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Décisions | Chambre civile

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C/25696/2016

ACJC/1050/2024 du 27.08.2024 sur JTPI/12865/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25696/2016 ACJC/1050/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 27 AOUT 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [VS], appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 novembre 2023, représentée par Me Christophe DE KALBERMATTEN, avocat, Python, rue Charles-Bonnet 2,
1206 Genève,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Pascal AEBY, avocat, rue Beauregard 9, 1204 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12865/2023 du 7 novembre 2023, reçu le 9 suivant par les parties, le Tribunal de première instance a condamné A______ SA à payer à B______ SA 740'000 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le 24 février 2016 (ch. 1 du dispositif), écarté l'opposition formée par A______ SA à la poursuite n. 1______ émise par l'Office des poursuites du district de C______ (VS) à concurrence de 740'000 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le 24 février 2016 (ch. 2), mis à la charge de A______ SA les frais judiciaires, arrêtés à 38'345 fr., les a compensés avec les avances de frais fournies, condamné A______ SA à payer à B______ SA 31'080 fr., dit que les Services financiers du Pouvoir judiciaire restitueraient à A______ SA 535 fr. et que les frais d'expertise judiciaire établie par D______ resteraient à la charge de l'Etat (ch. 3), condamné A______ SA à payer à B______ SA 33'600 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 11 décembre 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Elle a conclu à ce que la Cour rejette la demande en paiement de B______ SA, dise que l'opposition formée à la poursuite n. 1______ irait sa voie et que la poursuite serait annulée, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Par réponse du 2 février 2024, B______ SA a conclu à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique, duplique et triplique spontanée, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger par pli de la Cour du 3 mai 2024.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. B______ SA, inscrite au registre du commerce genevois depuis le ______ 1984, a pour but l'exploitation d'un bureau chargé de l'étude de tous les problèmes architecturaux, urbanistiques, commerciaux ou financiers se rapportant à la construction.

Jusqu'en 1997, sa raison sociale était E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA.

F______, architecte, en est l'actionnaire majoritaire depuis une date non précisée. Il est aussi employé et associé de la société depuis les années 1980.

b. A______ SA, inscrite au registre du commerce du Valais depuis 2007, est active dans le domaine de l'achat, la vente, la construction, la location, la gestion et l'exploitation de biens immobiliers. Elle a pour but la construction d'un hôtel ou apparthôtel et son exploitation dans la commune valaisanne de G______ [actuellement et depuis le 1er janvier 20______, suite à une fusion de communes, commune de H______].

I______ en a été le président avec signature individuelle de 2007 à mai 2013. Il était également l'actionnaire d'une société – non partie à la procédure – qui détenait à l'époque A______ SA. Il est ensuite devenu lui-même actionnaire unique de A______ SA.

J______ en a été le directeur de 2008 à mars 2010, puis administrateur avec signature collective à deux jusqu'en septembre 2013, et administrateur sans droit de signature jusqu'en janvier 2014, époque à laquelle il a été radié de sa qualité d'organe. Selon ses déclarations en audience, son contrat de travail avec A______ SA a pris fin d'un commun accord avec son employeur. Il était resté en bons termes avec le [nouvel] actionnaire de la société.

Au gré d'un changement d'actionnariat qui a eu lieu [entre 2013 et 2014], K______ a succédé à J______ en qualité d'administrateur avec signature individuelle. Il est le représentant d'une autre société – non partie à la procédure – qui est aujourd'hui l'actionnaire unique de A______ SA.

c. M______, hameau situé à environ 1500 mètres d'altitude sur une route de montagne reliant le village de G______ à L______/C______ (VS), est affecté en zone constructible et dédié au tourisme.

d. A______ SA a investi dans le développement d'un vaste projet touristique sur le site de M______ sur quatre zones (zones 1 à 4).

e. La zone 1, dite "M______/N______", soit un site déjà bâti au début des années 1970 comprenant trois tours d'habitation développées par le père de F______, E______, dans le cadre du plan de quartier datant de 1969.

f. Le projet concerné par la présente cause se situe en zone 1. Il a débuté en novembre 2007 et avait pour objet la construction, à côté des trois tours existantes, de cinq tours supplémentaires destinées à accueillir une résidence hôtelière.

g. J______, alors directeur de A______ SA, a confié ce projet à B______ SA.

h. En vue de son développement, il est apparu nécessaire de modifier le précédent plan de quartier de 1969 "M______/N______" et son règlement d'application qui couvraient la zone 1, laquelle englobait quatorze parcelles contiguës, sises au lieu-dit "O______" ou "O______" dans la commune de G______.

i. F______ détient – directement ou indirectement avec d'autres propriétaires, en partie membres de sa famille – certaines parcelles concernées par le projet global de construction de A______ SA sur le site de M______, notamment situées en zones 1 et 3 de la commune de G______.

A ce sujet, le précité a déclaré au Tribunal détenir, ainsi que des membres de sa famille, des participations dans une société détenant des parcelles en zone 1. J______ l'avait approché après avoir appris qu'il était l'ayant-droit de parcelles situées en zone 1 de la commune de G______.

Le témoin J______ a confirmé au Tribunal qu'il savait que F______ était copropriétaire de terrains en zone 1. Il en avait été informé dès le départ et a conclu le contrat d'architecte (cf. let. l infra) pour le compte de A______ SA en connaissance de ce fait.

j. Les parcelles précitées, sises en zones 1 et 3, ont fait l'objet de trois contrats de promesse de vente conclus devant notaire entre A______ SA (promettant-acquéreur) et les différents propriétaires (promettant-vendeur).

k. Le contrat de promesse de vente et d'achat relatif aux parcelles nos 2______, 3______ et 4______, sises en zone 1 de la commune de G______, a été conclu le 25 janvier 2008 entre A______ SA, en qualité de promettant-acquéreur, et O______/P______ SA [société qui a pour actionnaire la société en commandite F______/Q______ & CIE dont F______ est associé], en qualité de promettant-vendeur.

Il ressort de l'art. 4.1 de cet acte que la vente immobilière était notamment conditionnée au dépôt par A______ SA de la demande d'autorisation de construire dans un délai de six mois suivant l'entrée en force du nouveau plan de quartier du lieu-dit "O______" dans la commune de G______. Selon l'art. 5, dans cette optique, le promettant-vendeur donnait tous pouvoirs à A______ SA de le représenter dans le cadre des démarches et dans toutes les affaires liées à la demande d'autorisation de construire.

l. Le 25 janvier 2007 [recte: 2008], A______ SA, représentée par I______, et B______ SA, représentée par F______ et R______, ont signé un contrat type relatif aux prestations de l'architecte (mis à disposition par la société suisse des ingénieurs et des architectes; ci-après SIA) portant sur la construction de cinq tours de onze à douze étages comprenant un étage commercial et trois niveaux de parking en sous-sol, ainsi qu'un centre de bien-être.

l.a. Selon le chiffre 1.5 de ce contrat, le règlement SIA 102 concernant les prestations et honoraires des architectes (édition 2003) (ci-après aussi : RSIA 102 ou norme SIA 102) est intégré au contrat.

l.b. Le chiffre 2.1 du contrat traite des prestations à fournir par l'architecte, à savoir "les prestations ordinaires suivantes au sens de l'art. 4 du règlement SIA 102 (2003)" : l'avant-projet, représentant 9% des prestations, le projet de l'ouvrage, représentant 21% des prestations et la procédure de demande d'autorisation, représentant 2.5% des prestations. Le total de ces prestations ordinaires étant de 32.5%.

L'avant-projet est constitué des sous-prestations "recherche de partis et estimation" (0% des prestations), "sommaire des coûts de construction" (3% des prestations) et "avant-projet et estimations de coûts" (6% des prestations).

Le projet de l'ouvrage est constitué des sous prestations "projet de l'ouvrage" (13% des prestations), "études de détails" (4% des prestations) et "devis" (4% des prestations).

l.c. A teneur du chiffre 2.2 du contrat, le montant forfaitaire des honoraires de l'architecte s'élève à 2'380'000 fr. TTC pour la phase I qui correspond à 32.5% des prestations. Le calcul de ces honoraires résulte de l'application de la méthode du coût de l'ouvrage (annexe 6 au contrat).

