peut requérir des sûretés du demandeur. Néanmoins des sûretés peuvent également être exigées en deuxième instance, pour les frais futurs (arrêt du Tribunal fédéral
4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2 et les références citées; rüegg, in Basler Kommentar, 2010, Schweizerische Zivilprozessordnung, spühler/tencio/infanger (éd.), 2017, n° 5 ad art. 99 CPC; sterchi, in Berner Kommentar ZPO, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, 2012, n° 10 ad art. 99 CPC).

1.1.2 Selon le Tribunal fédéral, un recourant ne peut demander des sûretés en déposant simultanément sa réponse sur le recours, car il n'a plus d'intérêt à les obtenir, ayant déjà exposé en réalité tous les frais susceptibles de justifier des dépens en sa faveur, de telle sorte que sa requête est irrecevable (ATF 118 II 87 consid. 2, JdT 1993 I 316; ATF 79 II 295 consid.3, JdT 1954 I 528; arrêt du Tribunal fédéral 4A_188/2007 du 13 septembre 2007 consid. 1.4).

Le Tribunal fédéral a appliqué la jurisprudence précitée au cas d'une demande de sûretés présentée par l'intimé à un appel ou un recours selon les art. 308 ss ou 319 CPC (ATF 141 III 554). Comme cependant, alors que le délai pour se déterminer sur un recours au Tribunal fédéral est un délai judiciaire, qui peut être prolongé jusqu'à droit connu sur une telle demande (Corboz, in LTF, n. 27 ad art. 62), les délais de réponse à un appel ou un recours des art. 319 ss CPC sont des délais légaux non prolongeables (art. 312 et 322 et 144 al. 2 CPC), le même arrêt a considéré qu'il n'était pas non plus possible de déposer dans lesdits délais seulement une requête de sûretés. Le Tribunal fédéral a dès lors choisi d'imposer à celui qui, ayant gagné en tout ou partie en première instance et pouvant donc s'attendre à un appel ou un recours de son adversaire de demander, s'il y a lieu, des sûretés avant la notification de l'éventuel appel ou recours, par un acte présentant une certaine ressemblance avec un mémoire préventif (Tappy, op. cit. n. 15 et 16 ad art. 99 CPC).

1.2 En l’espèce, les requérants ont été informés, par avis du greffe de la Cour du 13 mai 2024, de ce que le cité avait formé appel contre l'ordonnance du Tribunal du 25 avril 2024. Ils savaient depuis le début de la procédure de première instance que le cité était domicilié à l'étranger, puisqu'ils ont indiqué sur leur demande en paiement du 25 août 2023 qu'il était domicilié en République démocratique du Congo, avant que le Conseil du cité rectifie ce point par courrier adressé au Tribunal le 16 octobre 2023, indiquant que son mandant était domicilié à [l'adresse] 2______. Les requérants auraient par conséquent dû, dès réception de l'avis les informant du dépôt d'un recours, prendre des conclusions en fourniture de sûretés, sans attendre qu'un délai pour répondre au fond leur soit imparti. Ils ne peuvent se prévaloir du fait que le délai de réponse est de dix jours dans le cadre d'un recours contre une ordonnance, le Tribunal fédéral ayant appliqué indifféremment sa jurisprudence à un appel ou un recours (cf supra1.1.2).

Dès lors, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée ci-dessus, la demande de sûretés formée dans le cadre du mémoire réponse doit être considérée comme tardive et, partant, déclarée irrecevable.

2.             Il sera statué sur les frais judiciaires et dépens de l'incident avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens :

Déclare irrecevable la requête en constitution de sûretés formée le 13 juin 2024 par A______, B______, C______ et D______ dans la cause C/6683/2023.

Dit qu'il sera statué sur les frais judiciaires et dépens de l'incident avec la décision sur le fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Monsieur
Ivo BUETTI et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame
Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.