Le plan de paiement des honoraires, prévu en trois tranches, s'articule comme suit:

-          790'000 fr. à la signature du contrat;

-          790'000 fr. au 15 juin 2008, soit au dépôt de l'autorisation de construire;

-          800'000 fr. à l'entrée en force de l'autorisation de construire.

Le témoin J______ a confirmé au Tribunal que ces honoraires avaient été discutés et approuvés par les parties.

l.d. Selon le chiffre 8 du contrat relatif aux échéances et délais, la présentation de l'avant-projet devait avoir lieu le 31 mars 2008, la présentation du projet de l'ouvrage le 15 mai 2008 et le dépôt du dossier d'autorisation de construire le 15 juin 2008.

l.e. Le contrat et ses annexes priment sur les valeurs statistiques (tarif 2007) [utilisées pour le calcul de ces prix en application de la méthode du coût de l'ouvrage publiées par la SIA] et sur le règlement SIA 102 (ch. 1.1., 1.4 et 1.5 du contrat).

l.f. En cas de contentieux, le Tribunal compétent est le tribunal ordinaire du domicile ou du siège du mandataire. La médiation est obligatoire avant sa saisine (ch. 13.1 et 13.2 du contrat).

m. F______ a déclaré au Tribunal que les trois phases prévues par le contrat sous ch. 2.1 avaient été réalisées, sans toutefois que tous les points prévus par la norme SIA 102 n'aient été repris.

S______, entendu par le Tribunal comme représentant de A______ SA, a précisé être consultant – non salarié – de la société depuis le printemps 2013. Il a déclaré qu'un architecte avait été consulté au sujet de la conformité du projet de F______ avec les normes SIA 102, ce qui avait permis de relever des manquements (notamment concernant l'estimation des coûts de construction et le calendrier). Même sans tenir compte des défauts de qualité constatés, les honoraires étaient "un peu trop élevés" pour le travail fourni.

n. A______ SA s'est acquittée de la première échéance de paiement en trois acomptes réglés les 3 et 6 mars et 2 avril 2008.

o. Le 9 juillet 2009, B______ SA, pour le compte de A______ SA, a déposé auprès de la commune de G______ la demande d'autorisation de construire portant sur les parcelles nos 2______, 3______ et 4______ de la commune précitée, soit un formulaire de demande d'autorisation de construire accompagné d'un dossier concernant le projet "M______/N______".

Ledit projet, modifié dans l'intervalle et objet de la demande d'autorisation de construire, comprenait quatre tours et cent dix-huit appartements en résidence hôtelière, une zone commerciale, une réception, une salle de conférence et une piscine.

Le formulaire ad hoc renvoie pour la désignation des propriétaires aux extraits du registre foncier et aux copies des promesses de vente et d'achat des parcelles concernées annexées à la demande. Il a été signé par F______, en tant qu'auteur des plans, et par Me T______, alors administrateur de A______ SA, pour la requérante. Les propriétaires des parcelles n'ont pas signé ce formulaire.

Les témoins J______ et U______, employée de A______ SA depuis 2008 en qualité de responsable de projet, ont confirmé au Tribunal que la demande d'autorisation de construire avait bien été déposée par B______ SA.

Le témoin V______, conseiller municipal de la commune de G______, responsable des constructions et de l'aménagement du territoire de 2001 à 2012, a déclaré au Tribunal que la législation en vigueur pour la zone 1 sur le site M______ exigeait l'élaboration d'un nouveau plan de quartier avant le dépôt de la demande d'autorisation de construire.

F______ a déclaré au premier juge que le but du contrat d'architecte était d'établir la demande d'autorisation de construire. Il avait personnellement dédié à ce projet 60 % de son temps, entre 2008 et 2009, à quoi s'ajoutait le travail des employés du bureau. B______ SA avait, en accord avec la commune, déposé la demande d'autorisation de construire en juillet 2009 avant la validation du plan de quartier. Dans la pratique la demande d'autorisation de construire était souvent déposée parallèlement au plan de quartier.

Le témoin W______, qui a présidé l'exécutif de la commune de G______ de 2001 à 2016 a confirmé au Tribunal, d'une part, que A______ SA avait déposé une demande d'autorisation de construire et, d'autre part, que c'était la commune qui avait suggéré de le faire parallèlement à la procédure de modification du plan de quartier.

p. A______ SA s'est acquittée d'un montant de 50'000 fr. relatif à la deuxième échéance de paiement au début de l'année 2010.

q. Le plan de quartier "M______/N______" élaboré par B______ SA a été soumis parallèlement à la demande d'autorisation de construire à la commune de G______. Il a été approuvé par celle-ci en juin 2010 et par le Conseil d'Etat valaisan en mars 2013, lequel a aussi rejeté les recours des opposantes. En octobre 2014, le Tribunal cantonal valaisan a confirmé ces décisions et rejeté les recours déposés à leur encontre. Cette décision a fait l'objet de recours au Tribunal fédéral (cf. let. t infra).

r. En décembre 2015, le Département des transports, de l'équipement et de l'environnement du canton du Valais a adressé à la commune de G______ la synthèse des prises de position des organes cantonaux consultés s'agissant de la demande d'autorisation de construire sollicitée par A______ SA. Les préavis, pour l'essentiel positifs, étaient pour certains émis avec des réserves.

Selon les déclarations de F______ au Tribunal, ladite synthèse approuvait les compléments sollicités dans le cadre de la demande d'autorisation de construire. Les dérogations à la loi de la demande d'autorisation de construire – en particulier celles relevées par l'Office cantonal du feu dans son préavis – avaient été admises par le canton sous réserve de mesures de sécurité à adopter. Selon F______, les dérogations accordées n'ouvraient pas plus de possibilités de recours contre l'autorisation de construire.

Le témoin W______ a déclaré au premier juge que la commune avait donné un préavis favorable tant à la demande d'autorisation de construire qu'à la modification du plan de quartier. L'autorisation de construire, qui avait, à son souvenir, été préavisée favorablement par le canton, n'avait pas pu aboutir suite à la décision du Tribunal fédéral refusant le plan de quartier (cf. let. z infra).

Le témoin V______ a déclaré au Tribunal que la demande d'autorisation de construire avait dû nécessiter beaucoup de travail. Le dossier était compliqué et A______ SA avait dû apporter nombre d'informations complémentaires dans le cadre des oppositions, ce qui avait également engendré un travail important. De manière générale, la commune délivrait une autorisation de construire sur la base d'un rapport de synthèse lorsque le préavis du canton était favorable. La synthèse des prises de position valait pour la commune la possibilité d'accorder l'autorisation de construire.

Le témoin X______, conseillère communale auprès de l'administration de H______ depuis 2017, précédemment à la commune de G______ durant deux législatures de 2005 à 2016, et membre de la commission de construction, a résumé au Tribunal la procédure relative aux autorisations de construire. Elle a déclaré que c'était seulement suite au préavis de synthèse du canton que le conseil municipal de la commune traitait des oppositions [formulées préalablement au stade du dépôt de la demande d'autorisation de construire]. Une fois les oppositions écartées, l'autorisation était approuvée et cela faisait partir les délais de recours pour les opposants. De manière générale, lorsque le rapport de synthèse du canton était positif, cela signifiait que le projet respectait toutes les exigences légales. S'agissant du projet de A______ SA en zone 1 de la commune de G______, dont F______ s'était chargé, elle avait souvenir d'un retour positif du canton, sous certaines conditions.

s. Après la réception de ladite synthèse, la commune de G______ a suspendu la procédure relative à la demande d'autorisation de construire de A______ SA, compte tenu du recours pendant au Tribunal fédéral concernant la modification du plan de quartier.

F______ a déclaré au Tribunal que B______ SA avait sollicité A______ SA pour le paiement du deuxième acompte dès lors que le dossier présenté pour la demande d'autorisation de construire convenait tant à la commune qu'au canton.

t. Par arrêt 1C_568/2014, 1C_576/2014 du 13 janvier 2016, le Tribunal fédéral a admis les recours des opposants contre la décision d'approbation du plan de quartier "M______/N______". Les autorités cantonales devaient déterminer si et dans quelle mesure elles pouvaient reprendre le projet litigieux dans une procédure de planification répondant aux exigences citées dans le cadre de l'arrêt.

Le Tribunal fédéral a notamment laissé ouverte la question de savoir si la répartition des affectations des surfaces habitables devait être définie dans le règlement du plan de quartier ou pouvait être décidée dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire, dès lors que cette question relevait du fond (consid. 6.2). Il a aussi relevé que A______ SA avait "elle-même fait le choix de ne pas [les] coordonner [les différentes étapes du projet touristique] en présentant certaines demandes de permis de construire avant la réalisation de la planification du secteur litigieux (consid. 7.2).

F______ a déclaré au Tribunal que suite au rejet du plan de quartier par le Tribunal fédéral, la commune n'avait pas délivré d'autorisation de construire. Les terrains étant restés en zone à bâtir, il était néanmoins possible de déposer une nouvelle demande d'autorisation de construire, ce que A______ SA n'avait pas souhaité faire. Le projet en tant que tel n'avait pas modifié le prix des parcelles, mais il y avait eu un regain d'intérêt pour celles-ci lors des deux dernières années.

u. Par courriel du 27 janvier 2016, U______, en sa qualité de responsable de projet au sein de A______ SA, a transmis à F______ une proposition de convention lui demandant de transmettre ses commentaires. Le préambule stipulait que A______ SA avait signé un contrat d'architecte avec B______ SA, qui avait déposé l'autorisation de construire pour la zone 1; le solde d'honoraires restant dû pour ces prestations s'élevait 740'000 fr. La propriétaire des parcelles acceptait de signer une prolongation d'un an des promesses d'achat en faveur de A______ SA. Cette dernière s'engageait à verser à B______ SA 15% des sommes dues, soit 111'000 fr., avant la signature de ladite prolongation.

v. Par courrier du 24 février 2016, B______ SA a rappelé à A______ SA que les honoraires, payables selon le contrat d'architecte au moment du dépôt de l'autorisation de construire (deuxième tranche), restaient encore dus. Elle exigeait le paiement du solde de 740'000 fr. dans les 30 jours. B______ SA a adressé une nouvelle mise en demeure à A______ SA le 30 juin 2016, laquelle est restée sans réponse.

w. Le 22 septembre 2016, B______ SA a fait notifier à A______ SA, par l'Office des poursuites du district de C______, un commandement de payer, poursuite n. 1______, portant sur la somme de 740'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 9 juillet 2009. La cause de l'obligation mentionnée était "le contrat relatif aux prestations de l'architecte conclu entre B______ SA et A______ SA le 25 janvier 2007 [recte: 2008]".

A______ SA y a fait opposition totale.

D. a. Par requête déposée en conciliation le 22 décembre 2016 et portée le 13 juin 2017 devant le Tribunal, B______ SA a conclu à la condamnation de A______ SA au paiement de 740'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 9 juillet 2009 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer n. 1______/0, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a fait valoir avoir effectué les prestations prévues par le contrat du 25 janvier 2008, à savoir l'élaboration d'un plan de quartier, d'études détaillées, de plans et images de synthèse en vue du développement du projet de A______ SA en zone 1 de la commune de G______, travaux qui avaient abouti au dépôt de l'autorisation de construire le 9 juillet 2009. Le paiement de 790'000 fr. était exigible dès cette date, indépendamment de la délivrance de l'autorisation de construire par les autorités. Partant, les honoraires de 740'000 fr. réclamés (790'000 fr. sous déduction de l'acompte versé de 50'000 fr.) étaient dus.

Aux allégués n. 3 à 10 de sa demande, B______ SA a d'abord évoqué le contrat et ses annexes, produits sous pièce n. 3, en lien avec la rémunération convenue, puis le projet architectural visé par ledit contrat. En particulier, elle a exposé, à l'allégué n. 6, que le mandat confié correspondait à la zone 1 du vaste projet "M______"; elle a produit sous pièce n. 4, à l'appui de cet allégué, un plan des zones dudit projet, non daté.

b. Par réponse du 30 novembre 2017, A______ SA a conclu au rejet de la demande en paiement, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a admis les allégués n. 3 à 10 de la demande, à l'exception de l'allégué n. 3 en ce qui concerne la date de signature du contrat d'architecte, faisant valoir que son adverse partie n'avait pas établi que ledit contrat avait été signé le 15 janvier 2008.

Elle a soutenu que F______, en tant que propriétaire avec sa famille de parcelles "touchées" par le projet M______ et désireux de les vendre, avait un intérêt personnel à celui-ci. Il était admis que l'intéressé avait élaboré les documents relatifs à l'avant-projet et au projet M______. Cela étant, une partie de ceux-ci (référence faite à des pièces produites à l'appui de la demande en paiement mais non désignées) constituait "de simples adaptations, notamment des dates" des plans sur des parcelles appartenant à F______ (et sa famille) qu'il avait élaborés du temps de E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA. Ces circonstances commandaient déjà de réduire "en conséquence" le prix [prévu par le contrat pour ces prestations]. Par ailleurs, pour autant qu'un contrat oral existât avec E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA (en lien avec les documents que cette dernière avait déjà réalisés par le passé dans le cadre du projet M______), il n'était pas soumis à la norme SIA 102 ni au mode de rémunération prévu par celle-ci. En tout état de cause, B______ SA ("en réalité E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA avant elle") n'avait que partiellement réalisé les prestations prévues par le contrat. En effet, un certain nombre de sous-phases prévues par l'art. 4 RSIA 102 composant la phase de l'établissement de l'avant-projet et de celles composant la phase du projet faisaient défaut. Rapportées aux pourcentages, les prestations relatives à l'établissement de l'avant-projet étaient, selon A______ SA, réalisées à hauteur de 7% sur les 9% prévus par le contrat; quant à celles relatives au projet, leur exécution était estimée à hauteur de 8.20% sur le pourcentage prévu de 21%. Aussi, selon ses calculs, A______ SA avait versé un montant de 60'034 fr. en trop à B______ SA. En revanche, A______ SA contestait que B______ SA eût déposé une demande d'autorisation de construire, du moins complète, puisque les noms et adresses des propriétaires des fonds, ainsi que leurs signatures manquaient. Le montant prévu au moment du dépôt d'une autorisation de construire n'était donc pas dû. Seule une demande d'autorisation de plan de quartier de la zone 1 de la commune de G______, qui n'avait au demeurant pas été approuvée, avait été en réalité soumise aux autorités. Avant qu'une demande d'autorisation de construire puisse être valablement préparée, le plan de quartier devait (encore) être substantiellement modifié.

c. Par réplique du 31 janvier 2018, B______ SA a fait valoir que A______ SA connaissait parfaitement l'intérêt personnel que F______ et sa famille avaient au développement du projet au moment de la signature du contrat d'architecte. Parallèlement au contrat litigieux, A______ SA avait d'ailleurs conclu les promesses de vente et d'achat relatives aux parcelles concernées. La demande d'autorisation de construire avait été déposée en bonne et due forme. Les critiques au sujet de l'absence des noms et des adresses des propriétaires, ainsi que leurs signatures relevaient du formalisme excessif : non seulement ces informations ressortaient des documents annexés mais en outre A______ SA disposait d'un pouvoir de représentation des propriétaires résultant desdites promesses de vente et d'achat. Par ailleurs, la synthèse de décembre 2015 fournie par le Département valaisan des transports, de l'équipement et de l'environnement équivalait à l'octroi d'une autorisation de construire. Celle-ci avait été suspendue dans l'attente de l'arrêt du Tribunal fédéral ayant pour objet la modification du plan de quartier, sans que A______ SA n'ait invoqué une quelconque erreur suite au prononcé de l'arrêt. Bien au contraire, quelques jours après cette décision, A______ SA lui avait soumis une proposition d'arrangement de paiement par laquelle elle reconnaissait l'existence des prestations réalisées – en particulier le dépôt de l'autorisation de construire – et lui devoir le solde réclamé de 740'000 fr. A______ SA s'était, en effet, engagée à lui régler une partie de cette somme moyennant la prolongation des promesses de vente et d'achat. Il s'agissait du courriel du 27 janvier 2016 que U______, responsable de projet au sein de A______ SA, avait adressé à F______. Quant aux prestations prévues par le contrat d'architecte, elles avaient été entièrement exécutées. L'art. 4 du règlement SIA 102 ne prévalait pas sur l'accord des parties quant aux prestations ordinaires à effectuer telles que décrites dans le contrat, lequel ne faisait pas référence à cette disposition qui n'était au demeurant pas reproduite dans le contrat ni annexée. A______ SA ne pouvait pas s'appuyer sur les sous-phases décrites dans cette disposition pour appuyer la thèse – contestée – d'une exécution partielle du contrat.

d. Par duplique du 28 février 2018, A______ SA a persisté à contester qu'une demande d'autorisation de construire eût été valablement déposée, estimant que seul le plan de quartier avait fait l'objet d'une demande d'autorisation déposée en lien avec la zone 1 de la commune de G______, objet du contrat d'architecte litigieux. Dans ce cadre, B______ SA s'était contentée de reprendre une grande partie du travail déjà été effectué par F______ et à faire de simples adaptations du plan de quartier "M______/N______". Sur le plan formel, la procuration générale contenue dans la promesse de vente ne pouvait pallier la signature manquante du propriétaire des parcelles concernées du formulaire déposé le 9 juillet 2009. Dans ces circonstances, la demande d'autorisation de construire n'avait jamais été valablement déposée et les honoraires déduits en justice n'étaient pas dus, étant souligné que la proposition faite par U______, qui ne disposait d'aucun pouvoir de représentation, ne l'engageait pas. A______ SA a également contesté que le document de synthèse établi par l'Etat du Valais puisse être qualifié d'octroi d'une autorisation de construire. Revenant sur l'existence – potentielle – d'un contrat oral antérieur (au contrat litigieux qui aurait été conclu non plus, selon ses nouvelles explications, avec E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA mais avec F______), A______ SA a insisté sur l'absence de volonté de le soumettre au règlement SIA 102. En ce qui concerne l'exécution du contrat écrit du 27 janvier 2008, A______ SA a soutenu que si B______ SA avait voulu exclure certaines prestations (sous-phases) englobées dans les sous-titres détaillés aux art. 4.1 et 4.32 SIA 102, elle aurait dû le faire par écrit. A défaut, il fallait admettre que ces prestations contractuelles devaient bel et bien être exécutées par les architectes. Faute de les avoir accomplies intégralement, B______ SA ne pouvait réclamer qu'une fraction du montant de 740'000 fr.

e. En ce qui concerne le projet développé par E______, père de F______, il ressort encore des déclarations de ce dernier devant le Tribunal qu'il n'y avait pas participé, ayant lui-même commencé sa pratique professionnelle ultérieurement. Son père avait eu l'intention de construire vingt-deux tours dans le plan de quartier de la fin des années 1960 mais seulement trois – composées d'appartements – avaient finalement été réalisées. Il n'y avait pas eu de [dossier de demande] d'autorisation de construire pour ces vingt-deux tours mais uniquement pour celles réalisées. Si l'idée d'implanter des tours avait été conservée, B______ SA n'avait pas du tout repris le projet de E______. Le projet développé pour A______ SA était totalement différent, notamment au niveau des matériaux, des normes et de la destination des immeubles qui étaient de nature hôtelière.

Selon ses déclarations au Tribunal, S______ n'avait pas connaissance d'un contrat conclu entre A______ SA et E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA et n'avait pas vu de document y relatif dans les dossiers de la société. Avec d'autres employés, il avait examiné les plans établis par F______ et constaté que le projet était "très ressemblant" par rapport au projet du [précédent] plan de quartier pour des tours en zone 1 de la commune de G______.

Le témoin J______ a déclaré au Tribunal qu'aucun plan du projet initié par le père de F______ n'avait été repris dans le cadre du projet développé en zone 1 de la commune de G______ par A______ SA. Les immeubles construits étaient d'ailleurs totalement différents des trois tours existantes. Il ressort encore des déclarations de ce témoin que F______ n'avait "jamais autant travaillé de sa vie que dans le cadre de la réalisation de ce projet (…) il avait fourni beaucoup de travail". Il s'agissait d'un projet exigeant, compte tenu de l'absence d'expérience en Suisse avec ce genre de constructions en région de montagne, hormis les tours construites par le père de F______ dans les années 1970. Un groupe de travail, regroupant plusieurs spécialistes et avocats, avait été créé par A______ SA. Les réunions avec les représentants de la commune avaient eu lieu plusieurs fois par mois, séances qui duraient entre une demi-journée et une journée.

f. A la suite de ces auditions, le Tribunal a confié à D______, architecte, la mise en œuvre d'une expertise portant sur les prestations réalisées par les architectes.

g. Par ordonnance du 4 février 2021, le Tribunal a écarté le rapport d'expertise déposé le 18 mai 2020 par l'expert précité pour absence de rigueur. L'expert étant dans l'intervalle devenu durablement incapable de répondre aux questions, respectivement aux critiques, ou de compléter son rapport, le Tribunal a ordonné la mise en œuvre d'une nouvelle expertise.

h. Un nouvel expert, en la personne de Y______, architecte, a été nommé pour répondre aux mêmes questions que celles posées au précédent expert.

i. Le 23 février 2022, Y______ a rendu son rapport d'expertise portant sur les prestations réalisées par les architectes, parvenant à la conclusion que B______ SA avait réalisé 30 % des prestations comprises dans le contrat d'architecte sur les 32.5 % prévues (réponse question 4.7).

Selon l'expert, les prestations ordinaires relatives à l'avant-projet et à la demande d'autorisation étaient complètes. En revanche, les prestations en lien avec le projet de l'ouvrage étaient partiellement accomplies, dès lors que la sous-prestation "Devis" n'avait été exécutée qu'à hauteur de 2.5 % sur les 4 % prévus par le contrat. Cette sous-prestation impliquait l'établissement d'un devis décrivant de façon détaillée les travaux et fournitures prévus, la désignation des matériaux choisis avec métrés et les prix indicatifs. Or, seul figurait au dossier un document permettant un calcul détaillé des volumes et des surfaces. Ce document était néanmoins suffisamment détaillé pour servir de base à une évaluation des coûts de construction avec la précision, exigée par l'art. 4 RSIA 102, de ± 10 %. Par ailleurs, une estimation du coût global du projet figurait également au dossier en annexe à la demande d'autorisation de construire. Toujours au sujet du devis, l'expert a relevé que les "pourparlers avec les entrepreneurs et les fournisseurs" se faisaient usuellement dans la phase de l'appel d'offre qui, en l'occurrence, ne faisait pas partie du contrat d'architecte (réponse question 4.4). Une réduction de 183'077 fr. TTC sur les honoraires demandés se justifiait selon le calcul suivant: 2.5 % / 32.5 % x 2'380'000 fr. (réponses questions 4.4, 4.7 et 4.9). En audience, l'expert a déclaré que son calcul [portant sur le montant des honoraires dus] devait être refait, admettant ainsi une erreur de calcul (réponse à la question no 4.9).

S'agissant des prestations relatives à l'avant-projet, l'expert a constaté l'absence de certains documents au dossier. Il s'est fondé sur l'art. 4.31 du RSIA 102 qui énumère un total de vingt-deux sous-prestations ordinaires pour la phase de l'avant-projet. Il a comparé cette liste de sous-prestations au dossier qui lui avait été fourni et a retenu que les documents que lui avaient remis les parties ne permettaient pas d'illustrer neuf des vingt-deux sous-prestations ordinaires libellées à l'art. 4.31 du règlement précité, soit les prestations suivantes:

1)   Analyse des intentions et des besoins du mandant [correspondant dans le règlement SIA 102 au premier tiret de la sous-prestation ordinaire "Recherche de partis" figurant dans le domaine de travail "Objet du mandat/Description, représentation"];

2)   Recherche d'un ou plusieurs partis présentés sous forme d'esquisses [correspondant dans le règlement SIA 102 au quatrième tiret de la sous-prestation ordinaire "Recherche de partis" concernant le domaine de travail précité];

3)   Définition des critères d'évaluation [correspondant dans le règlement SIA 102 au cinquième tiret de la sous-prestation ordinaire "Recherche de partis" concernant le domaine de travail précité];

4)   Prise en considération des propositions présentées par les professionnels spécialisés et les conseillers [correspondant dans le règlement SIA 102 au troisième tiret de la sous-prestation ordinaire "Avant-projet" concernant le domaine de travail précité];

5)   Commentaire ou rédaction d'une notice explicative [correspondant dans le règlement SIA 102 au quatrième tiret de la sous-prestation ordinaire "Avant-projet " concernant le domaine de travail précité];

6)   Etablissement des principes constructifs et de leur matérialisation [correspondant dans le règlement SIA 102 au sixième tiret no 6 de la sous-prestation ordinaire " Avant-projet " concernant le domaine de travail précité];

7)   Etablissement du calendrier général de l'opération [correspondant dans le règlement SIA 102 au premier tiret figurant dans le domaine de travail "Délais"];

8)   Prise en considération des conditions-cadre des professionnels [correspondant dans le règlement SIA 102 au deuxième tiret concernant le domaine de travail précité];

9)   Protocole des décisions et des phases intermédiaires importantes [correspondant dans le règlement SIA 102 au premier tiret figurant dans le domaine de travail "Administration"].

L'expert a remarqué que l'absence de ces documents ne signifiait toutefois pas que ces sous-prestations n'avaient pas été effectuées. En effet, l'élaboration d'un plan de quartier dans une région aussi sensible, nécessitait la consultation d'ingénieurs spécialisés. Il en allait de même de l'existence d'une collaboration suivie avec les services techniques communaux et cantonaux, ce que V______ et W______ avaient confirmé lors de leur audition. A cela s'ajoutait que dans la pratique, certaines sous-prestations prévues dans la liste du règlement SIA 102 n'étaient jamais réalisées dans le cadre de l'avant-projet car elles n'étaient pas pertinentes ou impossibles à ce stade (réponse question 4.2). Devant le Tribunal, l'expert a déclaré qu'il était possible de les réaliser dans la phase ultérieure de l'appel d'offre pour autant que les plans d'appel d'offre aient été faits (complément réponse question 4.2).

L'expert a également déclaré que la "Recherche de partis" présentée sous la forme d'esquisses ne donnait pas forcément lieu, dans la pratique, à un document spécifique, raison pour laquelle il n'avait pas réduit le pourcentage relatif à la phase de l'avant-projet. En tous les cas, il était impossible de réaliser un projet définitif sans faire au préalable des esquisses et un avant-projet. Ces documents étaient modifiés à chaque stade et n'étaient que rarement conservés (complément réponse question 4.2 et 4.7). Certaines prestations listées dans le règlement SIA 102 ne nécessitaient pas l'établissement d'un document particulier car il s'agissait de prestations implicites. Tel était le cas, au stade de l'avant-projet des prestations désignées "Prise en considération des conditions-cadre des professionnels spécialisés" et "Analyse des intentions et de besoins du mandant" pour lesquelles aucun document ne figurait dans le dossier soumis (complément réponse question 4.2).

S'agissant des prestations en lien avec l'établissement du projet, l'expert s'est fondé sur l'art. 4.32 du RSIA 102, qui détaille les prestations ordinaires pour cette phase. Il a comparé cette liste au dossier qui lui avait été fourni et a retenu que les documents permettant d'illustrer sept des sous-prestations ordinaires libellées à l'art. 4.32 du règlement précité [sur les seize énumérées dans ladite norme] ne figuraient pas dans le dossier remis par les parties, soit les prestations suivantes:

1)   Définition des principes constructifs et des matériaux en collaboration avec le mandant et les autres mandataires (sauf en ce qui concerne des détails de façades et de couverture) [correspondant dans le règlement SIA 102 au deuxième tiret de la sous-prestation ordinaire "Projet de l'ouvrage" figurant dans le domaine de travail "Objet du mandat/Description, représentation"] ;

2)   Etude de détails constructifs ou d'architecture, choix des matériaux et de leur mise en œuvre (sauf en ce qui concerne des détails de façades, de couverture et de structure) [correspondant dans le règlement SIA 102 au deuxième tiret de la sous-prestation ordinaire "Etudes de détail" concernant le domaine de travail précité];

3)   Etablissement de détails à une échelle appropriée à la détermination des coûts (sauf en ce qui concerne des détails de façades et de couverture) [correspondant dans le règlement SIA 102 au troisième tiret de la sous-prestation ordinaire "Etudes de détail" concernant le domaine de travail précité];

4)   Etablissement du devis décrivant de façon détaillée les travaux et fournitures prévus, désignation des matériaux choisis avec métrés et prix indicatifs [correspondant dans le règlement SIA 102 au premier tiret (1ère phrase) de la sous-prestation ordinaire "Devis", intégrée à la catégorie du domaine de travail intitulée "Coûts, financement"];

5)   Pourparlers avec les entrepreneurs et les fournisseurs [correspondant dans le règlement SIA 102 au troisième tiret de la sous-prestation ordinaire "Devis" concernant le domaine de travail précité];

6)   Mise à jour du calendrier général de l'opération [correspondant dans le règlement SIA 102 à l'unique tiret du domaine de travail intitulée "Délai"];

7)   Fixation des décisions importantes [correspondant dans le règlement SIA 102 à l'unique tiret du domaine de travail intitulée "Administration"].

L'expert a remarqué que l'absence desdits documents ne signifiait pas non plus que ces sous-prestations n'avaient pas été effectuées. En effet, elles pouvaient prendre la forme de discussions entre les architectes et le maître de l'ouvrage et les ingénieurs ou les entreprises. De nombreux courriers, documents et procès-verbaux figurant au dossier attestaient, tout comme le document "Synthèse des prises de position des organes consultés", ainsi que les déclarations de V______ et W______ que les architectes avaient effectivement collaboré avec des ingénieurs spécialisés (soit notamment les bureaux d'études Z______, AA______, AB______ et AC______.). Au vu de la qualité des images de synthèse en trois dimensions, il était peu plausible qu'elles aient pu être élaborées sans études constructives de façades et de structures. Le dossier de demande d'autorisation comprenait notamment des calculs détaillés des surfaces et des volumes des différentes parties du projet (réponse question 4.1).

Devant le Tribunal, l'expert a déclaré qu'il était rare, au stade du projet, que des devis détaillés soient réalisés. Cela s'expliquait en raison du fait que l'architecte ne savait pas encore s'il obtiendrait une autorisation [de construire] ni même si la réalisation de l'ouvrage lui serait confiée par la suite. La même réflexion s'imposait pour le calendrier général (complément réponse question 4.1).

Dans son rapport, l'expert a observé que la procédure de demande d'autorisation de construire avait été réalisée par B______ SA. Ladite demande avait été déposée en juillet 2009, soit avant l'approbation du plan de quartier par la commune de G______ en juillet 2010 et avant son approbation par l'Etat du Valais en mars 2012. Ledit plan de quartier avait ensuite été invalidé par le Tribunal fédéral en janvier 2016. Cette invalidation avait empêché la délivrance de l'autorisation de construire par la commune précitée (réponse question 4.6). Lors de son audition par le Tribunal, l'expert a expliqué que le plan de quartier définissait l'assiette au sol, le gabarit, les voies de circulation, les réseaux de distribution et les canalisations dans le cadre duquel le projet s'inscrirait. Les dispositions du plan de quartier devaient correspondre à la demande d'autorisation de construire. Compte tenu de l'invalidation du plan de quartier, il fallait en établir un nouveau et le faire valider afin de pouvoir déposer une nouvelle autorisation de construire (complément de réponse à la question 4.6).

A la lecture du contrat, les honoraires prévus étaient forfaitaires et indépendants du nombre d'heures nécessaires pour l'accomplissement des prestations y relatives. L'expert avait toutefois procédé au calcul des honoraires d'après le coût de l'ouvrage et estimé à 4'984 le nombre d'heures de travail nécessaire pour fournir les prestations dont les honoraires étaient réclamés (687'732 fr. HT / 138 fr./ heure) (réponse question 4.9).

En conséquence, sous réserve de la question de droit de savoir si toutes les sous-prestations ordinaires figurant dans la norme SIA 102 en regard des différentes phases devaient être réalisées in extenso et faire l'objet ou non de la production de documents spécifiques par l'architecte, les honoraires demandés par les architectes correspondaient, selon l'expert, aux dispositions du contrat d'architecte, sauf en ce qui concernait une partie de la sous-prestation "Devis" dans la prestation "Projet de l'ouvrage" dont la quote-part d'honoraires devait donc être déduite selon les réponses données aux questions 4.7 et 4.9.

j. Les 20 et 23 décembre 2022, les parties ont déposé au Tribunal des plaidoiries finales écrites.

B______ SA a persisté dans ses conclusions initiales et pris une conclusion supplémentaire en paiement de dépens à concurrence de 48'395 fr. 425. A l'appui de cette nouvelle conclusion, la société a déposé seize note d'honoraires de son conseil couvrant la période du 1er décembre 2016 au 21 décembre 2022. Elles concernaient, sans distinction, l'activité de conseil déployée tant dans le cadre de la présente procédure que dans le cadre d'une procédure civile parallèle opposant A______ SA à une société tierce ayant pour objet un projet de construction sur le site de M______ situé pour celui-ci en zone 4 de la commune de G______ (C/5______/2016).

A______ SA a persisté dans ses conclusions.

k. Par mémoire des 18 et 19 janvier 2023, les parties se sont encore exprimées spontanément sur les plaidoiries finales écrites. En particulier, A______ SA s'est opposée à ce que les éventuels dépens à sa charge soient fixés à un montant supérieur à celui prévu par le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC).

l. Le Tribunal a gardé la cause à juger le 23 janvier 2023.

E. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que les parties étaient liées par un contrat relatif aux prestations de l'architecte intégrant la norme SIA 102, dans sa version de 2003. Selon les termes clairs du contrat, B______ SA s'était vu confier uniquement les travaux préalables nécessaires à la réalisation d'un ouvrage (établissement de plans, projets de construction, préparation du dossier pour demander l'autorisation de construire), soit des prestations d'architecte correspondant à la phase 3 de l'art. 7.9 du règlement SIA 102. Les rapports contractuels des parties étaient ainsi soumis aux règles du contrat d'entreprise (art. 363ss CO).

D'emblée, le premier juge a notamment écarté, faute d'allégations et de preuves suffisantes, l'argumentation de A______ SA, qu'il a qualifiée d'"amphigourique", en lien avec de prétendus travaux réalisés avant la signature de ce contrat tendant à démontrer que ceux-ci ne devaient pas être rémunérés. Toutes les thèses visant à soutenir qu'une partie des travaux aurait été soumise à une autre prestation contractuelle n'avaient ainsi pas à être examinées.

L'argument de B______ SA selon lequel l'art. 4 du règlement SIA 102 ne s'appliquerait pas au rapport contractuel noué entre les parties ne portait pas. Le chiffre 2.1 du contrat y faisait expressément référence, de sorte que le fait que seule une partie du règlement SIA 102, n'incluant pas l'art. 4, ait été annexée au contrat, n'était pas pertinent; B______ SA ne prétendait, en outre, pas que ledit article serait contraire à une autre clause du contrat. Les tâches détaillées par l'art. 4 RSIA 102, sous ch. 4.31 à 4.33, n'avaient pas vocation à être toutes exécutées pour chaque ouvrage. Il n'existait, en effet, pas de présomption en ce sens à la lecture des art. 3.3.3 et 4 RSIA 102. On ne pouvait, en outre, pas déduire du contrat d'architecte ou du règlement SIA 102 que la forme écrite serait obligatoire pour exclure une prestation du contrat. Il incombait donc à A______ SA d'apporter la preuve de l'existence d'un accord entre les parties portant sur toutes les tâches listées aux ch. 4.31 à 4.33 RSIA 102, ce qu'elle n'avait pas fait.

S'agissant du rapport d'expertise, le Tribunal a retenu que l’avis de l'expert, selon lequel l'absence de certains documents dans le dossier ne signifiait pas encore que les sous-prestations examinées n'avaient pas été réalisées par B______ SA, n'était pas arbitraire contrairement à ce que soutenait A______ SA. L'expert avait expliqué de manière convaincante que la réalisation de ces prestations pouvait être déduite soit d'autres documents au dossier soit de déclarations de témoins clés qui confirmaient leur existence. Dans la pratique, certaines des sous-prestations manquantes n'étaient pas forcément documentées et d'autres prévues dans la phase du projet par l'art 4 RSIA 102 étaient dans la pratique réalisées que dans la phase postérieure à l'appel d'offre, qui ne faisait pas partie du contrat d'architecte.

S'agissant de l'exécution des prestations, rien dans la procédure, hormis l'appréciation du représentant de A______ SA (S______) pour qui les projets élaborés par B______ SA étaient "très ressemblants" avec le projet du plan de quartier remontant à la fin des années 60, ne permettait de retenir, comme le soutenait A______ SA, que des plans auraient été réutilisés, voire réadaptés, par B______ SA dans le cadre du projet confié. Au contraire, il ressortait de l'audition des parties et du témoin J______ que le projet de E______ n'avait pas été repris.

B______ SA avait bien déposé la demande d'autorisation de construire. Cela ressortait du rapport d'expertise ainsi que des témoignages qui avaient aussi permis d'établir que le projet avait fait l'objet d'examens approfondis par les autorités communales et cantonales compétentes ayant donné lieu à leur demande à plusieurs modifications de celui-ci par les architectes en concertation avec A______ SA, notamment quant au nombre de tours à implanter. Il ressortait encore des témoignages que le document de synthèse émis par l'Etat du Valais correspondait à la dernière étape avant la prise de décision de la commune s'agissant de la délivrance de l'autorisation de construire, laquelle était en principe acquise lorsque le préavis du canton était – comme en l'espèce – positif. La demande d'autorisation de construire remplissait, par ailleurs, les conditions de forme, étant précisé que la signature du propriétaire des parcelles, représenté par A______ SA, conformément aux contrats de promesses d'achat-vente annexés à la demande d'autorisation de construire, n'était pas requise en sus. La critique de A______ SA en lien avec la qualité du dossier soumis en vue de la demande d'autorisation devait être écartée, dès lors que la précitée n'avait jamais cherché à établir la preuve du caractère insuffisant des plans et que son point de vue était contredit par les enquêtes, desquelles il ressortait que si le permis de construire n'avait pas été délivré par la commune, c'était en raison de l'invalidation du plan de quartier par le Tribunal fédéral. Il fallait également écarter le grief de A______ SA relatif au dépôt prématuré de la demande de permis de construire, vu le choix qu'elle avait elle-même fait en concertation avec la commune de G______ de requérir le permis de construire avant même que le plan de quartier ne soit validé.

Ainsi, B______ SA avait correctement exécuté les prestations prévues par le contrat à concurrence du degré de réalisation retenu par l'expertise judiciaire, soit 30% sur les 32.5% prestations convenues. Une réduction d'honoraires de 183'0777 fr. TTC devait donc être opérée sur le prix forfaitaire total de 2'380'000 fr. TTC. B______ SA aurait donc été en droit de prétendre à un montant de 1'356'923 fr. TTC (2'380'000 fr. prix forfaitaire sous déduction de 183'077 fr. prestations non exécutées et de 840'000 fr. pour les acomptes versés). Or, elle avait renoncé à réclamer l'entier de ses honoraires prévus par le contrat d'architecte pour la Phase I, se contentant de solliciter un solde de 740'000 fr. TTC correspondant à la deuxième échéance de paiement (déduction déjà faite de l'acompte de 50'000 fr. versé) prévue par le contrat au moment du dépôt de l'autorisation de construire. A______ SA serait ainsi condamnée à lui verser ledit montant, auxquels s'ajoutaient les intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 24 février 2016, date de la première interpellation faite à la débitrice. L'opposition au commandement de payer formé par A______ SA serait également écartée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse étant, en l'espèce, supérieure à 10'000 fr., l'appel, formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC), est recevable.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). La Cour dispose d'un pouvoir de cognition complet et revoit librement les questions de fait comme les questions de droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3)

En l'espèce, les éléments de fait que l'appelante estime comme établis de façon inexacte par le Tribunal ont – sur la base des actes et pièces de la procédure – été intégrés dans l'état de fait dressé ci-avant dans la mesure utile.

1.3 En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel. Selon la jurisprudence, il doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Il doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1; 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2).

1.4 La maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables à la présente procédure.

L'intimé peut lui aussi, sans introduire d'appel joint, présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les réf. cit.).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir renversé le fardeau de la preuve en violation de l'art. 8 CC en retenant que c'était à elle de prouver que l'intimée aurait réalisé des travaux avant la conclusion du contrat d'architecte.

Dans un second grief relatif au fardeau de la preuve, l'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré qu'il lui revenait d'apporter la preuve de l'existence d'un accord entre les parties sur l'exécution par l'intimée de toutes les tâches listées au chiffres 4.31 (avant-projet), 4.32 (projet de l'ouvrage) et 4.33 (procédure de demande d'autorisation) de l'art. 4 du règlement SIA 102. De son côté, l'intimée soutient que cette disposition ne s'appliquerait pas au rapport contractuel entretenu par les parties.

2.1.1 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

En l'absence d'une disposition spéciale instituant une présomption, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). Il en découle en principe que le rapport existant entre les normes matérielles applicables est déterminant pour la répartition du fardeau de la preuve. Ce rapport détermine de cas en cas si le fait à prouver fait naître un rapport de droit (fait générateur), s'il éteint ou modifie un droit (fait destructeur) ou s'il tient en échec cette naissance ou cette extinction (fait dirimant). Celui qui fait valoir une prétention doit établir les faits (générateurs) dont dépend la naissance du droit. En revanche, celui qui invoque la perte d'un droit ou qui conteste sa naissance ou son applicabilité a le fardeau de la preuve des faits destructeurs ou dirimants. Il s'agit là toutefois d'une règle générale qui, d'une part, peut être renversée par des règles légales relatives au fardeau de la preuve et qui, d'autre part, doit être concrétisée dans le cas d'espèce (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1; 130 III 321 consid. 3.1; 128 III 271 consid. 2.a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 5A_29/2015 du 5 juin 2015 consid. 3.3.3).

En vertu de l’art. 8 CC, l'architecte doit alléguer et prouver les faits pertinents pour l'évaluation de ses honoraires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_243/2022 du 26 février 2024 consid. 7.1).

2.1.2 Les contrats d'architecte sont en principe conclus à titre onéreux (art. 394 al. 3 CO). Conformément à cette disposition, les honoraires de l'architecte sont fixés en première ligne d'après la convention des parties. Ils peuvent l'être par le règlement SIA 102 si les parties ont intégré celui-ci à leur contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_89/2017 du 2 octobre 2017 consid. 5.2.1).

La norme SIA 102 contient un catalogue des prestations typiques de l’architecte, organisées en différentes phases (aebi-mabillard, La rémunération de l'architecte, 2015, n. 276). Les prestations à fournir normalement dans la phase de l'étude du projet, à savoir les phases partielles de l'avant-projet, du projet de l’ouvrage et la procédure de demande d'autorisation sont détaillées et subdivisées à l'art. 4.3 RSIA 102 en prestations ordinaires et en prestations à convenir spécifiquement (art. 3.2 RSIA 102). Selon l'introduction à l'art. 4 RSIA 102, le descriptif détaillé qui suit pour chaque phase ne constitue pas une liste exhaustive mais la description des prestations ordinaires à fournir en général, ainsi que des prestations éventuelles à convenir spécifiquement. A teneur de l'art. 3.3.3 RSIA 102, les prestations ordinaires sont celles qui sont en général nécessaires et suffisantes pour remplir un mandat. Selon la nature de la tâche, des prestations ordinaires peuvent voir leur importance relative modifiée ou ne pas être nécessaires, sans préjudice pour la qualité des résultats.

L’art. 4 RSIA 102 n’est pas exhaustif et n’établit pas non plus de « check-list ». Il se contente de décrire les prestations typiques que l’architecte doit généralement exécuter, selon l’expérience pratique. Le maître ne saurait donc se fonder sur cette disposition pour démontrer que l’architecte n’a pas correctement exécuté son contrat. Il incombe bien plus aux parties de convenir concrètement quelles prestations, ordinaires ou à convenir spécifiquement, l’architecte doit accomplir et quelle est leur étendue, en les précisant au besoin (aebi-mabillard, op. cit., n. 291 et les références doctrinales citées). Il n’existe aucune présomption sur la base de laquelle, en cas de doute, l’architecte est tenu d’exécuter l’ensemble des prestations ordinaires. Au contraire, la partie qui prétend qu’une certaine prestation est due doit prouver que celle-ci fait l’objet d’un accord (art. 8 CC) (aebi-mabillard, op. cit., n. 266, 268-271 et les références doctrinales citées).

2.2.1 En l'espèce, l'intimée réclame le paiement par l'appelante de 740'000 fr. au titre d'honoraires d'architecte. Elle supporte ainsi le fardeau de la preuve en ce qui concerne l'existence du contrat d'architecte conclu avec l'appelante et l'exécution des prestations prévues par ledit contrat. De son côté, l'appelante fait valoir que l'intimée, ou son animateur F______, agissant à titre personnel, aurait élaboré une partie des prestations fournies avant la conclusion du contrat d'architecte, de sorte que les honoraires prévus par ledit contrat ne seraient pas dus. Ce faisant, elle conteste la naissance du droit de l'intimée à être payée sur la base du contrat d'architecte pour les prestations qu'elle a exécutées. Il s'agit d'un fait dirimant qu'il lui appartenait de prouver et d'alléguer, comme l'a justement retenu le Tribunal. Or, l'appelante n'a pas suffisamment allégué, devant le premier juge, les prestations que l'intimée aurait élaborées avant la conclusion du contrat d'architecte. En effet, contrairement à ce qu'elle soutient, elle s'est contentée de faire valoir que certains documents produits par l'intimée à l'appui de sa demande en paiement constituaient "de simples adaptations, notamment de dates" de plans sur des parcelles appartenant à F______ et sa famille, que celui-ci aurait élaborés du temps de E______ & ARCHITECTES ASSOCIES SA, sans toutefois désigner les documents en question. L'appréciation des preuves par le premier juge n'est ainsi pas critiquable, dès lors que l'appelante n'a pas suffisamment motivé les faits dont elle supportait le fardeau de la preuve et de l'allégation. Devant la Cour, l'appelante se réfère nouvellement, à l'appui de ses allégations précitées, à la pièce n. 4 (Plan des zones du projet "M______") produite par l'intimée avec sa demande du 13 juin 2017 à l'appui de son allégué n. 6, qui a été admis par l'appelante dans sa réponse du 30 novembre 2017. Cette pièce n'est, toutefois, pas de nature à fonder son argumentation, dès lors qu'aucune date n'y figure, contrairement à ce qu'elle prétend.

En conséquent, le grief est infondé.

2.2.2 C'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'art. 4 RSIA 102 s'appliquait au rapport contractuel des parties, dès lors que le contrat d'architecte (ch. 2.1) mentionne expressément l'application de cette norme pour désigner les prestations à exécuter par l'intimée. Le grief de celle-ci en lien avec cette problématique est, de toute façon, insuffisamment motivé.

S'agissant du grief soulevé par l'appelante en lien avec l'art. 4 RSIA 102, il convient de relever que cette disposition stipule que le descriptif des prestations qu'elle contient "ne constitue pas une liste exhaustive mais la description des prestations ordinaires à fournir en général". Par ailleurs, selon l'art. 3.3.3 RSIA 102, les prestations ordinaires peuvent ne pas être nécessaires selon la nature de la tâche à accomplir. Le texte clair du règlement SIA 102 permet ainsi de retenir, à l'instar du Tribunal et de la doctrine, qu'il n'existe pas de présomption selon laquelle toutes les tâches détaillées à l'art. 4 RSIA 102 (sur dix-neuf pages) doivent être exécutées quel que soit le type de construction, vu notamment la grande variété de construction pouvant être confiée à un architecte. Or, en l'absence d'une telle présomption, il appartenait à l'appelante de prouver l'existence d'un accord sur chacune des tâches décrites aux chiffres 4.31 à 4.33 RSIA 102, ce qu'elle n'a pas fait. Cette dernière ne critique, par ailleurs, pas l'avis du Tribunal selon lequel les parties ne devaient pas expressément exclure par écrit les prestations non nécessaires listées à l'art. 4 RSIA 102.

Il en découle que le grief est infondé.

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu que l'intimée avait droit au paiement des honoraires sollicités.

Elle lui fait grief de n'avoir pas examiné si l'intimée avait bien exécuté toutes les tâches listées à l'art. 4 du règlement SIA 102 et de n'avoir, en conséquence, pas constaté l'absence de plusieurs prestations ressortant de cette norme. Une partie des documents produits en annexe de la demande en paiement constituaient, en outre, des adaptations de documents établis antérieurement par E______ & ARCHITECTE ASSOCIES SA.

L'appelante reproche ensuite au Tribunal d'avoir considéré que "le papier" envoyé par l'intimée le 9 juillet 2009 était une demande d'autorisation de construire. Elle soutient que l'intimée n'aurait pas déposé de demande d'autorisation de construire, dès lors que ledit document n'en comporterait pas les qualités requises. Il serait insuffisant au niveau matériel et incomplet quant à la forme. Le dépôt de ce document aurait, en outre, été prématuré.

3.1.1 La norme SIA 102 rappelle à l’art. 1.5.1 le principe selon lequel les honoraires doivent correspondre aux prestations fournies. En cas de mauvaise exécution du contrat, l’architecte ne peut donc pas prétendre à l’entier des honoraires convenus ; peu importe alors que le maître ait subi un dommage ou non. La norme SIA 102 ne précise pas comment calculer la réduction des honoraires. Cela étant, conformément au principe ressortant de l’art. 1.5.1 RSIA 102, on peut retenir en cas d’honoraires forfaitaires que l’architecte n’a droit qu’à une quote-part du montant initialement convenu. Sur la base du catalogue de prestations (art. 7.9 RSIA 102), le juge doit évaluer la part des prestations que l’architecte a mal exécutée et réduire le montant convenu des honoraires en conséquence (aebi-mabillard, op. cit., n. 1249, 1251, 1252).

L’étude du projet est la description du processus de construction au moyen de textes et de dessins. Elle permet d’obtenir une représentation sommaire du projet envisagé. Selon l’art. 7.9 RSIA 102, l’étude du projet correspond aux 32.5 % de l’ensemble des prestations ordinaires (aebi-mabillard, op. cit., n. 297).

3.1.2 A teneur de l'art. 39 al. 4 de la Loi sur les constructions valaisanne (RS/VS 705.1; LC), la demande d'autorisation de construire est signée manuscritement (format papier) ou validée (format numérique) par l’auteur des plans, le propriétaire du fonds et le requérant ou son mandataire. En présence de plusieurs propriétaires, les règles de consentement sont notamment régies par le droit civil.

Selon l'art. 26 de l'Ordonnance sur les constructions valaisanne (RS/VS 705.100; OC), la demande d'autorisation de construire doit notamment contenir les noms et adresses du propriétaire ou des propriétaires du fonds, du requérant ou de son mandataire et, le cas échéant, de l’auteur des plans (let. a) ainsi que les données statistiques (type de construction, nombres de logements et de pièces, de bureaux-commerces-artisanat, volume SIA, etc.) (let. k).

3.1.3 L'expertise est un moyen de preuve parmi d'autres dont le juge apprécie librement la force probante. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l'expert, il ne peut toutefois s'écarter de son opinion que pour des motifs importants qu'il lui incombe d'indiquer, par exemple lorsque le rapport d'expertise présente des contradictions ou attribue un sens ou une portée inexacts aux documents et déclarations auxquels il se réfère (ATF 101 IV 129 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_275/2023 du 7 août 2023 consid. 4.7).

3.2.1 En l'espèce, le Tribunal, pour retenir que l'intimée avait droit au paiement des honoraires sollicités, s'est fondé sur l'expertise. L'expert a examiné si la précitée avait exécuté toutes les tâches listées aux chiffres 4.31 (pour l'avant-projet), 4.32 (pour le projet de l'ouvrage) et 4.33 (pour la procédure de demande d'autorisation) du règlement SIA 102, ce que l'appelante omet de relever. En outre, cette dernière ne mentionne, ni à fortiori, ne critique ladite expertise, qui contredit son argumentation. En particulier, pour étayer le fait que l'intimée n'aurait pas exécuté le contrat, l'appelante fait uniquement valoir l'absence des documents listés par l'expert dans son rapport, en passant sous silence et, a fortiori, sans les critiquer, les explications convaincantes et détaillées de l'expert – reprises par le Tribunal – selon lesquelles l'intimée avait bien accompli les prestations litigieuses quand bien même aucun document les illustrant ne figurait au dossier (cf. "En fait" let. D.i et let. E supra).

Enfin, en ce qui concerne les plans soumis par l'intimée qui constitueraient une adaptation de ceux élaborés avant la signature du contrat d'architecte, l'appelante se contente de répéter ses allégations de première instance sans critiquer le raisonnement suivi par le Tribunal sur ce point, de sorte que sa motivation est insuffisante. A toutes fins utiles, la Cour fait sienne l'argumentation du premier juge (cf. "En fait" let. E supra).

Par conséquent, le grief est infondé.

3.2.2 En ce qui concerne les qualités matérielles du "document" déposé par l'intimée le 9 juillet 2009, l'appelante cite à tort l'art. 32 OC au lieu de l'art. 26 OC, puis se borne à soutenir qu'un faisceau d'indices prouverait que le "document appelé à tort autorisation de construire n'arrive[rait] pas au degré de détail requis pour une autorisation de construire". Elle n'énonce toutefois aucuns desdits indices, hormis le fait que la répartition des affectations des surfaces habitables n'aurait pas été précisée dans la demande d'autorisation de construire déposée par l'intimée, ce qu'elle ne prouve, au demeurant, pas. À cet égard, il est encore relevé que dans son arrêt du 13 janvier 2016, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si cette affectation devait être définie dans le règlement du plan de quartier ou dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_568/2014 et 1C_576/2014 du 13 janvier 2016 consid. 6.2). L'appelante ne critique, par ailleurs, pas le développement détaillé du premier juge expliquant les raisons pour lesquelles il a considéré, sur la base de l'expertise et de nombreux témoignages, que la demande déposée par l'intimée constituait bien une demande d'autorisation de construire. Sa motivation est ainsi insuffisante.

S'agissant des exigences de forme de la demande d'autorisation de construire, et en particulier de la signature du formulaire ad hoc par le propriétaire des parcelles, l'appelante se contente de citer un article à nouveau erroné de la loi sur les constructions valaisanne, relatif à la demande d'autorisation de construire, sans critiquer l'avis du Tribunal selon lequel ledit propriétaire était dument représenté par l'appelante conformément aux contrats de promesses d'achat-vente annexés à la demande, de sorte que sa signature n'était pas requise en sus de celle de l'appelante. Pour le surplus, il sera encore relevé qu'aucun des préavis rendus ou autre pièce du dossier ne constate des manquements de la demande quant à sa forme.

En ce qui concerne le moment auquel la demande d'autorisation de construire a été déposée par l'intimée, l'appelante allègue pour la première fois devant la Cour qu'elle n'aurait pas été informée par l'intimée de la nécessité pour le dépôt de l'autorisation de construire de l'approbation préalable du plan de quartier. Cette allégation, non prouvée, est en tout état irrecevable car tardive. Il ressort, en outre, le contraire du dossier; comme le relève le Tribunal fédéral dans son arrêt du 13 janvier 2016, l'appelante "a elle-même fait le choix de ne pas [les] coordonner [les différentes étapes du projet touristique] en présentant certaines demandes de permis de construire avant la planification du secteur litigieux" (arrêt du Tribunal fédéral 1C_568/2014 et 1C_576/2014 précité consid. 7.3). Ainsi, dans la mesure où, contrairement à ce qu'elle allègue, [il peut être admis qu'] elle a choisi cette stratégie en connaissance de cause en concertation avec la commune de G______, elle ne peut valablement s'en plaindre à ce stade.

Au vu de tout ce qui précède, le grief est infondé et sera rejeté.

3.2.3 Le jugement entrepris sera donc confirmé.

4. 4.1 L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 27'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC). Ces frais seront compensés avec l'avance de frais du même montant que la précitée a versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

4.2 L'appelante sera, en outre, condamnée à verser à l'intimée 20'000 fr. au titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus (art. 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 11 décembre 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/12865/2023 rendu le 7 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25696/2016.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 27'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance du même montant qu'elle a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à payer 20'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.